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(#) [TERMINÉ] Swear not by the moon || ft Anya d'Apcher
missive rédigée par Piotr Medvedev le9 décembre 1927.
La main gantée de Piotr s’abat sur l’angle des rues Androuet et Barthe. Ses doigts s’enfoncent dans les irrégularités de la pierre blanche alors que de ses lèvres fiévreuses s’échappent les pâles bouffées de son souffle erratique. Il ferme les yeux. Son front se pose contre la façade, peau en ébullition pressée au mur glacé, cherchant la fraîcheur qui apaisera la fournaise rongeant ses entrailles. Un soupir relâche ses épaules.
La pleine Lune a été difficile.
Ses muscles en sont encore engourdis, contractés malgré lui dans les stigmates d’une transformation qu’il n’a jamais su maîtriser. Gravir les pentes abruptes de Montmartre lui a été bien plus difficile qu’à l’ordinaire. Son souffle est court, ses joues rouges, des gouttes de sueur dévalant sa nuque malgré les températures frigides de l’hiver. Les bandages qui encerclent poignets et chevilles sont en train de s’imbiber de sang, des ecchymoses recouvrent son torse et ses membres. La ouate appliquée sur son dos gondole d’humidité ; la plaie a recommencé à saigner. Il a mal. Rien n’est comparable à la torture de sentir ses os se briser un par un, puis tous ensemble. Et se mouvoir sous un épiderme changeant. Ses organes convulser pour se contorsionner de la carcasse de l’homme à celle d’un monstre. Pour autant, les lendemains de ces cauchemars sont rarement plus agréables à vivre que les nuits dont il craint la venue tout un mois durant. Et hier, la Bête s’est vengée. Elle a rué de toutes ses forces contre les entraves qu’il lui a imposées, a usé de sa bestialité entière pour briser ses liens, faisant fi du corps qu’elle empruntait dans l’espoir de recouvrer enfin une liberté hors de portée. Le montant de métal auquel il s’était accroché était brisé ce matin, un hématome noir traversant son dos comme un aveu de violence. Son visage non plus n’a pas été épargné : des pansements recouvrent maladroitement les griffures que le Loup s’est infligé en tentant de se défaire des chaînes qui enserraient son cou, peau légèrement tuméfiée sous le début de pousse de sa barbe. Une gavroche tente maladroitement de dissimuler son apparence désordonnée aux passants.
Un nouveau soupir échappe au soviétique. Pour peu, il regretterait d’avoir choisi ce jour pour mettre au point son plan. Mais sa cible n’est pas femme facile à berner. Anya d’Apcher est de ces dames de fer qu’on ne se méprend pas à entourlouper, qu’on cherche même à éviter si l’on ne souhaite s’attirer leurs bonnes grâces, de crainte de voir enterrer ou bien sa réputation ou bien sa méprisable charogne. Soutien public des Romanov et des Shafiq, il faudrait être idiot ou inconscient pour vouloir s’en approcher… Mais on n’a jamais reproché à Piotr un excès de bon sens.
S’arrachant péniblement au mur qui le soutenait jusqu’alors, le Russe claudique vers l’Autre Paris et ses rues commerçantes. S’il a bien calculé son coup, la doyenne du clan Apcher devrait se rendre vers la boutique des Rosier d’ici quelques dizaines de minutes afin de se ravitailler en plantes, décoctions et autres produits apothicaires. Il doit être sur place lorsqu’elle arrivera. Suffisamment proche en tout cas pour attirer son attention, sans quoi les efforts qu’il s’arrache auront été vains. Et c’est absolument hors de question.
Un grognement sourd fait ronronner sa gorge alors qu’il avance vers l’adresse où il doit se rendre. La tentation de transplaner est forte, presque irrésistible, et s’il avait un peu plus confiance en sa capacité à se concentrer malgré la douleur, Piotr serait déjà en position. Il a pourtant conscience de ses propres limites : se téléporter dans son état est une promesse d’arriver en pièces détachées. Il devra donc marcher.
Encore.
Sa cheville droite tremble sous son poids. Ses genoux tiennent difficilement le coup. Il a la gorge sèche.
Encore un effort.
Il enlève son couvre-chef le temps de laisser un peu de vent frais faire virevolter ses boucles brunes. Ses paupières se ferment. Ses joues sont humides et sa chemise colle son thorax. Il a trop chaud et trop froid à la fois.
Bientôt.
Vision trouble, chancelant, il percute une silhouette qu’il n’avait même pas remarquée jusque là. Aucune tentative de freiner, aucune retenue, rien n’arrête son geste. Les yeux fiévreux s’écarquillent alors qu’il tend un bras malhabile pour stabiliser sa victime.
« извините-* »
En français, imbécile. Une frustration sourde se déverse dans ses veines, dont le feu colérique le revigore un peu. Les paupières papillonnent pour clarifier ses esprits. Piotr se redresse péniblement, racle sa gorge sèche, relève la tête vers celle de son interlocuteur :
« Mes excuses, je... »
Un regard émeraude pénètre le sien. Des traits altiers dressés sur des épaules droites, couvertes de cheveux aussi sombres que l’accoutrement caractéristique de…
« Madame d’Apcher. C’est ça ? »
гавно**. Ce n’était pas exactement ainsi qu’il avait prévu de rencontrer la matriarche. En fait, ce n’était pas du tout ce qu’il voulait faire. Trop tard. Le lycan ne s’est pas maîtrisé, n’a pas su se contrôler –
« Je suis navré de vous avoir bousculée. Je cherchais... »
Les yeux bleus virevoltent, ne trouvent rien, s’attrapent à la réalité.
« Je cherchais la boutique apothicaire ? J’aurais besoin de-de plantes. Médicinales. »
Au moins n’a-t-il pas besoin de forcer le trait. Si son état ne suffit pas à endormir la méfiance d’Anya, rien ne le fera. À ce stade la douleur est telle qu’il acceptera d’abandonner sans sourciller. Il pourrait s’endormir là, contre le pavé, et espérer se réveiller une fois apaisé des maux qui l’accablent. Il se sent déjà à un frôlement de s’évanouir, au point où il en est.
Concentre-toi.
Respiration sifflante. Piotr repose son attention sur la femme qui lui fait face, si imposante et si frêle à la fois. Il tente un sourire :
« Excusez-moi encore, je… Je suis un peu désorienté, je crois. »
Ça non plus, il n’a pas besoin de le mimer.
* : Excusez-moi/Désolé
** : Merde
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(#) Re: [TERMINÉ] Swear not by the moon || ft Anya d'Apcher
missive rédigée par Anya d'Apcher leDroite, elle s’avance dans les rues de Montmartre. Tête haute, air froid, ses tissus noirs suivent ses formes comme la faisant passer pour une ombre. La dame de fer a les pensées toutes tournées sur les plantes et baumes qu’elle doit récupérer pour sa commande habituelle. La nuit a été longue comme toutes celles du mois d’avant. Tous les membres de la meute étaient à présent en bonne santé. Anya n’avait fait que son devoir comme tous les mois telle l’ombre collante qui s’assurait de faire en sorte que son soutien pour les siens était clair et affirmé. Elle a beau avoir haït son mari, elle a toujours été là sur ces lendemains difficiles. Mais pour y parvenir, il lui fallait constituer sa réserve qui était amoindrie à chaque fois qu’elle avait terminé. Si Anya était précautionneuse de ne jamais manquer de rien, prenant cette tâche au sérieux, elle faisait également attention à en pas éveiller les soupçons des Rosier quant aux plantes qu’elle récupérait. Elle savait bien que la liste ne permettait pas de se faire beaucoup d’idées si ce n’est qu’elle avait l’air d’avoir besoin de guérir beaucoup de blessures. Rien d’étonnant au vu de son statut de mage noire qui n’était qu’un secret de polichinelle. Quant au fait qu’elle venait les lendemains de pleine lune, Anya avait appris que plus le mensonge était gros, plus il passait.
Elle n’était plus si loin du magasin à présent. Dans ses pensée, Anya fut surprise de se retrouver bousculée, manquant de chuter sur le pavé. Malgré sa rigidité, le poids qui la percute, tombe sur elle plus précisément a l’avantage de la carrure masculine. Anya pousse un grommèlement instinctif avant que son oreille ne capte les mots en russe. Aussitôt, ses sourcils se froncent et tourne la tête vers l’individu qui était pratiquement pendu à elle.
Il sent le sang, pense-t-elle alors que son regard se pose sur les pensements eu le visage de l’homme.
Il est grand, brun, l’air tout à fait russe. Et Anya sent sa méfiance s’activer. Encore un russe ? Déjà dans la meute d’Apcher, maintenant au coin de la rue ? La dame de fer fixe l’individu et le redresse sans aucune douceur et avec une force autoritaire. La rigide éducation qu’elle a reçu lui fait redouter les contacts d’autrui, surtout du commun peuple même si elle n’avait aucune idée de qui elle avait à faire. La ressurgence de la Russie dans son écosystème la piquait néanmoins de curiosité.
« Oui. » répondit-elle sans aucune chaleur lorsqu’il demande si elle était bien Madame d’Apcher.
Ses excuses ne semblent pas adoucir la bulgare et qui le fixe et tente de relâcher son étreinte bien qu’elle constate qu’il a du mal à tenir debout. En laissant son regard courir sur le corps de l’homme, elle reconnait les signes. Cet homme est un loup-garou. Son état est trop semblable aux membres de la meute d’Apcher qu’elle ramasse et le timing est trop parfait.
Si Anya n’était pas du genre à proposer son aide à son prochain malgré ses œuvres caritatives à la FESP, elle avait une sympathie particulière pour les lycanthropes. Bien que l’information qu’il soit russe au vu de son accent et de ce qu’il disait ne lui échappa pas, Anya ne pouvait pas ne pas tendre la main à cet homme. Même s’il l’avait bousculé et que, chez elle, en Bulgarie, qu’il soit blessé ou non, lycanthrope ou non, il en aurait subi les conséquences. On ne bouscule pas une Karkarova sans impunité.
Elle voit qu’il souffre et l’information de l’apothicaire des Rosier est mentionné. Cet homme avait besoin de soins. Le laisse en plein milieu de la rue n’était pas envisageable.
« Votre nom ? » claqua-t-elle sans chaleur. Regardant autour d’elle, elle constata un banc plus loin et le lui désigna. « Asseyez-vous. Je reviens. »
Le faire transplaner ne serait pas une bonne idée et Anya n’avait aucune envie de faire rentrer cet individu sur les terres d’Apcher et son antre. Sa charité s’arrêterait à lui donner les onguents dont il aura besoin pour se remettre.
Sans attendre, Anya s’éclipsa pour revenir quelques longues minutes plus tard. Posant son regard inexpressif sur Piotr, elle s’approcha. Fouillant, elle sortie des potions et onguents. « Pour les blessures. » l’informa-t-elle en russe. « Vous êtes bien loin de cette chère patrie qu’est la Russie, monsieur. » Et cette fois-ci son regard se bloque, sa méfiance en étendard.
Trop de russes autour d’elle qui n’étaient pas des Romanov.
Piotr MedvedevATROPOS | THEN, LET IT BURN.
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(#) Re: [TERMINÉ] Swear not by the moon || ft Anya d'Apcher
missive rédigée par Piotr Medvedev leAnya d'Apcher, Karkarova de son nom de jeune fille. Piotr n'a pas besoin de sa confirmation pour reconnaître son œillade froide, ses traits taillés au couteau et ses vêtements perpétuellement sombres. Sans surprise, son état misérable n'attendrit pas l'attention que porte la matriarche sur sa carcasse - tout au plus s'estime-t-il heureux de ne pas avoir reçu de Doloris ou de Kedavra pour récompenser sa maladresse.
« Votre nom ?
- Piotr, madame. Medvedev. »
Inutile de dissimuler ses origines lorsque sa langue l'a déjà trahi quelques secondes auparavant. Puis il n'imagine pas combien son accent doit s'alourdir, le peu d'aisance qu'il a récupérée en français s'émoussant sous les coups de la douleur et de la fièvre. Une grimace aux lèvres, le soviétique s'agite faiblement sur place, comme si le mouvement allait apaiser les crampes qui secouent tous ses membres. Jamais. Plus de vingt ans de transformations et pas une seule ne fut douce. Chaque mois il maudit le Cœur, maudit la meute et les décisions qui l'ont amené dans cet univers de torture qu'il ne parvient pas à accepter. Il sait, pourtant, combien il serait plus simple pour lui de s'abandonner à son sort - a vu Alekseï et les autres se galvaniser à l'approche de la pleine Lune, leurs instincts si proches de l'épiderme qu'ils en paraissaient déjà grandis, a vu combien il leur était plus simple de se métamorphoser. Il n'en est simplement pas capable. Quelque chose le retient encore à l'Humain et si l'ironie de la situation ne lui échappe pas, il ne peut s'empêcher de s'y accrocher.
Ses pensées sont interrompues par un geste décidé de la madone, doigt pointé vers un banc. Celui-ci est à quelques mètres tout au plus mais il pourrait tout aussi bien l'attendre à des kilomètres. Il ne vient pas à Piotr l'idée de désobéir à son interlocutrice, mais une grimace peinée s'empare de ses traits. Il esquisse un pas chancelant, serre les dents, se redresse. Être vulnérable, pour le bienfondé de sa mission, pour baisser la vigilance, pourquoi pas. Être pathétique ? On ne l'y prendra pas. Trop tard, murmure une voix qui ressemble un peu trop à son alpha.
Éclat d'orage dans le regard bleu. Par réflexe, le Russe s'avance plus souplement, ravale difficilement la souffrance qui secoue ses jambes, son dos, ses bras son crâne ses yeux ses doigts ses- Déglutition. Les paupières se ferment, les pieds se posent, les yeux se rouvrent. Un souffle brûlant siffle entre ses dents. Il a la tête qui tourne. Il marche.
Pour être totalement honnête, Piotr serait parfaitement incapable de dire combien de temps s'écoule entre son départ et son arrivée - son échouement - sur le banc. Il sait juste qu'il y parvient, sans trop savoir comment, la respiration saccadée et le front couvert de sueur. Son derrière se pose tout juste sur le bois que son corps entier semble se désarticuler. L'homme se fait liquide, longues jambes déroulées mollement devant sa carcasse tandis que sa tête fiévreuse se balance à l'arrière du dossier. Des nuages de fumée se confondent à la sortie de ses lèvres. Ses doigts palpent la surface rugueuse de son siège tandis que ses yeux se perdent dans le gris foncé du ciel. Le soulagement est tel qu'il s'en endormirait presque. Il voudrait rester là éternellement. S'assoupir et ne se réveiller qu'une fois les maux égarés sous sa peau, tapis dans l'ombre à attendre le retour de l’œil rond dans le ciel.
«Чтобы помочь ранам».
Sa langue natale l'arrache brusquement à sa torpeur. Le soviétique se redresse brusquement, comme s'arrachant à un rêve. Il pose un regard surpris sur la femme qui lui fait face, ouvre ses lèvres, les referme. La confusion dure une seconde. Anya d'Apcher, née Karkarova, protectrice officielle des Romanov, tu es venu la rencontrer un lendemain de pleine Lune pour abaisser ses soupçons, pour avoir une ouverture. Ressaisis-toi, crétin.
« Merci, Madame. », expire-t-il.
Ses doigts s'emparent par réflexe des onguents qu'elle lui offre, et il s'autorise un instant de satisfaction. Il ne s'est pas trompé : la matriarche a un faible pour les monstres. Ce geste, en dépit de l'intonation détachée et du regard apathique, veut tout dire. Piotr a réussi son coup. Pour l'instant du moins.
« Vous êtes bien loin de cette chère patrie qu’est la Russie, monsieur. »
C'est comme si Mme d'Apcher avait entendu ses pensées - l'idée manque de lui arracher un sourire alors qu'il rassemble ses forces. Elle se méfie tout de même - il n'en attendait pas moins. On n'endort pas la paranoïa d'une telle dame par une simple démonstration de pathos. Tout juste peut-on espérer en attendrir les rebords acérés, tenter de les toucher sans s'y couper les doigts. C'est maintenant que tout se joue désormais. Le Russe doit établir une façon crédible de se comporter, d'agir, d'exister. Le lien qu'il créera aujourd'hui sera fragile et ténu, mais il doit être un lien. Une ficelle, une cordelette établie entre elle et lui.
Alors il laisse un petit rire fatigué secouer ses épaules, jouant avec l'une des crèmes qu'elle lui a procuré.
« Je vous retourne la remarque, madame. Même si j'ignore si la Bulgarie est encore un endroit que vous considérez comme votre patrie. »
Répondre trop franchement ne fera qu'empirer les soupçons - en URSS, on ne se dévoile pas à un inconnu. Pas sans raison.
« Mais vous avez raison : je viens d'arriver. Cela doit s'entendre à l'accent, je suppose. Et comme je viens d'arriver, je n'ai pas pris... Disons que j'ai négligé de prendre mes dispositions pour certains événements. »
Il ne confirme pas qu'il est un Loup - seul un idiot le ferait, et Piotr ne tient pas à être considéré de la sorte. Non, il se contente d'y faire allusion, parce que son interlocutrice elle-même a sous-entendu sa compréhension et qu'il lui laisse les cartes qu'elle a récoltées en son nom. Un sourire fatigué courbe ses lèvres gercées tandis qu'il lui lance un regard :
« Je dois admettre que je suis surpris, Madame. Je ne m'attendais pas à tant de bonté - de la part de quiconque, pour être honnête. Je vous en remercie. Comment pourrais-je vous rendre la pareille ? »
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(#) Re: [TERMINÉ] Swear not by the moon || ft Anya d'Apcher
missive rédigée par Anya d'Apcher lePiotr Medvedev. Cela ne lui disait strictement rien. En tant que bonne fille bien éduquée dans une famille aussi traditionnelle qu’ancienne, Anya avait appris par cœur les noms et généalogies de nombres de familles importantes bulgares mais aussi, lorsque sa sœur était devenue une Romanova, des familles russes. Ainsi, elle était catégorique : Medvedev était un nom sans importance du peuple. Ce qui n’arrangeait rien à la méfiance d’Anya. Le peuple russe avait su montrer à quel point il avait été ingrat après tout en décimant la famille royale, la noblesse et plongeant dans le communisme.
Et Anya haïssait les communistes.
À savoir ce qu’il était, elle gardait ses réserves mais au vu de l’état dans lequel il se trouvait à présent, elle décida d’être pragmatique et de céder simplement à lui acheter des plantes, de quoi soulager quelques douleurs. Ce sera le seul geste miséricordieux qu’elle s’autorisera.
Lorsqu’elle le vit si mal comme si ces quelques mètres avaient été un marathon, Anya ne montra rien que sa froideur coutumière. Elle avait vu bien pire et elle avait l’habitude de voir des loups-garous au sortir de la pleine lune qui avaient bien plus triste mine que ce qu’était Piotr sous ses airs de chiens miséreux. Son regard d’acier l’observa presque sans siller. Elle lui tendit le sachet en papier et vit qu’il la regardait, la lumière de son regard n'ayant décidément pas atteint son cerveau. Elle se retint de soupirer. Il était dommage, parfois, que la Morsure ne choisisse pas plutôt les êtres stupides que les faibles bons et grâcieux comme l’avaient été ses enfants.
Il la remercia enfin et Anya lui laissa les onguents avant de notifier dans un russe parfait quoique teinté d’un accent bulgare, une évidence qui devait amener une conversation et satisfaire sa curiosité. Entretenir sa méfiance, aussi, sans doute.
L’homme était misérable et Anya en aurait presque grimacé de dégoût si elle n’avait pas acquis de la retenue. La D’Apcher l’écouta. Ce n’était pas vraiment un secret qu’elle était une étrangère d’origine. Les Français qui ne s’y connaissaient pas tant en géographie et du fait de son accent bulgare lorsqu’elle parlait français, la prenaient pour une russe. Elle ne cherchait jamais à détromper parce qu’elle n’était pas là pour éduquer les ignorants. Aussi parce qu’elle savait que les liens entre la France et la Russie étaient biens plus présents que ceux entre la Bulgarie et la Russie.
« Elle l’est. » claqua-t-elle pour toute réponse.
La Bulgarie était sa mère patrie. Elle la portait dans le sang. Elle la portait dans le cœur. Elle la portait aussi dans son don. Pour la Bulgarie, elle était toujours sa fille. Son nom de jeune femme, Karkarova, y était aussi respecté que craint. Qu’elle ait le nom D’Apcher depuis plus de quarante ans maintenant. Anya aimait la France, bien sûr, et elle s’en savait autant sujette, mais son amour y était différent, moins filial que pour la Bulgarie.
Quant au pourquoi elle se trouvait ici, il le savait comme elle étant donné qu’il savait qui elle était. Elle n’avait pas besoin de l’exprimer.
Détaillant de haut en bas Piotr, Anya ne cacha pas son agacement. Il n’a pas besoin de confirmer ce qu’il est. Elle le savait déjà et ses sous-entendus étaient clairs pour elle. Mais cela ne l’empêchait pas de penser que cet homme était un crétin et que la Morsure aurait mieux fait de le tuer plutôt que de mettre en danger ses congénères. La France n’était pas si tolérante que cela envers les loups-garous contrairement à ce que pouvait l’être la Bulgarie ou la Russie. Cet imbécile ne semblait d’ailleurs pas discret. En tant que protectrice d’une Meute, Anya reconnaissait les dangers que ce genre de comportement pouvait engendrer auprès de la communauté lupine, et elle n’appréciait vraiment pas ce genre d’inconscience.
Lorsqu’il lui fit part de sa charité et la remercia, Anya saisit l’opportunité qui se présentait à elle et répondit toujours en russe :
« En commençant par vous montrer plus discret et mieux préparés à vos nuits. Vos négligences peuvent avoir des conséquences sur votre communauté. »
Elle le fixa avec froideur et peut-être humeur.
« Nous ne sommes pas en Russie, ni en Bulgarie, Monsieur. »
Le rappel à l’ordre était froid. Anya ne plaisantait pas avec ce genre de comportement.
« Êtes-vous seul ? » demanda-t-elle néanmoins en faisant allusion à si sa Meute était avec lui ou non.
Elle n’avait rien entendu de tel de la part d’Arsène mais elle savait que son neveu ne pouvait pas être au courant de tout et Anya était autant ses yeux que ses oreilles dans des cercles auxquels il ne pouvait accéder. Sans doute également que si une autre Meute était arrivée en France, était-ce plus judicieux que son neveu ne s’en mêle pas pour l’instant. Anya avait l’avantage de ne pas froisser en rentrant sur un territoire qu’elle ne devrait pas n’étant pas lupine.
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(#) Re: [TERMINÉ] Swear not by the moon || ft Anya d'Apcher
missive rédigée par Piotr Medvedev leLes yeux verts sont des dagues d'émeraude dont il sent la griffure de bas en haut de son échine. Piotr a rencontré bien des regards, mais rares sont ceux qui peuvent encore se targuer de l'intimider; Madame d'Apcher n'est décidément pas n'importe quelle sorcière. Les mots qui claquent contre les murs moites de la ruelle ne sont ni doux ni compréhensifs, et un sourire fatigué tire sur les lèvres du soviétique. S'il n'avait un rôle à tenir, il en rirait. Sa communauté ? Quelle communauté ? Le monstre qui a déchiré sa vie ? Les crocs qui ont arraché ses nuits ? Les lycanthropes peuvent bien se revendiquer un groupe, ils n'en sont rien. Les cœurs palpitant sous ces côtes-là sont aussi humains et viles que ceux des plus sombres sorciers. Il n'y a rien à en tirer.
« J'en ai conscience, madame, souffle-t-il pourtant,j'avoue que j'ai été pris par surprise. Je viens tout juste d'arriver et je ne m'attendais pas à me trouver en difficulté... En tout cas pas comme ça. Mes nuits ne sont pas aussi mouvementées, d'habitude. »
Mensonge. Le Russe n'a pas connu la tranquillité depuis vingt-deux ans, pas sous l'œil blanc de la Lune en tout cas. Mais ça, Anya d'Apcher n'a pas besoin de le savoir. Non, à ses yeux à elle, il doit être un simplet frustrant, un imprudent écervelé, certainement pas un espion bolchevik. Son agacement et sa méfiance tombent sous le sens, mais il ne doit rien soulever de plus. Accepter qu'elle pose sur lui une attention gorgée de condescendance, se plier à son autorité aristocratique comme aucun communiste ne se résoudrait à le faire, courber l'échine sans aucune sincérité. Être un loup caché en chien, comme il a si bien appris à le faire.
« Êtes-vous seul ? »
Oui.
« Non.»
Un haussement d'épaules, rendu rigide par la douleur qui lui scie le dos. Piotr
« Enfin c'est compliqué. Je n'ai pas eu la chance d'être accompagné, cette fois, mais j'ai un... entourage. »
Ce mensonge-là est lourd contre sa langue. Ces mots-là sont une brûlure sur son palais. Sa gorge est enflammée de son orgueil blessé. La meute rouge n'est pas ce qu'il prétend qu'elle est. Chaque moment passé avec le Coeur est une plaie le long de ses entrailles, chaque étreinte fausse lui arrache la peau des mains. Il est seul parmi le groupe.
Fiévreux, il en oublierait presque de prêter attention à l'expression de son visage. Un rire fébrile lui échappe alors qu'il espère avoir chassé l'amertume de ses traits.
« Les circonstances ont été difficiles, cette fois-ci, voilà tout. Si tout se passe bien, vous n'aurez pas à me recroiser. Ou en tout cas pas dans ces conditions. »
Un battement de silence. Piotr relève des yeux glacés vers la silhouette austère de son interlocutrice.
« Je ne mettrai pas en danger votre communauté, Madame. »
Votre communauté. Parce qu'il faudrait être idiot pour ne pas comprendre sa colère, sa posture vindicative, ses regards acerbes et cet attachement pourtant à s'occuper de l'homme blessé qui lui fait face. Il tente. Il esquisse un pas, tout juste, frôle les barrières de la matriarche pour ne pas risquer son courroux.
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(#) Re: [TERMINÉ] Swear not by the moon || ft Anya d'Apcher
missive rédigée par Anya d'Apcher leCe sourire fatigué ne la détend pas. Anya aussi, est fatiguée de sa nuit blanche. Elle veut rentrer chez elle et ce contre-temps lui fait encore reculer l’échéance. Mais elle ne se plaindra pas. Elle avait sa bonne action et le Seigneur saurait la récompenser. Quand bien même avait-elle l’impression, dans son orgueil, de faire face à un boulet de son espèce. Trop souvent d’après Anya, la sélection de la lycanthropie ratait. Certains vivaient alors qu’ils n’auraient pas dû. D’autres mourraient. Piotr faisait définitivement partie de cette première catégorie. Cette impression ne fit que s’accentuer plus il parlait. Comment pouvait-on être « pris par surprise » d’une pleine lune ?
Anya le fixe sans chaleur et laissant le silence planer. Il l’irrite et ce n’est pas que la fatigue de sa nuit blanche. La réponse à sa question n’arrange rien car il ne fait pas sens. Il a été pris par surprise mais n’est pas seul sans sa meute ? La réponse vient vite. A ses yeux, il restait donc seul si sa meute ne l’accompagnait pas. Elle en avertirait définitivement Arsène. Ses pensées vont également vers Aloïs. Il fallait qu’elle le trouve. C’était sa dernière tâche et elle s’assurerait de poser des questions sur Piotr à Aloïs. Peut-être que lui sera moins nébuleux. De ses yeux glacés, Anya observe un maëlstrom d’amertume mal contenus. Elle ne sait quoi en penser mais cela n’arrange rien à sa méfiance qui se renforce subitement.
« Vous êtes donc seul. » trancha-t-elle avec froideur. « Je vous invite à retrouver votre meute pour que cela ne se reproduise pas. »
Elle ne lui propose rien. Elle ne lui fait pas confiance après tout et ce n’est de toute façon pas à elle de décider. Anya savait où étaient les limites de son pouvoir à ce sujet et elle tiendrait sa langue. Un sourcil se lève néanmoins lorsqu’elle l’entend parler de se recroiser dans d’autres conditions. Son regard le détail de haut en bas. Elle sait bien sûr que son état actuel ne veut rien dire. Mais elle doute sérieusement qu’ils fréquentent les mêmes cercles s’il était du peuple.
« J’en doute. »
Et sans doute que pour éviter de l’agacer encore et mettre en danger les lycanthropes de manière générale, valait-il mieux qu’ils ne se recroient pas d’après Anya. Encore moins avec sa dernière phrase en suspens. Anya ne le regarde de nouveau de toute sa stature. Sa méfiance ne faiblit pas. Si elle a l’habitude qu’on plie à ses ordres sans poser de questions et que cet individu est en position de faiblesse et qu’elle ne le ménage pas, elle ne peut s’empêcher d’entendre cette dernière phrase comme un avertissement. Le début des chuchotements caractéristiques de ses visions la saisit. Elle n’a que son miroir de poche qu’elle couvre constamment. Mais elle n’allait pas tomber dans une vision ici et maintenant. Pas devant lui. Son air se ferme un peu plus et elle répond :
« Vous ne m’avez pas dit ce qui vous amène en France. Quelle est votre occupation exactement ? Votre nom ne me dit rien. »
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(#) Re: [TERMINÉ] Swear not by the moon || ft Anya d'Apcher
missive rédigée par Piotr Medvedev lePiotr devrait se féliciter d'être si bien parvenu à se faire sous-estimer, mais le regard acéré de la matriarche d'Apcher, son visage froissé par une grimace dédaigneuse, lui donne davantage envie de lui prouver ce qu'il en coûte de mépriser ses interlocuteurs. Il n'en fait rien, bien sûr, ne s'est pas donné tant de peine pour gâcher si tôt ses efforts, mais la rage est là qui gronde, et il se retient de crisper ses mâchoires lorsqu'elle lui parle comme à un parfait demeuré.
Il pourrait annihiler ses enfants, s'il le voulait. Détruire son empire. Ruiner sa vie sans la toucher. Arracher des larmes aux yeux glacés.
« Bien sûr. », souffle-t-il pourtant, l'air faussement honteux.
Le numéro du chien docile, il le connaît par coeur. Tellement bien que le costume lui colle à la peau, a creusé des escarres purulentes sous ses plis, s'est mêlé aux plaies de sa chair. Ce n'est pas la première fois qu'il le joue, ni la dernière, et il a l'habitude de l'incarner face à un ennemi au moins aussi redoutable qu'Anya d'Apcher.
Aussi, lorsqu'elle lui assène un "j'en doute" aussi équivoque que condescendant, il ne fléchit pas. Tout juste se contente-t-il de redresser la tête avant de la baisser, modeste, et de hausses les épaules en un rire qui se veut dévalorisant envers lui-même :
« Vous avez sans doute raison, Madame. Je doute que vos cercles et les miens se rejoignent, après tout. »
Alekseï. Les Romanov. Piotr sait parfaitement qu'ils vont se revoir, d'une façon ou d'une autre. Sait qu'il doit endormir la méfiance avant même qu'elle ne s'élève, qu'il doit passer si bas en dessous du radar qu'elle ne le considère même pas, tout en étant consciente de son existence. C'est un périlleux équilibre à négocier, mais il se sait en être capable. Fiévreux, douloureux, peu importe. Il est un soldat, les soldats ne craignent rien de tout cela.
« Vous ne m’avez pas dit ce qui vous amène en France. Quelle est votre occupation exactement ? Votre nom ne me dit rien.
- C'est parce que je ne fais rien pour le moment, Madame. Je viens simplement chercher la quiétude ici. »
Le sous-entendu est simple : 'je fuis les réformes staliniennes'. Pas étonnant pour un ressortissant soviétique ; c'est d'ailleurs ce qu'il a plus ou moins indiqué à l'administration en cherchant à obtenir ses papiers. Rien de tel que détester les communistes pour se faire accepter ici. Et il est certain que c'est un point commun entre le ministère et son interlocutrice.
« Rien de palpitant, conclue-t-il, je le crains. Mais vous ne risquez pas d'entendre mon nom dans tous les cas. Je ne suis pas du genre à m'installer dans... hé bien dans vos cercles, comme dit.»
Mensonge. Il a bien l'intention d'aller polluer jusqu'aux plus hautes sphères de cette société malade. La renverser, la bousculer, la transformer. Un coup de crocs dans la jugulaire vulnérable d'un pays qui se prend pour ce qu'il n'a jamais été. Mais pour le moment, il n'est qu'un idiot. Il penche la tête sur le côté, naïvement, comme s'interrogeant sincèrement :
« Mais pourquoi ces questions, Madame ? Je ne suis rien pour vous. »
Fausse confusion. Il renfrogne son visage :
« Je veux dire : ai-je fait quelque chose qui vous a dérangé ? »
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(#) Re: [TERMINÉ] Swear not by the moon || ft Anya d'Apcher
missive rédigée par Anya d'Apcher leLa crispation des mâchoires de Piotr ne lui échappent pas. Elle sait qu’elle l’agace et elle s’en fiche bien. Mais elle n’est pas femme à s’impressionner d’un homme à l’égo blessé. Il n’avait qu’à a priori ne pas se comporter comme un idiot avec sa particularité lupine. Mais l’homme semble docile et Anya est indifférente à ce qu’elle perçoit. Il avait de toute façon plutôt intérêt à ne pas la ramener. Elle ne se doute de rien concernant sa véritable affiliation, mais elle demeure méfiante car trop de choses commencent à toucher à des incohérences. Ou est-ce aussi l’association qu’elle fait du nouveau russe qui a intégré la meute de son neveu ? Elle ne saurait le dire mais si l’immigration russe n’est pas nouvelle depuis dix ans, elle n’en reste pas moins dangereuse pour ceux qu’elle protège et pour les vérités qu’elle cherche.
Ainsi, ne peut elle pas s’empêcher de demander ce qu’il fait ici. Même si elle ne s’attend pas à une vérité, cela peut déjà lui donner des indices. Son sourcil se lève à la réponse. Rien d’étonnant à ce que des russes viennent sur le sol français. Après tout, la France avait toujours été une terre d’accueil pour ces derniers. Mais, de là parler de quiétude… Rien n’était calme en période d’élections qui se rapprochaient même dans un pays républicain.
Néanmoins, elle est incapable de dire si elle le croit. Son histoire peut être vraie comme elle peut être fausse. Les espions russes sont légion après tout chez les bolchéviks et l’immigration bien arrangeante. C’est surtout la présence russe autour d’elle qui ne cesse de l’intriguer réellement. Il pourrait dire n’importe quoi d’autre qu’elle n’en arriverait pas à baisser sa garde. Il peut bien fuir les communistes mais cela ne veut pas dire qu’il n’est pas un ennemi. Loin de là.
Elle ne répond rien mais se contente de le regarder toujours avec froideur. Cela peut tout aussi bien être une coïncidence. Cet homme, de toute façon comme il le stipule, sera dans un autre monde que le sien. Elle l’oubliera presque une fois la rue passée et lui derrière elle. Presque, parce qu’il restera toujours dans un coin de sa tête même infime. Les signaux d’Anya ne sont pas facilement désarmés et elle s’inquiète toujours de ce qu’un loup garou sans meute et aussi imprudent peut produire comme problème.
Et s’il tombe juste en faisant remarquer que l’intérêt d’Anya semble bien disproportionné, elle ne va pas lui dire tout ce qu’elle pense.
« Je crois que vous pouvez répondre vous-même à cette dernière question au vu de la manière dont vous m’êtes tombé dessus et votre discrétion. » lâche-t-elle avec hauteur. « Quand bien même nos pays ne sont pas les mêmes, j’ai toujours un intérêt pour ceux qui viennent de l’Est. »
Les garder à l’œil de toutes les façons autant pour les protéger comme les Romanov que pour surveiller comme tout ce qui n’est pas Romanov.
Mais l’homme ayant répondu, elle a perdu l’intérêt. Qu’il retourne à sa vie. Elle avait la sienne à mener et du sommeil à rattraper. Aloïs à chercher également.
« Vous avez ce qu’il vous faut pour ces blessures, Monsieur. Tâchez de vous soigner sans vous donner en spectacle. »
Elle termine de se détourner. Il n’est plus rien à présent qu’un point dans le paysage.
« Adieu, monsieur. » conclut-elle, sans s’embarrasser d’effusion, mais avec cette impression qu’il allait falloir qu’elle se renseigne sur les nouvelles connaissances que peuvent se faire les Romanov. Surtout si elles sont russes dernièrement.
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(#) Re: [TERMINÉ] Swear not by the moon || ft Anya d'Apcher
missive rédigée par Piotr Medvedev leVoilà qu'il a son attention, désormais. Rien ne s'est déroulé comme prévu et, malgré la douleur lancinante de ses plaies et la fièvre des lendemains de pleine Lune, une frustration brûlante ronge son estomac. Il aurait voulu se contrôler. Aurait voulu surpasser la faiblesse de son enveloppe corporelle pour maîtriser chaque recoin de sa performance ; pourtant cela aurait sans doute davantage éveillé les soupçons de la matriarche. Les regrets sont inutiles, même s'ils le grignotent de l'intérieur.
« Quand bien même nos pays ne sont pas les mêmes, j’ai toujours un intérêt pour ceux qui viennent de l’Est. »
Traduction : Anya d'Apcher se méfie de tout le monde, mais plus encore de ceux qui partagent sa langue natale. Piotr n'a que trop conscience d'en faire partie. Espère silencieusement que sa pitoyable prestation aura suffi à la fois à remarquer son existence et à l'estimer trop insignifiante pour être intéressante. C'est un espoir qu'il ne devrait pas nourrir - les espoirs ne gagnent pas les guerres - mais il n'a trop d'autre choix. Et peut-être finalement que la violence de sa transformation aura été un mal pour un bien. Peut-être que cela suffira à ce qu'elle ne se défie que modérément de lui, quand bien même elle ne sera jamais en confiance par sa présence.
« Je vois. », souffle-t-il simplement en réponse.
Les fioritures ne feraient qu'accentuer les soupçons de son interlocutrice. Il doit se contenter de ce qu'il a obtenu pour le moment : pas grand chose, sans doute pour le mieux.
« Vous avez ce qu’il vous faut pour ces blessures, Monsieur. Tâchez de vous soigner sans vous donner en spectacle.
- Oui Madame. »
La politesse est acide contre sa langue, mais il serre précieusement les bandages et potions qu'elle lui a offerts contre son torse. Il voudrait les lui jeter au visage, enfoncer des griffes acérées dans les longs cheveux noirs et la projeter au sol pour déchirer ses chairs, lui montrer qu'elle ne connaît pas les Bêtes qu'elle protège et n'est ni reine ni déesse au royaume des monstres. Il voudrait cracher sur sa joue avant d'arracher sa jugulaire, montrer l'impuissance des poisons face aux violences de la vie. Mais il ne peut pas. Ne peut que se taire, courber l'échine, attendre. Attendre. Attendre.
Au moins aura-t-il récolté des onguents gratuits, suppose-t-il.
« До свидания, мадам д'Апшер. » (Au revoir, Madame d'Apcher.)
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