J'aime les soirs || ft. Elric d'Adhémar

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(#) Re: J'aime les soirs || ft. Elric d'Adhémar

missive rédigée par Elric d'Adhémar le Jeu 10 Oct 2024 - 15:31

J'aime les soirs ♕ @Piotr Medvedev

12 Novembre 1927 • La Garde • TW aucun

Avec le Marxisme, il y a certainement matière à débat. Avec les idées soviétiques beaucoup moins. Mais si Elric a décidé de faire des efforts, encouragé par Piotr, il ne peut chasser son naturel aisément, alors dès l’instant où il sait que cet échange-là ne mènera à rien, il le ravale. Après tout, Piotr parle avec, il l’espère, une intention bienveillante, et c’est ça qui compte après tout. En revanche, sa palette d’expressions, elle, est fascinante et il se prend à l’étudier avec intérêt, cherchant à comprendre les nuances de ses humeurs.

Curieusement, sans doute, son attitude soudainement froide, alors qu’ils évoquent les hypothétiques exactions du Coeur, le dérange beaucoup moins que l’introduction à leur réunion.

“Non, en effet,” confirme Elric d’une voix lasse, “même si j’eu préféré qu’il en soit autrement.”

Comme il eut sans doute préféré que Piotr rit à gorge déployée et le traite d’idiot pour imaginer les malversations dont Zina est la proie. Hélas, la vie offre rarement ce que l’on attend, même aux plus humbles souhaits. En l’état des choses, Elric n’est pas certain de la bonne réaction à adopter. Est-il préférable qu’il prenne ses distances d’avec Zina, ou bien qu’il use de son autorité de Sénéchal pour la placer une bonne fois pour toute hors d’atteinte des menaces les plus évidentes à sa santé, à savoir la meute rouge.

Ou alors, il peut aussi décider d’adopter une attitude exceptionnellement inhabituelle pour lui.

Oui ! Mais laquelle ?

Tout à ce débat intérieur, il est surpris par la soudaine question que Piotr lui pose et il lui faut quelques instants à retrouver le fil de la conversation. Ah oui, le prisonnier. Celui-là même qu’ils vont libérer dans la semaine. Une aberration, à ses yeux, mais de toute évidence l’auditoire a déjà été conquis avant même leurs objections. Difficile de faire changer un groupe d’avis. La certitude, lorsqu’elle est implantée chez un individu, possède un dangereux pouvoir sur les capacités de raisonnement.

“... Non, pas encore. Je dois le lui annoncer dans la semaine. Tu es le premier chevalier non gradé à l’apprendre.”

Même si Elric n’apprécie pas la façon dont Piotr évoque Alekseï, il ne peut pour autant le contredire. Il y a leur formation, il y a leurs vœux, et il y a la lycanthropie. Il s’apprête à parler, mais Piotr l’en empêche, alors il le laisse poursuivre, jusqu’au bout. Il peut comprendre, bien sûr, Alekseï et lui sont plus proches qu’il ne l’est de Piotr, alors il est aisé de penser qu’il le défendra bec et ongles en toutes circonstances. D’ailleurs ce n’est pas erroné, Elric croit en Alekseï, croit en sa loyauté à l’Ordre... et à lui.

“Justement, si,” est la réponse, immédiate et sans détour, qu’il offre, “nous manquons de soldats. Je milite pour qu’on rouvre le corps martial, mais dans l'absolu, en Europe, la Russie est la seule branche de l’Ordre qui possède des soldats identifiés comme tels.”

Un bref instant, il s’autorise de nouveau à manger, une activité devenue mécanique et instinctive plutôt qu’un plaisir.

“La montée de l’Aube Sorcière inquiète. Pas seulement à cause des élections mais des réactions en chaîne que Shafiq peut provoquer sans même le vouloir réellement. Dans quelques mois, c’est peut-être une guerre civile que nous aurons sur les bras. Tout le monde est à cran.”

Pour de bonnes raisons, très certainement, mais ces tensions peuvent devenir le théâtre de beaucoup trop de luttes intestines alors qu’ils devraient essayer de consolider leurs positions.

“Sans même parler de nos tensions internes, d’ailleurs. Du peu que j’ai pu découvrir de cet individu, c’est un mage noir, qui a eu beaucoup d’influence dans les milieux illégaux internationaux pendant la guerre. Le Coeur l’a présenté comme un bon moyen d’infiltrer cette frange de la France et de disposer d’un outil plus... flexible, dirons-nous. Pour l’heure c’est pauvre, je sais.”

Et finalement, toute la question est sans doute davantage savoir d’où le Coeur, lui, tire ses informations et ses certitudes. Ou bien est-ce un coup de poker à grande échelle ? Ce qui, sinueusement, le ramène à une autre question qu’il a laissé de côté pendant quelques instants, afin de répondre à Piotr. S’offrant le luxe d’un silence pensif, visage en partie dissimulé par ses mains jointes, les traits frémissants d’ébauches d’expressions contrariées, il cherche la meilleure façon de procéder, avant de décider que la vérité nue est sans doute la meilleure approche.

“Et toi ? Comment fais-tu, au sujet du Coeur ? Pour rester indépendant.”

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(#) Re: J'aime les soirs || ft. Elric d'Adhémar

missive rédigée par Piotr Medvedev le Sam 12 Oct 2024 - 16:41

J’aime les soirs sereins et beaux, j’aime les soirs,
Soit qu’ils dorent le front des antiques manoirs
Ensevelis dans les feuillages ;
Soit que la brume au loin s’allonge en bancs de feu ;
Soit que mille rayons brisent dans un ciel bleu
A des archipels de nuages.

@Elric d'Adhémar || TW unreliable narrator, psychophobie

Savoir qu'il est le premier de la meute mis au courant ne devrait pas susciter en lui l'émoi qu'il ressent. L'émotion est enfantine et trop vulnérable pour ne pas être dangereuse ; oui, Elric lui fait confiance. Pour le moment. Qui dit qu'Alekseï ne passera pas derrière pour effectuer le travail de sape qu'il l'a déjà vu faire ? Qui garantit que le sénéchal, une fois seul, ne se "ramènera pas à la raison" en s'écartant de son influence ? Rien. Rien du tout. Il ne peut pas se permettre de s'enthousiasmer ainsi.

Il attend un instant, une fois sa diatribe envers son faux-frère terminée, que les défenses fleurissent et que l'affection prenne le dessus sur l'esprit. Pourtant rien ne vient, et le lycanthrope autorise un éclat de surprise à illuminer son visage avant de reprendre. Ne pas en faire un événement, se répète-t-il, ne pas en faire un événement. Il ne doit pas en faire un événement.

Là où la réponse est immédiate, Piotr s'interrompt. La vérité est sans appel et le replonge dans les gouffres qui séparent sa réalité de celles des autres - des Français particulièrement. Lui qui passe son existence à s'entraîner, être entraîné et mettre à exécution son entraînement, imaginer que l'Ordre du Temple n'est rien de plus que... quoi ? Un établissement administratif ? Un pantomime politique ? Imaginer cela est difficile. Presque pénible.

"Tu as raison. J'oublie trop souvent qu'il n'y a plus de corps martial en Europe. Une erreur, si tu veux mon avis. Ca, plus que tout le reste, ça vous met tous dans la soumission au Cœur. Et crois-en mon expérience, ce n'est pas une position enviable."

La manière qu'a Elric de manger lui rappelle une poupée de chiffon, et il manque de grimacer. Pourtant, la venaison est délicieuse. La conversation lui couperait l'appétit ? Pourquoi ?

"C'est le problème des organisations administratives, ça, poursuit-il sans tenir compte des états d'âme de son interlocuteur. Beaucoup de paperasse, peu d'action. L'ennemi est en face, mais vous allez passer mille ans à parler protocole plutôt que d'aller le trouver. La réalité est dure, mais c'est la réalité : vous n'avez pas besoin de bureaucrates, vous avez besoin de soldats et de politiciens. Ce sont les deux terrains sur lesquels battre l'Aube Sorcière. Le reste, c'est... "

Piotr effectue un geste vague de la main avant de reprendre un morceau de son assiette. Non, décidément, il trouve la nourriture excellente. Impossible pour lui de passer à côté, même s'il comprend un peu mieux la contrariété de son camarade lorsque ce dernier révèle le faible portrait du nouveau jouet de leur ennemi commun. Pauvre, c'est le terme.

Il lave sa bouchée de viande avec une rincée de vin rouge, levant un sourcil blasé à l'encontre de son vis-à-vis:

"Je traduis : le Cœur voit un intérêt à manipuler un criminel qui n'aura pas les scrupules de bon nombre de nos rangs et qui n'aura sans doute pas le choix que d'obéir à ses ordres."

Un soupir lui échappe.

"C'est catastrophique."

La conclusion n'est pas plus riche que le portrait, mais il lui est difficile d'imaginer comment argumenter davantage. Son alpha vient d'emporter une bataille et il leur est tout bonnement impossible de déterminer son envergure. Ils avancent à l'aveugle avec de la cire dans les oreilles et doivent tenter de lutter contre un adversaire en armure.

"Je devrais tenter d'accompagner Alekseï", tente-t-il.

Haussement d'épaules, lampée d'alcool. Il masse l'arrête de son nez en poursuivant :

"L'agacer est l'un de mes grands talents, il n'y verra pas forcément quelque chose de grave. Ou en tout cas pas de plus grave que d'habitude. Il se doutera que je manigance, mais pour quoi... Si je parle directement au concerné en tout cas, je devrais pouvoir choper des informations plus intéressantes que ce qu'on a pour le moment."

S'il pensait que sa proposition lui mettrait la pression, c'était sans compter sur la question d'Elric. A cette dernière, il laisse échapper un rire sardonique.

"Indépendant ? Je ne le suis pas, Elric. La morsure s'en est assurée."

Cette fois-ci, le soupir qui le traverse est plus lourd, densifié par le charbon d'un passé qui lui colle à la peau.

"J'ai beau tenter de me détacher de la meute, rien n'y fait, avoue-t-il. Même avec l'éloignement, une partie de moi refuse de s'extirper de l'influence du Coeur. Pour le reste, je pense que c'est ma rage et mon passif qui jouent en ma faveur. Ma rage parce qu'elle me permet de voir ce qu'il préférerait que j'oublie, le passif parce qu'il assure qu'une grande partie de la meute me voue une méfiance chronique. Je suis un semi-étranger, alors on me tient éloigné en partie et, en échange, on ne s'étonne pas lorsque je fais des choses d'en mon coin."

Second rire, aussi dénué d'humour que le premier :

"Ce n'est pas particulièrement glorieux, je le crains."

Le regard de glace se relève, rencontre le bleu de son homologue. Piotr penche la tête.

"Mais dis-moi, ta femme est-elle au courant de la 'protection' que lui offre le Coeur ?"

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(#) Re: J'aime les soirs || ft. Elric d'Adhémar

missive rédigée par Elric d'Adhémar le Lun 14 Oct 2024 - 16:30

J'aime les soirs ♕ @Piotr Medvedev

12 Novembre 1927 • La Garde • TW aucun

Pas une position enviable, en effet. Il faut le reconnaître, leur manque d’indépendance peut leur coûter des opportunités. Une raison de plus pour lui de tenter une revivance de la vocation martiale. Et après tout, mieux vaut former des soldats aux valeurs décidées par leurs soins plutôt que de craindre celles de mercenaires, même ordonnés. Ça, il peut s’en servir devant le reste des Sénéchaux, un argument pour mettre le reste des cellules de l’Ordre au même niveau que celle établie en Russie.

“En effet.”

Mais en attendant, il y a peut-être d’autres pistes à suivre pour troubler les activités de l’Aube Sorcière. Attendre leur prochaine action n’est sans doute pas la meilleure approche à leur problème. Attendre les élections non plus, d’ailleurs. Et pourtant, il est nécessaire d’observer une grande prudence, les humeurs politiques françaises pouvant se montrer aussi changeantes que terriblement imprévisibles. Il ne sera pas bon de tout mettre en œuvre contre l’Aube Sorcière uniquement pour voir émerger une autre menace immédiatement.

Et même la viande riche et le vin rouge ne peuvent effacer le goût amer sur sa langue à l’idée de la délicatesse de leur situation. La paix est aussi fragile qu’un fil de la vierge, en ces heures.

“Tu traduis bien.”

Non que les scrupules soient réellement ce qui retient un chevalier en mission, mais l’éducation, les règles, oui impossible de le nier, ils ont des limites. Et ils ont bien du mal à les ignorer, ainsi n’est pas leur voie.

Qu’est-il réellement possible d’opposer à son plan, d’ailleurs ? Dès demain, le pion en question peut être sacrifié sans un seul instant d’hésitation pour les besoins de l’Ordre. Et il est possible de tout imaginer, du plus anodin à la plus sombre conspiration. Lui-même ne peut nier que c’est un avantage indéniable et il n’aura sans doute pas tant renâclé s’il s’agissait de quelqu’un d’autre que le Coeur. Peut-être se méfie-t-il trop de lui ? Non. Non décidément, les évènements ne lui accordent pas le luxe de la naïveté.

Son regard soupèse Piotr. Oui, peut-être qu’il a raison, peut-être que discuter avec ce pion est une bonne idée. L’excuse d’ennuyer Alekseï, si elle désole Elric d’agacer ainsi son frère, est une manne pour eux, une excuse toute trouvée pour la soudaine curiosité de Piotr. Mais le Coeur n’est tout de même pas idiot. Qui sait que Piotr est venu ici ce soir ? Qui l’a vu faire ? Sa famille à lui, leurs domestiques, mais qui d’autre ? Qui surveille le domicile d’Alekseï et les vas et vient depuis celui-ci ?

“Je ne suis pas certain qu’elle sache,” glisse-t-il, avant que ses yeux ne trouvent les siens, “elle n’est pas au courant de l’existence de l’Ordre.”

Merveilleux, entre les manigances du Coeur et le retour de Camille, Elric voit se profiler à l’horizon des jours houleux au sein de sa maisonnée. Et l’éviter lui paraît proprement impossible.

“Piotr...” S’interrompant un instant, Elric hésite, avant d’ajouter, “Souhaiterais-tu apprendre l’occlumencie ? Je ne sais pas si cela pourrait influer d’une quelconque façon les liens qui t’attachent au Coeur mais je sais que certains occlumens parviennent à mieux résister à l’imperium, par exemple, ou au veritaserum. Qui sait ?”

Ce n’est pas grand-chose, cependant, et par cette constatation, Elric est témoin de sa propre ignorance au sujet des loups-garous. Chercher des solutions sans comprendre même ce que ces solutions doivent adresser est aussi inefficace que vouloir attraper de l’eau avec une passoire. Peut-être est-il bon qu’il en apprenne davantage, mais comment ? S’il pose des questions à Alekseï, celui-ci peut en parler au Coeur, ce qui ne l’enchante pas. Le reste de la meute ? Même écueil. Et le seul autre loup dont il a connaissance et qui ne soit pas de l’ordre c’est... enfin c’est un D’Apcher.

“Quoi qu’il en soit, je peux déjà te dire où la libération aura lieu, et quand. Cela arrivera très vite, le quinze, sous toute vraisemblance. Et si tu ne parviens pas à accompagner Alekseï, tu pourras toujours te trouver inopinément chez les Rosiers pour quelques emplettes au moment où ils devront s’y rendre, si tu vois ce que je veux dire ?”

Cela ne fait réellement aucun doute. Devoir intriguer au sein même de l’Ordre répugne considérablement Elric, mais de toute évidence, d’autres n’ont pas la même probité. L’idée le ramène à Camille, à son combat contre la formation de la meute rouge, puis, inévitablement, à Zinaïda, une fois encore, petite poupée agitée sous son nez et dont on souhaite user contre lui... Il se doit de couper les fils le plus vite possible, mais pas sans y réfléchir. Pas sans s’assurer de sa sécurité, mais aussi des répercutions.

“Zinaïda n’apprécie guère le reste de sa famille proche. Elle a et aura toujours un attachement à eux bien sûr, mais elle, enfin je crois qu’elle préfère réellement sa vie actuelle. Du moins, sa liberté et l’absence des attentes impériales.”

Il ne peut s'empêcher de douter une fois de plus. Zina ne se force pas, n’est-ce pas ? Elle est plus heureuse à présent, non ? Et pourtant, son premier réflexe a été de se blâmer elle-même, à la mort d’Alban... Et s’il se trompe ? Sa douce Zinaïda, en dépit de son amour pour la destruction des objets décoratifs, elle apprécie les plantes, et elle veut aider son prochain, elle aime sa fille et elle souhaite pouvoir vivre en paix, mérite de vivre en paix, pas d’être moins qu’un pion sur cet échiquier qu’elle ne connaît pas.

“Elle avait dix-sept ans, lors de la révolution, Piotr. Une enfant, c’est tout. Une enfant à qui on a fait croire qu’elle devait se taire, être belle et porter des enfants, quitte à mourir pour leur donner la vie. Une enfant que son frère a vendu comme une génisse simplement pour s’épargner son propre devoir...et marier à...”

Un sourire lui tort les lèvres, qui n’a nulle chaleur, et il hausse des épaules, équivoque.

“Elle est courageuse, tu sais. Ouvre doucement ses ailes. Elle a même décidé de travailler, après notre mariage, en dépit de la fortune de ma famille. Elle est herboriste.”

Il s’interrompt, sa voix mourant sans inflexion finale, se délitant dans le silence. Elric reste un moment immobile, figé par le poids de ses pensées, avant de finalement secouer la tête, fermer les yeux, et soupirer profondément. Une main passe sur son visage, masse l’arrête de son nez, cherchant à chasser la fatigue qui le colle, poisseuse. Il doit y réflechir, maintenir la bride de ses idées. Il se voit déjà demander à ce qu’elle soit introduite auprès de l’Ordre du Temple, il trouverait bien un second chevalier pour la coopter ! Mais est-ce qu’elle y survivrait ?

“Il faut que j’y réfléchisse. Pour l’heure, je n’ai que des idées farfelues, rien de concret.”

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(#) Re: J'aime les soirs || ft. Elric d'Adhémar

missive rédigée par Piotr Medvedev le Ven 18 Oct 2024 - 21:19

@Elric d'Adhémar || TW unreliable narrator, psychophobie

Le visage d'Elric semble devenir plus soucieux encore à mesure que se poursuit la conversation. Lorsque Zinaida est mentionnée ses traits se plissent davantage, comme ayant soudainement compris quelque chose qu'il ignorait jusqu'alors. Comme si l'avenir avait pris une tournure plus noire, avait perdu un peu d'espoir.

"Elric, au risque de paraître insensible, est-ce que tu l'aimes? C'est important pour la suite."

C'est que Piotr est confus. Lui-même est bien éloigné des sujets d'amour et d'affection, mais l'idée de dissimuler de telles choses à une personne qu'on adore lui paraît trop irrationnelle peur venir de son interlocuteur. N'est-il pas l'homme le plus sage de l'Ordre ? D'un autre côté, le soviétique a vu les ravages des émotions sur le sang-froid des plus endurcis des soldats, a vu ceux-là même qu'on jurait d'une grande lucidité prendre les plus absurdes décisions à cause de leur hubris.

" Si c'est le cas, je te conseille de lui avouer avant que le Cœur ne le fasse pour toi."

C'est ce qu'il ferait à sa place: garder le cou de son pion au chaud sous une laisse, la tirer et la pousser à son avantage puis, au moment opportun, permettre à un autre chien de lui déchirer le ventre. Et persuader sa victime qu'elle en est responsable qui plus est. Abandonner cet avantage à leur ennemi est la promesse d'une catastrophe qu'il ne peut se permettre.

"Je ne garantis pas qu'elle le prenne bien, ou même mieux en soi. Mais si tu es le premier à en parler, tu contrôles le discours. Et surtout, l'autre connard perd son joker. Sans mauvais jeu de mots.", rajoute-t-il avec un sourire en coin.

Il s'apprête à rebondir sur autre chose lorsqu'Elric fait ce qu'il semble s'obstiner à répéter depuis leur rencontre il y a quelques minutes - heures ? - maintenant : le surprendre.

Souhaiterais-tu apprendre l’occlumencie ?

Le reste de ses paroles est un brouillard. La libération du criminel, les stratégies pour manipuler Alekseï. Souhaiterais-tu apprendre l’occlumencie ? Zinaïda et ses relations complexes avec le reste de sa famille, avec le monde de la noblesse. Souhaiterais-tu apprendre l’occlumencie ? Le courage de cette femme, l'affection manifeste que lui porte Elric. Souhaiterais-tu apprendre l’occlumencie ?

"Attends.", conclue-t-il.

Un souffle.

"Attends. Tu étais sérieux ? Lorsque tu m'as parlé de m'apprendre l'occlumencie ?"

Personne. Personne n'a jamais pensé à lui tendre une telle perche, à lui offrir une telle assurance, à lui donner une telle arme. Piotr a dû réprimer seul sa paranoïa, la laisser le bouffer de l'intérieur, a dû contenir ses pensées derrière un sourire que trop de Russes trouvaient déconcertant et que les médecins avalaient pour le plaisir de se débarrasser de lui.

"Elric, insiste-t-il, si tu n'es pas certain retire cette offre. Parce que sinon je vais l'accepter. Je vais l'accepter tout de suite et je vais donner tout ce que j'ai pour cet objectif."

Il tente de rester rationnel. De penser. De ne pas se laisser brouiller par l'espoir et la tentation qui brûlent son œsophage. Un soupir tremblant lui échappe, gorgé d'une tension qu'il ne parviendrait pas à expliquer. Ses muscles sont crispés, son cœur battant, son souffle court. Il n'a pas peur, n'est pas impatient, mais il y a une urgence en lui qui monte comme un raz-de-marée. Sa pomme d'Adam monte et descend au rythme de ses déglutitions.

"J'ignore ce que cela peut avoir comme effet. Mais je pense que c'est une chance.", avoue-t-il.

Les regards bleus se rencontrent. Il cherche à sonder l'âme de son interlocuteur, n'y voit que la même sincérité presque agaçante dont fait toujours preuve le sénéchal. Son expiration est lourde.

"Qu'est-ce que tu disais, déjà ? Que Zinaïda était courageuse ?"

Une main pesante passe contre sa face livide. Piotr papillonne des yeux, prend une gorgée de vin, tente de retrouver sa contenance. Il hausse ses épaules :

"Je n'en doute pas : elle a survécu. Et a quand même trouver l'audace de se retourner contre le peu de famille que nous n'avons pas massacrée. Je suppose que c'est ce qui fait que tu tiens à elle, non ?"

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(#) Re: J'aime les soirs || ft. Elric d'Adhémar

missive rédigée par Elric d'Adhémar le Dim 20 Oct 2024 - 19:23

J'aime les soirs ♕ @Piotr Medvedev

12 Novembre 1927 • La Garde • TW aucun

Est-ce que je l’aime ? La question que Piotr lui a posée reste omniprésente, dans son esprit, comme plantée dans chacune de ses pensées, laissant Elric profondément troublé. L’idée même du mariage eut voulu qu’il n’hésite pas un instant, qu’il réponde positivement, qu’il assène même. Mais l’idée du mariage n’est pas la réalité. Elle en diffère même vastement. Tous ses mots, tous les compliments qu’il entonne ne changent rien à son silence sur la question qu’on lui a posé. A cette tâche sur son honneur et sa dignité, l’indélicatesse que sa réaction représente pour son épouse. Il sait mais ne peut s’empêcher d’hésiter, quand quelques jours plus tôt, il eut répondu sans tarder.

Ça ne va pas, mais il ne peut pas réellement en parler à Piotr, non ? Les conseils conjugaux de sa part, ce serait sans doute absurde. A moins que son absence totale de prise de partie de soit justement ce dont il ait réellement besoin face à ses problèmes. Comment aborder la chose, cependant, alors qu’ils parlent de l’avenir potentiel de l’Ordre du Temple ? Seigneur, Elric, reprends-toi, tu n’es pas une adolescente de quatorze ans devant son premier béguin ! Mais justement, il a récemment retrouvé son premier, et son seul, béguin, et cela change tout. Camille change tout. Parce que Camille a toujours été sa folie, sa passion, la seule donnée égoïste dans sa vie.

Il ne peut se concentrer sur cela pour l’heure.

“... Piotr ?”

Du peu qu’il en perçoit, il n’est pas le seul à avoir concentré son esprit sur une seule donnée, et Elric ne peut guère lui en vouloir. Non, en vérité, il en est stupidement soulagé, son esprit trop prompt à la culpabilité d’avoir manqué à ses devoirs. Alors il attend, picore dans son assiette, pendant que son vis à vis rassemble ses pensées, lui revient une nouvelle fois. Pour lui parler de l’occlumencie. Ca ne devrait pas me surprendre. Non, vraiment, la situation de Piotr justifie parfaitement son intérêt, qui donc eut pu le lui reprocher ? Alors Elric opine, répond, prunelles claires de sincérité.

“Bien sûr.”

Et il en pense chaque mot, même lorsque Piotr insiste.

“Je ne fais aucune offre par pure courtoisie, Piotr. Je suis certain. Si tu souhaites apprendre, je t'enseignerai.”

Si cela peut, d’une façon ou d’une autre, permettre à son frère juré de conserver son libre arbitre face à son Alpha, alors il le fera sans hésiter, bien trop conscient de ce que cela représente, de l’impensable d’être lié à un homme que l’on exècre à ce point. D’ors et déjà, Elric sait qu’il sera un professeur exigeant, mais Piotr a été fait chevalier et a survécu jusqu’ici en dépit des difficultés. Il saura s’en sortir. Il saura progresser. En fin de compte, ils n’auront besoin que de temps et de pratique, et puisqu’il semble prêt à rester en France durablement, ils disposeront de nombreuses occasions.

Un léger sourire vient jouer sur ses lèvres, brièvement.

“Oui, je parlais de Zina. Et oui, je tiens à elle. Pour son courage, sa dévotion, son sale caractère…Pour… bien des raisons, à dire vrai.”

Peut-être que je l’aime, au fond, à notre façon.

Il observe Piotr. Celui-ci a définitivement une mauvaise influence sur lui. Il va devoir y prêter une grande attention à l’avenir. Mais pour l’heure, elle ne lui fait pas de mal, bien au contraire. Les opportunités existent, il en est certain, à portée de main. Mais contrairement au Coeur, Elric ne désire pas manipuler Piotr, uniquement obtenir son aide s’il accepte de la lui donner. Il s’en fait le serment. Puisqu’ils ont l’occasion de repartir sur de nouvelles bases, en se comprenant un peu mieux, et surtout, cette fois, sans se croire l’un l’autre des ennemis non déclarés.

“Je lui parlerais, et je te tiendrais au courant. Je vais également devoir lui parler de toi, dans une seconde mesure, surtout si tu me rends visite pour nos leçons dans les prochaines semaines… Je ne réside pas ici en permanence.”

Qu’on le veuille ou non, la vie mondaine a lieu à Paris avant tout, et lui aussi doit s’y plier, d’autant que son épouse apprécie sociabiliser bien plus que lui.

“A moins que tu ne préfères que nous fassions semblant de ne pas nous entendre, au moins temporairement, pour prendre le Coeur à revers ?”

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(#) Re: J'aime les soirs || ft. Elric d'Adhémar

missive rédigée par Piotr Medvedev le Jeu 24 Oct 2024 - 21:02

@Elric d'Adhémar || TW unreliable narrator, psychophobie

“Je ne fais aucune offre par pure courtoisie, Piotr. Je suis certain. Si tu souhaites apprendre, je t'enseignerai.
- Enseigne-moi, alors. ”

Pas d'hésitation. Pas d'attente. La décision était prise à l'instant même où la proposition s'échappait des lèvres d'Elric. La décision ne souffre pas des luxes de la demi-mesure. La décision est de celles qui changent des vies, qui sculptent les destins. Son cœur cogne contre ses côtes. Le souffle qu'il prend est court. Si son ami dit vrai... Si son ami tient parole, alors... L'idée même de ne plus avoir à questionner chacune de ses décisions lui donne le vertige.

Non, vraiment, il n'y a pas d'autre option que l'affirmative.

Mais les possibilités lui font tourner la tête et le temps n'est pas aux confessions de ce type-là. Piotr s'est déjà montré plus vulnérable en une soirée que depuis des années et, s'il est parvenu à créer une forme d'alliance avec son ancien camarade, pousser trop loin les barrières de sa confiance lui paraît aussi difficile que déconseillé. Et il n'a pas loupé, malgré son propre désarroi, l'égarement dans les yeux d'Elric lorsqu'est venu le sujet de sa femme.

Sa réponse le laisse songeur. Il lui semble que les émotions évoquées par son interlocuteur ne relèvent pas de l'amour romantique, pourtant il se dégage de ses paroles une tendresse rare, une affection profonde, nées sans doute des années passées à fréquenter un unique partenaire. Mais quelle est la réponse, alors ? Est-ce de ces relations si spécifiques, qu'on ne peut décrire que dans des romans contemplatifs ? Est-ce la fatalité du temps dépensé aux côtés d'une personne ? Un mélange de tout cela ?

Au fond, cela ne le regarde pas. Les domaines de l'intime et des sentiments lui ont toujours été étrangers. Piotr n'est pas de ceux promis à une vie de famille et à un foyer confortable. Il est né dans la boue, a grandi dans le sang, mourra dans la douleur. Ce n'est pas une vérité qu'il craint. Elric, en revanche... Elric est le genre de type à toucher du doigts les belles choses, à savoir arroser ce que le destin lui offre. A le mériter, sans doute. Sans doute plus que lui.

"Je me plierai à la version que tu lui donnes. Tiens-moi simplement au courant, que j'évite les impairs."

Le rappel de la promesse lui arracherait presque un frisson d'impatience. Le Russe se racle la gorge, boit une gorgée de vin, la dernière bouchée de son assiette. Il a une contenance à se refaire.

“A moins que tu ne préfères que nous fassions semblant de ne pas nous entendre, au moins temporairement, pour prendre le Cœur à revers ?”

La proposition, une fois n'est pas coutume, le prend de cours. Et elle a le mérite d'être intéressante : le Cœur aurait sans doute à redire d'un sous-fifre en quête d'indépendance, déjà, mais surtout leurs plans concernant le criminel à sa botte ne doivent pas être découverts. Pour autant...

"Il est peu probable qu'il ne soit pas au courant de ma présence ce soir, avoue-t-il. Je suis certain qu'il saura si je reviens chez toi, d'une manière ou d'une autre. Et si je viens chez toi alors que je prétends te détester..."

Alors il sera certain que je cherche à l'entourlouper.

"Non, mieux vaut prétendre que nous avons un projet. Tu as raison sur ce point : il faut détourner son attention. Et puisqu'on ne peut pas faire semblant de ne pas pouvoir s'encadrer, il faut qu'on trouve quelque chose."

Le visage pincé, le soviétique passe une main soucieuse sur son menton. C'est que les idées qui l'unissent à Elric ne sont pas si nombreuses. Personne ne croirait à sa reconversion au catholicisme, de même que si le sénéchal trouvait un intérêt soudain au communisme. Il pourrait faire croire à un intérêt malveillant envers Zinaïda, même si cela le mettrait indubitablement en danger auprès de l'alpha de la meute. Pas que ce serait la première fois.

"Est-ce que tu penses que ta femme serait d'accord pour nous aider, Elric ? Si je prétends me rapprocher d'elle pour planter un couteau dans le dos du Cœur..."

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(#) Re: J'aime les soirs || ft. Elric d'Adhémar

missive rédigée par Elric d'Adhémar le Dim 27 Oct 2024 - 21:20

J'aime les soirs ♕ @Piotr Medvedev

12 Novembre 1927 • La Garde • TW aucun

Voilà qui est décidé. La détermination de Piotr lui plaît, elle sera plus que providentielle pour son apprentissage. L’idée d’enseigner semble d’ailleurs récurrente, puisqu’il a fait la même proposition à Léopold voilà quelques jours. Cette fois, cependant, l’enjeu est tout autre. Le temps n’est cependant pas encore venu. Il leur reste des éléments dont ils doivent s’entretenir, des décisions à prendre, des accords à trouver. Tous deux s’engagent dans un jeu dangereux, aux multiples dangers et aux conséquences désastreuses s’ils méjugent de la portée de chaque décision.

“Tu auras tous les détails, bien sûr. Avant que je ne lui parle, pour que tu puisses les valider.”

Autant prendre toutes les mesures nécessaires. En dépit du danger, la perspective lui offre un sentiment plus assuré, de celui qui a des solutions, des leviers à actionner plutôt que d’être réduit à l’impuissance. Il n’est pas pris au piège, et Piotr n’est pas condamné, et s’ils agissent correctement, ils peuvent encore retourner la situation à leur avantage… et à celui de son épouse, victime ignorante de ce qui se trame dans l’ombre de leur demeure. Et Elric s’en veut, bien sûr, de lui faire subir cela, s’en veut d’avance, de briser tant de ce qu’ils ont construit.

Et Piotr a raison, le Coeur sera certainement au courant. Parce que le Coeur a toujours pris garde de s’informer de tout, et que dans leurs incompréhensions, ni lui ni Piotr n’ont été très discrets pour cette rencontre. Pourtant, Elric persiste, il y a quelque chose à tenter. Mais il ne dit rien, du moins pas pour l’heure, très intéressé par les suggestions de Piotr. Et en fin de compte, tous deux en sont arrivés pratiquement à la même conclusion. Zinaïda… Si existe un pardon pour ce qu’il est entrain de faire, Elric se jure d’y aspirer à chaque instant qui passera.

“Peut-être. Je ne suis pas certain de sa réaction mais…”

Il s’interrompt, pensif, jaugeant l’instant avant de reprendre.

“Si je fais jouer mon statut, je peux peut-être demander à avoir une protection pour mon épouse. Et en bon joueur, il est très possible que mon ancien mentor, soucieux de mon bien-être, veuille proposer une personne pour cet usage. Quelqu’un qui viendra régulièrement rendre visite à mon épouse… Quelqu’un qui pourra autant servir d’écran auprès de l’Ordre… que d’homme de paille si quelque chose doit arriver à Zina, puisque cette personne est prompte à aller contre ses ordres, et que c’est connu de tous…si tu vois ce que je veux dire.”

C’est très délicat. Cela lui demandera de convaincre les membres décisionnaires avant de soumettre officiellement sa demande et cela reste un pari, compter sur la capacité du Coeur à souffler le chaud et le froid en même temps, autant pour lui que pour Piotr. Et si Zina est mise au courant, et si Zina décide de les aider, alors… peut-être qu’ils pourront garder leurs tractations secrètes pour quelque temps, surtout si Piotr s’avère un bon élève pour l’occlumencie. Fort heureusement, Elric doute moins de sa capacité à convaincre les autres figures majeures de l’Ordre que des réactions du Coeur.

“Alternativement, il t’es toujours possible de t’annoncer inopinément chez nous un jour où je ne suis pas présent pour lui parler… Je te déconseille simplement de le faire si son frère campe devant la porte. Je lui ai interdit de la voir, mais on ne sait jamais…”

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(#) Re: J'aime les soirs || ft. Elric d'Adhémar

missive rédigée par Piotr Medvedev le Sam 9 Nov 2024 - 10:50

@Elric d'Adhémar || TW unreliable narrator, psychophobie

Lui eut-on juré qu'il finirait sa soirée en train de comploter avec le Sénéchal de France que Piotr n'y aurait pas cru une seconde, trop perclus de doutes et de vieilles rancœurs qui semblent soudain bien éloignées de ses priorités. Car les voici désormais, deux veilleurs autour d'une bouteille de vin bientôt terminée, leurs intentions en miroir et leurs pensées en reflet. Ils se répondent, se confrontent, se projettent. Les idées fusent. Pour la première fois depuis longtemps, le loup a le cœur qui bat.

C'est que les perspectives sont aussi nombreuses que dangereuses. C'est qu'à peine arrivé en France le voici qui dessine les premiers plans contre son leader, la figure inatteignable de sa meute. L'image seule lui arracherait un frisson. Il en rêve depuis des années, de cette vengeance, des décennies même. Il en rêve dans ses lendemains de transformation, dans ses veilles de Pleine Lune, il en rêve dans ses mauvaises journées et dans ses nuits sans sommeil mais surtout, surtout, il en rêve lorsqu'il se prend l'audace d'espérer. Ce n'est pas un réflexe avec lequel il est né et certainement pas une habitude entretenue, mais la fougue des optimistes le prend parfois et il s'imagine alors renverser ce pseudo-monarque de son trône de papier, ou mieux encore, le brûler à même son siège.

Mais c'est un autre débat.

“Peut-être. Je ne suis pas certain de sa réaction mais…”

Elric a une idée en tête. Son visage prend une tournure pensive, ses traits se froissent de concentration. Puis les mots s'échappent. Esquissent une nouvelle manigance qui encourage un sourire chez le soviétique. Oui. Oui, ça peut marcher. Alekseï est trop occupé pour être chargé de cette basse besogne, et trop loyal pour servir de bouc émissaire cas échéant. Le reste de la meute est encore en URSS. Piotr est, de facto, le seul candidat pour ce poste, et le plus approprié de surcroît. S'il se présente à la tâche de manière enthousiaste, cela sera aisément perçu comme une manière pour lui d'essayer d'abattre des cartes contre le Cœur - ce qui ne sera pas faux - et dirigera l'attention de son supérieur vers l'exacte mauvaise direction. Tout en protégeant Zinaïda.

Un "Hm" appréciatif lui échappe tandis qu'il se sert la fin de la bouteille. Le sourire ne quitte pas ses lèvres :

"Hé bien, Elric, tu as l'âme à comploter bien plus aisément que je ne l'imaginais. Je pense que ton idée peut fonctionner. C'est sans doute celle qui sécurisera au mieux tes intérêts. Et ta compagne."

Ses yeux perçants se vissent dans ceux de son interlocuteur. Ce dernier est inquiet, angoissé sans doute de la délicatesse de la manœuvre, ou peut-être simplement anxieux de la réaction de sa femme à l'ampleur de ses connaissances. Le Russe, lui, hausse les épaules.

"N'oublie pas, reprend-il, le Cœur n'est qu'un homme. Un homme puissant, redoutable et intelligent, mais un homme tout de même. Un homme dont l'ego surdimensionné le pousse à ne se reposer que sur lui-même. Tu ne vaux pas moins que lui, quoiqu'il en dise."

Malgré tout, l'alternative proposée par son vieil ami lui arrache un rire. Se pointer sans aucune forme de procès serait grossier, pas vraiment digne des subtilités de leur plan, mais il serait bien mal placé pour déclamer que les solutions exagérées ne sont pas parfois les plus efficaces. Après tout, n'a-t-il pas lui-même préféré le meurtre à la diplomatie ?

"Son frère, tu veux dire un Romanov ? S'il t'ennuie, ou qu'il est là à un moment indu, crois-moi je saurai quoi en faire."

Cette fois-ci, le sourire est carnassier, presque vorace. Cela fait longtemps que le loup n'a pas goûté au sang des Romanov et, s'il ne compte pas toucher à la compagne d'Elric, son frère en revanche ne souffre pas des mêmes limitations. S'il commet l'erreur de se dresser en travers de son chemin...

"Je ne pense pas, continue-t-il, que les deux solutions soient antithétiques. Il est logique que tu cherches à protéger ta femme auprès de l'Ordre et il est logique que je sois attribué à sa protection partielle. Il est également logique que je cherche à doubler les ordres du Cœur et que je me présente à elle hors du cadre afin de tenter de comploter contre lui."

Haussement d'épaules.

"L'un dans l'autre, je pense que tu as d'excellentes idées, Camarade. Et je suis prêt à être la main armée de ton intelligence."

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