[Suite | Banquet] Rituel des forêts du Gévaudan | Event 2.2

Sur les sombres terres de Gévaudan, à l’héritage nocturne, c’est la chasse sauvage que l’on invoque pour célébrer le Tri Nox Samoni. La fantastique cavalcade apparaît en un lieu séculaire et parcourt les étendues sauvages de la région, accompagnée par de nombreuses créatures magiques, par les esprits des défunts, et par les sorciers.

Si Tatiana sentait la gêne de son amie, elle n'en montra rien alors que ses mots, comme ses actions, continuaient de remplir l'air d'une agréable et légère fragrance de parfum. Rien d'écœurant ou d'entêtant, car il n'y avait que des notes fraîches de jasmin, celle d'agrumes avec une arrière note arrondie d'un musc blanc légèrement sucré. Une douceur trompeuse, car sous son assurance et sa témérité, la jeune fille croisait les doigts pour que ses paroles n'aient pas offensé le Baron. Quel ne fut pas son soulagement lorsqu'il décida de jouer le même jeu pour briser la glace !

Quelle gaffe cela aurait été s'il avait pris ombrage. Pas seulement pour elle, mais aussi pour Auguste qui était son mécène, que pour Alekseï qui était là en tant qu'envoyé diplomatique. Elle n'osait imaginer les conséquences si elle avait mal interprété les intentions d'Arsène d'Apcher ! Heureusement, toute cette affaire se finissait bien et elle rendit au noble une élégante courbette, bien heureuse d'avoir eut de si sévères leçons d'étiquette avec son Lestrange. Ses pauvres articulations, maltraitées lorsqu'elle eut à apprendre danses, courbettes et maintient, n'avaient pas souffert en vain semblait-il !

Quand l'homme s'en alla vers les cheveux et les chiens, Tatiana poussa un long soupir au couvert de remonter sur ses épaules l'épaisse fourrure de son manteau. Elle vint enfouir le nez dans les poils bruns et soyeux, ferma un instant les yeux avant de se redresser et de se tourner autant vers Alice que Nikita. Ses yeux passèrent de l'un à l'autre avant qu'un sourire plus frêle ourlait ses lèvres peintes.

“- Bon... Ça, c'est fait.” Souffla-t-elle en posant une main sur son cœur. "J'ai le cœur qui bat la chamade ! A part pour mon mécène, c'est la première fois que je discours avec quelqu'un de la noblesse... Et porteur de son titre qui plus est ! J'ai bien cru me mordre la langue une dizaine de fois.”

L'oiselle laissa filer un petit rire embarrassé, les joues rosées maintenant qu'elle retrouvait une circulation normale et que ses émotions apparaissaient enfin sur son joli minois. Elle contempla pensivement les cavaliers qui s'éloignaient à la suite du Baron et serra plus fort le bras d'Alice contre son flanc. Un détail la chiffonnait toujours et elle préféra l'aborder immédiatement plutôt que de le laisser traîner dans un coin de son esprit pour la distraire tout le long de la soirée :

“- Il avait l'air de te connaître et d'être surpris de te trouver ici... Aurait-il déjà fréquenté ton établissement, Alice ?” La question, ingénue, ne portait aucune forme de jugement. Tatiana regarda son amie avec curiosité et pencha légèrement la tête de côté : "En tout cas, s'il se prend d'affection pour toi, je suis certaine que cela aidera grandement ta carrière.”

Avisant le buffet plus loin, elle le désigna discrètement à son ami.

“- As-tu faim ? Moi, oui ! Je n'ai rien pu avaler avant de venir, ne supportant toujours pas les transports magiques... Veux-tu m'accompagner ? Ton ami aussi !”

Son regard accrocha cependant bien vite tous les mini-jeux à disposition et elle se mordit la lèvre inférieure, malicieuse.

“- Et pourquoi pas quelques jeux ensuite ? Pour digérer... Et heureusement s'éviter toutes ces curieuses qui nous regardent depuis que le Baron s'est intéressé à toi. Je te paris combien qu'elles n'attendent qu'une seule raison pour nous sauter dessus et tout savoir... et bien plus ?”

Spoiler:

Savoir que le baron d'Apcher n'avait pas été surpris à fréquenter des établissements de basse réputation soulagea grandement Tatiana. Pas qu'elle s'inquiéta de la réputation du noble -il s'agissait de ses affaires, pas des siennes- mais elle eut détesté que ses révisions fussent en vain ! Des heures à retenir autant de noms, d'anecdotes, de rumeurs et de liaisons qu'il y avait d'invités à cette soirée : elle en avait saigné du nez et s'était endormie la tête lourde, migraineuse, pendant des jours entiers.

Son regard se détourna d'Alice et de son garde du corps, de plus en plus convaincu que ces deux là entretenaient une relation intime, si ce n'était carrément interdite. Mais qui était-elle pour juger le bonheur de son amie ? Pendant qu'ils échangeaient, Tatiana repéra une aire de jeux libre. Il s'agissait de cerceaux et de sacs de grains à lancer, ce qui n'était pas très folichon comme occupation, mais qui saurait occuper leur temps d'ici la fin de la chasse. Son attention fut pourtant détournée par Alice, qui en avait terminé, laissant l'occasion à une mère de famille et ses trois enfants de prendre place sur l'aire de jeu. Tant pis.

“- Je présume que c'est une compétence qui se maîtrise par l'usage. Je suis sûr que tu finiras par t'y habituer aussi en temps voulu. Quant au reste...”

Elle fit une légère pause, pondérant dans quel ordre elle devait répondre à son amie et jusqu'à quel point pouvait-elle se permettre d'entrer dans les détails. Pas qu'elle ne faisait pas confiance à Alice pour garder un secret, mais... Et bien si. Cela faisait plus de quatre ans qu'elles ne s'étaient pas vues et Merlin seul savait ce que son amie d'enfance avait reçu comme éducation à l'Empire des sens. N'était-elle pas elle-même une espionne -en formation- pour le Parti Communiste ? Qui sait qu'elles étaient les réelles intentions d'Alice...

“- Pourquoi ne pas se prendre quelque chose à boire d'abord ? Si je dois tout te raconter, je vais avoir besoin de garder ma gorge hydratée.” Roucoula-t-elle avec bonne humeur.

Sourire délicieux aux lèvres, elle attrapa son amie d'un bras crocheté au sien, puis l'entraîna vers un buffet et demanda à l'elfe de maison de leur verser deux verres de vin chaud. Dans l'attente de sa boisson, elle relâcha Alice et commença son petit résumé. Tatiana s'était décidé à lui dire la vérité, bien que superficielle :

“- Je ne sais pas si je peux encore te parler de mon mécène, mais je peux déjà te dire qu'il s'agit d'un noble et que je suis, apparemment, sa première protégée. Il souhaite me faire chanter dans les plus grands salons et s'engage à me faire découvrir toutes sortes d'activité similaires à mon art ; théâtre, opéra... et même du cinéma !”

Elle s'interrompit, acceptant la tasse qui lui était tendue avec un remerciement poli. Un instant, Tatiana se contenta d’humer les parfums d'épices et de vin rouge qui s'élevaient en volutes opaques dans la froideur nocturne. Elle n'y trempa les lèvres qu'après avoir soufflé un peu dessus, pour s'offrir une première gorgée sans risque de trop se brûler.

“- Mhmh. Délicieux. Où en étions-nous ? Oh oui. Mon galant...” Elle se sentit légèrement rougir et battit de ses longs cils, rendue quelque peu pudique par le sujet. “Il s'appelle Alekseï Dzerjinski et il travaille au bureau de la coopération magique internationale pour l'Union Soviétique.” Elle regarda dans la direction qui avait vu partir les cavaliers. Sa voix s'était chargée de tendresse. “Il est beaucoup plus âgé que moi et nos cultures sont bien différentes. C'est aussi un soldat dans son pays, même s'il joue davantage de politique maintenant qu'il est en France.” Elle posa une main sur sa joue et eut un petit soupir inamouré. "Venir ici, c'est notre première apparition officielle d'ailleurs ; j'aurais dû refuser et demander qu'il me propose quelque chose de bien plus romantique, mais il était tellement maladroit et embarrassé quand il m'a fait sa demande, qu'il m'était tout simplement impossible de refuser."

Elle aurait bien continué des heures durant pour décrire tout ce qui lui plaisait chez Alekseï, prête à démonter son apparence intimidante et ses origines encrassées de préjugés, mais Tatiana remarqua dans la foule une silhouette qui ne pouvait être ignorée : Maeve Le Noir. Récemment annoncée comme étant la nouvelle fiancée du baron d'Apcher et donc futur baronne du Gévaudan !

Qu'elle soit présente pour célébrer Samhain était la preuve incontestable qu'elle prenait très au sérieux ses prochaines responsabilités en tant que maîtresse de ces terres, même s'il s'agissait d'une désescalade sociale récriée par la majorité de la noblesse. Après tout, une futur Duchesse mariée à un petit Baron qui, jusqu'à récemment, était totalement désargenté... ? Voilà de quoi faire des gorges chaudes.

Mais Tatiana n'en avait que faire. Elle était ici pour représenter Alekseï Dzerjinski et, par extension, l'Union Soviétique. Il y avait plus dans ces fiançailles que de simples rumeurs de salon. La famille Le Noir était le bras armé de la Royauté et il était connu de certains que les d'Apcher possédaient eux aussi une force armée conséquente. Une union entre ces deux familles pouvait représenter une consolidation militaire digne d’intérêt... et donc, Tatiana n'avait rien à perdre à se faire bien voir par la futur baronne.

“- Alice ? Veux-tu bien m'excuser un instant, je dois aller présenter mes respects à quelqu'un d'important. Je ne devrais pas en avoir pour longtemps”

Elle serra doucement la main de son amie dans la sienne, puis vérifia discrètement dans le reflet de sa tasse qu'elle n'avait rien de coincé entre les dents et que son maquillage n'avait pas coulé, avant de s'éloigner en direction de Maeve. Son regard accrocha d'ailleurs celui de cette dernière et, à voir le petit geste d'invitation que la duchesse leur offrit, Tatiana fut soulagée de se voir offrir l'autorisation d'approcher sans avoir l'air impolie. Une fois à portée de voix, elle fit une révérence courtoise. D'une voix douce et sincère, elle récita une ancienne salutation celte :

“- Que vos bénédictions soient plus nombreuses que les trèfles qui poussent sur les terres fertiles de Bretagne, et que les ennuis vous évitent où que vous alliez, druidesse Maeve.” Elle se redressa pour lui sourire. Son titre portait plus d'honneur que son nom ou son rang dans la noblesse française, disait-on. Elle espérait ne pas s'être trompée. "C'est un honneur de faire votre connaissance, je suis Tatiana du Cirque et j'accompagne Alekseï Dzerjinski. En son nom et en celui de l'Union ; nous vous remercions, avec le Baron d'Apcher, pour l'invitation." Elle reprit élégamment, discrètement, une inspiration. C'était comme sur scène ; elle devait contrôler son souffle. "Puis-je m'installer avec vous pour converser un moment ?"

Tatiana s'efforçait de paraître assurée, mais pas orgueilleuse, et par dessus tout -comme l'avait complimenté Alice tantôt- de paraître à l'aise.

Spoiler:

Les éloges d'Alice sonnant encore à ses oreilles comme la plus douce des musiques, Tatiana se félicita d'être venue voir la futur Baronne du Gévaudan de son plein grès, assurée que cette initiative plaira autant à son mécène qu'à son galant. Avec une Le Noir comme interlocutrice, il y avait peu de chance qu'elle soit accueillie d'un froncement de nez méprisant ou bien jugée pour autre chose que les actes qu'elle commettrait dans les prochaines minutes. Cette apriori fut d'ailleurs confirmé par l'invitation à s'asseoir et la bienveillance apparente de leur hôtesse.

Ravie et ne s'en cachant pas une seule seconde, l'oiselle s'installa après avoir lissé l'arrière de sa robe pour ne pas créer de plis disgracieux au moment de s'asseoir. Elle refoula l'envie d'approcher ses pieds du grand feu, même si ses orteils étaient glacés et vint plutôt les replier sous la chaise, dans une posture qu'elle espérait élégante et naturelle. Heureusement, elle s'était entraînée et avait quelques talents dans le théâtrale et l'acrobatie. Elle bu une gorgée de son verre de vin, veillant à ne pas laisser de trace de rouge à lèvre.

Sa nervosité sembla fondre au premier sujet abordé par Maeve et lui permit d'offrir un adorable sourire à la druidesse, ses grands yeux bleus pétillant comme le lac Baïkal par une journée de printemps. Parler d'Alekseï était rapidement devenu une véritable source de joie et de fierté pour Tatiana, son affection grandissante pour le russe étant aussi sincère qu'évidente. Peut-être essayait-elle de compenser l'austérité de son galant en affichant aussi ouvertement ses sentiments. Ou peut-être se fichait-elle éperdument de l'avis d'autrui sur la question.

“- Vous croyez bien, ô druidesse.” Répondit-elle avec un rire sucré dans la voix. “Il est parti dans le groupe de tête, mais s'il a su éviter les sirènes de l'Empire des Sens, je ne saurais dire s'il sera sourd à celles qui rôdent en bordure des forêts de ce domaine.”

Ah les Vélanes ! L'oiselle s'était bien renseignée sur les dangers du Gévaudan avant de venir. Déjà parce qu'il s'agissait de la terre mère des lycanthropes, mais surtout parce qu'elle voulait absolument savoir à quoi s'attendre en assistant à Samhain dans un lieu aussi "traditionaliste" -pour ne pas dire parfois arriéré- surtout en comparaison de la vie mondaine et avant-gardiste parisienne dont elle était bien plus familière.

Et il semblerait que la druidesse ait elle aussi des questions au sujet des festivités et de ses pratiques. Tatiana pencha légèrement la tête de côté, laissant ses boucles d'oreilles en sequin refléter la lueur des flammes en une myriade de petites étoiles rougeoyantes.

“- Et bien... Pas de cette façon, je ne crois pas. Nous avions pour habitude d'allumer des bougies à nos fenêtres et nos portes. Nous laissions d'ailleurs ces dernières ouvertes pour inviter les fantômes de nos défunts à entrer et nous nous assurions de toujours garder une place à notre table pour qu'ils nous rejoignent. Une assiette pleine de pain et de soupe, ainsi qu'un verre de vin leur étaient proposés dans le même esprit d'hospitalité.” Finit-elle par répondre avec honnêteté. “Je viens du monde du Cirque et avant que nous nous installions à Paris, nous avons voyagé dans toute l'Europe. A chaque approche de la pleine lune d'Octobre, toute la procession s'arrêtait pour trois nuits complètes."

Elle essaya de se creuser la mémoire, de rattraper ces morceaux éparses qui lui échappaient beaucoup trop souvent à cause de sa Malédiction. Peut-être oublierait-elle des détails, mais elle ne voulait pas laisser Maeve sans réponse. A force de fouiller et de forcer, Tatiana sentit une migraine poindre à ses tempes et une nausée l'effleurer comme l'écume sale d'une marée montante. Pour chasser l'âpreté qui habitait maintenant l'arrière de sa bouche, elle avala une autre gorgée de vin. Cela l'aida un petit peu et elle pu reprendre :

"- Les enfants ne devaient pas sortir des caravanes car il était dit que certaines fées et esprits néfastes nous kidnapperaient. Si nous devions sortir, ce devait impérativement être avec des masques de monstres pour confondre ces créatures et ne plus leur paraître humains.”

Le souvenir lui arracha un léger sourire nostalgique. Elle avait été terrifiée durant ses premières années au Cirque, refusant de quitter la caravane de Mirela même quand d'autres enfants l'appelaient et l'enjoignaient à venir danser avec eux autour des feux et des effigies mortuaires. Des protections contre les-dits esprits d'ailleurs, mais qui ne suffisaient alors pas pour la rassurer et la convaincre de quitter la sécurité du giron de sa mère.

“- J'étais très mauvaise à creuser les navets et je me brûlais toujours au moins une fois avec les charbons. Ma mère adoptive a fini par me mettre à la tâche de peindre les masques, car même un horrible résultat ne causerait pas beaucoup d'ennuis, au contraire.” Elle pouffa légèrement, encore un peu embarrassée d'avoir deux mains gauche pour ce genre de chose. “Je ne sais pas si c'était des rituels propres à Samhain, après tout notre Cirque est un véritable point de fusion culturel. Mais nous nous sommes toujours appliqué à les respecter, même encore aujourd'hui alors que nous sommes devenus stationnaires.”

Elle laissa son regard dévier sur le feu, puis au-delà des flammes et remarqua qu'Alice était restée seule. Isolée... Et semblait anxieuse. Plus loin, d'autres groupes de dames oisives semblaient la jauger d'un regard critique et Tatiana sentit son sang ne faire qu'un tour : comment osait-on ? Son amie était ici par invitation du Baron, pour offrir des services que toutes ces mégères et coincées ne pouvaient ne serait-ce qu'imaginer pratiquer à leurs époux ! Lorsque le regard de Tatiana croisa celui d'Alice, elle lui fit un petit signe pour l'inviter à les rejoindre. Elle se souvenait très bien que Maeve, quelques minutes plus tôt, les avait silencieusement invité toutes les deux à partager son feu et sa compagnie.

“- D'ailleurs, si je ne me trompe pas, durant les trois nuits de Samonios n'existe-il pas un rituel uniquement pratiqué par les druides et druidesses ? Une commémoration pour célébrer le commencement d’un nouveau cycle, je crois. Où les feux des foyers doivent être éteints après la première gelée suivant la pleine lune d’octobre et où les druides rallument ensuite un feu sacré au centre de la communauté à l’aide d’une roue représentant le soleil, frictionnée par un... fuseau de quelque sorte ? Allez-vous participer à ce rituel vous-même ici, ma Dame ?”

Récita la belle avec un adorable petit froncement de sourcils. Elle avait lu d’innombrables livres dans ses nombreuses tentatives pour repousser l’inévitable perte de sa mémoire et parmi toute sa lecture, il y avait eu forcément celle très récente sur le thème d'Halloween et de Samhain.

Elle réservait son jugement quant à la "trépidation" qu'elle éprouverait si jamais Alekseï avait bel et bien succombé aux Vélanes. Mais elle faisait confiance en son galant : il était soldat. Il était entraîné à résister aux distractions qui pourraient l'écarter de sa mission. Or ce soir, sa mission était de gagner quelques points en chassant du gibier. Une tâche qui ne devrait pas être trop difficile une fois les Vélanes passées... n'est-ce pas ?

Alors pourquoi se sentait-elle serrée à la poitrine, comme si elle craignait de voir arriver à tout instant un mauvais présage ? Heureusement, la futur baronne lui changea les idées : une simple invitation à l'appeler par son prénom fut suffisante pour que la jeune fille ne s'illumine d'une joie ingénue et spontanée.

“- Vous m'en voyez ravie, Maeve. S'il vous plaît, faites donc de même ! Vous me rendriez très heureuse ainsi.” Gazouilla-t-elle de sa douce voix.

Bien assez vite, elles retournèrent sur le sujet des rituels druidiques qui piquaient tant l'intérêt de Tatiana. Des traditions séculaires et toujours pratiquées, quoi de mieux pour émerveiller l'imaginaire ? La France n'avait beau n'être que son pays d'adoption, la jeune sorcière s'estimait parfois bien plus française que d'autres nés entre ses frontières ! Tout était question de curiosité et d'intérêt pour son Histoire et ses coutumes.

“- Je demanderai à une amie de m'héberger en ce cas. J'adorerai assister à un rituel de cette ampleur.” Confia-t-elle d'un ton légèrement rêveur. "Et si l'année prochaine le permet, alors je reviendrai ici pour y assister une fois de plus.”

Ce prospect lui plaisant définitivement, Tatiana porta sa coupe de vin à ses lèvres mais son geste s'interrompit en entendant parler des légendes locales entourant les rites de Samhain. Communiquer avec l'âme d'un défunt ? Pourrait-elle appeler ses parents et savoir une bonne fois pour toute s'ils sont toujours de ce monde ?

“- C'est cruel pour l'esprit, ne pensez-vous pas ? Les rappeler ainsi... pour simplement satisfaire notre propre chagrin l'espace de quelques minutes.” Elle baissa les yeux, l'expression assombrie. “Après tout, ils sont censés aller dans un monde meilleur, quelques soient les croyances -ou presque- alors pourquoi leur imposer de revenir ici ? Je trouve l'idée égoïste. Et tout aussi cruelle pour nous, car la tentation est si présente... Si alléchante. Je ne sais pas si j'aurais la force d'y résister puisse-t-on m'en présenter l'occasion un jour.”

Le sujet venait de tourner pour le plus sinistre, mais Tatiana n'eut même pas le temps de sauter sur l'occasion d'en changer bien que Maeve lui tendit une perche en or, car déjà quelqu'un s'approchait d'eux. Et l'oiselle n'eut aucun mal à le reconnaitre : Asgall Leamhnach. Ancien membre des Brides ! Son cœur fit un petit bond, incapable de se retenir d'être heureuse à l'idée de croiser une telle célébrité. Et forcément, ses pensées se tournèrent vers Némésis, sa meilleure amie et confidente.

Un sourire ourla les lèvres de Tatiana, sincère dans son plaisir à converser avec l'artiste.

“- Vos notes sont toujours aussi justes et aussi riches que du miel.” Répliqua-t-elle doucement. Si elle nota la dissonance entre l'expression d'Asgall et son regard, Tatiana se garda d'en faire tout commentaire. Les masques de politesse, elle connaissait étant elle-même une artiste. "Monsieur Leamhnach, vous ne comptiez pas chanter ce soir alors je ne me vois pas vous l'imposer. Personnellement, je préférerai encore vous avoir ici à discuter, enfin seulement si vous le désirez et -bien sûr- si Maeve approuve l'idée !”

Après tout, il s'agissait de la table que la futur baronne s'était appropriée. Elle était aussi l'hôtesse de cette soirée en l'absence de son fiancé et ainsi la décision finale lui revenait. L'oiselle se tourna donc vers la druidesse, le regard pétillant et des airs de biche pour essayer de l'amadouer. Il n'y avait aucune subtilité dans l'acte, juste la fraîcheur de sa jeunesse et ses grands yeux bleus plein d'étoiles.

Si elle ressent la fatigue, Neith sait qu’elle doit encore tenir jusqu’à être arrivée. Même Cerbère commence à fatiguer et Neith se dit que ce n’est pas si grave si elle ne retrouve pas son beau-frère. Après tout, elle le retrouverait au domaine. Mais c’est finalement un jappement de Cerbère qui la réveille et elle arrive au moment où elle voit Auguste relever la tête. Un sourire amusé se dessine sur ses lèvres avant de rire à sa première question.
« Non, les vélanes étaient adorables mais j’avais envie de tout de même ramener une proie. Je leur ai demandé gentiment pendant que tu m’abandonnais à mon sort. »
Parce qu’elle a bien compris qu’il l’avait laissée en arrière. Sans s’en vexer, loin de là, elle s’en amusa, mais ne tarderait pas plus tard à lui demander réellement si elle ne lui faisait pas un peu peur que le bondissement qu’elle venait de lui procurer.
« Mais ça c’est bien passé. Je suis contente pour ma première chasse ! Je suis tombée sur une horde de cerfs et j’en ai abattu deux avec un petit. » s’exclama-t-elle, un sourire aux lèvres. « Allez, rentrons. Je suis épuisée. »
Elle talonna sa monture et fit le chemin du retour avec Auguste. Sur la route, Cerbère s’amusait à jouer en courant avec Macha ce qui amusa beaucoup Neith. Lorsqu’enfin le domaine réapparut, l’égyptienne ne put s’empêcher d’éprouver un peu de soulagement. Descendant de son cheval, elle le laissa aux bons soins des palefreniers non sans féliciter la bête avant de demander de l’eau pour Cerbère qui semblait ne plus vouloir décoller Macha. Adressant un sourire à Auguste, l’égyptienne se dirigea vers les rafraichissements sans trop regarder autour d’elle. Elle prit quelque chose de chaud avant de sentir une main sur son épaule. Rawiya s’assura que sa fille allait bien et après un court résumé qui déclencha un rire de la mère, Neith se dit qu’elle devait vraiment s’asseoir parce qu’elle sentait la fatigue s’abattre sur elle d'un seul coup, ce qu’elle fit sur un des tonneaux en buvant sagement.

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