[TERMINÉ] my dreams are bigger than us (yamanu)

Elle s’approche pour déposer un baiser sur la joue de son père qui lui rend un sourire. Son cœur à elle, pourtant, est lourd. Ce soir, elle ne sortira pas. Elle devait être en forme pour la mission au Louvres qu’elle avait dans deux jours et demain… demain où elle revoyait Guilhem réellement pour la première fois depuis vingt ans. Ses parents s’en vont sans elle. Neith n’a pas retenu le nom de la soirée volontairement. Elle sait juste qu’elle n’a pas autant de nécessité à y aller et le nom de Dubois avait été évoqué. Elle préférait, depuis qu’elle savait qu’il rodait, être plus discrète. Sans doute aussi en prévision du Louvres et de ce qu’il y avait de prévu.
Seule donc, elle passerait la soirée, ce qui était relatif puisqu’Izem et Kahina étaient toujours présents. Mais cela lui convenait. Elle avait matière à réfléchir ce soir après la discussion avec son père. Lorsque Neith avait besoin de mettre de l’ordre dans ses pensées, elle avait pris l’habitude de se rendre dans la salle de danse pour faire quelques mouvements. Troquant sa robe de jour pour quelque chose plus proche du corps de manière à voir ses mouvements, elle actionna le grammaphone qu’elle enchanta pour enchaîner les disques sur l’étagère attitrée. Dès les premières notes, elle sut que la musique était une musique traditionnelle égyptienne et elle adapta ses mouvements en conséquence.
Alors qu’elle laissait son corps s’exprimer avec l’aisance et la grâce dont elle avait l’habitude, ses pensées bifurquaient déjà dans sa tête. Cette année, elle ne pouvait pas dire que Samhain et les rituels organisés dans toute la France ne lui avaient pas apporté son lot d’émotion. Entre la chasse où elle était revenue courbaturée mais heureuse de ses prises et les Pyrénées où elle avait failli mourir d’hypothermie en pensant revoir Alaric… De la joie à la tristesse infinie, la palette d’émotions s’exprimaient dans ses mouvements qui ne suivaient plus tant la musique pour mélanger les styles de danses que les battements de son cœur.
Il fallait qu’elle parle à Yamanu maintenant qu’auprès de leurs parents tout était clair. Le jeu que Rawiya avait joué toutes ces années, le sien aussi, prenait à présent sens. Son retour chez les Shafiq malgré son amour pour les Lestrange. Toutes ces années aux conseils soufflés à l’oreille. Rawiya, elle le savait, était cette mère terrible dont les fils de sa toile naviguaient. Neith savait trop bien que le temps et la patience en étaient le socle. Elle savait également que son tour était arrivé.
Celui de son frère également.
L’idée était venue un peu après le Gévaudan. C’est en revoyant l’article du Troll Déchaîné mais observant de nouveau la partie qui concernait Arsène qu’elle avait eu l’idée. Une idée qu’elle savait qui plairait à Yamanu et qui avait plus aussi à leurs parents. Il suffisait maintenant simplement de lui en parler et surtout de tâter le terrain auprès d’Arsène. Mais l’idée restait bonne et au vu de ce que Neith pressentait dans un avenir proche, pas seulement à cause de sa mission, mais aussi de certaines dissentions internes à l’Aube cristallisée par les Lestrange et les Medici, il était temps qu’elle étire aussi sa toile et s’il y avait quelque chose auquel Neith savait qu’elle était efficace, c’était la patience qu’elle mettait à tisser ses relations et jouer le Jeu sur le long terme.
Elle a perdu le compte des musiques qui passaient lorsqu’elle décida d’arrêter, son corps se rappelant à elle. Combiner la chasse et la danse lui promettaient des courbatures le lendemain mais Neith était habituée. Elle aimait cette douleur qui lui rappelait qu’elle était vivante et compléta par quelques étirements qui mirent à épreuve sa flexibilité de danseuse.
Sortant de la salle, elle se dirigea alors vers la cuisine où une Kahina Tizi était en train de ranger. En la voyant, Neith leva les mains pour lui signifier qu’elle venait en paix dans sa cuisine… ce qui n’avait jamais empêché d’être véritablement porteuse de poisse auprès de Kahina même lorsqu’elle ne touchait à rien du tout. Après une négociation sur le pas de la porte de la cuisine sur le thé que Neith voulait, Kahina lui donna le plateau agrémenté de la théière, des tasses et quelques gâteaux. La remerciant avec douceur, l’égyptienne s’en alla pour monter dans les étages de l’hôtel particulier. Là, elle tomba sur Izem.
« Izem, sais-tu quand Yamanu rentre ? »
Le vieil homme sortit sa montre à gousset et fronça légèrement les sourcils.
« Il ne devrait plus tarder d’après ce qu’il m’a dit. »
« Peux-tu lui dire, s’il te plait, de monter au toit ? Je l’y attends. »
« Oui, Neith. Bien sûr. »
Adressant un sourire doux au majordome, Neith monta jusqu’au fameux toit. L’accès était quelque peu dangereux, mais petits, c’était là qu’Amonet, Yamanu et Neith se retrouvaient. Cette habitude venait tout droit de l’Égypte où les toits étaient plats et qu’il y avait beaucoup de vie sur les toits. Même ici, à Reims, Neith avait décidé que ce serait leurs habitudes. Ça n’avait pas changé avec les années et Tarek avait aménagé l’espace pour qu’ils soient à l’abri de la pluie et du froid grâce à un petit brasero.
D’un mouvement de main, elle fit voler le plateau qui alla se poser sur le toit plat. De là, elle enfila une veste, celle d’Alaric qu’elle avait gardé, et monta via l’échelle. Posée, Neith resta à observer le ciel dégagé ce soir tout en profitant de la chaleur. Ce fut lorsqu’elle entendit le passage se rouvrir et la tête de Yamanu apparaitre qu’elle dit à l’adresse de son frère :
« Alors, combien de mots as-tu placé ce soir ? »
Un sourire fin, de chat comme dirait Ruben, se posa sur le visage de Neith. Ils avaient leurs petits jeux lors de certaines soirées, notamment placer certains mots spécifiques. Cela rendait les soirées bien sympathiques et parfois drôles avec leurs jeux d’esprits. S’ils se faisaient mutuellement confiances pour être honnêtes, Neith avait hâte de savoir combien de bézants elle lui devait pour le pari.

Yamanu aurait choisi une soirée tranquille chez lui plutôt que celle où il se retrouvait avec ses parents ce soir là, encore marqué par les révélations de Neith, il ne pouvait s’empêcher de serrer la mâchoire en voyant la facilité avec laquelle Dubois s’était glissé de nouveau dans leur vie, faisant naître en lui des envies bien sombres qu’il ne pouvait satisfaire alors même que les regards étaient bien trop souvents fixés sur eux. Alors il avait choisi cette fois de laisser à son père le soin de discuter politique et de faire fleurir les alliances que les Shafiq pouvaient obtenir de soirées comme celles-ci. C’était avec sa mère qu’il était resté bien longtemps, enchaînant les danses avec la matriarche qui derrière un sourire lui faisait comprendre qu’elle savait parfaitement qu’il essayait d’éviter quelque chose, sans vraiment savoir quoi. ” Allons mon petit soleil, je pense que tu as plus intéressant à faire ce soir que de faire danser ta mère à l’épuisement “ Un sourire échappait à l’Egyptien ” Après tous les cours de danse que tu m’as fait subir Oummi ce n’est que justice que tu en récolte les lauriers “ La faisant tourner sur elle même au rythme d’une valse douce ” Aaah, user de mes propres armes contre moi mon fils ? Tu devrais avoir honte “ Il ne pouvait s’empêcher un air un peu joueur sur le visage, effaçant les traits de l’âge qui avançait, se retrouvant comme chaque fois qu’il se trouvait dans ses bras comme le gamin qu’il avait été ” Combien de mots as-tu prévu de placer ce soir ? “ Yamanu prenait un air innocent ” Allons Oummi, tu sais bien que nous avons passé l’âge de ces enfantillages “ A cela il récoltait une petite tape discrète sur son bras ” Ne mens pas à ta mère Yamanu, quoi qu’il en soit, tu n’arriveras pas bien loin en restant avec moi, a moins que ton père et moi sommes désormais des cibles valables ? “ Elle arborait un air légèrement moqueur, touchant pourtant dans le mille, s’il voulait se tenir au jeu inventé par Neith, il devait le faire avec d’autres invités que ceux de son sang, ça aurait été bien trop facile.

Alors Yamanu avait fini par accepter de se faire animal social, se libérant de l’étreinte rassurante de sa mère pour saluer quelques visages familiers, s’amusant au détour de conversations de glisser certains mots dans ses conversations de la manière la plus naturelle possible, quand bien même des mots comme traction ou épluchures étaient plus difficiles que Monarque dans ce genre d’endroits, ça rendait en réalité cette soirée moins difficile à subir. Du moins, jusqu’à ce que Monsieur Dubois ne décide de venir le rejoindre quelque peu reculé de la piste, cherchant à savoir ce que devenait cet ancien élève qu’il avait apprécié. Le frisson traversant la colonne de Yamanu avait suffit à ce que ce dernier ne s’excuse, prétextant une journée de travail bien remplie le lendemain pour fuir la salle et retrouver l’air froid sur son visage au moment où l’homme s’était inquiété de l’absence de ses soeurs dans le public présent.

Yamanu avait ensuite transplané jusqu’à l’hôtel privé de son père, traversant les étages en gratifiant certains employés de sourires aimables et de quelques discussions légères, jusqu’à retrouver l’intimité chaleureuse de la demeure des Shafiq. Il fut accueilli, comme très souvent, par Izem ” Alors mon grand, ta journée s’est bien passée ? “ Yamanu acquiesça en retenant un bâillement ” Longue, et toi Izem ? Kahina est là ? “ Il voyait alors la femme apparaître par la porte d’un salon ” Et où veux-tu que je sois, fais moi plaisir et retire tes souliers, j’ai lessivé les tapis aujourd’hui “ Yamanu s’executait avant de se faire remonter les bretelles, les laissant à l’entrée. ” Neith est montée sur le toit, elle m’a demandé de te dire de la rejoindre. Combien de bézants te doit-elle ce soir ? “ Yamanu riait un peu ” Quatre vingt ! Bonne nuit à vous deux. “ Yamanu embrassait Kahina et prenait Izem dans ses bras avant de prendre le chemin jusqu’au toit, se rappelant du nombres de nuits passées là bas quand ils étaient encore enfant, et la fois où il avait failli tomber du haut de l’hôtel alors qu’il voulait copier Amonet qui marchait en équilibre. Les réflexes de Neith et d’Amonet l’avaient probablement sauvé d’une chute mortelle, secret jalousement gardé par les enfants, conscients que leurs parents leur auraient définitivement interdit l’accès au toit si ça c'était su.

Il souriait quand il fut accueilli par le sourire de Neith, se hissant sur le toit avant de se poser en tailleurs à ses côtés ” Huit ! J’ai évité de placer coup d’état et impossible de trouver une situation où le mot épluchure passait naturellement. “ Il préférait ne pas parler de la fin de sa soirée en revanche, encore incertain de la manière d’approcher cet évènement qui s’était passé bien des années plus tôt avec sa soeur ” Tu as passé une bonne journée ? “ demandait-il en se servant une tasse de thé ” Je te sers ? “

Le sourire de Yamanu la détend. Pourtant, en fond, elle ne peut se demander s’il a vu Dubois. Sûrement que oui. Elle ne savait toujours pas quoi faire de lui depuis la dernière fois qu’elle l’avait vu et ne savait comment aborder le sujet. Trop d’yeux étaient sur eux et elle ne voulait pas attirer plus de problèmes qu’il n’y en avait déjà à son père. Tarek était la priorité… Elle… ce n’était pas grave. Tout du moins s’en persuadait-elle pour éviter de trop réfléchir à certaines choses.
Le ton léger sur les mots placés la fit rire avec douceur. Puis, elle applaudit avec chaleur.
« « Coup d’état », je ne m’y serai pas risqué non plus. Mais pour « épluchure », je pense que j’aurai tenté un truc sur la qualité des petits fours et le fait qu’il y avait une épluchure dans l’un d’entre eux. »
Elle rit de nouveau. Ce jeu était réellement digne des enfants qu’ils étaient parfois, mais elle trouvait que c’était un bon moyen de rendre certaines soirées plus intéressantes encore. Et cela ne faisait de mal à personne. Enfin, cela en aurait sûrement fait au ou à la cuisinière si elle avait eu ce mot.
« S’il te plait. » répondit-elle pour sa question sur le thé. Elle, elle se déplaça un peu pour que le brasero ne soit pas étouffant malgré le froid qu’il faisait. Ils étaient cependant suffisamment dans leur bulle pour ne pas être impacté par les températures de plus en plus froides en cette partie de l’année.
Une fois fait, elle se rassit et se décida à répondre à l’autre question de son frère.
« Relativement, oui. Première journée calme depuis trois jours. Pas d’Alaric au fond d’un lac et d’hypothermie, ni de chasse et de presque déménagement dans la forêt du Gévaudan pour devenir une vélane. Cela change. » Un sourire taquin se dessine sur ses lèvres. Elle prend tout à la légère mais lui comme elle, savent que le rituel des Pyrénées l’avait marquée. Celui du Gévaudan en revanche avait provoqué l’hilarité familiale et elle savait qu’elle allait entendre parler encore longtemps, tout comme elle allait se vanter longtemps d’avoir eu d’aussi belles prises pour une première chasse.
Cependant, elle se disait que le plan de carrière d’emménagement dans la forêt du Gévaudan pour vivre avec les vélanes n’était pas si mauvais…
« J’ai discuté aussi avec Baba et Oum. » Son visage devient un peu plus sérieux alors qu’elle croise le regard de son frère. « Comment envisages-tu la suite, toi ? Je veux dire… sur le plan personnel ? » En fait, elle avait déjà une idée connaissant son frère, mais elle voulait amener le sujet avec douceur. « J’aurai quelque chose à te proposer. » Elle prend son thé et se met à boire un peu.

Un sourire léger lui échappait à l’idée de Neith pour le mot épluchure, effectivement il n’avait pas pensé à ça ” J’avoue que ça ne m’est même pas traversé l’esprit ! Ceci dit, je doute que l’équipe de cuisine aurait été ravie d’entendre ça. Mais j’y penserai la prochaine fois. Ceci dit j’ai réussi à placer “traction” ce qui devrait me valoir des points supplémentaires “ Il lançait un clin d'œil à sa sœur avant de lui servir une tasse de thé. Reposant la théière sur le plateau, il se déplaçait légèrement pour faire face au brasero, n’ayant pas pensé à emmener de veste avec lui, bien qu’il trouvait l’air froid agréable. Il lui avait fallu un certain temps lors de leur arrivée en France pour s’habituer au climat bien différent de celui qu’il avait connu en Egypte pendant son enfance, aujourd’hui, le froid était plus agréable. Bien qu’il appréciait toujours la chaleur egyptienne quand sa famille et lui retournaient là-bas pour certaines vacances.

Il écoutait avec attention le récit de la journée de sa soeur, sachant bien que les derniers jours avaient été mouvementés pour elle. Lui même n’avait pas profité des évènements de Samhain en provence, occupé au Ministère par l’organisation du jeu de l’invasion obscure, et plutôt désireux de pouvoir profiter librement de la dernière soirée de Samhain. Il ne put s’empêcher de pincer les lèvres pour retenir un rire à la mention des vélanes ” Je maintiens que tu aurais fait une superbe addition à leur communauté. Après tout tu danses mieux que la plupart des gens que j’ai pu rencontrer “ Il n’allait pas laisser tomber cette histoire de si tôt, plutôt du genre à rappeler ce genre de moments à sa fratrie plutôt que de passer à autre chose.

Glissant sa tasse à ses lèvres il prenait un air un peu plus sérieux, une conversation avec Oum et Baba voulait dire conversation sérieuse, et Yamanu ne pouvait que se demander de quoi il en avait retourné, d’autant plus que si elle avait tenu à le voir ce soir, sans Monet, c’était probablement que ça le concernait directement, supposition qui s’avérait vraie. Il n’avait pas forcément besoin de demander des précisions sur sa question, après tout, il avait déjà une carrière bien installée maintenant, une place aux côtés de Tarek dans l’Aube Sorcière avec son père qui comptait sur lui pour le représenter, Yamanu savait qu’il ne restait qu’un sujet suffisamment sérieux pour mener à ce genre de tête à tête. Et en toute honnêteté il ne savait pas vraiment quoi répondre, il avait profité d’une certaine liberté amenée par le mariage de Neith à Alaric, être bachelor à trente quatre ans était une chose assez rare dans leur monde, et il savait que le moment où il allait devoir prendre une décision n’allait pas tarder à arriver. ” Je t’avouerai y avoir beaucoup réfléchi, je suppose que j’ai suffisamment attendu. Tu as pas eu ce privilège…” En revanche il n’avait absolument aucune idée de ce qu’il voulait. Il savait que leur position était complexe, la haute bourgeoisie désirait toujours une place dans la noblesse, mais trouver un mariage dans une famille noble restait particulièrement compliqué. Et Yamanu désirait ce statut plus que n’importe quoi, c’était la raison pour laquelle il avait pris toutes les décisions le menant à où il en était aujourd’hui. Il avait réussi à pénétrer leur monde grâce à la générosité de Camille, et depuis qu’il y avait goûté il avait du mal à imaginer autre chose, nourrissant une certaine amertume aussi à ne toujours pas avoir été anoblis par les De Valoys, se demandant à quel point ce que leur père mettait en place serait récompensé…il buvait un peu de thé ” A quoi tu penses ? “ il savait que la décision serait sienne au final, mais entendre ce que Neith avait en tête pourrait l’aider à y voir un peu plus clair, parce que si elle lançait le sujet, c’était bien qu’elle avait un plan, il connaissait suffisamment sa sœur pour savoir que cette dernière était du genre a prévoir sur le long terme, et que sa question ne visait qu’à le rassurer sur le fait que son choix importerait malgré tout d’avantage que le bénéfice pour leur famille. Bien qu’elle n’ai pas à craindre sur ce point. Yamanu avait tourné le dos à l’idée d’un mariage d’amour, son mariage aiderait son père, aiderait sa mère et sa famille entière, c’était sa seule condition.

Un sourire en coin, Neith ne s’étonne pas qu’il n’est pas pensé à cela. Elle, par contre, aurait eu sans doute plus de mal à placer le mot traction. Néanmoins, en le voyant essayer de gratter des bézants, Neith eut un rire.
« On ne triche pas. »
Ou elle aussi elle allait se mettre à tricher. Ce qui était sa principale excuse lorsqu’elle se mettait à tricher lorsqu’ils jouaient ensemble, c’était bien qu’en face, lui ou n’importe qui de ses adversaires avait déjà commencé à jouer hors des règles.
Quant aux vélanes, Neith éclata de rire plus franchement avant de poser une main sur son cœur, touchée par le compliment. Elle savait néanmoins qu’elle en entendrait parler le reste de sa vie de cette histoire de vélanes.
« Le jour où j’en aurais marre de cette vie, je suis sûre qu’Arsène sera content de m’avoir pour voisine et que cette vie sera toute aussi enrichissante que celles que j’ai déjà eues. »
Son rire s’apaise cependant pour que le tour de la conversation devienne plus sérieux. Un faible sourire s’installa sur les lèvres de Neith. Sur ce point, Yamanu avait totalement raison. Elle, elle avait eu peu de temps de profiter de sa liberté de jeune femme non mariée, mais elle savait que ses parents l’avaient aussi fait pour elle et son avenir. Dans l’union qu’elle avait eue, Neith ne pouvait pas dire qu’elle avait été malheureuse parce qu’elle avait travaillé pour, malgré parfois les difficultés. Mais Yamanu était privilégié de bien des façons, il était vrai. La première raison était qu’elle avait fait en sorte qu’il le soit et qu’il profite, comme avec Auguste pour Alaric. La deuxième était que Yamanu faisait partie du « sexe fort » ce qui était clairement à son avantage. Moins de pression, deuxième né bien que premier garçon. Elle ne regrettait pas ses choix à ce sujet. Elle savait néanmoins que maintenant, elle ne pouvait plus le protéger comme avant… Même si tout était relatif lorsqu’elle repensait à Duprès. Elle culpabilisait encore de ne pas avoir compris plus tôt.
Revenant à son frère, Neith sortit de la poche de sa veste l’article du Troll Déchaîné et le tendit à Yamanu. Elle savait qu’il l’avait déjà lu puisqu’il y avait l’article diffamant à son propos à elle. Mais ce fut l’article sur Arsène d’Apcher qu’elle pointa du doigt.
« Il m’est venu à l’esprit juste après la chasse que nous pourrions faire en sorte d’avoir une alliance avec les d’Apcher. » commença-t-elle. « Arsène est un vieil ami et j’ai confiance en lui. » Même si de toute évidence, l’abandonner dans la forêt auprès des vélanes semblait ne pas le déranger. Mais vu leur relation à Beauxbâtons et le plaisir qu’elle avait eu à retrouver un peu leur dynamique plutôt dans le mois, son instinct lui disait qu’elle avait toutes les raisons du monde de lui faire confiance. « En fait, je pense que nous pourrions aider les d’Apcher et qu’ils pourraient nous aider également. La baronnie a besoin d’argent, nous avons de l’argent. La baronnie est noble, nous avons besoin d’avoir un autre pied dans la noblesse puisque mon mariage n’est plus. » Son cœur se serre. C’était pourtant la vérité. Même si elle se considèrerait toujours comme une Lestrange de cœur, le fait était qu’elle n’en portait plus le nom aujourd’hui. « Arsène a une sœur, Adélaïde, qui est un peu plus jeune que toi, pas encore louve-garou… Je pense que cette union pourrait t’intéresser et nous intéresser aussi. »
Neith marque une pause et prend le temps de boire son thé avant de dire.
« Tu sais que je crois aux idées de l’Aube et que je soutiendrai Baba jusqu’au bout mais… » Elle grimace. « Je n’aime pas mettre mes œufs dans le même panier et je pense que nous aurons tout à y gagner de faire en sorte de diversifier nos actions… En commençant par le mariage et les investissements. » Elle expire. « Je compte également informer Arsène que j’aimerai bien investir en tant que Shafiq dans son entreprise en soutien. Si Auguste a confiance, j’ai confiance également. » Son regard se plante dans celui de son frère. « Baba et Oum et moi-même avons pensé qu’il serait temps que maintenant, je sois officiellement l’héritière de la famille… » Elle ne pouvait pas dire qu’elle était si heureuse de cette idée. Une part d’elle savait que cela viendrait tôt ou tard. Une part d’elle savait que ses parents avaient tout fait pour la laisser tranquille avec son veuvage. Mais trois ans, c’était suffisamment long. Il était temps maintenant qu’elle prenne ses responsabilités. « Tu me connais. Tu sais que je suis la patience incarnée lorsqu’il s’agit de mes objectifs et, pour la famille, mes objectifs dépassent ma propre vie… la tienne aussi. » Elle, elle voyait les choses sur les générations suivantes, les générations encore après et sans doute, elle l’espérait tout du moins, que Yamanu comprendrait. « Cette union, si tu l’acceptes Manu, pourrait te faire grandir d’un point de vue social… bien que cela voudrait dire que tu perdes notre nom. Cela pourra nous être utile sur le long terme… » Neith adressa un sourire triste à Yamanu. « Quant à moi, j’ai mes propres plans sur le long terme également. Je crois qu’il va être temps d’envisager une autre union aussi. Mais pas comme celle avec les Lestrange. Et je pense que les Le Noir peuvent m’aider. » Que ce soit Isolt à qui elle comptait bien demander conseil ou … éventuellement un Le Noir à épouser. Elle avait toujours rêvé d’une union avec cette famille considérant Isolt comme une seconde mère, Maeve comme sa sœur et Arthur comme un frère. Alors, un mariage avec un homme Le Noir sous certaines conditions entre deux lignées matrilinéaires, ne serait-ce pas une bonne chose ?
« Evidemment, c'est toi qui choisit au final et si tu as une autre idée... » Elle sourit avec douceur. « Je suis toute ouïe. » Parce qu'elle n'imposait pas, Neith, mais faisait appel à un certain pragmatisme tant qu'on lui exposait des arguments recevables.

Yamanu faisait une légère moue a la remarque de sa soeur, haussant les épaules, il aurait au moins essayé, de toute façon, Neith avait bien trop l’habitude de ses tentatives de triches pour tomber encore dans le panneau, si elle était vraiment tombée un jour et n’avait pas simplement joué le jeu pour lui faire plaisir. Et puis il pourrait tenter avec Monet, quitte à se prendre le retour de baton de sa petite soeur, les bézants en vaudraient la chandelle. Il ne put s’empêcher un petit rire en l’entendant réellement envisager une vie avec les vélanes ” Promis je viendrai te rendre visite “ Lui ne s’imaginait clairement pas dans ce genre de vie, mais il pouvait parfois comprendre l’envie d’échapper au poids qui leur pesait sur les épaules, c’était une vie particulière qu’ils avaient depuis qu’ils avaient quitté l’Egypte, et parfois, c’était assez intense de se dire qu’ils avaient ici tout à construire, quand bien même leurs parents avaient déjà construit des fondations solides, sur le toit desquelles ils étaient aujourd’hui assis.

Un peu plus sérieux, et concentré sur ce que sa soeur lui disait, Yamanu récupérait la coupure de journal qu’elle lui tendait, lisant rapidement l’article concernant le Baron d’Apcher. Il savait qu’Arsène et Neith étaient proches, et au vu de cet article, cette nouvelle société semblait être un bon tremplin, bien qu’il peinait encore à voir où cela le concernait pour le moment. Yamanu n’était pas vraiment concerné par les investissements familiaux, évidemment il gardait un oeil sur ses propres finances, leurs parents ayant fait en sorte de leur garantir une certaine sécurité, mais Yamanu avait tendance à placer les siennes dans ce qui avait attrait à l’art, et maintenant il réfléchissait aussi à investir avec la société dans laquelle Camille l’avait intégré récemment, sachant qu’il y trouverait des opportunités particulières. Ce fut quand elle mentionnait le besoin d'argent de la baronnie, et l’apport de la noblesse dans leur famille par alliance que Yamanu comprenait finalement où elle venait en venir. Désireux de s’occuper les mains il se mettait à plier le journal, il le faisait souvent quand il réfléchissait, et ce genre de conversation demandaient une réflexion particulière, Yamanu écoutait Neith, se rendant compte qu’elle avait déjà planifié le reste de la conversation, et une part de lui en était reconnaissant, une autre en revanche s’accrochait a ce besoin instinctif de liberté.

Il relevait la tête vers elle, posant le lotus plié sur le plateau quand elle parlait de l’Aube Sorcière, il ne pouvait pas prétendre ne pas y avoir pensé, quand bien même croyait-il dur comme fer à la vision de Tarek, et savait au fond de lui que c’était une vision légitime et qu’il continuerait de se donner corps et âme pour la voir se réaliser, la Famille Shafiq devait pouvoir se relever d’un échec politique. Et dans leur monde cela passait par ce genre d’alliances. Adélaïde d’Apcher, il la connaissait de nom, l’avait croisée quelques fois pour des affaires officielles au ministère, il n’avait en revanche jamais imaginé se marier à cette famille, il y avait beaucoup plus que leur manque de fond qui rentrait en jeu, la lycanthropie amenait un certain nombre de questions également. Mais Neith avait bien raison sur un point, l’élévation de leur famille dépassait les individus qu’ils étaient, et une part de lui se disait également qu’il pourrait éviter ça à Monet, qu’elle pourrait se lier par amour si lui et Neith se sacrifiaient pour le reste, le pouvoir, la richesse, la noblesse.

Il n’était pas surpris non plus par la décision de leurs parents, les Shafiq étaient une matriarchie depuis l’Egypte, quand bien même Rawiya était plus discrète que Tarek sur la scène politique, Yamanu avait beau être le seul fils, il ne s’était pas attendu à hériter des rennes de la famille, en revanche, l’idée de perdre son nom laissait un goût amer dans sa gorge, si bien qu’il ne put penser à autre chose. Être un Shafiq c’était l’entièreté de son identité, c’était pour ce nom qu’il s’était toujours battu, pour l’espoir d’un jour les voir être anoblis par les De Valoys, pouvoir porter fièrement ce patronyme quand ce jour arriverait. Et c’était une part entière de sa vision, de son futur qu’il voyait disparaître. Yamanu D’Apcher Il entre-ouvrait la bouche pour répondre, pour la rassurer immédiatement sur le fait qu’il voulait le meilleur pour leur famille et qu’il était prêt à tout mais aucun mot ne sortait, déglutissant plutôt alors qu’il évitait le regard de sa soeur pour le poser sur les toits qui entouraient le leurs. ” C’est…beaucoup. “ répondait-il simplement, bien qu’il se doutait qu’elle le rassurerait, Neith le faisait tout le temps, et il savait déjà ce qu’elle lui dirait, qu’il resterait toujours un Shafiq, mais à quel point était-ce vrai ? On attendait pas d’une femme qui rejoignait une famille qu’elle continue de se battre pour l’ancienne, mais plutôt qu’elle travaille pour la nouvelle, en quoi cela serait différent pour lui.

Et honteusement il avait aussi cette voix dans sa tête, les remarques qui viendraient forcément de le voir changer de nom pour celui de son épouse. Il finissait son thé, se permettant ainsi quelques instants de silence. ” Je n’avais jamais envisagé que mon mariage me ferait changer de nom…” Il ne voulait pas mentir à Neith sur ce point ” Je m’imaginais être Shafiq quand les De Valoys finiraient par se rendre compte de ce que Babà fait pour eux. Mais tu as raison, ce serait partir du principe qu’il gagnera les élections, et que les De Valoys nous anobliraient ensuite. “ Et de manière intelligente et objective, c’était bien trop de variables pour ne s’appuyer que là dessus. ” Je sais que c’est important pour nous d’avoir un pied dans la noblesse, j’avais juste égoïstement pensé que ce serait vous qui vous chargeriez de ça “ Et Yamanu s’était toujours sû quelque peu égoïste sur ce point, aujourd’hui il avait une opportunité d’agir différemment. ” Donc si je résume, on proposerait ma main à Arsène pour une union avec Adélaïde, ma dot… “ Il déglutissait légèrement en mentionnant ça, remerciant ses parents de ne pas l’avoir éduqué comme beaucoup d’autres hommes de leur milieu parce que l’idée même de devoir payer une dot à sa future fiancée était ridicule sur bien des points ”...Serait un avantage pour eux, et vous auriez un pieds dans la Noblesse grâce à moi. “ Il finissait par relever les yeux vers Neith ” Tu as raison, c’est plus que bénéfique, je serai bien plus crédible pour mes contacts actuels avec un nom comme celui-là. Si Arsène est prêt à considérer une telle alliance, je ferai mon devoir envers notre famille. “ Il ne put s’empêcher un sourire mutin, presque pour détendre l’atmosphère ” Mais tu savais déjà que je n’allais pas dire non à une possibilité de devenir noble pas vrai ? “ il riait un peu ” Tu as déjà prévu de lui en parler ? J’aimerais avoir quelques jours pour vraiment y réfléchir, parler à Babà et Oummi aussi. Et…j’aimerais être là quand les négociations seront officiellement lancées si tu veux bien, je te fais entièrement confiance mais c’est mon avenir qui est en jeu, ma place au ministère également “ avec les lois anti-loups contre lesquels Guilhem se battait et qui devenaient soudain une réalité bien plus vive pour Yamanu qui se notait mentalement d’y prêter plus grande attention. ” Yamanu d’Apcher…ça sonne pas trop mal…”

Et Yamanu ne pouvait pas si bien dire en lui disant qu’il lui rendrait visite dans la forêt du Gévaudan. Dans son calme et son pragmatisme, Neith ne perd pourtant rien des expressions de son frère. Ce fut finalement sur ses mains que son regard s’attarda en le voyant créer une fleur de lotus. Un tendre sourire s’esquisse sur ses lèvres. Sans grande originalité en bonne égyptienne qu’elle était, il s’agissait de ses fleurs préférées. Plus précisément les lotus bleus d’Égypte qui avaient leurs effets hallucinogènes ce qu’elle trouvait parfaitement fascinant et qui avait tant fait partie de la culture de leurs ancêtres. Dans sa dextérité, pourtant, Neith devine ses interrogations, parce qu’elle les connait, parce que quelque part aussi, elle les partage.
Elle sait ce que c’est de devoir renoncer à sa liberté pour rentrer dans un mariage à but parfaitement arrangé. Elle l’a vécu. Elle connait les doutes. Elle connait les enjeux. Même par devoir, même pour un futur qui les dépassait, elle savait à quel point c’était effrayant. Quelque part, elle aurait aimé que son frère fasse un mariage d’amour même si elle savait ô combien l’amour pouvait être volatile et qu’un mariage de raison pouvait devenir si fort qu’il pouvait transcender. Parce que l’amour, elle savait à quel point il y croyait lui qui tombait amoureux si vite. Elle lui enviait cela parfois mais lorsqu’elle devait le consoler, refermer ses bras aimants sur lui, elle se rappelait pourquoi, elle, elle était si différente sans que cela ne l’ait empêché d’avoir eu ses amours pluriels.
Mais il ne s’agissait plus d’eux à présent. Il s’agissait de leur futur et des éventualités pour faire prospérer ce que leurs parents avaient bâtis avant eux.
« Je sais. » souffle-t-elle lorsqu’enfin, Yamanu se met à parler. Si elle le voit regarder les toits, elle ne cherche pas à rétablir le contact. À la place, elle a envie de jouer avec la magie et du bout de sa baguette parce qu’elle sait qu’elle ne pourra pas faire cela sans, elle anime le lotus posé sur le plateau. Celui-ci s’envole dans les airs avec douceur avant qu’elle ne le transforme en milan d’un mouvement de poignet. Le milan s’envole, vient chatouille la joue de Yamanu dans une caresse avant de faire des loopings dans les airs autour d’elle selon la direction du poignet de Neith.
Lorsqu’enfin Yamanu se met à parler, dire ce qu’il a dans sa tête, Neith ne le quitte pas des yeux. Elle n’est pas réellement surprise que ce soit l’aspect du nom qui ressorte en premier. Et elle comprend mieux que personne, mais elle s’amuse un instant de se dire que son petit frère qui a grandi dans une famille avec des femmes si forte se retrouve confronté à ce qu’elle, elle a vécu moralement. Il était vrai qu’ils vivaient dans une société patriarcale et malgré la conscience que Yamanu avait de beaucoup de choses, il restait un homme avec ses privilèges. Le monde était fait pour les hommes. Mais elle comprend l’idée qu’il a. Elle aussi se disait que Tarek espérait que gagner les élections ferait que les De Valoys n’auraient d’autres choix que de faire des Shafiq des nobles. Pas que les élections d’ailleurs. Mais elle savait que c’était parier sur quelque chose dont ils n’avaient pas le contrôle et le pouvoir des souverains restait malgré tout encore faible et… instable. Autant valait-il mieux multiplier les chances que cela se produise. Si ce n’était pas eux, cela serait leurs enfants. Si la royauté tombait, ils resteraient puissants avec tout ce qu’ils avaient entrepris et les liens qu’ils avaient tissés.
« Ce n’est pas égoïste, souffla-t-elle. Jusque-là, nos parents pensaient que ce seraient le cas et ils m’ont également chargé de cette tâche. Nous t’en avons simplement préservé. »
Le milan se change alors de nouveau en lotus et Neith s’amuse à lui changer de couleur pour prendre celle de ses fleurs préférées.
Elle acquiesce devant ce que résume son frère. Elle ne le quitte pas du regard alors qu’elle fait revenir le lotus bleu dans sa main qu’elle ouvre pleinement. Ce n’est que lorsqu’il dit faire son devoir qu’elle sait que leurs parents les ont bien conditionnés.
D’un mouvement souple comme un chat, Neith se relève et s’approche de son frère alors qu’elle voit son sourire mutin et qu’elle y répond par un sourire aussi mutin.
« Effectivement, ya nour aini*. Nous sommes nés dans le même nid après tout. »
Trois vipères dans un nid : lui, elle, Amonet. Elle savait comment amener les choses à son frère et à sa sœur. Sans doute que ces derniers mois les avaient encore plus rapprochés.
Arrivée à sa hauteur, elle vient placer délicatement le lotus dans la poche de la chemise de son frère pour qu’il dépasse un peu. Tout en se faisant, elle releva son regard sur Yamanu et sourit.
« Non, bien sûr. Seuls Baba et Oummi sont au courant. Je ne compte parler à Arsène que de mon envie d’investir dans son entreprise. Je ne vais pas te spoiler tes négociations… mais si tu as besoin que je sois là, tu sais que tu peux compter sur moi. » Léger rire. « Je peux être silencieuse tout du long. Je peux faire cet effort. » Elle sourit avant de déposer un baiser sur la joue de Yamanu. « Et oui, bien entendu. Je ne m’attendais pas à un oui plein et entier. C’est une lourde décision. »
Se reculant, Neith observa longuement Yamanu avant de souffler : « Je trouve aussi que cela sonne bien. Mais tu sais, akhi**, tu seras toujours un Shafiq de cœur et de sang, même si tu embrasses ce nouveau nom, ces nouvelles traditions. Je sais d’expérience que les deux, la famille maritale et la famille de naissance ne sont pas incompatibles. L’équilibre se trouve… » Avec douceur ses mains se glissent sur les joues de Yamanu et elle lui fit un clin d’œil. « Et ne crois pas que je n’ai pas prévu de te laisser sans rien. » Relâchant avec délicatesse son visage, Neith récupère sa tasse abandonnée et la boit.
« Par contre, sur une autre note, je ne compte pas arrêter Kahina et Izem qui voudront sûrement que tu honores les traditions. Trousseau de clef, agneau offert à ta fiancée… » Elle pouffe de rire, ne se moque nullement des traditions qu’elle respecte, mais l’idée que leur doula et leur majordome se concertent l’amusait beaucoup.

Yamanu posait les yeux sur le lotus plié qui s’envolait pour changer de forme sous l’impulsion de la magie de sa soeur, retournant bien des années plus tôt où il était émerveillé par les tours que Neith ne se lasse jamais de faire pour les divertir Monet et lui. Sur cet art là, Neith avait probablement toujours été la meilleure, de forme et de couleurs, il se concentrait sur ça peut-être parce qu’il était plus simple de retrouver la nostalgie du passé plutôt que l’incertitude d’un futur sur lequel il n’avait pas de contrôle, ou plutôt, sur lequel il perdait un certain contrôle.

Il ne peut s’empêcher un petit rire quand elle prétend que ce n’était pas égoïste de compter sur ses sœurs pour marier la Noblesse et ouvrir aux Shafiq les portes d’un monde qui ne souhaitait pas encore les recevoir, mais même Neith ne pouvait retirer cette sensation, cette impression qu’il aurait préféré une autre alternative, ancré dans une société qui plaçait l’homme en maître dans ce genre de situations. Il la laisse la rejoindre, et encore une fois, retrouve les sensations infantile alors qu’il se love dans la chaleur rassurante de son aînée. Yamanu s’était toujours senti en sécurité aux côtés de Neith, cette manière qu’elle avait de trouver les mots pour rassurer ses pensées tourmentées. Il hochait la tête en apprenant que leurs parents étaient déjà au courant de ce que Neith avait prévu, probablement que Tarek viendrait de lui même parler à son fils, il ne doutait pas que son père l’encouragerait dans cette démarche, avec une certaine fierté de le voir finalement prêt à prendre le large, sacrifier une liberté que Yamanu avait toujours chéri pour le bien de leur famille et l’assurance d’un futur peut-être plus sécurisé.

” Oui j’aimerai que tu sois là malgré tout. “ La présence de Neith serait une constante, même s’il mènerait la discussion et les négociations, l’avoir à ses côtés lui donnerait le courage nécessaire pour aller jusqu’au bout de cette entreprise. Il ne peut s’empêcher de sourire en l’entendant assurer que malgré tout il resterait un Shafiq à ses yeux, un membre de leur famille, il y avait une fierté derrière ce nom, derrière leur histoire, que Yamanu avait toujours porté dans son cœur et dans chacune de ses actions. Pourtant, Yamanu savait également, malgré ce qu’elle disait, que lorsque son nom aura changé, qu’il aura à son tour une famille à lui même, ses décisions seront faite avant tout pour protéger cette famille là. " Je sais que tu dis ça pour me rassurer. Mais j'ai quand même un peu de mal à me faire a l'idée de prendre un autre nom, rejoindre une autre famille de cette manière...même si je resterai un Shafiq, je serai avant tout un d'Apcher, et mes enfants seront des des d'Apcher. Je ne sais vraiment pas comment tu as fait..." Il espérait simplement que jamais ne viendrait le jour où il se retrouverait a devoir choisir entre l’un et l’autre. Un léger rire lui échappe quand elle assure qu’elle ne le laisserait pas sans héritage, encore une fois c’était bien à l’encontre de ce que ce monde lui avait appris, mais il savait que Neith ne mentirait pas sur ce point, elle s’assurerait de le savoir suffisamment en sécurité sur tous les points, et il ne pouvait qu’être reconnaissant. Pourtant il ne retient pas une grimace en l’entendant parler des traditions qu’il devrait suivre, et qui probablement surprendrait les d’Apcher, à sa connaissance il n’y avait pas en France d’équivalent à ce sujet. ” Et moi qui pensais que le fait d’être celui qui changerait de nom m'exempterait de ces obligations…peut-être devrais-je demander aux d’Apcher de m’offrir un agneau ? “ laissait-il échapper sur un air un peu moqueur. ” Kahina ne me lâchera pas une fois qu’elle apprendra tout ça, je suis sûr qu’elle tiendra à me faire une dizaine de tenues pour les fiançailles. “ Leur doula avait toujours été très maternelle, probablement le connaissait-elle autant que sa propre mère le connaissait.

” J’ai une autre chose à te demander. Je sais que nous faisons notre devoir pour notre famille, mais avec une alliance de ce genre, et une autre de ton côté, tu penses que Monet pourra se marier par amour plutôt que par devoir ? “ Il avait toujours voulu protéger sa petite sœur, autant que Neith de ce qu’il savait, et Monet était probablement celle qui méritait de vivre sa vie comme elle l’entendait, une force de la nature indomptable. ” Ca rendrait le fait de perdre mon nom plus simple de savoir qu’elle aura le choix. “ Même celui de continuer de profiter de sa liberté tant qu’elle le souhaiterait.

Malgré la veste masculine trop grande pour elle dont elle a remonté les manches précédemment, Neith passe un bras autour des épaules de son frère avant de l’inviter à s’asseoir sur le rebord du toit. C’était dangereux mais elle, elle se sentait pourtant comme maîtresse du monde en cet instant avec la vue sur les toits de Reims. Acquiesçant lorsque Yamanu lui dit qu’il aimerait qu’elle soit là lors des négociations, Neith se promit de le laisser faire le plus gros. Elle, elle pouvait parfaitement se faire présence à ses côtés, un soutien silencieux mais toujours présent s’il avait besoin d’aide. D’autant plus qu’elle se doutait que certaines choses concerneraient directement les Shafiq… qu’elle représenterait. La réalisation de ce que cela voulait dire pour elle était étrange. Mais ce n’est pas d’elle dont ils parlaient et elle se mit de côté pour se consacrer totalement à son frère qui avait besoin d’elle.
Un sourire indulgent s’inscrit sur ses lèvres alors que Yamanu lui demandait comment elle avait fait pour tout conscillier.
« Ne crois pas que je n’ai pas fait d’erreurs et que parfois, je n’ai pas très mal fait… Mais je pourrais te donner des conseils le moment venu. Au moins pour éviter les erreurs que j’ai pu faire… Mais tu trouveras ton équilibre, je ne me fais pas de soucis. »
Elle ne comptait pas le lâcher dans la nature des d’Apcher comme cela non plus. C’était son petit frère. Elle avait traversé nombre de fois la France du domaine de Lautrec jusqu’à Reims pour revoir les siens. Elle ferait exactement la même chose pour aller le voir lui chez les d’Apcher si cela se faisait ainsi. Néanmoins, elle reprit un court instant :
« Je te conseille cependant de réfléchir à où est ce que tu veux vivre également. Je pense que même si tu portes le nom d’Apcher, tu peux aussi éventuellement négocier quelques mois ici avec Adélaïde ? On sera ravis de l’accueillir, toi, elle, vos enfants. Imagine Kahina et Izem ravit de nouveaux arrières-presque-petits-enfants à gérer. »
Elle rit chaleureusement. Elle sait que Kahina avait adorer s’occuper de Ruben plus petit et il était le grand roi ici lorsqu’il venait, en plus de Tarek et Rawiya qui adoraient leur premier petit enfant. Mais imaginer l’hôtel particulier plein d’enfants de Yamanu était amusante, vivifiante même. Sans doute qu’elle en aurait d’autres également… Mais elle ne préférait pas trop y réfléchir tout de suite. Ses angoisses n’avaient pas leur place dans cette discussion pour l’instant.
La grimace de Yamanu chasse les idées angoissantes de Neith qui rit de bon cœur.
« Je suis sûre que cela aussi ça peut se négocier. Si on leur explique que sinon nos aînés vont maudire cette union sur dix générations… » Elle ne peut s’empêcher de ricaner. Même s’il était peu probable qu’Izem et Kahina ne les maudisse pas, elle voyait déjà les humeurs de Kahina se profiler à l’horizon, bien plus terrifiantes que les gros yeux de Rawiya quand cette dernière leur faisait comprendre qu’elle n’était pas contente lorsqu’ils étaient petits et moins petits. « Oh oui. » répondit Neith, un sourire de chat sur les lèvres. « Pour cela, parce que j’ai pitié de toi, je pense que nous pourrons négocier trois tenues sur les sept réglementaires… au moins pour la cérémonie chez les d’Apcher. Parce que celle en Egypte, pardon akhi, mais tu vas devoir mettre les sept. » Elle pose une main sur l’épaule de Yamanu et rit encore. Avait-elle mentionnée qu’il y aurait aussi la cérémonie en Egypte ? Pas de ce qu’elle se souvenait. Mais en tant que premier et unique fils de la première branche des Shafiq, il était impératif qu’une cérémonie se passe aussi là-bas. Et sur cette cérémonie, Neith devait admettre qu’elle avait hâte de revoir tout le monde, tantes, oncles, cousins, cousines, grands-parents, aînés... De quoi dépayser les d’Apcher au passage.
Redevenant un peu sérieuse, Neith ne quitta pas du regard Yamanu lorsqu’il parla d’Amonet.
« Oui, je pense que c’est possible. Amonet aura droit à son mariage d’amour… » Elle ne peut s’empêcher de se mordre la lèvre. « Enfin, je me demande à quel point Baba et Oummi accepteraient un mariage d’Amonet avec quelqu’un qui n’est pas pur mais… » Une part d’elle ne peut s’empêcher de se dire que même Amonet, si elle le souhaitait, pourrait être utile surtout si elle contractait un mariage avec quelqu’un qui n’était pas royaliste, ni pur. Et si c’était ce que voulait vraiment Amonet, Neith le tournerait ainsi pour faire accepter l’idée aux parents. « Ceci dit, je crois que pour l’instant, elle a sa propre peine de cœur à gérer… et qu’elle aime trop son indépendance pour se marier à qui que ce soit. » Sourire en coin. « Nous pouvons lui laisser cela, la liberté de faire ou ne pas faire. » Qu’au moins, l’un d’entre eux l’est.
Un sourire en coin, Neith leva sa main pour montrer son petit doigt à Yamanu et elle attendit qu’il fasse de même avant de sceller la promesse.
Reposant sa main sur le bras de son frère, Neith posa sa tête sur son épaule et observa alors les toits et les lointains, puis, demanda :
« Et tu sais aussi, même si tu es marié, tu pourras très bien avoir un accord avec Adélaïde sur votre exclusivité. J’en ai eu un avec Alaric. Je ne sais pas si tu as des personnes en vue dernièrement, mais tu n’es pas obligé de leur dire adieu si c’est le cas… Si tu as besoin de conseil là-dessus, je pourrais t'en donner aussi. »

Yamanu se laissait emporter par sa soeur, souriant un peu en se retrouvant sur le rebord du toit. Reims avait l’air paisible d’ici, loin de ce qu'était réellement leur vie, peut-être était-ce pour ça qu’il n'était pas vraiment paniqué par cette conversation, parceque d’ici ça n’avait presque pas l’air réel, que ce n'était que des plans comme ceux qu’ils faisaient quand ils étaient enfants. Ils pouvaient en parler sans forcément les concrétiser. Du moins il pensait que son esprit s’attachait à cette idée pour ne pas réellement paniquer.

Pourtant il s’accrochait a ce qu’elle disait, c'était rassurant de l’entendre lui assurer qu’il trouverait un équilibre, et qu’elle aussi avait fait des erreurs, comme il serait amené a en faire probablement si ça se passait vraiment. De là a parler d’équilibre c'était beaucoup, le seul équilibre que Yamanu avait trouvé c'était dans son travail, et la encore, il avait fini par craquer, ce qui avait causé toute la situation avec Rafael, penser a ce dernier lui serrait un peu la gorge, comme si chaque fois qu’il pensait l’avoir mis derrière lui son fantôme revenait hanter ses pensées. Il se rendait d’ailleurs compte que sa vie personnelle n’avait jamais rien eu d'équilibré, alors il doutait d'être celui qui parviendrait a le trouver dans ce mariage.

Il relevait les yeux vers elle quand elle parlait de l’endroit où il habiterait, ajoutant une variable qu’il n’avait encore une fois pas prévu, quitter l'hôtel pour le Gévaudan était passablement effrayant, il avait ici toutes ses habitudes, tout ce qu’il avait toujours connu. Ceci dit Adélaïde aurait probablement les mêmes doutes, il ne savait pas si elle vivait toujours dans sa demeure familiale ou non, ni à quel point elle serait prête à rejoindre la sienne. En réalité il se disait qu’un endroit à eux serait peut-être un juste milieu envisageable, ses parents avaient probablement les moyens de lui trouver un appartement, peut-être sur Paris. ” Je suppose que c’est le genre de décisions qu’on prendra ensemble si les choses prennent cette direction…je ne voudrais pas lui imposer ce genre de changement non plus. “ Après tout si lui avait maintenant le temps de réfléchir et faire mûrir cette idée, Adélaïde elle serait probablement mise sur le fait accompli, elle méritait un semblant de contrôle dans son futur. Dans leur futur. C'était si étrange de se projeter de la sorte alors même qu’il n’avait aucune certitude que les d’Apcher ne rigoleraient pas face à cette proposition sur bien des points hors des coutumes Françaises. Malgré tout il ne pouvait s'empêcher de sourire en imaginant Kahina et Izem avec ses enfants, ou même Tarek et Rawiya, leur famille était déjà tellement gaga de Ruben, ils accueilleraient des petites têtes avec un amour débordant.

C'était en revanche un rire franc qui lui échappait a la mention de malédiction sur des générations. Probablement pas quelque chose qui rassurerai les d’Apcher. Le sérieux revenait vite en revanche quand la conversation venait sur Amonet et son futur, et c'était naturellement qu’il crochetait son petit doigt a celui de sa soeur. ” Elle nous devra des années de glaces et de bonbons “ Monnaie d'échange absolument rentable a ses yeux pour le sacrifice qu’il s’apprêtait a faire pour elle. Non pas qu’il ressentait la moindre amertume a ce sujet, bien heureux au contraire qu’elle puisse être libre de choisir ce qu’elle voulait faire de son futur.

Il se rendait légèrement a la tournure que prenait la conversation, il avait du mal c'était vrai a s’imaginer fidèle désormais, alors qu’il n’avait jamais eu d’aventures quand il était en relation, bien que l'idée ne lui semblait pas forcément anormale, il avait toujours aimé tellement qu’il s'était persuadé ne pouvoir avoir d’amour que pour une personne a la fois. Mais ça aussi, Rafael avait fini par le briser, et il n'était plus sur de pouvoir vraiment aimer, comme il avait aimé avant. Et cette fois, quand Neith lui offrait de parler, il restait silencieux, le visage de Giacomo se glissant dans son esprit malgré lui, la soirée passée a Samhain. Il se contentait pourtant de secouer la tête. ” Je ne pense pas avoir encore suffisamment d’amour à donner. “ mais il ne l'a regardait pas quand elle parlait, incapable d’ignorer tout ce qui était revenu du passé ce soir là, quand bien même il continuait de se convaincre que ce n'était rien, et que ce ne serait jamais rien. ” Je préfère me concentrer sur le reste pour le moment. Le travail, la famille. Des choses que je peux contrôler et qui ne me blesseront pas d’avantage “ C'était rare qu’il revienne la dessus, sur ce point de son passé qu’il préférait enfermé dans les recoins les plus sombres de sa mémoire. ” Je n’ai personne en vue. Je suppose que ce qu’il faudrait que je lui dise c’est que si elle recherche le grand amour ce ne sera sûrement pas moi, et que je ne voudrais pas l'empêcher d’avoir ça “ Dans tous les cas il s’assurerait être un bon époux, un partenaire. Ils verraient le reste quand la situation se présentera, si cette dernière se présente.

Acquiesçant, Neith ne put s’empêcher de sourire. Pour beaucoup de monde, ce n’était pas une décision qui semblait être une décision à prendre à deux puisque pour elle, ça n’avait pas été le cas même si elle avait eu toute la liberté, à l’exception de la Grande Guerre, de revenir à Reims. Mais que Yamanu le voit ainsi, lui donnait un peu de fierté. Leurs parents avaient bien réussi à lui faire prendre conscience que l’époux ne choisissait pas tout pour sa femme. Elle pouvait être fière de cela, de l’éducation qu’ils avaient reçu et qu’ils mettaient en application également.
Son sourire se transforma en rire lorsque Yamanu évoqué le troc de bonbons et glace. Ah oui, leur monnaie d’échange enfants ce qui avait aussi quelques disputes mémorables.
« Totalement. Je serai intraitable sur ça. » commenta Neith avant de sentir la légère tension lorsque Neith abordait un dernier sujet en lien avec tout ce qui venait de se dire.
Elle se doutait bien entendu que Yamanu n’était pas sorti indemne de la relation avec Duprès. Comment l’aurait-il pu ? Malgré les soirées à en parler à l’époque, malgré toutes les explications pragmatiques et censées qu’elle lui avait donné, -non ce n’était pas de l’amour même si tu le crois ; c’était une potion qui a agit sur toi, elle est faite pour te le faire croire ; ce n’est pas de ta faute, c’est lui le responsable-, Neith se doutait que rien n’y faisait. Mais elle ne s’attendait pas le moins du monde à entendre ce qu’elle venait d’entendre. Son cœur se serre lorsqu’il dit ne pas avoir suffisamment d’amour à donner et elle se redresse pour le regarder.
Quelle tristesse infinie elle ressent à cette idée, que son frère soit suffisamment bousillé pour penser qu’il n’avait pas assez d’amour pour quelqu’un d’autre. Quelque part, la colère monte. Même si Yamanu avait réglé la question de Duprès, Neith, elle avait toujours le revolver qui la démangeait et un goût du sang qui était revenu avec la chasse. La culpabilité suit, parce qu’elle réalise sur la suite de ce qu’il dit, qu’il en était au même point qu’elle lorsqu’elle avait accepté d’épouser Alaric. Néanmoins, un petit sourire se dessine sur ses lèvres.
« Je sais d’expérience que même si tu dis à ton ou ta future épouse que tu n’envisages rien d’autre qu’un « partenariat » et qu’il ou elle est libre d’aller voir ailleurs… Cela peut toujours te tomber dessus. »
Elle sourit un peu, lumineuse un instant en repensant à Alaric. Elle-même l’avait prévenu à l’époque. Après Guilhem et surtout Dubois, elle n’espérait pas retomber amoureuse. Quelle naïve avait-elle été. Quelle naïve était-elle encore lorsqu’il s’agissait de Lorenzo de Medici après Alaric Lestrange.
« Garde ce que je te dis en tête. On ne sait jamais. » conclut-elle. « Mais je comprends le besoin de repères dans le travail et la famille… Je ne suis pas vraiment d’un meilleur exemple sur la question. »
Si elle ne peut s’empêcher de faire un trait d’humour, il y a au fond cette pensée pour ce qu’elle a vu dans le lac aux Pyrénées. Une tristesse latente qu’elle ne cache pas.
« Ca reviendra quand tu seras près. » Parfois, elle se demanda à quel point l’accoutumance à l’amortentia pouvait altérer le fait d’aimer. Elle savait que ce n’était pas le cas de son frère parce qu’elle avait bien retrouvé ce dernier quand les doses avaient cessé. Mais elle se demande, est-ce que son frère mettrait plus de temps à se remettre ? Est-ce que ses traumatismes seront plus durs à surmonter que les siens à cause de cela ? Est-ce qu’elle pouvait y faire quelque chose ? Elle se promet de garder un œil sur son frère même si elle a les yeux partout en ce moment.
« Laisse-toi un peu de temps avant de réfléchir à tout cela… Mais il faudra informer tout de même Baba et Oummi, ils risquent de te poser des questions s’ils voient que tu traînes. » Simple conseil mais qu’il connaissait déjà. « Et si tu as des questions, je suis toujours là pour y répondre. »
Neith reposa sa tête sur l’épaule de son frère. Son regard se fit lointain et ses pensées divaguèrent lorsqu’elle demanda :
« Il était présent ce soir ? »
Il. Elle se refusait de prononcer le nom de Dubois depuis qu’elle l’avait vu. Mais elle a besoin de savoir à quel point cet homme était présent et elle refusait de demander à leurs parents qui n’étaient au courant de rien. Yamanu et Amonet étant dans la confidence maintenant, elle pouvait au moins le faire avec eux.

Yamanu détestait cette idée, l'idée même de tirer une croix sur l'amour, il avait passé le plus clair de sa vie d'adolescent et d'adulte à courir derrière l'amour, a se persuader de l'avoir trouvé après quelques clins d'œil attrapés à l'envolée. Il avait eu tant d'amour à donner, et il avait donné sans compter, se lançant corps et âmes dans des relations mortes avant d'avoir vraiment éclos, dans des espoirs qu'il nourrissait alors même qu'il n'y avait aucun retour. Et depuis Rafael, Yamanu avait ouvert un autre regard sur l'amour, ne voyant que la douleur, le mensonge, la destruction. Il se demandait souvent si c'était permanent, si peut-être il avait donné tout ce qu'il avait eu à donner, et qu'il ne lui resterait que les plaisirs partagés d'amours sans lendemain auxquels s'accrocher. Alors peut-être, en mettant tout ça dans la balance, un autre genre de partenariat serait bien plus fructueux qu'un mariage d'amour.

Son regard se glisse pourtant dans celui de sa sœur, il sent la vérité dans ses paroles, la chaleur qu'elle espère insuffler à un cœur meurtri, et Yamanu a pour elle un regard tendre, bien que quelque peu triste, c'était bien Neith ça, vouloir sauver son frère d'un avenir sans aimer. Et Yamanu lui en était sincèrement reconnaissant, bien qu'il peinait à croire que ce qu'elle disait s'appliquerait à lui, il estimait peut-être plus sage, ou du moins, plus empathique envers elle, de ne pas nier en bloc la possibilité qu'elle avançait. Parce que si elle avait raison, alors il n'en était que plus effrayé, il se savait fragile, à succomber a deux paires d'iris azurs parce qu'ils lui faisaient la grâce de le regarde. Il espérait ne pas être prêt, ne jamais être prêt, alors même qu'une part de lui s'amusait à lui murmurer qu'il était déjà trop tard.

Son regard quittait celui de sa sœur pour replonger sur les toits qui s'offraient à eux. Il garde le silence, parangon d'amour brisé, le silence bien plus simple à appréhender que de tenter de trouver quelques justifications, quelques assurances dans les paroles de sa soeur, quelques espoirs qui finiraient un jour par le blesser à nouveau. Ce n'est qu'à la mention de leurs parents qu'il relève les yeux vers elle, et la gratifie d'un sourire sincère.  " Je pense que baba n'aurait jamais pensé que ça se passerait ainsi " Il s'était lui même toujours imaginé apporter une femme dans la famille Shafiq, pas se retrouvé dans une autre famille. Ce serait un changement radical, mais peut-être que cela ne ferait pas de mal à Yamanu. " Je leur parlerai, ils sont toujours de bons conseil. " Et surtout n'hésitaient jamais a dire ce qu'ils avaient à dire, Yamanu avait toujours apprécié cette certaine franchise avec laquelle il avait grandi. " Et pour les questions, j'en aurai surement avant de rencontrer Arsène, hors de question que je me mélange avec leurs terres, leurs titres ou quoi que ce soit d'autre. " Et il comptait déjà dès ce soir éplucher les manuscrits qui mentionneraient les d'Apcher, nul doute qu'il passerait une partie de la nuit dans la bibliothèque.

L'air semblait s'alourdir quand le sujet changeait totalement. Des éclairs traversant les iris du fils de Pharaons. Il inspirait, passant un bras autour des épaules de sa soeur pour la garder contre lui. " Oui...j'ai essayé de l'éviter mais il est...persistant. " Et cela n'aidait pas à enlever à Yamanu l'envie de le castrer à chaque fois qu'il le voyait. " Il voulait savoir comment j'allais, ce que je devenais, que je me rappelle à quel point j'étais son élève préféré. " Yamanu serrait un peu le poing. " J'ai quitté la soirée directement...tu as bien fais de ne pas venir, je ne sais pas si je pourrais m'empêcher de lui refaire la face s'il ose t'approcher. "

Elle aurait aimé que les choses se passent autrement pour Yamanu, mais elle savait que c’était impossible à présent et que certaines choses ne pouvaient être sous son contrôle. Yamanu faisait ses choix et elle ne pouvait que le guider, l'écouter et l'épauler. Comme elle le faisait à présent. Ils avaient toujours eu un cœur grand, parfois trop grand, tranchant avec l’opportunisme dont ils avaient hérité de leurs parents. L’un n’empêchait pas l’autre après tout. Neith ne pouvait cependant que se demander si un jour ils seraient heureux d’une quelconque façon sur le plan sentimental. Il en allait de même avec Amonet. Un soupire s’échappe d’ailleurs des lèvres de Neith lorsque Yamanu parla de Tarek.
« Aucune idée. En fait, je dirai qu’Oum, elle, s’est exactement imaginé ça parce que c’est Oum. Mais Baba… » Bien sûr, leurs parents les voulaient aussi heureux que possible. Tout ce qu’ils avaient accomplis et construits allaient dans ce sens. Mais les intérêts restaient. Même si Tarek était un Shafiq de naissance… Lui aussi vivait dans un monde patriarcal. Elle ne saurait dire à quel point il aurait aimé que son fils garde son nom. Elle imaginait qu’avec sa fierté, c’était peut être ce qu’il avait espéré. Mais dans ses intérêts, c’était une possibilité.
Acquiesçant lorsque son frère lui dit qu’il parlerait à leurs parents et écouteraient leurs conseils, Neith se sent un peu sereine. Yamanu était bien entouré. Elle y veillerait. Un sourire en coin à l’évocation des d’Apcher, Neith répondit suivit d’un petit rire tendre envers l’adolescente qu’elle avait été :
« Pour avoir été amoureuse d’un d’Apcher, je te ferai passer les tests avant la rencontre, bien entendu. J’avais tout appris par cœur pour l’impressionner. »
Rares sont les fois où elle évoque Guilhem, mais il faut bien que leur passif lui serve… Et leur avenir puisqu’elle était censée le rencontrer demain. Son rythme cardiaque s’accélérant un peu, l’égyptienne mit de côté le semi-lycanthrope. Tout du moins de moitié car, le sujet qu’elle abordait à présent le concernait par ricochet.
Le changement de discussion mène à une chute de température. Neith a subitement froid et vient refermer un peu plus la veste, songe à se rapprocher du braséro également tout en sachant que cela ne servirait à rien. Ce n’est que lorsque son frère pose un bras protecteur autour de ses épaules que Neith se sent un peu réchauffée. Elle devine pourtant la colère qu’il contient. Quelque part, elle lui en est reconnaissante. La soirée du retour de Dubois avait été épuisante psychologiquement pour elle. Si elle avait appris à faire bonne mesure et masquer les sensations du traumatisme même dans la vie quotidienne depuis son retour, elle ne s’en sentait pas moins épuisée à l’idée de gérer cela en plus. Aussi n’est-elle pas surprise de ce que Yamanu lui répond malgré le fait qu’elle se tende.
Le regard de Neith se fait lointain sur le ciel alors qu’elle pose de nouveau sa tête sur l’épaule de son frère. Soutenir son regard lui semble impossible à présent et son parfum la rassure. Son air se fit néanmoins grimaçant quand elle apprit que Dubois louait le bon élève que Yamanu avait été. Sans doute disait-il cela à tous ses élèves. Il le lui avait dit aussi après tout. Se crispant ensuite quand Yamanu énonça l’idée d’en mettre une à Dubois s’il l’approchait, Neith se redressa.
« Mmh. Je suis désolée. » souffla-t-elle. Désolée de quoi, elle n’est pas sûre. Sans doute d’imposer la présence de cet homme à son frère et sa sœur parfaitement au courant à présent alors qu’elle pourrait simplement en parler aux parents. « Malheureusement, je crois qu’il tentera de le faire… Je ne pourrais pas éviter ce genre de soirée et situation éternellement. » Et elle, elle ne sait pas du tout ce qu’elle fera, si elle prendrait la fuite comme elle l’avait fait en octobre, ou si, elle serait dans un tel état de sidération qu’elle ne ferait tout simplement rien.
Neith s’obstina à fixer le vide.
« Je ne veux pas que cette histoire fasse du mal à baba. Le moindre scandale… » Sa gorge se noue. « Alors, s’il te plait, s’il venait à m’approcher… ne fais pas ça. » Elle se détestait. Elle se détestait de se montrer aussi passive. Dans d’autres circonstances, elle aurait sûrement agi. Mais la campagne était trop proche. Les risques trop élevés. Elle devait se mettre de côté pour l’instant. « Je ne sais en revanche pas quoi faire le concernant hormis continuer au maximum d’être moins présente, et surtout ne pas me retrouver seule avec lui. » Parce qu’elle ne savait pas non plus ce dont elle serait capable. Ou si, elle savait très bien ce qu’elle pourrait et serait capable de faire. Cela ne lui faisait pas peur, mais agir sur un coup de tête était la dernière chose qu’elle souhaitait. « Je revois Guilhem demain. » Son air est triste. « Je crois que je vais lui dire que c’est pour ça que je l’ai quitté et que ça s’est terminé comme ça entre nous. Je ne veux pas qu’il l’apprenne autrement ou par quelqu’un d’autre si cette histoire venait à ressortir. »

La réponse de Neith venait doucement confirmer certains doutes qu'il avait eu, qu'il continuerait probablement 'avoir et sur lequel son esprit désirait s'arrêter quelques instants, probablement par peur de quitter le connu et de se jeter ainsi dans une aventure qu'il n'aurait jamais put prévoir. Il plantait son regard dans le vide, se rappelant de toutes les conversations que Tarek avait eu avec lui sur leur nom, sur ses ambitions, sur leur devoir à eux tous de consolider les fondations de leur famille en France. Et cet hôtel était preuve première de cette réussite. Yamanu savait que son père était fier de lui, il ne lui en avait jamais fait douter, pourtant il y avait cette voix qu'il ne pouvait chasser de ses pensées, que les choses changeraient lorsqu'il perdrait le nom du paternel. Ce n'était pas foncièrement mauvais, pas foncièrement bon, le simple court des choses, le changement était une chose naturelle, comme la pierre avec le temps devenait sable, et pourtant, il demeurait terriblement effrayant. Om se notait de programmer cette conversation rapidement, ne serait-ce que pour être rassuré sur ce point, pour que la partie fantasque de son esprit cesse d'établir des scénarios catastrophe.

Son attention revenait à sa sœur, fronçant légèrement les sourcils d'un air sévère lorsque cette dernière s'excusait, et il se rendait compte de l'ironie, alors que lui même continuait de se jeter la pierre pour son aventure avec Duprès, elle agissait de la même manière face à Dubois. Il était parfois si facile pour une victime de porter le manteau d'une culpabilité malsaine, étouffante. Yamanu se rendait compte, silencieusement, que sa soeur et lui avaient en réalité vécu des expériences similaires, bien que comparer n'était pas saint, il ne pouvait s'empêcher de remarquer les similarités dans leurs mots, leurs actions, cette manière qu'elle avait de l'empêcher d'intervenir avec à quelques notes près la même symphonie qu'il avait tenu quand il s'agissait du sort de Duprès qu'il fallait décider. Aussi elle obtenait de lui un sourire compatissant. Pour protéger la famille, l'un et l'autre étaient prêts à étouffer cette part d'eux, à subir, porter fièrement leurs armures d'ors et de rubis. " A vos ordres matriarche " Il se faisait quelque peu joueur à l'affubler de ce surnom d'un air faussement solennel, un sourire provocant sur les lèvres derrière les traits angéliques du second né. " Par contre tu ne pourras pas m'empêcher de capter toute son attention. Je suis absolument exceptionnel et les gens se bousculent pour un peu de mes attentions " Il haussait les épaules sans rien perdre de son sérieux apparent. Il obéirait a sa sœur, et ne causerait ni éclats ni bavure qui pourraient éclabousser l'honneur paternel et familial, en revanche, il pouvait bien faire le contraire, encenser Dubois de sa présence et accaparer son attention dans des débats que le vieux précepteur aurait perdu d'avance. C'était après tout un jeu, une danse que Yamanu connaissait du bout des doigts. Et il savait d'avance qu'il prendrait un certains plaisir à humilier à coups de diatribes et d'arguments biens trouvées celui qui se vantait d'être la raison de leur succès.

Le jeune fils du soleil haussai en revanche un sourcil en l'entendant parler de Guilhem, Yamanu avait le malheur de dire qu'il s'était retrouvé au milieu de cette relation une fois déjà, bien que maintenant il comprenait la décision de Neith, il avait à l'époque surtout été marqué par le chagrin de Guilhem, et l'espace qui s'était creusé entre lui et celui qu'il considérait alors comme son meilleur ami. Il devait avouer qu'après tout ce temps il ne se serait pas attendu à ça. " Hum...je suis sûr qu'il comprendra " Se montrant aussi rassurant que possible, bien que les interrogations se succédaient dans son esprit " Pourquoi souhaites tu le revoir ? " Si son ton pouvait sembler candide il n'en était en réalité rien.  " Juste pour ça ou...il y a autre chose ? " Un sourire en coin se glissait sur sa face, se mordant l'intérieur des joues pour ne pas rire.

Au regard sévère de Yamanu, Neith soupire. Dans le fond, elle le sait : elle n’a à s’excuser de rien. Ironiquement aussi, c’était le même regard qu’elle lui avait adressé quand il se fustigeait pour Duprès. Mais lui comme elle savaient que ce n’était pas aussi simple. Elle savait qu’elle n’avait rien fait de mal, que rien ne justifiait ce qu’elle avait vécu. Pourtant, parfois, la petite voix insidieuse persistait, celle qui lui disait qu’elle l’avait forcément tenté, celle qui lui disait que c’était de sa faute. Dernièrement, cette petite voix revenait régulièrement la hanter. Elle se doutait que si elle réabordait le sujet avec l’homme en question, il lui dirait la même chose et dans le fond, elle savait très bien que si elle parlait, haut et fort, personne ne la croirait. Ce n’était pas sa vie à lui qui allait être passée en revue, ses relations amoureuses à lui, et dans cette configuration, Neith savait que ses amours pluriels pouvaient jouer contre elle, de même que sa simple nature de femme agrémentée de ses origines. Elle se rendait compte qu’elle en était au même point que lorsqu’Alaric avait su, peu après sa dépression post-partum. Elle se rendait compte qu’elle n’était pas prête à se lancer dans cette bataille-là, jouer contre la société qui lui imposait le silence, faire face à ses parents qui, si elle savait qu’ils l’aimaient ne comprendraient peut-être pas. Il y avait toujours ce risque, cette possibilité et surtout cette peur de ne plus être aimée après que Tarek et Rawiya sachent qu’elle avait été salie, qu’ils avaient été salis. C’était stupide, elle en avait conscience. Ses parents l’aimaient. Elle n’en avait jamais douté. Si le moindre mal lui était fait, d’une quelconque façon, elle savait qu’ils réagiraient.
Avant, sans doute. Mais maintenant avec tous les enjeux ?, ne put-elle s’empêcher de penser.
Elle n’en était plus très certaine ce qui aggravait sa culpabilité et cette sensation affreuse qu’elle ressentait. Neith détourne le regard qu’elle pose sur le vide. Mieux valait se taire. Elle trouverait un moyen de gérer cela plus tard. Après les élections peu importait l’issue.
Les mots de Yamanu la font reposer son regard sur son petit frère. La honte qu’elle ressentait se dissipa devant son sourire. Il parvient même à lui arracher un pouffement de rire.
« Je vais m’habituer à ce qu’on m’appelle comme ça très rapidement. » Elle, matriarche. La réalisation lui fait étrange encore. Cela lui semble si gros qu’elle n’est pas sûre de comment gérer cela et décide de le mettre de côté, pour plus tard, seule. Néanmoins, son égo apprécie. Définitivement, c’était même totalement excitant de se dire qu’elle aurait bientôt ce pouvoir-là quand bien même ce pouvoir apportait aussi beaucoup d’autres conséquences, à commencer par son annuaire et son ventre vide. « Mais, merci. » souffla-t-elle, sérieuse. Merci de respecter ce qu’elle voulait même si ce n’était pas forcément bon pour elle. Elle se doute que de nombreux frères n’en auraient eu cure. Elle se doute que ça démange Yamanu aussi. Mais comme elle l’avait fait pour lui pour Duprès, il lui rendait la pareille.
Un sourire complice se dessina sur les lèvres de Neith lorsque Yamanu lui dit son intention de détruire oralement Dubois. Elle n’en attendait pas moins de lui et pourtant, cette initiative qui n’allait pas contre un esclandre public qu’elle voulait éviter, la touchait. Posant sa main sur celle de son frère, elle la serra avant de répondre : « C’est adorable. Il me tarde d’entendre tes phrases assassines. » Elle retient néanmoins la peur qu’il arrive quelque chose à Yamanu. Elle sait qu’il n’a plus quatorze ans comme auparavant. Il est un homme et elle sait mieux que personne à quel point il sait se défendre. Pourtant, la peur persiste. Dubois, dans tout son pouvoir masculin, lui fait toujours peur et elle se sent toujours obligée de protéger son frère et sa sœur parce que c’était ce qu’elle avait fait depuis ce drame. Cette réalisation, la peur de Dubois, la rend furieuse contre elle-même. Elle se promit de travailler dessus parce qu’elle sait que l’homme n’est pas un monstre. Juste un homme.
Quant à savoir si Guilhem comprendrait… Neith hausse les épaules.
« Mmh nous ne sommes plus des adolescents. » Guilhem n’était plus transis d’amour pour elle et surtout maintenant, ils étaient deux étrangers qui avaient sûrement changé. Malgré que Yamanu essaie de la rassurer, Neith se rendait compte que ses peurs étaient aussi ridicules et nombreuses. Et si Guilhem pensait qu’elle l’avait trompé à l’époque ? Et si cela achevait de faire en sorte qu’il la déteste ? Et si elle lisait dans son regard le dégoût ? Pourquoi son avis à lui était si important ? Et surtout, comme Yamanu l’oralisait, pourquoi souhaitait-elle le revoir ?
Reposant son regard sur son frère, Neith donne un coup d’épaule à son frère devant son air. Elle le voyait bien avec son air de filou ce qu’il laissait entendre. « Parce que je lui dois des explications. J’ai assez laissé trainer et je crois que le retour de l’autre me fait réaliser que je ne peux pas continuer à… » Laisser penser à Guilhem qu’il avait fait quelque chose de mal à l’époque. Sa voix se brise. « Je lui dois bien cela. J’ai l’impression que je dois régler certaines choses et… » Elle a un sourire triste. « Il est un de mes plus grands regrets dans ma vie. Il en méritait certainement pas comment je l’ai traité, peu importe mes raisons. » Neith a un petit rire désabusé. « C’est ridicule dit à haute voix. Si ça se trouve, il s’en fiche ou alors il me déteste encore tellement… » Et puis, elle repense à la chasse et la briève apparition de Guilhem. Son sourire de charmeur qui l’avait fait fondre comme si elle avait de nouveau seize ans. « Non, en fait. Tu verrais le sourire qu’il m’a lancé au banquet de la chasse. » Elle rit, légère, insouciante, comme à l’époque. « L’adolescente de seize ans en moi se rappelait à quel point quand il faisait cela, on ne travaillait pas beaucoup. » Difficile de travailler aux côtés de Guilhem en réalité à l’époque, sourire ou pas. Il la déconcentrait beaucoup alors malgré qu’elle fut studieuse.
Sentant néanmoins arriver le commentaire de son frère, elle lui redonna un coup d’épaule.
« Mais non, il n’y a rien d’autre et je t’interdis de dire quoi que ce soit à ce sujet. » Elle est beaucoup trop stressée de toute façon qu’il la déteste complètement, mais elle ne se voyait pas faire demi-tour maintenant qu’ils avaient rendez-vous le lendemain.