ne t’accroche pas si fort (aureus)

Ce que dit Aureus n’est rien que ce qu’elle pense. Oui, le monde en sera changé. Et elle en serait la première victime. Si Rachel essayait de ne pas trop penser à cela dernièrement, elle devait reconnaître que plus élections approchaient, plus elle ressentait cette angoisse dont elle n’arrivait pas à se débarrasser. Lorsqu’elle essayait de rationaliser, la née-moldue se disait que Tarek Shafiq n’avait aucune chance. Son parti était jeune et pouvait être aisément démantelé. Mais surtout, elle avait foi en l’Ordre du Temple. Eux veillaient dans l’ombre. Eux étaient les gardes-fous que cette société représentait. L’Ordre avait l’avantage d’être tentaculaire et surtout plus vieux que l’Aube Sorcière. Tarek Shafiq n’était qu’un grain dans le temps et il pouvait être écarté facilement. Tout du moins, c’était ce que Rachel essayait de se dire. L’homme était écartable, mais qu’en était-il de ses idées ? Elle espérait qu’il y aurait un mouvement de réplique pour contre balancer qui se ferait comme souvent dans l’Histoire. Ou alors, le France tomberait dans l’obscurantisme et elle, elle n’était pas certaine de vouloir assister à cela.
Elle a envie de lui dire qu’il ne peut pas comprendre. Dans le fond, s’il se lance en politique, elle sait que ce serait une bonne chose pour cette société même si dans son paroxysme, Aureus représente l’hypocrisie latente du modèle français. Dans un monde idéal, il faudrait que les représentants soient aussi diversifiés que l’était réellement la France. Des gens comme elle, née-moldue, venant du « peuple ». Mais Rachel n’avait aucune envie d’être ce genre de personne parce qu’elle savait déjà qu’elle ferait un terrible modèle et elle ne voulait pas faire courir de risques à sa famille, même sa sœur même si elles ne se parlaient plus.
Elle a envie de lui dire qu’il ne peut pas comprendre mais les mots s’emmêlent et c’est, finalement, l’aveu qu’elle n’est plus sobre et qu’elle s’arrêtera là pour ce soir. Un sourire se dessine sur ses lèvres lorsqu’Aureus lui répond la même chose. Elle l’avait remarqué à ses yeux brillants depuis le temps qu’elle le connaissait… et sans doute la manière dont il la regardait.
Lorsqu’il se lève, elle s’apprête à lui dire avec véhémence qu’elle refusait catégoriquement de retourner danser. Il avait eu sa danse, elle avait une jambe à préserver. Elle s’arrête néanmoins lorsqu’elle l’entend demander à aller ailleurs, puis, s’approcher et le répéter à son oreille, lui déclenchant un frisson.
« J’ai cru que tu allais me redemander une danse. » rit-elle de sa méprise.
Elle voit la façon dont il la regarde et elle ne peut se soustraire à ce regard, ni à rien de lui.
« Allons ailleurs. » conclut-elle.
Pourquoi lutter ? Elle savait qu’elle n’y arrivait pas lorsqu’il s’agissait de lui, cette attraction toujours bien présente, bien consciente. Se subtilisant à sa proximité quoi qu’enivrante, Rachel récupéra son petit sac à main et se passa son manteau sur les épaules. Sa robe restait légère et il faisait froid dehors. Puis, elle prit la main d’Aureus et ils sortirent ensemble.
Les joues légèrement rougies par la différence de température et le froid, elle attendit qu’ils se soient un peu éloignés du Chansonia pour s’approcher un peu d’Aureus et déposer un baiser sur ses lèvres. Le cœur battant, elle se rendit compte à quel point cela lui avait manqué, lui tout entier tout en sachant qu’ils devraient arrêter, que cela ne mènerait à rien.
« Où veux-tu aller ? J’ai un hôtel à quelques pas d’ici pour la nuit mais je compte le rendre demain matin tôt pour le portoloin qui va au Fort Invisible. » souffla-t-elle avant de relever son regard vers lui. Et s’ils décidaient d’aller ailleurs, elle devrait de toute façon retourner à l’hôtel pour récupérer ses affaires. Peu importe où ils allaient tant qu’elle était avec lui.

Loin de l’agitation du Chansonia, Rachel se sent mieux. Sans doute est-ce aidé parce qu’elle est avec lui. Elle qui évitait comme la peste les grands rassemblements de société, n’étant pas si sociable et de toute façon sentant bien que la plupart du temps, elle gênait, appréciait largement plus les moments de calme et de silence. Sans doute parce que sa vie en était remplie, surtout pour le silence. Elle se sent infiniment plus libre en cet instant, s’autorisant à l’embrasser et étant heureuse qu’il lui rende son baiser. Un sourire amoureux aux lèvres, Rachel observe un instant le noble. Elle s’étonnait toujours qu’il fut à ce point intéressé par elle, elle qui n’avait rien de spécial. Rien de particulier à part cette colère grandissante qui ne faisait pas bon d’attiser et à laquelle bien malgré lui il participait. Mais il était là, juste là à côté d’elle et elle savait qu’elle devait profiter parce que demain, dans une semaine, dans plusieurs mois, où en seraient-ils ? Cela ferait inévitablement trop mal à un moment ou à un autre. Il y avait pourtant cette volonté de profiter de lui, de l’instant présent, tant que c’était encore possible et qu’ils se l’autorisaient. Tant que cela ne faisait pas encore mal.
Alors, elle lui demande, où aller, ses conditions également. Ils sont tous les deux des êtres occupés et importants. Lui sans doute plus qu’elle. Ainsi, quand il lui dit d’attendre, elle ne comprend pas trop au début, et lorsqu’il disparait, elle reste bête un instant avant de râler.
« Mais quel boucan… »
Elle croise les bras et attend. Se demande à un moment s’il ne l’a vraiment pas abandonnée là. Se dit que vraiment, ces foutus nobles peuvent faire avaler des couleuvres et qu’on leur passe vraiment tout. Commence à désespérer que là, ça commence à être long quand même. Et si elle essayait de le retrouver ? Mais elle n’avait vraiment aucune idée d’où il était parti.
« Elle est belle la galanterie. » râla-t-elle encore.
C’était bien parce que c’était lui qu’elle attendait dans la nuit. Regardant autour d’elle, Rachel constate qu’elle est seule, mais elle n’est pas rassurée pour autant et maudit intérieurement son noble. Ce fut sur cette pensée qu’elle le voit réapparaitre au même endroit où il avait transplané. Elle s’apprêta à dire quelque chose, l’air vraiment agacé quand son regard tomba sur …
Sa valise ?
Perdue, Rachel releva son regard céruléen sur son amoureux qui ne tarda pas à lui donner l’explication qui allait avec.
« Au moins, cela règle la question de là où on va... » râla-t-elle de nouveau mais n’arrivant pas à s’empêcher de sourire.
Définitivement, elle trouvait cette attention romantique à défaut d’y voir une intrusion dans son intimité. Il faut dire qu’ils avaient largement passé ce cap et que c’était lui après tout. Râlant néanmoins pour la forme, elle lui prit la main avant de rire, un peu cynique à sa question.
« Tu poses encore la question ? Tu as ma valise. Je ne vais pas t’inviter sous le pont. » commenta-t-elle en levant les yeux au ciel.
Il l’avait emmené plusieurs fois chez lui, bien évidemment et retrouver cet endroit la fit un peu sourire. Aureus avait du goût. Un privilège de sa haute naissance. Elle, elle savait qu’elle n’avait aucun talent en décoration. Cela l’indifférait complètement notamment parce qu’elle n’y avait jamais été sensibilisée petite. Pas la même éducation, pas les mêmes priorités. Même maintenant qu’elle avait un peu d’argent, son chez elle restait impersonnel parce qu’elle n’avait jamais réellement pris le temps. Sauf sa chambre qui était un bordel sans nom ce qui était surprenant lorsqu’on la connaissait, elle, si carrée et si rangée.
Laissant la valise dans le couloir, Rachel donna son manteau à Aureus avant de s’avancer dans l’espace. Il n’y avait définitivement pas de touche féminine ici. Non pas qu’elle en aurait forcément mis une si les choses avaient été autrement mais… elle ne pouvait s’empêcher de se projeter. Et de s’arrêter immédiatement parce que cela n’apporterait rien de bon. Elle note que deux ou trois choses ont changé de place depuis la dernière fois qu’elle était venue, mais c’est surtout la magnifique vue sur Paris qui le souffle comme à chaque fois. C’est cela qui différencie les riches des pauvres : la vue qu’ils ont de leur fenêtre.
Sentant le canapé s’affaisser un peu, elle se tourna la tête vers lui et le remercia pour le verre. Ses mots la firent un peu rougir et elle répondit :
« Moi aussi. » Buvant un peu l’alcool de très bonne qualité même si elle n’avait strictement aucun palais. Pour elle, l’alcool c’était de l’alcool et elle avait passé ses jeunes années à boire de la piquette parce que c’était vraiment ce qui se vendait près de chez elle dans le Var. Elle se demandait toujours si une cuite était moins douloureuse avec de l’alcool cher ou de la piquette d’ailleurs. « Ca te dérange si je fume ? » demanda-t-elle. Elle le faisait toujours mais elle avait très envie de sa cigarette mentholée. Elle sort de son étui sa cigarette et fait voler d’un coup de baguette magique le cendrier qu’elle sait quelque part.
Puis, elle demande :
« Tu penses que ta famille te soutiendra si tu te présentes en politique ? Auras-tu encore le temps pour ton bureau ? »
Ils se croisaient de temps en temps à cause de leur travail respectif selon certains prisonniers également. Elle avait pris l’habitude aussi de travailler un peu avec lui et l’idée qu’il ne soit plus à ce poste la perturbait plus qu’elle ne l’aurait cru à force d’y réfléchir.