[TERMINÉ] la dolce vita (lorenzo)

Seule dans sa chambre, Neith reste un instant à observer les lieux qu’elle a précédemment vu. Elle trouve toujours le décor aussi beau et elle a bien envie de s’allonger sur le lit un instant, se demande quel le ressenti contre sa peau, celle Lorenzo aussi. Cette pensée lui est aussi étrange que satisfaisante. Elle sait qu’elle doit se laisser le temps et qu’ils ne sont pas obligé à quoi que ce soit. Une part d’elle en a pourtant envie, celle du manque de ces trois années de solitude qu’elle s’est imposée. Le repli sur soi-même est terminé à présent. S’il vient de dénouer certaines choses, Neith se rend compte à la lumière de tout cela que d’autres choses reviennent. Elle ne s’était pas rendu compte à quel point la confiance dans ses relations intimes était aussi capitale. Avec Alaric décédé, c’était toute cette confiance qui avait disparu avec laquelle elle avait composé toutes ses années. Il avait été d’une patience incommensurable avec elle du début jusqu’à la fin, et elle se demandait si elle retrouverait quelqu’un comme cela un jour.
Sur ces réflexions, elle décide de partir se laver. Si elle hésite pour le bain, elle finit par prendre une douche rapide, ne sachant pas quand et si Lorenzo allait venir. Sans pour autant se presser, Neith prend son temps. Devant le miroir, elle se vêtit d’une robe crème/ivoire, rajoute les quelques bijoux qu’elle a emporté en commençant par les bracelets en cuivre de sa grand-mère qui font ce joli bruit lorsqu’elle bouge. Son parfum à l’odeur des rose de damas et du safran la rassure. Enfin, elle se maquille légèrement, puis se coiffe d’un chignon bas. Chaque geste lui permet de se retrouver un peu, de se donner le temps. Et elle se rend compte que tout ce qu’elle fait, de sa manière à s’apprêter au soin qu’elle met à le faire, elle le fait définitivement pour elle. Cette réalisation est aussi douce que satisfaisante et elle s’adresse un sourire indulgent avec elle-même.
Retournant dans le reste de la suite, elle range ses affaires d’un coup de sortilège informulé avant de récupérer un livre qu’elle a emmené. S’apprêtant à se poser sur le balcon, les coups à la porte la font se retourner. Avec un calme certain, elle s’avance et ouvre la porte. Lorsque son regard tombe sur ce sourire, elle lui sourit en écho. Il semble de retour le Lorenzo charmeur, même si elle ne peut s’empêcher de se demander si elle avait dit ou fait quelque chose de mal tout à l’heure. Peut-être lui demandera-t-elle plus tard.
Son regard tombe sur les deux plats et elle a un sourire amusé.
« Je trouve que c’est une excellente idée, monsieur. » Elle se décale et ouvre la porte en grand pour le laisser passer. « Je t’en prie. Rentre. »
Elle ne peut s’empêcher de penser que la manière dont il le demande, il ne s’impose pas. Il ne fait que proposer. C’est bien plus que ce que d’autres font. Elle sait aussi que tout n’est que jeu de séduction après tout. Lorenzo redevient le séducteur et elle la séduite. Il y a à la fois quelque chose de rassurer et d’amusant comme de parfaitement curieux. Quel était son histoire à lui pour avoir tant besoin de séduire, d’un peu d’amour constant ?
Refermant la porte derrière elle, Neith se trouve attentive à ce qu’elle ressent. Là, dans cet espace qui est censé être le sien, il ne dénote pas et par rapport à tout à l’heure, il ne semble pas tant imbibé par l’alcool que cela. Cela la rassure. Un peu.
Le laissant tout installer, elle vient allumer du bout des doigts les lampes qu’il y a sur le balcon. Avec lui, elle n’a pas l’impression d’être jugée pour sa magie sans baguette, alors, elle se permet de l’utiliser.
« Découvrons ce que tu as apporté. » dit-elle, amusée, avant de soulever les cloches.
Si cela avait l’air délicieux, Neith réalise qu’elle n’a pas tant faim. Ils ont mangé tard après tout. Elle se dit éventuellement que même si elle ne termine pas, elle pourra manger plus tard. Mais de voir les plats bien disposés, lui donne un peu l’eau à la bouche. Une idée lui vient pourtant.
« Cela te dit qu’on partage ? » C’est une déformation de sa culture. Beaucoup de plats sont partagés et on se sert de beaucoup de choses en même temps. C’est convivial ainsi et c’est une forme d’intimité. Elle a envie de partager aussi cette forme d’intimité là avec lui.
S’asseyant à ses côtés pour mieux partager, Neith croise les jambes sous sa robe. Puis, elle se tourne vers lui et lui adresse un sourire :
« Buon appetito. »

Lorsqu’il se met à jouer le serveur, Neith rit. Son rire redouble en l’entendant et le voyant faire. Définitivement, Lorenzo aime le cinéma. Il aurait fait un parfait acteur. Mais cela lui fait se demander : à quel point joue-t-il en cet instant ? Et depuis qu’ils se connaissent ? Elle ne peut pas s’en offusquer, ni le juger. Elle-même a de multiples facettes. Fille, petite fille, épouse, amante, mère, femme d’affaire et archéomage, amie proche et ennemie silencieuse, mondaine reculée et réservée. Elle n’est jamais la même face aux autres et pourtant, toutes ces identités sont une partie d’elle. Mais lui ? Croit-il qu’il est lui-même ici et maintenant ? L’est-il également avec Agnes, ses enfants, dans son travail ? Elle a l’impression qu’il joue la comédie tout le temps. Peut-être, en revanche, ne le fait-il pas lorsqu’il fait l’amour. Elle le saura peut être plus tard.
Quoiqu’il en soit, elle apprécie le petit spectacle qu’il lui donne et joue, elle aussi, un peu de comédie. Neith est plus friande de légèreté qu’elle veut bien le montrer. La vérité, c’est qu’elle n’a jamais aimé les mondanités autant qu’elle l’aurait souhaité. Des deux, c’était surtout Alaric qui était un animal social sur ce point. Elle, elle n’est qu’une imitatrice particulièrement sur le sol français. Sur celui égyptien, c’est une tout autre réalité. Elle n’a pas eu à apprendre les codes égyptiens contrairement à ceux français. Mais sans doute que Lorenzo comprend. Elle a envie de lui poser la question. Entre étrangers. Et surtout entre bourgeois.
« Merci, monsieur. Cela m’a l’air parfaitement délicieux. » rit-elle de bon cœur, presque enfantine.
Elle remarque que le rire de Lorenzo est beau, sans doute ce qu’il a de plus vrai en cet instant. Elle en sent l’effet sur elle, du léger rythme cardiaque qui s’accélère aux sensations dans le ventre que cela lui procure. Mais sa dernière phrase la surprend autant qu’elle la fait éclater de rire gaiement.
« D’accord pour ne pas manger beaucoup. Je n’ai pas tant faim non plus. Et pour les prochaines fois, tu peux venir sans excuses. Je ne m’en offusquerai pas. »
La prochaine fois. Parce qu’elle savait qu’il y en aurait d’autres. Comment ne pouvait-il pas ne pas y en avoir d’autres ?
Elle picore dans l’assiette qu’il partage et elle trouve que c’est délicieux. Si parfois, elle sent son regard sur elle, elle n’en dit rien. Elle observe un instant la vue dégagée avant de finalement reposer son regard sur lui. Après une rasade d’eau et ayant bien remarqué l’absence d’alcool, elle délaisse sa fourchette.
« J’ai une question, ses lèvres s’ourlent d’un sourire amusé. Qu’est-ce que tu détestes le plus chez les français ? En tant qu’italien, il doit bien y avoir des choses qui parfois te laissent perplexes. »
Elle vient poser sa tête sur sa main. Son amusement est palpable. Ils sont en Italie, aucun français pour les entendre et tous les deux étrangers. Elle ne le dénoncera pas quand bien même elle adore la France depuis le temps qu’elle y est. Mais il y a des choses, pour l’égyptienne qu’elle est et qui retourne régulièrement en Égypte, qui la laissent toujours perplexe. A commencer par cette tendance à faire la bise et le nombre requis par région.
« Promis, je garderai le secret de nos médisances. » le taquina-t-elle non sans faire un geste de la main avant de rire un peu.

En écoutant sa réponse, elle l’observe attentivement. Elle aime la manière dont les légères ridules se forment lorsqu’il est concentré pour formuler une réponse. Sa réponse ne surprend pas tant Neith. Elle sait que de bien des façons, il souffre d’une certaine manière de sa réputation. Pour elle, c’est la même chose à certains degrés. On doit sûrement prêter à Lorenzo plus de relations qu’il en a réellement comme on lui prête des relations à elle qu’elle n’a pour ainsi dire pas. Mais pour lui, il y a cette différence notable. Il est un homme. Si les gens médisent sur ses incartades, il est toujours vu comme un séducteur et Neith sait que cette définition est valorisée. Pour elle, elle n’est que la croqueuse de diamant orientale qu’ils pensent qu’elle est. Elle est néanmoins d’accord avec lui. Les français ont le jugement facile et se couvrent d’hypocrisie. Quand Lorenzo est un séducteur, les français eux sont l’exception, ceux qui séduisent galamment. C’est pourtant la même chose que Lorenzo. Elle aime pourtant sa franchise sur la noblesse. Il n’est pas si éloigné de ce qu’elle pensait parfois. Elle espérait que son père, qui avait choisi une voie comme une autre finirait par obtenir ce qu’il souhaitait et que les De Valoys finiraient par le récompenser.
Néanmoins, de ce qu’elle pense réellement de beaucoup de choses à ce sujet, Neith n’en dira rien. Elle sait qu’elle est toujours la fille de Tarek Shafiq même ici et que Lorenzo est un représentant de l’Aube également. Elle ne peut malheureusement pas se permettre d’être totalement honnête. Elle n’en était pas arrivée où elle en était dans sa vie si elle s’était confiée sur certaines choses, même parfois à son époux tant pour le protéger que pour se protéger, même à cet amant pour qui elle devrait savoir qu’elle peut tout dire. Neith n’était pas si naïve ou alors était-ce sa méfiance naturelle qui ne se désarmait pas malgré tout.
Réfléchissant à son tour, Neith ne put s’empêcher de sourire un peu.
« Je vois surtout des choses qui m’ont choquée en arrivant en France. J’étais petite, j’avais huit ans. » Elle a un rire tendre envers cette petite fille offusquée de tout et à tout comparer avec ce qu’elle avait connu ce qui était bien naturel. « La facultés qu’ont les français à faire la bise. Sache que pour une enfant qui n’a jamais eu à faire cela, c’est particulièrement traumatisant. » Elle fait une moue enfantine. « En Égypte, on se salue par un signe de la main ou un signe de tête. Les hommes étrangers à la famille ou les époux, ne touchent pas les femmes. Alors, tu imagines bien mon étonnement quand on m’a fait la bise comme cela. Et en plus, c’est différent par région. »
Elle lève les yeux au ciel, prend un air boudeur qui n’est même pas feint. Mais elle se souvient bien de sa crispation à l’époque. Parfois, cela lui arrivait encore. Elle espère néanmoins le faire rire un peu avec cette réponse parfaitement triviale par rapport à ce qu’il venait de dire d’aussi sérieux.
Néanmoins, elle lui fit un clin d’œil avant de lever la main pour caresser sa joue.
« Ne te méprends pas, cependant, j’aime être embrassée. »
Son regard se fait aussi sérieux qu’il brille de cette lueur charmeuse. Elle flirte allègrement, mais elle sait qu’elle en a l’autorisation et que si c’est elle qui l’initie, c’est qu’elle est dans le contrôle.

Un rire s’échappe de sa gorge. Évidemment, il n’était pas son mari, ni un membre de sa famille et pourtant ils avaient fait bien plus qu’une bise. La transgression est toujours quelque chose qui la fascinait. Flirter avec les lignes grises du bien et du mal. Mais pour elle, il y avait une nette différence entre faire une bise à des illustres inconnus qui n’avaient aucun lien direct avec elle ou qui n’étaient pas ses proches, et accorder suffisamment de confiance pour embrasser et plus encore. Quand bien même il y avait toujours cette vigilance bien qu’il eût réussi à rendormir ce petit moment, elle lui faisait suffisamment confiance pour le faire rentrer dans cette intimité-là. Celle si sacrée de son corps féminin. D’ailleurs, lorsqu’il attrape sa main pour y déposer un baiser, elle frissonne. Lorsqu’elle voit son regard, elle ne peut s’empêcher de ressentir quelque chose au creux de ses reins, le désir qu’il a déjà su faire naître en elle.
« Tu as le privilège des amants. Tu es l’exception qui confirme la règle. » répond-t-elle, un peu mutine.
Sa main retombe mais ne quitte pas son contact pour se poser contre la sienne. Son pouce caresse l’épiderme de sa main sagement. Elle espère que cette fois-ci, il ne sera pas pris par surprise puisqu’elle le faisait à sa vue.
L’écoutant, elle sourit. Elle savait qu’il avait du sang Le Noir de moitié dans ses veines. Maeve l’avait déjà mentionné et Neith, de toute façon, avait fait ses devoirs comme la bonne élève qu’elle était. Il était forcément évident qu’une Le Noir eût tôt fait d’inculquer à ses enfants les bonnes mœurs françaises sorcières. C’était une Le Noir après tout et Neith avait énormément de respect pour cette famille et leur matriarchie.
« Il est vrai que cela aide. Je ne remercierai d’ailleurs jamais assez les Le Noir pour notre intégration en France. » admit-elle. Parce que même si Tarek et Rawiya s’étaient débrouillés tout seul pour en être là où ils en étaient aujourd’hui, c’était aussi grâce à des relations tissées comme celle avec les Le Noir qu’ils avaient pu s’intégrer socialement.
Récupérant son verre d’eau, Neith boit un peu silencieuse réfléchissant un instant tout en continuant ses caresses sur sa main.
« Sinon, sur un ton plus sérieux, je suis assez d’accord avec toi sur l’hypocrisie française. Néanmoins, je reste persuadée qu’en travaillant suffisamment, cela finira par payer. »
C’était en tout cas ainsi qu’elle s’était intégrée ici. Après tout, les Shafiq étaient un modèle de réussite à la française ayant réussi à prospérer sur le sol français. Neith s’était battue toute sa vie pour être reconnue comme l’universitaire et archéomage qu’elle avait été. Il en allait de même avec la femme d’affaires qu’elle était aux Antiques Rêveries. Elle était persuadée que les efforts paieraient. Cela avait été déjà le cas sous bien des aspects de toute façon.
Elle marque une pause avant de regarder l’eau qu’elle a bu, puis revient à lui.
« Si tu veux boire de l’alcool, ne te retiens pas pour moi. Ce n’est pas parce que je reste à l’eau que tu ne peux pas faire ce que tu veux toi. » Il n’y a là aucun test. Même si elle apprécie le fait qu’il ne boive plus, elle ne souhaite pas le brider non plus. Un sourire se glisse sur ses lèvres. « Pose-moi une question. Celle que tu veux. »

Il était vrai qu’aucun Le Noir ne laissait indifférent. Encore moins les femmes. C’était ce qu’elle aimait chez cette famille, pourquoi aussi, elle était si proche de Maeve et qu’elle voyait Isolt comme une seconde mère. Neith ne pouvait qu’être d’accord avec l’italien et un sourire complice se forme sur ses lèvres. La suite, elle se rend compte à quel point ils sont semblables. Elle aussi travaille pour que cela paie un jour. Peut être pas de son vivant, mais elle sait que cela arrivera tôt ou tard. Elle était d’une patience infinie sur ses objectifs et si cela doit se faire dans une autre vie, elle attendrait la suivante. Mais il a raison : elle avait fait un enfant non seulement parce qu’elle le voulait mais parce qu’elle avait beaucoup d’idées dans la tête. Elle savait qu’elle en referait même si cela lui déchirait une partie de son cœur que ce ne soit plus avec Alaric. Le futur les dépasse et cela, Neith l’a très bien compris. C’était son rôle après tout au sein des siens. Tarek avait la politique et tentait de le faire aussi par ce biais. Elle, elle avait d’autres armes, des objectifs aussi différents mais avec toujours le même finalement.
« J’aime dire que nos rêves sont plus grands que nous. » confesse-t-elle en regardant le ciel. « Je suis d’accord avec toi. Nous faisons des enfants pour faire perdurer nos lignées, nos ambitions. Probablement que nos ancêtres ont fait pareils, que c’est pour cette raison que nous sommes là et que finalement, leurs rêves vivent à travers nous, nos enfants, nos petits enfants… »
Un sourire tendre se dessine sur ses lèvres. Il peut l’observer la future matriarche qui se dévoile. Celle qui voit plus grand qu’elle, verra toujours plus grand que sa vie. Malgré les épreuves, malgré les drames. Ou surtout à cause de ces derniers. Mais elle sait que dans cinquante ans, dans cent ans, dans cinq cent ans, ses rêves seront toujours là dans les enfants, les petits enfants de son fils, Ruben. De ceux qu’elle sait qu’elle aura tôt ou tard parce que c’est ainsi. Tout ceci, lui, n’est qu’un entracte. Elle sait qu’ils n’ont aucun futur. Elle n’en cherche aucun. Il n’y a que le moment présent. Ses intérêts aussi, mais ceux-ci restent dans le présent. En y réfléchissant, elle se dit que c’est très narcissique de faire des enfants. Vouloir avoir une emprise dans le temps, continuer à perdurer une partie de soit. Mais elle n’en éprouve aucune honte. Pour l’égyptologue qu’elle est, la descendante de pharaons et pharaonnes, il n’y a pas plus important que de faire perdurer sa lignée. Peu importait comment.
Lorsqu’il rit, elle revient à lui et l’observe un sourire aux lèvres.
« Je ne voulais pas t’offusquer. C’est juste que je sais que je ne bois pas tant et que je n’ai pas le même rapport à l’alcool que beaucoup de monde. » répond-t-elle posément, presque pédagogue.
Elle ne peut pas lui expliquer que c’est pour Yamanu et à cause de ce qu’il a vécu. Ce serait trahir son frère. Elle ne peut pas lui expliquer aussi que c’est à cause de Cyril Dubois et de ce qu’elle a vécu. Parce qu’elle est persuadée que s’il n’y avait pas eu l’alcool qu’elle lui avait proposé ce jour-là en attendant ses parents, il ne lui serait rien arrivée.
« Sache que je ne pense pas grand-chose des rumeurs en général. À force d’en être sujette de mon côté, je crois que cela m’a appris à laisser coulé. »
Un sourire compatissant se forme sur ses lèvres. Un sourire vrai. Ce qu’elle ne dit pas c’est qu’elle est parfois blessée par ces rumeurs. Ce n’était pas pour rien qu’elle l’avait ignorée après la soirée chez lui, après la sortie de ce torchon.
Le regard planté dans le sien, elle sait très bien qu’elle lui donne une porte ouverte qu’elle ne devrait pas. C’est à la fois totalement calculé comme totalement improvisé. Neith sait qu’elle maîtrise la situation et ainsi, elle peut se permettre qu’il demande n’importe quoi. Et sa question la fait réfléchir.
« Mmh. » commence-t-elle avant de quitter son regard pour observer un instant le paysage.
Pourquoi était-elle venue ? En sachant qu’il était l’ennemi naturel de son ex-époux. Bien sûr, elle ne peut pas lui dire qu’elle le soupçonne de quoi que ce soit. Mais Neith sait jouer des semi-vérités et des énigmes…. Et dire aussi la vérité. Parce qu’elle sait très bien qu’elle n’est pas là que pour trouver la vérité. Alors, elle décidé d’être honnête.
« C’est plaisant de se faire courtiser après toutes ces années où je me suis repliée sur moi-même. » Son regard retombe sur lui et elle lui offre un sourire doux. « Oh, je sais que tu dois sûrement penser que j’ai un tas de possibilités avec plein d’autres hommes… C’est vrai en un sens. Mais les autres sont arrivés trop tôt ou trop tard. Toi, tu es arrivé pile au bon moment. Et aucun autre n’a su me mettre en confiance. » Elle marque une pause. « [color=Teal}Mais je pense que je suis venue pour me prouver à moi-même que j’étais encore capable et que j’étais prête.[/color] » Elle le fixe de son regard sombre, sa main continuant ses caresses, remontant jusqu’à son poignet là où il y a la manche de sa chemise. « Capable encore de désirer et de me laisser aller. Prête enfin à être… vulnérable ? » Parce que ce qui s’était passé dans la piscine, pour elle, c’était exactement cela, de la vulnérabilité. « Je sais parfaitement que tu n’as rien d’autre à m’offrir et honnêtement ? Cela me convient parfaitement. C’est ce dont j’ai besoin, cette parenthèse dans le temps. » Son sourire se fait amusé. « Et puis, franchement, j’ai toujours rêvé d’aller en Italie. C’était l’occasion. C’est plutôt une bonne transaction, tu ne crois pas ? » Elle rit, légère, et ne pouvant s’empêcher de faire un trait d’humour à moitié sérieux. Bien sûr qu’elle avait toujours rêvé d’aller en Italie comme la Lestrange mariée qu’elle était. Elle avait toujours aimé les transgressions et les défis.

Elle constate de sa pulpe les cicatrices de ses combats, sans savoir de quoi il s’agit. Mais elle mémorise. Elle est incapable de déterminer si elles sont anciennes ou récentes n’ayant pas ce genre de connaissance. Cela l’intrigue, elle l'admet. Certains détails dans sa tête se mettent d’ailleurs en place. C’était une chose de savoir qu’il avait un garde du corps lorsqu’il venait aux Antiques Rêveries, qu’il affolait toutes les rumeurs possibles et imaginables. S’en était une autre de constater qu’il était capable de vider un hôtel entier même si c’était le sien pour qu’elle ne croise personne et que rumeurs ne s’ébruitent pas. Ou encore de le voir si à l’aise ici parmi les gens qui semblaient le respecter. Plus que du respect, elle associait cela à une sorte de dévotion. Avec ses cicatrices en plus dans l’équation, elle sent qu’elle tique, mais elle n’arrive pas à mettre le doigt encore sur ce qui la dérange. Ou plutôt, fait écho à son ancienne vie. Ce n’est pas le moment, là, avec ses caresses, ses doigts qui effleurent, viennent repasser l’encre de ses quelques tatouages. Si elle est curieuse des histoires des cicatrices de l’homme, Neith ne posera pas de questions. Elle sait bien que les cicatrices sont intimes au même titre que les tatouages. La seule différence pour elle était qu’elle n’avait pas grand-chose à cacher là-dessus car elle l’a fait volontairement et ses cicatrices à elle ne sont pas visibles.
A sa question, elle a un petit sourire. Elle se doute que pour lui, c’est étrange de se marquer ainsi. Pour elle, c’est une question de tradition sur bien des aspects. L’égyptienne relève sa jambe pour indiquer sa cheville droite là où l’œil d’oudjat se trouve.
« Celui-ci plus que les autres. » souffle-t-elle sur le même ton avant que sa jambe souple de se repose pour reprendre sa position initiale. L’œil était pour Ruben. L’emplacement aussi réfléchit que tous les autres tatouages sur son corps. Si elle avait choisit la cheville droite, c’était pour signifier que son fils la ramenait sur terre. Si c’était un endroit aussi douloureux, c’étaait pour marquer toutes les épreuves psychiques que son fils lui avait fait passer. Epreuves douloureuses mais nécessaires, elle le savait maintenant avec le recul. « Et juste après le nœud Tyet que tu vois ici. » Avec lenteur, elle lui fait remonter sa main jusqu’à l’endroit où le symbole se trouve, juste entre ses seins, petit. « On appelle cela aussi le nœud d’Isis ou le sang d’Isis. » Son chuchotement est comme des paroles qui traversent le temps et viennent raisonner jusqu’à lui. « Cela symbolise la magie d’Isis, sa force aussi. C’est avec les nœuds d’une corde qu’elle a réussi à rattacher les bouts d’Osiris pour lui redonner la vie. Il me protège et c'est un peu comme si j'avais toujours cette amulette avec moi ainsi. » Elle l’avait fait quelques temps après le décès d’Alaric quand dans la douleur, elle avait fortement pensé à ce mythe fondateur. Elle s’était toujours demandée si Isis n’était pas une nécromancienne et une mage noire finalement qui avait réussi l’impossible. « Tu disposes de ton sang, Isis, tu disposes de tes charmes, Isis, tu disposes de ta magie, Isis. » récita-t-elle en arabe, mentionnant le livre des Morts dont elle avait appris par cœur certaines phrases qui l’avaient marquée.
Son regard remonte sur le faciès de l’italien et lui sourit avant de se redresser légèrement pour déposer un baiser sur sa joue. Simple, tranquille. Et puis, elle hésite en caressant brièvement ses cheveux. « Je ne veux pas te mettre dehors, mais… Elle se mord la lèvre. Je ne suis pas à l’aise à l’idée de dormir avec quelqu’un. Tu peux rester autant que tu veux, bien sûr, mais je souhaiterai dormir seule lorsque nous serons fatigués. » Elle a trop pris l’habitude d’être seule dans son lit et pour elle, le seul qui a le droit dormir avec elle, hormis ses métamours, est son époux. Lorenzo n’est ni l’un ni l’autre. Il est déjà marié et elle ne peut pas prétendre qu’il est encore un métamour pour elle, parce qu’elle se méfie inconsciemment, parce qu’il faudra un peu de temps. Elle s’attache sûrement. Il l’a touchée en plein cœur à plusieurs reprises. Mais elle sait qu’il lui faudra plus avant de se sentir à l’aise à l’accepter à côté d’elle dans son sommeil. « Je préfère être honnête. Ne le prend pas mal. » conclut-elle avant de lui voler un baiser.