Pensine de Zuhra de Fronsac

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# À propos de Guilhem d'Alefsen (1/2)

Zuhra Mativa Bérangère

de Fronsac

couleurs préférées ✵ le rouge carmin et l'or

fleurs préférées ✵ le narcisse des poètes : (narcissus poeticus), variété de narcisse aux pétales blanches ornée d'une petite couronne jaune liserée de rouge, à l'odeur sucrée et intense, qui ne pousse qu'au printemps dans les plaines montagneuses ; la fritillaire pintade (fritillaria meleagris), fleur aux pétales en cloche marbrée de motifs en damier violet et blanc, mais à l'odeur forte et muscée

langues ✵ en plus du français, maîtrise le gascon occitan, le basque, l'espagnol, l'arabe et le latin

parfum ✵ notes de tête : fleur d’oranger, lys blanc, magnolia ; notes de cœur : rose centifolia, pivoine, gardénia ; notes de fond : lavandin, musc blanc et fève tonka

amortentia ✵ la pierre humide au soleil, le papier ancien, l'abricot et le bois de santal

épouvantard ✵ les bombes moldues

patronus ✵ une huppe fasciée

baguettes ✵ principale bois de chêne rouge, cœur en plume d’Oiseau-Tonnerre, trente centimètres, assez rigide ; première bois de tremble, cheveu de vélane et de vingt-sept centimètres, plutôt souple

accessoires ✵ porte une médaille religieuse de Saint Georges ; son fume cigarette est en nacre avec une bague en or

divers ✵ insomniaque chronique qui ne cède ses nuits à aucune potion ; passionnée de dragons et de littérature ; fume des cigarettes ; joue du piano et chante ; préfère les cocktails à la cerise ; ne refuse jamais une danse ; collectionne les éditions originales de livres rares et les statues en porcelaine de demiguises

limites ✵ si la Demoiselle de Gascogne est tout à fait compétente dans ce qu'elle entreprend, de par son éducation elle est parfaitement incapable de cuisiner quelque chose de mangeable, faire des courses alimentaires avec intelligence, et autres besognes du quotidien toujours laissées à des employés de sa maison

Documents relatifs à la scolarité de Zuhra:

Emploi du temps de Zuhra:

avant l’an 1000 : fondation de la famille de Fronsac et installation au domaine de Belroy
1130 : fondation de l’Ordre du Temple sorcier
1204 : Thomas et Gaultier de Fronsac reviennent de la quatrième croisade pour découvrir que les De Valoys ont offert leur fief familial à une famille marquise ; ils font la guerre à l’usurpateur et au roi et reprennent ce qui leur appartient
1536 : les de Fronsac sont les artisans dans l’alliance entre le royaume de France et l’empire de Soliman le Magnifique ; ils s’enrichissent considérablement et leur domaine est restructuré pour correspondre à ce qu’il est encore aujourd’hui
1789 : le Duc de Fronsac vend son fer aux républicains, mais garde officiellement une position neutre et l’oreille du roi à qui il conseille de céder aux révolutionnaires ; il refuse d’abdiquer de son titre
1872 : naissance de Ishaq de Fronsac
1874 : naissance de Agathe d’Adhémar
1889 : à la majorité d’Ishaq son père, Hadrien de Fronsac, abdique son titre de duc en sa faveur afin de pouvoir se concentrer sur les affaires de l’Ordre du Temple ; ses autres enfants demeurent avec leur frère dans le château ducal jusqu'à la fin de leurs études ou leur mariage
1891 : mariage d’Ishaq et Agathe
21 mai 1892 : naissance de Zuhra
29 juin 1896 : naissance de Soraya
1898 : naissance de Najima
1903-1910 : études de Zuhra à Beauxbâtons, dans la faction du Zénith
1907-1914 : études de Soraya à Beauxbâtons, dans la faction de la Nuit
1909-1917 : études de Najima à Beauxbâtons, dans la faction de l'Aurore
hiver 1909 : Zuhra devient Aspirante au sein de l'Ordre du Temple
18 septembre 1910 : mariage de Zuhra et Guilhem d’Alefsen
octobre 1910 : Zuhra et son époux emménagent à Paris
1911 : Ishaq accepte de commencer à former Zuhra en occlumancie
été 1913 : Zuhra devient Chevalière de l'Ordre du Temple
1913 : après trois ans de formation, Zuhra entre au Ministère en tant que tireuse de baguette
20 septembre 1914 : première grossesse et fausse couche de Zuhra
été 1915 : après avoir rassemblé ses cooptations, Soraya devient Aspirante initiée au sein de l'Ordre du Temple
03 octobre 1916 : seconde grossesse et fausse couche de Zuhra
21 juin 1917 : attentats de Paris et mort de Guilhem
juillet 1917 - octobre 1917 : Zuhra disparaît de la vie mondaine parisienne, retourne officiellement s'installer chez ses parents mais enchaîne surtout les demandes d'affections à toutes les missions possibles et découche pour travailler
2 septembre 1917 : Soraya demande à être mariée pour épargner un remariage hâtif à Zuhra
novembre 1917 : repérée dans le cadre d'une mission d'escorte de membres du renseignement sur le territoire ennemi, Zuhra est recommandée pour intégrer le bureau de préservation du secret comme employée du renseignement et commence une formation accélérée afin de pouvoir être renvoyée sur le terrain au plus vite dans ce contexte de guerre
07 décembre 1917 : mariage de Soraya et Etienne Saint-Cyr
automne 1918 : Najima part à l’étranger
1918-1926 : Zuhra enchaîne les missions à l'étranger pour le Ministère et en profite pour se créer un large réseau tout autour de la Méditerranée ; elle commence à aider son père à gérer les affaires de la famille et représente les intérêts de celle-ci dans les pays qu'elle visite en y établissant des liens commerciaux et diplomatiques ; Najima passe énormément de temps avec sa sœur et la seconde régulièrement sur les affaires de Fronsac à l'étranger ; en France elle demeure principalement au Château de Belroy où elle divertit la bonne société du sud de la France et du nord de l'Espagne en organisant des fêtes somptueuses dans le domaine de son père
15 décembre 1918 : naissance d’Arsène Saint-Cyr
27 juin 1920 : naissance d’Eugénie Saint-Cyr
printemps 1921 le duc Eugène Saint-Cyr disparaît mystérieusement ; son cadet, Étienne, lui succède, Soraya devient duchesse consort de Normandie
automne 1922 : Étienne se convertit aux idées de Soraya qui devient Chevalière de l'Ordre du Temple
janvier 1924 : Soraya devient conservatrice au musée de Rouen
09 juin 1925 : naissance d’Octave Saint-Cyr, Zuhra est choisie comme marraine
octobre 1925 : Étienne est hospitalisé, dans le coma, suite à la noyade résultant du naufrage de son voilier de plaisance
février 1926 : Soraya trouve un nouvel emploi au Louvre magique, comme conservatrice
avril 1926 : Zuhra est en charge de l'équipe du renseignement au sein du Bureau de la préservation du secret
août 1926 : nouvelle loi sur le droit d’héritage féminin
automne 1926 : Zuhra reprend immédiatement après le passage de la loi son nom de naissance et revendique son statut d'héritière, Ishaq ne fait rien pour la contredire et l'intègre complètement aux affaires de la famille mais ne fait pas non plus la moindre déclaration officielle pour la soutenir et la reconnaître comme la future duchesse ; en privé la famille de Fronsac se déchire entre ceux qui supportent Zuhra et ceux qui préfèreraient que soient menées à bien les négociations avec les Saint-Cyr pour une adoption d'Octave par le duc
hiver 1926 : Zuhra mène des négociations pour un mariage avec un membre d'une branche secondaire des de Borbón, famille royale espagnole
février 1927 : les fiançailles de Íñigo de Borbón y País Vasco et Zuhra de Fronsac sont annoncées et fêtées à Madrid ; les négociations avec les Saint-Cyr s'enlisent car certains attendent ce mariage pour se positionner sur la question de l'héritage du duché
printemps 1927 : les fiancés se cherchent une maison à Paris ou près de Vaux-le-Vicomte, et Zuhra réintègre petit à petit la bonne société parisienne en vue de préparer leur installation et retisser des alliances et amitiés en France

RPs abandonnés:

✵ 7 août 1927 ; Glitters and power make us unstoppable avec La Société des Explorateurs Sorciers Français (SESF), prospect et invités : @Auguste Lestrange  @Camille Delacour  @Aureus De Wendel  @Blanche de Wendel  @Alekseï Dzerjinski  @Léopold de Valoys Description du rp à venir, EN COURS

14 août 1927 ; les fiançailles de Zuhra et Íñigo de Borbón y País Vasco sont officiellement annulées, divers scandales concernant le prince éclatent dans la presse espagnole les jours qui suivent

21 août 1927 ; les travaux commencent dans l'ancien hôtel particulier du couple d'Alefsen pour que Zuhra puisse s'y réinstaller

4 septembre 1927 ; Zuhra réinvestit officiellement son ancienne demeure bien que seule sa chambre, son bureau et la cuisine n'aient été emménagés, les travaux doivent s'étendre jusqu'à novembre

10 septembre 1927 ; suite à une dispute Zuhra déclare à son père et son oncle son intention de se présenter aux élections de la Chambre de la Noblesse

✵ 12 septembre 1927 ; J'étais la bûche et le feu, l'incendie aussi je peux avec @Léopold de Valoys Description du rp à venir, EN COURS

✵ 29 septembre 1927 ; [MISSION LACHESIS] Madame Irma n'est pas une débutante avec @Elric d'Adhémar Description du rp à venir, EN COURS

4 novembre 1927 ; Pour nous tout ce qui compte c'est de voir des yeux qui brillent avec @Giacomo de Medici Description du rp à venir, EN COURS

✵ 10 novembre 1927 ; Intrigue 1.3 - Dans les profondeurs avec @Alekseï Dzerjinski  @Némésis Le Bihan  @Neith Shafiq Description du rp à venir, EN COURS

✵ 10 janvier 1928 ; You who is the Sun avec @Alessandro de Medici Description du rp à venir, EN COURS

Nouveau RP:

blason de sable semé d'étoiles à huit rais de gueules, un arbre déraciné d'argent avec des
feuilles en forme de cœur, surmonté d'un chef crénelé de gueules

O et præsidium et dulce decus meum
Toi mon appui, toi mon honneur

           

Arbre généalogique

arbre simplifié, clique pour voir en grand
- ou -
✵ Arbre généalogique étendu et interactif ✵

De la question de l'héritage :
Bastiand et Soraya soutiennent l'adoption d'Octavepar le duc qui ferait de lui son héritier ;
Agathe est plutôt favorable à l'adoption d'Octavemais se rangera derrière son époux ;
Zohreh souhaite voir Zuhradevenir la prochaine duchesse ;
Ishaq est plutôt favorable à ce que Zuhralui succède à certaines conditions ;
Najima est neutre

Histoire de Madame Nina:

Histoire de Guilhem d'Alefsen:

Histoire d'Amado:

Histoire de Monsieur Achille:

Autres PNJS

Saturne ; croups à pétard du Gévaudan, joueur et gourmand

Graciela Zabaleta ; première femme de chambre et domestique de Zuhra, grande brune sèche d'une trentaine d'années, douce et tranquille ; parle le basque

Emilienne Vautrin ; seconde femme de chambre et domestique de Zuhra, petite blonde gironde d'une vingtaine d'années, réservée et émotive

Laurens Larroque ; cuisinier de Zuhra, petit homme sec aux tempes dégarnies d'une soixantaine d'années, enthousiaste et borné ; parle le gascon occitan

Otto Riemann ; professeur de musique de Zuhra depuis ses onze ans et jusqu'à aujourd'hui, très grand, très fin, approchant tranquillement de ses cent-vingt ans, exigeant et fantasque

Catalina ; ancienne nourrice de Zuhra, femme de chambre au Château de Belroy, matronne espagnole aux cheveux argentés, passionnée et ingénieuse ; parle l'espagnol, le basque et le gascon occitan

Vincéncia Murray née d'Alefsen ; jeune sœur de Guilhem, mariée à Sir Malcolm Murray, les deux époux demeurent généralement en Écosse ; grande brune aux yeux gris d'une cinquantaine d'années, élégante, mondaine et érudite ; les deux anciennes belles-sœurs ont gardé de très bonnes relations

Lambert Sinclair, nom de code Felix ; ancien collègue et encadrant de Zuhra et Amado dans leurs missions à l'étranger, aujourd'hui à la retraite, de taille et de corpulence moyenne, cheveux encore assez noirs malgré ses cent ans passés, patient et efficace

Spoiler:

Partie I - La petite biche, ce sera toi si tu veux

And there we slumbered on the moss,
And there I dreamed, ah woe betide,
The latest dream I ever dreamed
On the cold hill side.
[Thème : No love is lost love] C'était la première année où Zohreh n’était plus à Beauxbâtons, et comme elle avait également pris son propre logement, ses nièces ne l’avaient plus croisée depuis des mois. Zuhra plus que les deux autres se languissait de sa présence et de ses discours, et elle avait attendu le temps des retrouvailles avec impatience. Quelques heures, elle avait suivi sa jeune tante partout, comme elle le faisait quand elle était encore toute petite en buvant ses paroles. Jusqu'à ce que cette dernière ne se plante devant elle, mains sur les hanches, pour faire cette constatation :

– Tu as changé quand même.

C’est vrai que les changements étaient nombreux ces derniers mois : outre les centimètres qu’elle continuait de prendre, sa poitrine avait poussé comme d’étranges boutons de fleurs et elle aurait pu jurer que ses hanches s'étaient élargies dans le seul but de l'empêcher de porter encore sa jupe préférée. Le fait, qui n’avait pourtant pas grand chose de drôle, semblait beaucoup amuser Zè.

– Oh je sais, c'est moi qui vais t’habiller ce soir.

C'était amusant de porter ses vêtements courts, ses talons, son maquillage ; de partager ce temps et de rire. Elle n’avait pas compris pourquoi Agathe s’était mise en colère en la voyant, et l’avait forcé à mettre une tenue plus sage et à d’ennuyeuses nattes sur un visage de poupée qu'on avait à peine accepté de poudrer. Zè était allée crier de biens vilains mots sur son frère au sujet de sa femme, gâchant un peu la fête par une dispute. Au milieu de celle-ci quelques mots échappés par Bastiand qui pressait sa sœur de se montrer plus sage : une fille est pure, une femme ne l'est plus. Une gifle, des cris, des pleurs. Ils étaient partis discuter entre eux à voix basse toute la nuit, et au matin il restait sur leurs visages les traces d’un orage dont Ishaq avait encore triomphé. Mais quelque chose avait changé dans la façon dont on devait s’adresser à Zuhra.

Je veux aimer, mais je ne veux pas souffrir ; je veux aimer d'un amour éternel, et faire des serments qui ne se violent pas.

C’est Zè qui lui avait mis On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset entre les mains, sans doute dans le but de la secouer quant aux discussions que son père et son oncle commençaient à avoir dans son dos. Zuhra devait avoir quinze ans, c’était juste après ce fameux Noël, et elle dévorait l’auteur moldu avec de plaisir qu’elle n’aurait voulu compte tenu de sa nature. Et puis cette phrase : Je veux aimer, mais je ne veux pas souffrir ; je veux aimer d'un amour éternel, et faire des serments qui ne se violent pas. A ces mots, Camille l'avait touchée comme aucune autre amoureuse de livre n’avait su faire, à ces mots Musset s’était frayé un chemin vers son cœur en effleurant son âme. Cette lecture avait eu l’effet totalement inverse à celui voulu en premier lieu par sa tante, puisque la pièce la laissait avec presque une envie de rentrer dans les ordres afin de ne permettre à aucun homme de jouer de ses sentiments, et que l’idée que son mariage ne soit qu’un arrangement pragmatique la réconfortait presque. Zè se fâcha beaucoup après sa nièce et la considéra longtemps comme une cause perdue sur la question.

À la fin de l’été suivant son seizième anniversaire, Ishaq l’avait fait venir dans son observatoire, un air particulièrement sérieux sur les traits. En installant son matériel et sans la regarder, il avait demandé, l’air de rien :

– Tu as hâte de retourner à l’académie ?

Zuhra revenait encore presque toutes les semaines quand elle était à Beauxbâtons, et elle était surtout particulièrement enchantée d’être à nouveau autorisée à utiliser sa baguette et faire de la magie.

– Oui, avait-elle répondu d’une voix neutre.
– Hm, et tu as hâte d’y retrouver tes amis ?

Les yeux de l’adolescente papillonnèrent vers le duc qui restait dos tourné comme s’il évitait de la regarder. Zuhra, encore dépourvue du talent de se lier en dehors de sa famille, n’avait noué que très peu de relations au sein de l’académie, qu’elle s'apprêtait à retrouver avec un enthousiasme moindre que l’usage de sortilèges.

– Oui.

Sa voix tremblait un peu maintenant, et Ishaq continua sans changer d’attitude :

– Est-ce que tu as hâte de retrouver quelqu’un en particulier ?

C’est en avisant que le silence qui suivait sa question s’éternisait un peu que le père finit par pivoter légèrement vers sa fille, observant avec attention les traits confus de cette dernière.

– Je ne comprends pas.
– Je te demande s’il y a quelqu’un qui te plaît à l’académie.

Nouveau silence et confusion de Zuhra, qui regardait l'homme face à elle sans comprendre pourquoi ces questions. Personne ne lui plaisait que les héros tragiques des livres qu’elle dévorait et les poètes qui racontent leurs histoires, et s’il était maintenant bien admis qu’elle était sortie de l’enfance, les vraies choses de l’amour lui étaient bien étrangères.

– Non, il n’y a personne.

D’un air distrait, Ishaq tapotait un rythme sur son bureau - celui de sa pensée, comme s’il eut voulu que sa fille puisse la suivre.

– Si je te demande cela, c’est parce que nous allons commencer à penser à ta vie après Beauxbâtons. Tu viens d’obtenir tes GRIVEs, il faut que tu décides ce que tu vas vouloir faire, mais ce ne sera pas le seul de tes… devoirs. En tant que ma fille, ma première fille tu dois…
– Je sais.

La question de l’héritier était sur toutes les lèvres depuis déjà quelques années, la naissance de Najima commençait à dater et aucune autre n’avait suivi pour que vienne le garçon tant attendu. Inutile d’attendre de la patience d’un homme qui avait embrassé et sa femme et ses responsabilités de duc dès qu’il avait été en âge, et inutile de faire un scandale de la situation. Au contraire, c'était peut-être une occasion.

–Je sais assez de choses pour choisir moi-même ma voie, avec votre permission... Mais il est des sujets où je suis ignorante et dois m’en remettre à vous.
– Bien, mais si tu avais une certaine inclination, nous pourrions bien sûr en discuter.
– Il n'y a personne.

Après tout, Alfred de Musset ne compte pas.
Voilà comment on accepte à seize ans - et avec une certaine élégance - de devenir objet de négociations. Si avèvi avut un hrair, que serí estat venuda entau men talent meilèu qu'entà lo men vente. Si j’avais eu un frère, j’aurais été vendue pour mon talent plutôt que pour mon ventre.

La fête pour sa majorité s’annonçait somptueuse ; le domaine de Belroy s’était paré de lampions et fanions dorés, sa couleur préférée, et les jardins avaient été décorés pour émerveiller les nombreux invités en évoquant des scènes de contes et légendes de Gascogne. Les très nombreux invités. Agathe lui avait fait apporter une robe de satin rouge et blanche très légèrement décolletée, avait imposé une coiffure relevée et quelques bijoux et l’avait autorisée à porter un maquillage un peu plus appuyé que d’ordinaire. Quand Zuhra fut prête, elle ne chercha même pas à cacher son émotion en affirmant que sa petite fille était bien devenue une femme. Même le regard d’Ishaq semblait un peu humide.

– Nous allons te présenter quelqu’un, il faudra nous dire si vous vous entendez.

Elle ne l’avait pas vu qu’elle savait déjà qu’il était là ; sa mère avait corrigé sa posture en lui adressant un sourire tendre et son père avait pris sa main pour la mettre sur son bras. L’homme qui s’avançait était grand et sec, des boucles noires entouraient un visage laiteux au milieu duquel semblaient rire deux grands yeux gris. Il s’inclina en arrivant au niveau des trois de Fronsac, accueilli par une joie peut-être un peu trop vive de la duchesse.

– Monsieur Guilhem d’Alefsen, quel plaisir de vous voir.

Il portait un costume vert et brun cousu de fils d’or, parfaitement ajusté. La seule chose que fut capable de penser Zuhra alors qu'il se penchait vers Agathe pour lui faire un baise main avant de se tourner vers elle, c’est qu’il était très élégant mais qu’il ne portait sans doute pas assez de bijoux pour rehausser les détails de sa tenue.

– Notre fille, que nous célébrons ce soir, mademoiselle Zuhra de Fronsac.

Sa main vint effleurer la sienne pour y déposer le souffle protocolaire, avant qu’il ne se redresse avec un grand sourire tout à fait communicatif.

– Mademoiselle, vous éclipsez de loin la beauté des merveilles que je découvre ici ; et pourtant la Gascogne en a tant à offrir... Oserais-je, pour que cette soirée soit vraiment parfaite, vous demander l’honneur d’ouvrir le bal avec moi ? Votre mère a vanté vos talents de danseuse, et je jure de vous faire honneur.

Guilhem, dès le premier instant, un far dens la nueit un phare dans la nuit. Tout semblait si simple pour lui - et avec lui. La demoiselle leva un regard interrogateur vers son père avant de répondre en rougissant un peu :

– Avec plaisir.

Le d’Alefsen se révélait dès les premiers pas un danseur tout à fait exceptionnel, gracieux et maîtrisé. Au bout de quelques tours de danse, son sourire se fit un peu plus songeur, et il profita que les pas les rapprochent pour commencer à parler, quand il était jusque-là resté silencieux et attentif.

– Je suppose que vous savez pourquoi je suis ici, mademoiselle, et j’aimerais que vous me préveniez vite si je perds mon temps. Ce sont des sujets sur lesquels je manque d’endurance.
– Je vous déplais monsieur ?

Ses sourcils s’élevèrent sur son front avant de revenir - la pensée, quelle qu’elle fut, déjà chassée.

– Pas du tout. Votre mère n’avait menti ni sur votre grâce ni sur vos talents sur cette piste, je suis curieux de voir si ce que votre père a dit est également vrai.

Il gloussa, entraînant sa cavalière un peu plus près de lui. Zuhra dut faire un effort pour ne pas se crisper en sentant sa main dans son dos, surprise par le contact quand les grands yeux gris ne la lâchaient pas.

– C’est que je ne voudrais pas vous déplaire non plus.

Tout en sachant que cette rencontre allait nécessairement arriver, Zuhra ne s’en était faite aucune idée préconçue, s’interdisant de l’imaginer de peur de ce que pourrait faire son imagination à la réalité. Elle n’avait aucune attente sur l’homme qu’on lui présenterait, mais elle se trouva à ce demander ce qu’elle pensait vraiment de celui-ci. La réponse n'arriva qu'après quelques mouvements et instants de réflexion, sincère :

– Vous ne me déplaisez pas.

La phrase avait été dite d’une voix presque égale à laquelle elle avait sans doute voulu des touches de douceur sans savoir encore le doser. Nouveau gloussement du bordelais qui se rapprocha de son oreille pour chuchoter :

– Ne dansez qu’avec moi ce soir, vous voulez bien ?
– Mais j’aime beaucoup danser…
– Alors nous danserons beaucoup.

Il était parfaitement sérieux. La soirée fila presque sans qu’ils ne quittent la piste, discutant quand les mouvements le permettaient, riant le reste du temps. Ils créèrent la panique dans leurs familles en disparaissant soudainement vers trois heures du matin, avant d’être retrouvés dans la bibliothèque à discuter littérature, avec Soraya, Naijima et Zè en chaperons endormies sur des fauteuils.

En se quittant au petit matin, ils étaient déjà amis. A la question “Comptez-vous m’écrire ?”, Guilhem fixa ses grands yeux d’argent dans les pupilles noires de la gasconne :

– Chaque semaine sans faute.

Là encore, il était parfaitement sérieux.

Mademoiselle de Fronsac,
J’espère que vos parents se sont remis des frissons que nous leur avons causés, excusez-moi encore auprès de votre père, j’étais un peu saoul. Quoiqu’à la réflexion, ne lui dîtes pas cela. Voici donc la première des lettres que je vous ai promises, et je suis un homme de parole sachez-le.

Je dois vous dire mademoiselle que votre présence et cette soirée que nous avons pu partager - ou que je vous ai volée au nez et à la barbe de tous ceux qui étaient venus célébrer votre anniversaire avec vous, nous pouvons le dire - m'ont été bien plus douces que je n’avais osé l’espérer, et je me trouve ravi de notre situation. J'espère qu’il en est de même pour vous. Permettez-moi de vous adresser toute ma gratitude pour ces moments.

Je vous joins le livre dont nous parlions du mage Savinien, lequel a eu des théories tout à fait passionnantes sur les métamorphoses appliquées aux êtres vivants. J’espère que cette lecture ne sera pas trop studieuse pour vous en cette période de repos, et je peux également vous conseiller un excellent roman que je viens de finir si vous le préférez.

Écrivez-moi s’il vous plaît.
Mes pensées vous accompagnent,

Guilhem d’Alefsen

Mademoiselle de Fronsac,
Nous arrivons déjà à ma quatorzième lettre, et la dernière que je vous adresse chez vos parents avant que vous ne fassiez votre rentrée à l’académie.  Je ne vais pas vous mentir, je suis un peu troublé à cette pensée - c’est une période qui me semble si lointaine pour ma part… Mais je ne veux pas vous ennuyer de trop alors que je vous devine déjà accaparée par l’importance que va revêtir cette année pour votre avenir, quoique je sois certain que vous n’avez pas grand souci à vous faire. J’ai cependant commandé des livres qui traitent des duels magiques par un maître américain que je vous ferai parvenir dès que je les aurais, si quelque lecture pouvait vous rassurer. N’hésitez pas à vous tourner vers moi si quelque sujet attire votre attention, je suis trop heureux de pouvoir vous être utile.

Pour répondre à vos questions, mes couleurs préférées sont le vert et le rouge - et oui je sais qu’elles se marient très mal, je préfère le sucré et mon plat préféré est certainement la crème brûlée, et je n’avais pas lu les États et Empires de la Lune mais je me les suis procurés.
À mon tour alors, quelle est votre fleur préférée ? L’endroit que vous préférez au monde ? Et votre chanson préférée ?

Si vous n’avez pas le temps de me répondre cette semaine, ne vous inquiétez pas je comprendrais.
Mes tendres pensées vous accompagnent,

Guilhem d’Alefsen

Mademoiselle Zuhra,
Que je suis heureux des nouvelles que vous m’apprenez. Votre sérieux et votre travail vous honorent, mais prenez le temps de savourer les compliments tout à fait mérités de vos professeurs, et n'oubliez pas de vous octroyer un peu de repos.

Pour ma part la saison est propice à la lecture, ce qui fait mes affaires et ma joie. La rentrée littéraire comptait quelques perles, d’ailleurs avez-vous aimé le roman que je vous ai envoyé ? Nous allons arriver aux préparations pour les fêtes de Noël, qui vont me garder très occupé sur les prochaines semaines, aussi je profite de ces moments.

Savez-vous que nous en sommes déjà à ma vingt-cinquième lettre ? C’est un quart de cent, ce qui j’imagine doit bien valoir une célébration. Me permettez-vous de venir vous visiter la prochaine fois que vous rentrerez chez vos parents ? Y serez-vous cette fin de semaine ?

J’attends votre réponse,
Mes tendres pensées vous accompagnent,

Guilhem d’Alefsen

Sur ces vingt-cinq premières lettres envoyées par Monsieur d’Alefsen, douze étaient accompagnées d’un livre, trois d’un dessin, deux d’un poème, mais c'était la première suivie d’un bouquet qui devait arriver le vendredi à Belroy. Roses, camélias et lys, dans une composition tout à fait magnifique. Agathe avait souri.

– Je compte vingt-cinq roses.

La jeune fille hocha la tête à côté d'elle. Un sens deu detalh tot a fèit agradiu. Un sens du détail tout à fait agréable.

– Il vient déjeuner demain midi.

Zuhra aurait pu jurer que quelque chose dans cette histoire amusait beaucoup ses parents, dont les regards semblaient presque toujours pleins de sous-entendus quand venait le sujet de Guilhem. Elle devait admettre attendre ses lettres avec une certaine impatience, et le répondre toujours vite et avec enthousiasme, mais elle se sentait ennuyée de l’attitude surtout de sa mère qui n’avait de cesse de lui faire remarquer combien l’homme pouvait être charmant et prévenant. Elle devait admettre qu’il l’était effectivement, et brillant et très amusant avec cela, mais toutes ces idées ne résonnaient pas en elle comme on semblait s’y attendre. Elle avait quand même hâte d'être au lendemain midi.

Elle portait une robe ajustée de jersey et de soie rouge et blanche, les cheveux lâchés, et lui était venu habillé dans un costume bordeaux décoré de broderies d’argent. Plan elegantTrès élégant, s’était-elle dit en lui offrant sa main pour qu’il la salue, un peu troublée par son éternel sourire joyeux toujours aussi communicatif.

– Puis-je vous supplier mademoiselle de bien vouloir me faire visiter ces si beaux jardins dont vous m’avez tant parlé, puisque je suis un peu en avance pour le déjeuner ?

Approbation d’Ishaq dans un sourire, avant que Zuhra ne saisisse le bras qu’on lui offrait. Catalina suivait quelques pas en arrière, discret chaperon pour assurer la vertue de l’entretien, mais Guilhem parlait si bas qu’il n’y avait aucune chance pour que l’espagnole ne l’entende.

– Vous êtes très en beauté aujourd'hui, j’aurais dû faire un plus grand effort dans ma tenue pour vous faire honneur.
– Je vous trouve tout à fait élégant monsieur.
– Merci. Avez-vous aimé les fleurs ?
– Beaucoup ! Je crois que ma mère était un peu jalouse de la splendeur du bouquet.
– Ha, je suis ravi qu’il vous aie plu. Vous m’excuserez, vos fleurs préférées ne sont pas faciles à trouver à Paris et en cette saison…
– Ne vous excusez pas, c’était merveilleux monsieur. Merci.
– Peut-être pourriez-vous m’appeler tout simplement Guilhem ? Au moins quand nous sommes tous les deux…

Zuhra, habituée à observer les regards d’Ishaq pour y guetter la mélancolie, vit le nuage passer dans les yeux gris. Un bref instant, assez pour que son sourire perde un peu de sa joie.

– Votre père vous a-t-il entretenu de l’affaire qui nous concerne d’ailleurs ?
– Non, pas encore. Il semblait ravi que vous veniez en revanche. Vous en savez plus ?
– Mon grand-père a évoqué des fiançailles pour la fin de l’année et une fête fantastique pour les célébrer.
– Ce qui n’a pas l’air de vous enchanter.

Il leva un sourcil, soupira et lui adressa un regard tendre en répondant avec une voix d’où pointait pourtant une goutte de tristesse :

– Au contraire, mademoiselle, j'adore les fêtes. Mais puisque nous empruntons ce chemin, me permettez-vous une totale franchise ?
– Je vous écoute.
– Je viens d’avoir trente deux ans, et nous nous sommes rencontrés il y a quelques mois pour votre majorité. Je vous trouve tout à fait charmante et agréable, ne vous y trompez pas, mais j’ai l’impression d’être un loup dans les bras duquel on jette une biche. Est-ce que tout cela n’est pas un peu précipité ? Je veux dire, pour vous… Nous sommes au vingtième siècle, vous voudriez peut-être vous concentrer sur d’autres choses une fois que vous serez diplômée. De nos jours, les jeunes filles ont un emploi avant un mari.
– Voyez-vous d’un mauvais œil l’idée que votre épouse ait un emploi ?
– Ce n’est pas ce que je dis. Non, au contraire, mais je me demande, et bien ce que vous pensez réellement de toute cette histoire…

En parlant, ils étaient descendus de deux niveaux dans les jardins, et se trouvaient à présent face à un bassin tranquille où le clapotement de l’eau et le vent dans les arbustes berçaient quelques oiseaux posés sur des branches. Elle s’installa sur le rebord du bassin, plongeant sa main dans l’eau et regardant un moment en silence son image trouble.

– Zuhra ?
– Hmm… Pardon, ce n'est pas une question simple… Je n’ai pas envie de vous être désagréable par ma franchise.
– Jamais.
– Dans ce cas… Mon père va me marier, si ce n’est dans quelques mois au moins dans quelques années. Et il est vrai que la perspective d’entrer dans une formation supérieure m’enthousiasme plus que celle de mes noces… Mais je crois que je suis assez satisfaite que ce soit à vous qu’il ait pensé pour moi. J’aime… assez vos manières, et nos échanges épistolaires me réjouissent. Mais comme vous l’avez dit, nous avons quinze ans d’écart - et je crains de vous ennuyer.

Guilhem saisit la main qui était restée sur le rebord, pour l’emmener vers ses lèvres en s’inclinant légèrement.

– Plus j’apprends à vous connaître, plus je doute que cela soit possible.

Les fiançailles devaient être célébrées le 21 décembre, juste après la trentième de ses lettres. La fête promettait effectivement une magnificence peut-être même plus grande que celle pour sa majorité, mais elle était nettement moins excitée par celle-ci que par l’idée d'être acceptée comme aspirante dans l’Ordre du Temple. Certains prirent sa joie comme la confirmation que quelque chose naissait bien entre les deux promis, et Zuhra ne chercha pas à les contredire.

Elle était sans une pièce de ses appartements à attendre qu’on finisse d’enchanter la robe rose et blanche brodée de perles et de fils d’or qu’elle allait porter, emmitouflée dans une épaisse robe de chambre de velours. Guilhem ne frappa pas, et alors qu’elle sursautait en le voyant il lui fit signe de faire silence de son doigt s’approchant et en désignant la porte où on s’activait à côté.

– Doucement… Je voulais vous voir mais si on me voit ici on va me chasser - et j’ai peur de ce que votre père me fera…
– Qu’est-ce que vous faites ici ? Je ne suis pas visible !

Il posa une main devant sa bouche pour ne pas rire, comme si cette pudeur était particulièrement drôle, avisa la porte d’où provenait les sons et s’approcha encore.

– J’ai un cadeau pour vous. Je veux dire, en plus de la bague tout à l'heure. Elles allaient avec, et j’ai pensé que cela vous ferait plaisir.

De sa poche il tira une petite boîte qui en s’ouvrant dévoilait des boucles d’oreille en diamant qu’entouraient de petits rubis ronds comme les pétales une fleur.

– Elles sont magnifiques… Vous n’auriez pas dû.
– Oh si si, je dois. Et je sais que vous aimez autant que moi le decorum, alors si vous le permettez…

Un dernier pas en avant, puis le genou à terre et la boîte tendue vers la gasconne.

– Je fais les choses un peu dans le désordre, mais je devais le faire. Acceptez-vous de m’épouser, Zuhra de Fronsac ?
– Oui Guilhem. J’en serais très heureuse.

Chère Zuhra

Soixante-neuf : c'est le nombre de lettres que je vous ai adressées depuis notre rencontre. Il est étrange de penser que j'écrirai la soixante-dixième à mon épouse.

Ma maison est toute prête à vous accueillir, vous la trouverez plus proche de votre formation que la Gascogne, et j'espère que vous vous y plairez. Ne vous inquiétez pas, nous ferons notre voyage de noces à votre prochaine vacances, et j'espère que les préparatifs du mariage n’auront pas trop gâché vos premiers jours de cours. J’ai également le plus grand mal à mener ma vie normalement, et je suis impatient que nous ayons enfin le temps de nous poser un peu pour conjuguer le quotidien ensemble.

Je dors peu, j’ai peine à dire toutes les émotions que m’inspirent ces noces. Êtes-vous également agitée de pensées, de questions, de doutes et de joies ? Comme je voudrais pouvoir les partager avec vous comme elles me viennent, et qu’ils me semblent à la fois si longs et si courts les deux jours qui nous séparent de cette journée.

Je ne vous retiendrais pas plus longtemps aujourd’hui, puisque j’aurais la joie de vous retrouver bientôt.
Tendres pensées,

Votre Guilhem

Si'm devi maridar, que vòli plan beròjas nòças.Si je dois me marier, je veux de très belles noces. C’était l’une des seules choses qu’elle avait répondu à Ishaq quand, quelques mois avant de lui présenter Guilhem, il était revenu à la charge en lui demandant une nouvelle et dernière fois si quelqu’un lui plaisait et ce qu’elle espérait d’un mariage. Une fête mémorable, et être si belle que l’on se retournerait sur elle avec admiration en la voyant. Le reste, que son Duc en décide.

Sa demande n’avait pas été oubliée. Des tissus recouvraient les jardins, perles et pierres précieuses accrochées à ceux-ci pour figurer des ciels remplis d’étoiles et de lumières, de la musique se faisait entendre partout dans le domaine, le repas ne devait compter pas moins de quatorze plats principaux et promettait de durer la journée, et la piste de danse avait été ensorcelée pour donner l’illusion que l’on danserait sur des nuages.

Sa robe, elle, était si belle qu’elle en avait pleuré en la découvrant. Parfaitement blanche, elle comportait des manches et un corsage à dentelle avec un col haut, et une jupe plus ample en taffetas de soie à trois jupons. Son voile et sa traîne de plus de deux mètres étaient décorés de quelques fils d’or qui donnaient l’impression d’une tiare sur ses cheveux noirs qu’on avait bouclés pour l’occasion. Comme seuls bijoux, les boucles d’oreilles et la bague de fiançailles, ainsi qu’une fine chevalière décorée du blason familial offerte par son père pour orner son index droit. Son maquillage allongeait ses yeux noirs, mais restait presque discret, comme si l’on avait voulu, pour quelques heures encore, préserver la pureté virginale qui sera pourtant sacrifiée cette nuit.

Ishaq s’était retrouvé, pour la première fois de sa vie, incapable de prononcer le moindre de mot devant sa fille, et s’était contenté de la fixer la bouche ouverte sans même reprendre son souffle. Elle avait embrassé ses mains et son front avant de lui prendre le bras.

– Qu'i vam, papà ?Nous y allons, papa ?

Guilhem portait un costume rouge carmin et or, ses couleurs préférées, et se tenait au bout de l’allée avec un sourire tranquille. Ses yeux se mirent à briller quand il tourna le regard vers elle. La main de son père serra la sienne avant de l’offrir au bordelais.

La fête fut très belle, mais tout semblait aller si vite que c'est à peine si Zuhra vit la journée passée. Elle avait promis, elle avait dit oui, il avait relevé son voile pour poser ses lèvres sur les siennes ; après cela on était venus les féliciter, on s’était mis à table, il y avait eu les discours, les rires, les danses, un feu d’artifice, tellement de nourriture, et d’autres danses encore… Jusqu’à ce qu’Agathe ne vienne lui souffler qu’il était l’heure de se retirer.

Cette attente-là avait semblé éternelle. Elle était allongée dans le lit, dans cette chemise de soie, les cheveux lâchés, et soudain c’était réel. Elle était mariée. L’alliance à son doigt, et tout à l'heure… Ce lit était si grand.

Il avait fini par arriver, le pas un peu hésitant, sa chemise ouverte de deux boutons, il sentait le tabac et le bois de santal et il s’était assis sur le bord du lit.

– Bonsoir Zuhra.
– B-bonsoir.

Il avait tendu sa main vers elle, saisissant une des mèches qui coulaient devant son visage.

– Tu es très belle quand tes cheveux sont lâchés…

Elle frissonna, et sans le vouloir eut un mouvement de recul vers le fond du lit. Guilhem lâcha immédiatement ses cheveux, et lui adressa un regard sincèrement désolé.

– Pardon. Je nous sers un verre, d’accord ?

Il était déjà debout, à chercher dans son sac qu'on avait du emmener tout à l'heure. Il en sortit une bouteille et deux verres à pied de cristal, et se retourna vers elle comme si rien ne venait de se passer.

– Mon année de naissance… Mon grand-père le gardait pour une grande occasion, il ne m’en voudra pas de lui avoir emprunté. Il paraît que c’est un très bon millésime.
– Je n’y connais pas grand chose en vin.
– Il va falloir que tu apprennes l'œnologie si tu veux supporter les discussions entre mon père et mes oncles.
– D’accord.

Au fond du regard gris passa un nouveau nuage alors qu'il lui tendait son verre. Pas habituée à l'alcool, elle apprécia assez peu les notes subtiles du vin et se contenta de fixer sa coupe sans oser ramener à ses lèvres la première gorgée bue. Sans doute malgré lui, il échappa un soupir.

– Tu es tellement jeune.

Son corps tout entier secoué d'un soubresaut, la surprise, le malaise, la honte peut-être aussi. Le verre se mit à trembler dangereusement dans sa main sans qu'elle ne voit que c'était elle qui s'agitait ainsi, et il vint d'une main douce le lui prendre. Il avait l'air triste maintenant, et ses joues avaient la couleur de la gêne.

– Zuhra… Je n’ai pas dit ça parce que… pour… Je suis désolé.

Il reposa le verre sans lâcher la main de la jeune femme, la prit avec les deux siennes et baisa la bague jumelle à la sienne qui ornait l'annulaire. Il releva les yeux vers elle et resta ainsi, le menton posé sur la main qu'il tenait toujours, à attendre qu'elle ne dise quelque chose.

– Et maintenant ?
– Maintenant, tout ce que tu veux.

Çò que vòli ?Ce que je veux ? Que son cœur se calme, que la nausée s’arrête, que le gouffre qui était en train de s’ouvrir au milieu de sa poitrine cesse de palpiter et de referme, disparaître, partir, ne pas penser, ne pas penser à… Qu'ei lo men espós. Que soi maridada dab eth, lo men pair que m'a maridada a eth.C'est mon époux. Je suis mariée avec lui, mon père m’a mariée à lui. Tout à l’heure cela semblait un rêve encore… Pourquoi la force dont elle avait fait preuve toute la journée l’abandonnait maintenant ? Les yeux noirs glissèrent sur le visage, dans le cou et jusqu’à la peau dévoilée par les boutons ouverts.

– Vous avez déjà… Vous avez déjà ?…
– Dis-moi tu, s’il te plaît. Et oui, j'ai déjà été avec une femme. Mais on est obligés de rien maintenant si tu n’en as pas envie.
– Mais le de-…

Elle avait levé un regard presque outré vers lui, mais il chassa l'idée d’un geste impatient en se redressant, sans lâcher sa main.

– Tss. J’ai fait le serment dans la maison de Dieu de te protéger, et toi tu as fait le serment de m’obéir, non ? Je ne te toucherai pas tant que tu ne le voudras pas, et je t’interdis de me céder cela uniquement pour ce que l’on attend de toi ou de nous. Tu as dix-huit ans. Ton père peut attendre quelques années son héritier. Moi je ne vais nulle part, nous avons tout notre temps…
– D’accord.

Petite voix ennuyée. Elle n’avait pas grand chose à répondre à cet argument, qui ne soit pas justement un autre manquement à son devoir d’épouse.

– Je suppose que tu n’as jamais…

Elle secoua vivement la tête en blémissant un peu - comment pouvait-il imaginer une telle chose ?

– Non ! Bien sûr que non !
– Même pas un baiser ?
– Non… C’était le premier tout à l'heure.
– Je n’appelle pas vraiment ça un baiser.

La gasconne baissa les yeux, gênée, et il vint la saisir par le menton pour relever son visage vers lui.

– Tu veux que je te montre ?

Elle hocha la tête et il se rapprocha encore. Pencha la tête, ferma les yeux et pressa ses lèvres contre les siennes avec plus de force que pendant la cérémonie. Son souffle était chaud sur ses joues, et elle tendit les bras pour les enrouler autour de son cou. Au bout de quelques instants et le souffle un peu court, il s'arracha de sa bouche, l'agrippa pour la mettre sur ses genoux et entreprit d'embrasser ses yeux, ses tempes et son nez avant de glousser.  

– Qu'est-ce que tu en dis ?
– O-oui je... vois la différence. Est-ce que… est-ce qu’on peut juste faire ça et dormir, pour ce soir je veux dire ? Je suis fatiguée, j-je…
– Juste ça et dormir.

C'est elle qui pressait ses lèvres contre les siennes blottie dans sa chaleur quand le sommeil finit par la cueillir.

La femme qui vint les réveiller grogna quelque chose au sujet du fait qu'il aurait pu au moins faire l'effort de ne pas dormir totalement habillé pour qu'on ne se pose pas de question, piqua son doigt à une aiguille avant de faire perler une goutte de son sang sur les draps et leur annonça que, selon les directives de Monsieur, tout était prêt pour qu'ils puissent rentrer à Paris dès qu'ils le voudraient.

– Oui, j'ai pensé que, comme tu reprends les cours demain, tu voudrais peut-être que nous t'installions dès ce matin ? Et puis je ne supporte pas mon père les lendemains de fête, il est d'une humeur exécrable. Tes parents ont eu l'air de penser que c'était une bonne idée, tes affaires sont prêtes pour cette semaine. Et oh hum... voici Nina.