[TERMINE] I have to be seen to be believed | Alekseï

 

04 Juillet 1927 • Île de la Cité

Des solutions radicales eurent été musique à ses oreilles s’il n’avait eu un passif avec certains royaux, quand bien même Auguste reconnaisse bien volontiers qu’il s’agit là d’une faiblesse de caractère de sa part. La solution expéditive eut été applaudie des deux mains fut-elle mise en place voilà des générations mais impossible aujourd’hui de prétendre que Victoria mérite la mort. Il tire sur sa cigarette, contemplant l'écueil de ses propres accointances, entouré qu’il est d’individus persuadés que la Monarchie est à encenser.

“Je ne doute pas du bien-fondé de cette décision.”

Il est si difficile de rester objectif, quand de tels mots tombent de ses lippes alors même que son esprit est emplit de tant de ces visages aimés. Alors il se mure derrière ses certitudes, campe ses positions. Son père lui a toujours appris que le devoir est parfois synonyme de misère personnelle. Ironique, quand on y pense, de tels mots de la bouche du Vicomte, tordus pour servir une idéologie rebelle. Heureusement que Nikolaï passe son temps à céder à ses désirs plutôt que de voyager dans ses pensées.

Peut-être devrait-il adresser cette menace latente.

Le rire tonnant en réponse à sa question l’arrache de telles pensées, le rappelle à l’instant présent. Edmoundovitch boit, cette fois, mais son absence de réponse est elle-même un aveu. Un loup donc, scellant les ressentis accumulés jusqu’ici, ce malaise diffus, sa part animale de pauvre petit humain si proche du prédateur qu’il regarde dans les yeux, menton haut. Il a bien deviné mais ne sait guère ce que cela peut signifier. Peut-être s’est-il alors pris à son propre jeu, à disposer d’une information qu’il ne sait utiliser.

Ses interrogations sont presque une délivrance et il ne parvient pas à réprimer un ricanement.

“J’imagine donc que vous serez surpris d’apprendre que c’est un marin qui a accepté d’être mon professeur, lorsque je naviguais en mer Arctique.”

Il veut boire, mais Edmoundovitch est plus intelligent qu’il ne veut bien le laisser paraître. Maintenant qu’il a cet os à ronger, il peut interroger n’importe qui, puisque Nikolaï insiste pour le présenter comme son meilleur ami. Toute la haute société est capable d’en témoigner. Autant faire en sorte de distiller les informations lui-même et de chercher à combler son interlocuteur avec l’espoir qu’il n’aille pas fouiner hors de sa portée. Alors Auguste fait des choix, et ressert son interlocuteur tout en reprenant :  

“Je suis rentré il y a quatre ans, mais j’ai été simple marin pendant près de dix ans. J’ai eu l’idiotie d’essayer de me faire passer pour un russe lors de ma fugue initiale alors quand j’ai été pris la main dans le sac, j’ai décidé de remédier à mes lacunes.”

Oeillade caustique.

“Mais oui, je côtoie bel et bien des Romanov. Nikolaï est même mon meilleur ami.”

Comme il aurait pu vomir de ce mensonge éhonté.

“Ce qui me place dans une position idéale pour affirmer qu’il ferait un piètre roi. Fort heureusement, la menace de leur malédiction est d’ors et déjà un sévère frein à leur implantation, en sus de leur statut financier. J’ai moi-même refusé une offre d'épousailles avec l’une des princesses. Et je ne suis pas le seul. La France est une terre d'accueil certes, mais sa générosité a des limites…”

Un instant de silence égrène les mots prononcés, dilapide son souffle en un coi attentif, le regard dévorant en silence les traits de son vis à vis. Auguste n’ignore pas qu’un membre du parti ne doit que peu apprécier devoir côtoyer ceux que le régime de Staline a abattu. Mais doit-il considérer Edmoundovitch comme une menace pour autant ? Et si oui… Une menace pour qui ? Mais pour le moment, il ne voit nulle raison de s’en défier plus qu’il ne le fait par simple logique. Haussant les épaules, il conclut simplement :

“Ils ne sont qu’une famille parmi d’autres, désormais. Je ne leur donnerais pas la France à diriger mais j’apprécie leur compagnie… Ce n’est pas eux qui me préoccupe. Ce sont les Valoys.”

N’ont pas un jeu en cours, cependant ?

“Quelle votre place au sein du Parti ?”

Codage par Libella sur Graphiorum

 

04 Juillet 1927 • Île de la Cité • @Alekseï Dzerjinski

Auguste ne croit pas en Dieu et, pourtant, l’affirmation d’Edmoundovitch ne perd rien de son ironie. Un Dieu jaloux désireux de conserver son piédestal face aux hommes qu’il a créé, dit-on, à son image. C’est bel et bien le genre de la maison, non ? A moins que tout cela ne soit qu’une large fumisterie freudienne par l’essence. Mais dans l’absolu, il n’y a sans doute qu’un nantis comme lui pour avoir le temps et les moyens d’y réfléchir. De toute façon, le slave lui offre un autre os à ronger, si rapidement qu’il eut pu être délibéré. Auguste en doute cependant, bien qu’il eut alors un léger mouvement d’épaule permissif. “Ils sont arrivés en l’état, dirais-je.” Cet os-là lui est destiné. Que les rouges se rassurent, en dépit de la farouche volonté de Sergeï, et de l’excellent mariage de Zinaïda.

L’évocation de la révolution le fait opiner, bien qu’il se sente contraint par l’humeur comme l’habitude, de nuancer. “En effet, mais la situation n’est pas si clairement définie, du côté sorcier, qu’il ne l’est du côté moldu. Je ne doute pas que cela ne vous devienne apparent après quelques mois.” La noblesse sorcière a su se maintenir par l’usage si ce n’est par le droit républicain, mais il n’en est pas moins véridique que l’opinion générale sur la famille royale importe, car c’est ainsi qu’elle a été instituée. En cela, la république a bien posé ses atouts et agit pour s’assurer une sécurité sur la durée, il faut bien le reconnaître. Auguste ne doute pas un instant que cet homme, au demeurant vif d’esprit, n’en tire ses propres conclusions le moment venu.

Comme lui-même tirera sans doute certaines conclusions de leur échange, par ailleurs. Lesquelles, cela reste à déterminer, pense-t-il en l’observant réfléchir à la question qu’il lui a soumise. Et la réponse, lorsqu’elle vient, manque lui arracher un sourire. Un simple ambassadeur chargé des relations avec l’une des plus gracieuses terres d'accueil aux Romanov, tout de même. Quelle conclusion tirer de ça, exactement ? “Je vois. Un changement certain d’environnement.” Auguste ne sait pas s’il réussira à en tirer davantage et surtout ? Et bien ce n’est plus à lui de poser les questions et d’ici que le tour lui revienne, il en aura sans doute penser d’autres, qui auront préséance, comme c’est souvent le cas dès que son esprit s’échauffe et que l’alcool coule.

Celle d’Edmoundovitch achève sa résistance. Ses lippes s’ourlent, ses traits éclosent d’une expression amusée défaite de triomphe et il prend son verre qu’il remplit de nouveau, avant de le vider. Il n’a pas envie de répondre aujourd’hui, et ses gestes lents viennent sceller son silence, tandis que sa gorge s’embrasse du baiser de l’alcool, yeux toujours rivés aux siens, accrochés. L’alcool est puissant, laboure sa psychée et s’il avait cru en dieu, il eut juré par son nom du plaisir et de la sensation de liberté que la boisson apporte. Lorsqu’il repose le verre dans un tintement sec, la vision de la bouteille diminuée l’amuse un bref instant, pétillement bien vite dissipé. “Heureusement que j’en ai d’autres.” glisse-t-il, se redressant pour examiner le restant pensivement.

Lorsqu’il repose la bouteille, sans plus de commentaires à son sujet, confiant sur ses réserves, c’est d’une suggestion qu’il se fend, réservant un instant sa question. “Si ma compagnie ne vous est pas désagréable, je peux vous présenter à certaines personnalités, puisque vous êtes là pour lier des contacts. Je ne peux cependant garantir qu’un peu de bois ne se glissera pas ça et là.” Aucunement pressé, bien qu’il n’eut guère de doute quant à l'issue de cette offre, Auguste souffle donc sa question promptement à la suite de cette proposition. “Vous avez été si prompt à tenter de noyer mes paroles plus tôt. Mes affirmations sur la royauté. Qu’en feriez-vous ?”

Codage par Libella sur Graphiorum

 

04 Juillet 1927 • Île de la Cité • @Alekseï Dzerjinski

Auguste hausse un sourcil, amusé, à se retournement de situation. “N’est-ce pas là le désir que vous exprimiez plus tôt ?” pointe-t-il sans jamais perdre le ton de la conversation, détendu. Sa surprise reste sobrement dissimulée. Est-ce qu’il a manqué quelque chose dans le discours de son invité qui eut pu présager ce soudain revirement ? Il n’en est pas certain, et Edmoundovitch ne semble guère être de ceux qui font de leurs décisions sociales des girouettes offertes au quatre vent. Par égard pour l’hypothèse, néanmoins, autant que par honnêteté, il ajoute après un instant : “Je ne peux néanmoins me garder d’acquiescer, bien évidemment.” L’entendre exprimer l’inverse quelques minutes auparavant lui a semblé plus curieux que la résignation qu’entraîne de telles fonctions.

Une lueur ondoie aux mires aqueuses, et l’entournure de sa bouche s’arque sensiblement, en une expressivité remarquable pour ses traits stoïques. “Mais peut-être est-ce là tout le charme de la profession, que de jongler avec un tel paradoxe.” Se faire des liens et des amis en d’autres pays, à la seule fin de servir sa propre patrie. Néanmoins que son invité s’abandonne à son sort est néanmoins secondaire sur l’heure. Il aura certainement de quoi discourir ou, mieux, jouer, de la sincérité d’autrui en d’autres circonstances, plus propices. Qu’importe ce que le slave demandera, il n’existe guère de portes prêtes à se fermer devant son nom ou son porte-monnaie, et Auguste en a une conscience aiguë. Mais ce qui taraude sa curiosité, sur l’instant, c’est bien la réponse tombant des lippes étrangères.

“Hmhm” émet-il sans pour autant formuler de véritable réponse. Cet homme n’est pas de son milieu, c’est certain, ce qui ne l’empêche pas pour autant d’avoir de la perspicacité, ou de l’intelligence. En sus, Edmoundovitch est là pour se faire des amis et Auguste ne doute pas que certains lui complaisent en échange d’informations à son sujet. A choisir entre deux menaces, l’hypothétique report de ses paroles lui semble moins épineux que de donner de réelles raisons à certains individus de venir fureter. “Une saine attitude, sans doute.” S’il souhaite s’introduire plaisamment dans le haut monde, il ne fait aucun doute que des proclamations révolutionnaires le desserviront. La noblesse française, il en est certain, se montrera complaisante dès l’instant où leurs intérêts immédiats ne sont pas menacés.

Il serait donc désolant de lui présenter les Lafayette, sans doute. Ponctué par cette pensée, il écrase le reste de sa cigarette et sort d’une poche un étuis contenant un délicat carré de tissu humide et parfumé, qu’il passe sur ses doigts pour les laver des restes de la cigarette, répugnant à laisser les relents s’installer. Son regard, en coin, darde sur le russe. “Prêt à vous laisser engloutir par le flot ? Mes invités de ce soir ne sont pas les plus intéressants, mais c’est toujours une occasion de prendre le rythme….”

Codage par Libella sur Graphiorum