[TERMINÉ] la dolce vita (lorenzo)

Elle rit, fait une légère moue lorsqu’il l’appelle « mademoiselle » en italien. Elle déteste qu’on l’appelle mademoiselle, même si dans le cas de Lorenzo, c’était tout à fait taquin. Elle était une madame depuis bien longtemps et même avant d’être mariée, elle restait une madame. Alors, un peu boudeuse, elle ne répondit rien au fait qu’elle n’avait pas tant tenu l’alcool sur ce coup-ci. Il fallait dire qu’elle faisait attention à sa consommation. Entre toutes les obligations qu’elle avait surtout depuis que l’Aube était créée et le fait que finalement dans sa famille, ils ne buvaient pas tant notamment Yamanu qui avait totalement arrêté, elle gardait un œil à la limite de la psychoridigité sur sa consommation. Ça ne l’empêchait pas d’apprécier le bon vin, les bons cocktails et surtout le whisky et l’hydromel.
La bouderie presque enfantine qui se peint sur son visage, s’envole alors qu’elle sent la pulpe des doigts de Lorenzo caresser sa joue, déclencher un frisson incontrôlable. Qu’est-ce qui l’empêchait d’être démonstrative en public ? Beaucoup trop de choses, à commencer par l’habitude d’avoir plusieurs relations en même temps et d’être très discrète dans ces dîtes relations. Neith avait cette tendance à compartimenter. Même avec Alaric. Les évènements publics ensemble avaient vu peu de marque d’affection entre eux, sauf cas exceptionnels. Elle délimitait une ligne bien précise entre ces évènements publics où ils avaient une image, et les évènements privés où ils pouvaient être eux. Pour ses relations multiples et parce qu’elle savait qu’à plusieurs niveaux, beaucoup ne comprendraient pas, elle avait été encore plus distante. Il avait fallu protéger tant sa réputation de femme, qui plus était d’origine égyptienne avec toutes les médisances que les européens semblaient vouloir lui coller à la peau sur fond d’orientalisme, tout comme protéger aussi ses amours pluriels. Zinaïda en avait été un exemple frappant. Mais expliquer tout ceci à Lorenzo, là, maintenant tout de suite, serait fastidieux. Alors, elle ne s’embarrassa pas de paroles et combla les centimètres qu’il manquait pour échanger un baiser.
Retrouver ses lèvres avec le goût tant de la pizza que des cocktails est agréable. Comme un manque qu’elle comble. Et, lorsqu’elle se sépare, un fin sourire se dessine sur ses lèvres tandis qu’elle reprend sa place. Ecoutant les propositions de dessert, Neith ne répondit rien et se laissa guider. Lorenzo savait de quoi il parlait. Il commande donc et elle écoute ses propositions. Son regard s’illumine devant l’idée d’aller observer quelques ruines archéologiques. La piscine est aussi tentante… Elle sourit néanmoins à son air de filou charmeur.
« Mmh penses-tu que nous pouvons faire les deux ? L’archéologue en moi ne dit jamais non à de vieilles pierres. » Elle rit un peu. « Mais pas longtemps, évidemment pour admirer le fameux coucher de soleil à l’hôtel de la piscine. » Et se serait suffisant pour elle pour redescendre un peu. Elle en oublie d’ailleurs ce qu’elle voulait acheter à la base : sa carte postale pour son mur de voyage.
Goûtant la tarte, elle s’exclame, spontanée.
« Masha'Allah, c’est délicieux. »

Le sourire satisfait qu’il lui donne la fait frissonner d’excitation. Son corps la surprend, elle qui n’a plus l’habitude de ressentir ça, elle qui en a la maîtrise la plupart du temps. Elle sent se courant électrique entre eux qui s’établit. Mais ce sourire satisfait était grisant et elle se rend compte qu’elle aime cette taquinerie qu’il a envers elle, même si elle déteste réellement être appelée mademoiselle. Peu importait la langue.
Et si le sourire satisfait se transforme en sourire solaire, l’égyptienne a un rire amusé et ne put s’empêcher de répondre :
« Mince, tu me devances. Moi qui comptais te le demander dès que nous serons dans la chambre. »
Son ton est léger et badin. Son sourire est un sourire de chat, fière de sa bêtise, avant de le faire s’apaiser contre sa cuillère et le dessert délicieux qu’elle mangeait.
« Voilà très longtemps que je ne suis pas rentrée dans une église. » admit-elle néanmoins sur un ton plus sérieux, consciente qu’elle a à faire à un croyant en face d’elle.
Neith respectait les croyances des autres même si elle-même n’était pas tant croyante. Les anciens dieux sans doute un peu… Elle se rappellerait toujours du rêve qu’elle a fait à onze ans duquel elle s’était réveillée avec le lapis lazuli au hiéroglyphe de Neith dans sa main. Les anciens dieux lui avaient rendus visites, Anubis l’avait entrainée et protégée sur le chemin dans le monde souterrain jusqu’à la Pesée où elle avait rencontré Osiris et cru qu’elle était morte, puis avait passé la salle d’un trône où elle avait fait la connaissance d’une Isis nourrissant son Horus sous le regard bienveillant d’une Nout céleste avant que son homologue Neith ne lui glisse entre les doigts devant son métier à tisser, elle tisserande du monde, le fameux lapis lazuli, faisant office de la messagère des rêves pour le compte de l’école la plus grande du monde. Elle se rappelait sa dévotion pendant quelques temps après ce rêve, émue par ce rêve aussi magique que spectaculaire. Néanmoins, cela s’était arrêté rapidement et Neith n’avait pas prié de quelconque dieu ou déesse même dans les moments les plus sombres de sa vie. C’était plutôt dans quelques rites proches de la culture musulmane qu’elle avait trouvé quelques réconforts : les nazar boncuk cousus à l’intérieur des manches d’Alaric, Ruben, Auguste ou Zinaïda pour les protéger de la malchance, les graines de cardamones sous le lit lorsqu’elle cherchait à tomber enceinte, l’encens brûlé pour éloigner les djinns lorsqu’elle était en dépression, la rituelle lecture des feuilles de thé de Kahina annuelle…
Alors en tant qu’hérétique, elle rentrait peu dans les églises. Mais les découvrir auprès d’un croyant et qui plus est si les pierres étaient vieilles l’enchantaient. Ainsi, répondit-elle finalement, sincère et presque tendre : « J’ai hâte de cette visite. »
Et elle se délecta de la tarte avant d’ouvrir un instant grand les yeux. « Effectivement. J’avais oublié ça. » Elle sait que son portoloin est plus tard dans la journée. Elle n’avait pas pu prendre beaucoup de temps. En fait, elle se réservait la majorité de ses vacances pour la fin d’année. Se surprenant à terminer la tarte, elle finit par laisser sa cuillière avant de regarder le plat de Lorenzo. « Bien, je crois que nous pouvons y aller ? » demanda-t-elle avec patience avant de se lever. Elle remercia chaleureusement Atia dans son italien limité autant qu’elle pu et eut droit à deux baisers chauds sur les joues en retour. Riant un peu, l’égyptienne attendit que le patriarche eût fait ses au-revoirs, remettant ses lunettes de soleil sur son nez.

Un sourire en coin et joueur, Neith ne répond pas à sa première phrase. Elle voit bien son regard et se demande un instant ce qu’elle a pu dire ou faire pour qu’il la regarde ainsi. Ils ont dépassé le stade des langues de bois. Neith n’a plus besoin de prétendre sur beaucoup de points. Presque tous les points. Pas dans ce domaine en tout cas parce qu’elle sait qu’ils n’ont pas terminé pour le temps qu’il leur reste ici au moins. Alors, être son égale, c’est aussi savoir faire ce genre de blague. Elle aussi, elle sait parler de sexe comme les hommes savent le faire. Sans doute était-elle une des rares à le faire si ouvertement avec celles et ceux qui sont rentrés dans son intimité. Mais mieux que personne, Neith sait que parler de ce genre de choses évite des drames. Alors, même si c’est un jeu, c’est aussi une façon de se connaître.
Elle imagine bien la scène, lui devant elle agenouillé. Elle aimait l’idée. Elle aimait encore plus l’idée de lui demander, mais s’il lui fallait une raison …
« Je peux faire la même chose pour qu’on soit à égalité. Si c’est, bien sûr, quelque chose dont tu as envie. Je ne suis pas égoïste, tu sais. »
Un sourire se dessine sur ses lèvres qui se transforme en un rire. Elle lui envoie un baiser du bout des doigts pour le remercier du compliment. Pour elle, s’en était un en tout cas. L’insulte aurait été de la faire être un ange, ce qu’elle n’était pas, loin de là.
Mais la corruption des âmes et des corps attendrait plus tard. Ils partirent du restaurant et finalement, Neith suivit le Medici jusqu’à la fameuse église dont il lui avait parlé, lui prenant simplement le bras. L’église ne paie pas de mine, mais le regard de Neith reste appréciateur. Son air se ferme et elle devient sérieuse. Quand bien même n’était-elle pas catholique, elle respectait les lieux saints quels qu’ils soient. Rentrant dans l’église, elle fit le minimum, à savoir se signer avec l’eau bénite malgré tout, respectueuse, tout comme elle se serait couverte les cheveux avant d’entrée dans une mosquée. Son regard observait les peintures, les décorations. Son appréciation est purement artistique et presque professionnelle d’une certaine façon. Elle se déplace, observe, apprécie sans jugement. Et puis lorsque la voix de Lorenzo s’élève, murmure dans le silence du lieu, elle se tourne vers lui.
Il est là un genou posé à terre, l’air si solennel. Elle se demande s’il y a bien un dieu qui vient juger ses actes, lui, l’homme marié qui bafoue sa femme avec une hérétique. Elle, elle sait déjà qu’elle est jugée par son Dieu. Cela l’indiffère et elle n’a aucun remord parce que ses actions sont guidées par une raison qui dépasse ce dieu en question. Mais lui ? Comment le vivait-il réellement ? Neith a envie de savoir, de connaître cet aspect-là de lui. Mais elle le sait, quelque part, la foi est aussi plus intime que le sexe. Les croyances des miracles sont si semblables de cultures en cultures, de religion en religion. Quelque part, les mythes des anciens dieux les relatent comme la Bible le faisait pour les chrétiens. Que ce soit par un Dieu, un prophète, le fils de Dieu ou des dieux anthropomorphiques, c’était du pareil au même.
Neith se rapproche alors et vient se mettre à ses côtés, se glisse à sa hauteur, respectueuse. Elle ne le touche pas. Cela aussi elle le respecte. Ici est un lieu saint. Les distances entre homme et femme doivent être respectées. Son regard parcourt un instant son visage, puis, elle continue à observer autour d’elle.
« J’espère qu’elle en fera d’autres, des miracles. » répondit-elle, respectueusement et sans jugement.
Elle resta là, à ses côtés, autant de temps qu’il le souhaiterait, continuant d’observer.

Elle ne doute pas qu’Eros leur soufflera ce qu’il préfère le moment venu. Pour l’heure, il n’est question que de foi et de croyances dans le silence de la petite église ancienne. Un moment spirituel dont elle n’a pas tant l’habitude. Croire en un être supérieur lui est difficile. C’est remettre sa vie entre les mains de quelqu’un d’invisible quand bien même le dieu des catholiques laisse le libre arbitre. Il n’empêche : elle aurait l’impression de ne pas être en contrôle et elle détesterait cela. Il faut dire que contrairement à lui, son héritage religieux avait cela de particulier que pour la plupart des gens, les anciens dieux avaient disparus et ne figuraient que sur des vieilles pierres, de vieux parchemins. Le monde n'était plus le même dans ces temps anciens qu’aujourd’hui et Neith ne pouvait pas coller l’ancienne foi aux préceptes dans la société dans laquelle elle vivait. Bien sûr, elle comprenait les anciens dieux et déesses, les fois des anciens. Elle avait parfois une affinité avec tel ou telle déesse ancienne mais elle n’en faisait pas un culte particulier, ne la priait pas, n’établissait pas un autel ou n’allait pas dans un temple dédié puisque la croyance avait disparu.
Lorsque Lorenzo explique les miracles, son dieu, les péchés, elle l’écoute en silence, sans le regarder et sent qu’il s’est rapproché. C’est sans doute cela qu’elle regrette des anciens temps : elle restait persuadée que les anciens dieux et déesses avaient été des sorciers et sorcières exceptionnels et qu’ils s’étaient inscrits dans l’Histoire en étant déifiés. Elle trouvait cela beau qu’il y ait autant de dieu et déesses que les humains en aient besoin. Elle trouve qu’il y a clairement un manque de diversité des religions monothéistes d’autant plus si c’est toujours Dieu qui devient le sauveur alors que des sorciers et sorcières sont en réalité à l’œuvre. Mais de tout cela, elle n’en dit rien. Il a le droit de trouver du réconfort dans ce qu’il dit et ce qu’il croit. Elle ne comptait certainement pas le vexer en blasphémant ou remettant en cause tout cela. Elle n’était qu’une oreille qui essayait de comprendre, de le faire parler et de s’intéresser à lui et sa façon de fonctionner.
Alors, lorsqu’il lui demanda si elle n’était pas catholique et si elle croyait en un dieu, Neith pose son regard sur lui.
« Je ne suis pas catholique, non. » commença-t-elle. Elle sembla prendre un temps de réflexion pour chercher ses mots. Si elle avait très envie de répondre que le seul dieu dans lequel elle croyait était l’argent parce qu’il régissait ce monde, elle choisit de ne pas blasphémer directement et de répondre néanmoins sincèrement : « Je crois en beaucoup de choses. » Elle quitte son regard et observe tout autour d’elle. « Je crois en quelques superstitions musulmanes comme les djinns qu’ils soient des ifrits, des maritins ou des sylphes. Je crois que les oeils bleus que je couds dans les manches des gens que j’aime les protège contre le mauvais œil ou encore que les graines de cardamones que j’ai dispersé sous mon lit m’ont permis de tomber enceinte de mon fils plus rapidement. » Elle ne peut s’empêcher d’avoir un sourire tendre face aux petites croyances qui ont bercé son enfance. « Je crois probablement en la réincarnation et aux âmes sœurs… et que les êtres aimés qui sont partis nous attendant quelque part avant de se réincarner parce que nous finissons toujours par nous croiser tôt ou tard dans toutes nos vies et que nos ancêtres restent avec nous et nous protègent lorsqu’ils n’ont plus besoin de se réincarner eux aussi. »
Son regard se repose sur l’homme à ses côtés et elle lui adresse un sourire : « Mais je ne crois pas qu’il existe une entité supérieure, un dieu particulier. Ni plusieurs d’ailleurs. Ou alors, ils sont morts depuis bien longtemps comme c’est le cas des dieux de mon ancien peuple. Et pour ceux d’aujourd’hui, je crains que ce monde est trop régit par certaines choses matérielles pour qu’un dieu puisse y faire quoi que ce soit. »
Elle marque une pause avant d’hausser les épaules. « Cela ne m’empêche cependant pas d’apprécier certaines divinités, certains textes religieux aussi et de respecter les lieux de culte que je trouve importants. » Un sourire amusé se dessine sur ses lèvres et elle ne peut s’empêcher de faire preuve d’humour : « Ou de prier les djinns de bien vouloir me laisser tranquille lorsque je tombe malade et de les chasser avec de l'encens. »

Peut-être y avait-il autant d’intimité dans cette conversation que ce qu’ils avaient partagé dans la piscine, plus tôt. Neith savait combien elle apprenait sur l’homme et lui apprenait sur elle. Sans se montrer vulnérable pour autant, Neith estimait qu’elle pouvait laisser passer ce genre d’informations. Que pourrait-il bien en faire ? Elle n’était pas persuadée qu’il fasse quoi que ce soit de cela, tout comme elle ne comptait rien faire de ce qu’elle apprenait comme de beaucoup d’informations dont elle disposait. Ces informations étaient juste là, présentes. Pour sa connaissance. Peut-être un jour serviraient-elles, peut-être pas. Mais elle appréciait sincèrement la discussion et connaître ce pan là du Medici. Des Medicis en réalité. Elle savait qu’elle chercherait à comprendre encore plus tard via des lectures. Cela ne serait pas la première fois qu’elle se plonge dans des textes théologiques de toute façon par curiosité. Pourtant, elle n’a strictement aucune empathie pour ce dieu, ce culte. Au contraire, même, de son point de vue d’impie, ce qu’on fait les hommes de cette foi est si triste parce qu’il y avait de si bonnes choses dedans. Mais n’était-ce pas le propre de toutes les religions que les hommes en fassent ce qu’ils voulaient selon leur cupidité ?
Elle note qu’il ne se moque pas de ses superstitions. De manière infime, elle se détend. Il est bon de savoir que certaines personnes comprennent ce que des petits actes peuvent faire de bien à l’esprit. Il est bon de ne pas se sentir moquée par ceux qui veulent s’opposer même inconsciemment, parce qu’elle est l’Ailleurs, l’Egypte, le Maghreb et l’Orientale. Il semble au contraire comprendre et elle le fixe un peu longuement.
Un rire silencieux lui vient quand il parler de l’argent qui aurait tué Dieu. Il a bien deviné ce qu’elle dit entre les lignes.
« Peut-être. » Et de cela, elle ne s’en cachait pas après tout. Le matérialisme était un de ses défauts. Elle avait embrassé autant le capitalisme que certaines doctrines colonialistes mais c’était le cas de tout le monde chez elle. Elle n’en avait pas honte. Tout le monde a ses défauts après tout et elle n’a jamais prétendu être parfaite. « Mais je risque de trop blasphémer si je vais au fond de ma pensée sur le propos et je ne voudrais pas ni bruler alors que j’ai déjà réussi à rentrer dans ce bijou d’église intacte et entière, ni te contrarier et briser ce petit moment. » ajoute-t-elle, mi-amusée, mi-sérieuse. Amusée parce que son avis est bien plus tranché sur si son Dieu est vivant ou mort et ce que l’argent est devenu. Sérieuse parce qu’elle ne veut pas qu’il se sente offensé par ses propos en ce lieu saint. Cela lui semble étrangement mal de parler aussi librement dans un tel endroit. « Nous pourrons en discuter plus tard hors de ses lieux sans problème, néanmoins. » conclut-elle, ne souhaitant pas fermer la porte à ce débat.
Lorsqu’il se lève, elle en fait de même et s’approche de statue de la Vierge. Voilà encore une chose qui la fascine : la redondance des croyances et surtout cette capacité qu’avaient eu les chrétiens que de prendre de force les croyances des autres pour s’étendre encore et encore. La Vierge lui rappelait toujours Isis ce qui la fit sourire avec respect. Pour elle, Marie était aussi trouble que pouvait l’avoir été la grande Aset/Isis avant elle.
Observant le chœur, Neith dériva son regard sur l’italien lorsque celui-ci lui dit croire qu’elle était musulmane. Elle comprend la confusion et il n’a pas pour autant tort. Dans sa famille, très grande autant du côté de sa mère que de son père, il y a des mulsulmans mais pas que. L’Égypte sorcière était complexe et mêlée par des siècles de conquêtes et de tradition ce qu’elle essayait de conserver malgré la présence britannique qui persistait. Elle ne s’attendait pas à ce que Lorenzo comprenne ce qu’étaient les imazighens et ni que ce qu’il persiste de l’Égypte Antique, si vaste selon les siècles et millénaires, chez les coptes, les fameux chrétiens d’Égypte. Ses autres questions la font sourire et elle laisse passer un peu de silence pour lui laisser le temps de se recueillir avant de voir une bougie près de la statue parmi toutes les autres bougies. Neith lève la main pour faire un geste et allumer la bougie magiquement.
« Il y a des musulmans dans ma famille, mais je ne le suis pas personnellement. Ma culture est bien entendu arabo-musulmane sur de nombreux aspects, mais elle est aussi antique et amazigh, ce qui est totalement différent. La branche de ma famille a quelques syncrétismes musulmans, un peu comme les Le Noir avec le culte celtique, vois-tu ? » Elle essaie de faire le parallèle même si elle sait également que c’est un peu différent. L’aspect magique ne peut être calqué sur les moldus et inversement. « Je crois que les anciens dieux ont existé et qu’ils sont morts parce qu’ils n’étaient pas immortels… Ils ont été divinisés après leur mort par les peuples mais ils n’étaient que d’exceptionnels sorciers et sorcières à la base. Divinisé post-mortem est une coutume antique. Mon peuple et ce qu’il en est resté de nos coutumes avons simplement l'oublié. » Elle marque une pause. « Mais mon peuple, celui antique, n’est plus présent. Il y a eu tant de conquêtes, romaine qui étaient les premiers colons après la mort de Cléopâtre VII, puis chrétienne quand les romains se sont convertis, puis arabo-musulmane, puis maintenant britannique pour que je pense que les anciens dieux ressurgissent comme cela. Tout est différent. Les mœurs ne sont pas les mêmes, la société encore moins. La foi des anciens dieux pourrait revenir et c’est le cas actuellement en Égypte, mais c’est minoritaire et porté par quelques familles dont la mienne. Je ne sais pas si cela prendra avec le temps. » Elle aimerait beaucoup, mais elle sait que cela ne se fera pas avec de son vivant.
Son regard se perd sur le visage de la Vierge. « Je me sens proche d’Isis par exemple parce que je partage beaucoup de son histoire depuis quelques années. » Elle prend un air pensif et une forme de vulnérabilité se dessine sur son visage. « Mais contrairement à toi, ton dieu et ta foi, je n’ai pas de lieu de culte pour l’honorer. Le seul lieu puissant qui existait jusque dans l’ère chrétienne en Égypte est actuellement englouti par les barrages créés par les colons et les moldus égyptiens. Il me parait difficile de pouvoir croire vraiment en elle sans lieu fixe et tangible. » Son visage se ferme. L’ile de Philae était réellement engloutie et cela la rendait folle. C’était aussi ce qui motivait le fait qu’elle croyait dans les idées de son père. C’était son héritage qui était sous l’eau et détruit à cause d’eux.
Se rappelant où elle se trouve, Neith se tourne finalement vers Lorenzo et lui murmure : « Je te laisse à ton recueillement. Prends-le temps qu’il te faut, je t’attends dehors. » Son air est doux et bienveillant. Mais elle ne se sentait pas de rester davantage en sachant qu’il avait besoin de cette intimité, se sentant trop voyeuse. Elle sortit donc dans la chaleur de la fin d’après-midi, l'attendant appuyée contre un muret.

Elle n’est pas mécontente de retrouver l’air italien en dehors de l’église. Même si elle ne croyait pas en ce dieu que son amant semblait vénérer, elle ne pouvait s’empêcher de sentir un poids se défaire de ses épaules alors que les rayons du soleil de la fin d’après-midi caressaient sa peau. Elle reste contre le muret et apprécie autant le silence que le moment de solitude, n’ayant jamais rougis d’aimer être seule. Elle, si indépendante. Neith ne peut néanmoins se demander à quoi l’homme qui avait déjà probablement tant pêché avec elle pouvait bien prier. Une salutation ? Une rédemption ? Elle se disait qu’elle en serait probablement déçue. Lorenzo ne semblait pas être le genre à s’excuser, même devant son Dieu. Ses pensées se perdent alors qu’elle observe la rue, essayant simplement de s’imprégner du moment.
C’est finalement avec une surprise non dissimulée qu’elle sent les lèvres de l’homme se pose sur sa joue. Ce contact a beau être surprenant, elle ne se sent pas menacée et un sourire naturel se forme sur ses lèvres alors que son regard se repose sur l’italien. La femme le fixe un instant. Elle ne l’a pas attendu arriver. Elle ne sait pas à quel moment elle a baissé sa garde mais l’espace d’un court instant, cela lui fait peur.
Quand avait-il passé ses défenses de sécurité ?
Elle en éprouve un étourdissement autant que comme si tout était à sa place. Néanmoins, il a raison. Le soleil ne tarderait pas et elle avait encore sa carte postale à acheter. Elle voit le pétillement de son regard et ne peut s’empêcher de l’en trouver que plus jeune et plus beau. Lorenzo était un homme qui s’embellissait avec l’amour et la passion. De cela, elle en était aussi certaine.
Si elle ne répond rien, sa main se pose sur son bras et elle le suit. Si elle lui rappelle la carte sur le chemin, ils finissent par en acheter une à un vendeur. Neith ne comprend pas beaucoup ce qui se dit mais elle laisse néanmoins un pourboire bien qu’elle ne sache pas si cela se faisait en Italie. Tant pis. Elle avait envie de laisser son argent à cet homme lui faisait acquérir un achat précieux à son cœur. Cette carte en noir et blanc n’était pas qu’une simple carte pour elle. Elle était la matérialisation même de son indépendance.
Ils ne mirent ensuite pas longtemps à revenir à l’hôtel qui se trouvait aussi vide que lorsqu’elle était arrivée. Il fut suffisamment tard, cependant, pour que Neith constate que le soleil n’allait pas tarder à se coucher. Même si ici, l’astre se couchait plus tard, ils avaient de toute évidence trainé suffisamment longtemps pour arriver au bon moment.
Se tournant vers Lorenzo, elle lui demande alors :
« Tu avais dit la piscine pour voir le couché de soleil, si je ne me trompe pas ? »
Pour sa part, cela lui est bien égal tant que c’est avec lui. Elle n’a aucune envie de le quitter immédiatement. Ses doigts se referment sur son bras pour y exercer une légère pression.
« Je te suis là où tu jugeras que nous le verrons le mieux. »
C’était lui le patron après tout. Et quand bien même choisirait-il un lieu plus intime qu’elle le suivrait quand même. Tel le soleil qui se couchait, Lorenzo était un astre étoilé et solaire dont on voulait partager la chaleur. Neith, son opposé lunaire, ne pouvait que profiter de ses rayons.

Le clin d’œil qu’il lui lance la fait sourire et aurait pu sûrement la faire rougir si seulement elle avait été différente. Ah, il savait les manier les œillades et les sourires et cela marchait. Ou elle voulait bien se laisser aller aussi. Un sourire amusé aux lèvres, Neith l’observe se déshabiller, son regard le détaillant sans qu’il ne soit pesant. Elle appréciait juste sa plastique déjà vue. Lorsqu’il plonge, elle comprend qu’elle allait devoir le rejoindre, mais se contente de s’asseoir sur le bord de la table et de l’observer faire ses longueurs. Il nageait bien, remarqua-t-elle. Lorsqu’il lui demande de venir en utilisant l’impératif, elle bouge enfin et n’est pas vraiment surprise de l’entendre ordonner pour avoir deux verres. Bien sûr qu’ils sont observés.
Avec délicatesse et sans répondre, Neith vient défaire ses escarpins qu’elle laisse sur le bord de la piscine avant de finalement prendre sa baguette et d’attacher ses cheveux en un chignon négligé mais qui fera l’affaire. Elle n’a pas envie de mouiller ses cheveux cette fois-ci. Lorsqu’elle est prête, elle vient défaire d’un sortilège informulé les boutons de sa robe qui se défirent tout seul. D’un mouvement grâcieux, la robe tomba au sol suivi de ses sous-vêtements. Elle ne plonge pas mais rentre progressivement dans l’eau appréciant la température bien qu’un frisson la parcourt à cause de la différence de celle de l’air. Avec lenteur et appréciation des mouvements dans l’eau, elle arrive jusqu’à l’italien et vient s’appuyer sur le rebord à débordement avant d’observer le soleil qui déjà commence à décliner. Si elle sent qu’il la regarde à la dérobée, elle n’en dit rien, apprécie sans doute l’effet. Son regard sombre ne se pose sur lui que lorsqu’il reparle et elle ne peut s’empêcher de rire.
« En effet, il ne le vaudra pas. Mais je peux tout à fait apprécier ton couché de soleil. » Et comment ne pourrait-elle pas avec sa compagnie ?
Neith se tait et observa alors le ciel dont les couleurs commençaient à déjà à changer. Elle pense toujours aux anciens dieux et aux anciens mythes lorsqu’elle observe le coucher ou le lever du soleil. Alors que le soleil observe son camaïeu de couleurs, elle pense à Ra sur son chariot doré. Le voilà vieux maintenant et prêt à affronter son frère Apep avec les autres dieux dans la Douât toute la nuit durant. Lorsqu’il se lèvera ce lendemain-matin, il aura retrouvé sa jeunesse pour le lever du soleil. Petite, elle avait eu peur que le soleil ne se lève plus car cela voudrait dire que Ra et les autres dieux étaient vaincus et qu’Apep règnait en maître.
Ce soir, pourtant, elle n’était plus une petite fille et elle savait que lorsque le soleil se lèverait il faudrait revenir à une forme de réalité sans lui à ses côtés. Elle se surprenait à penser qu’elle n’avait pas envie tout en se disant qu’elle ne devait pas y penser maintenant. Tout en pensant aussi à quel point, l’italien savait s’y faire. Elle pariait que toutes les femmes devaient ressentir cela. Elle ne s’attendait pas à ce que cela soit si tôt ni si naturel. Ni que ce soit avec qui que ce soit qu’Alaric ou Zinaïda.
Néanmoins, elle apprécia le coucher de soleil qui était beau sur le décor toscan. Doucement, dans l’eau, sa main frôle la sienne et elle ne peut s’empêcher de le regarder un instant. Les reflets du ciel dans ses yeux, les dernières couleurs du jour sur ses cheveux. Qu’il est beau le roi-soleil devant son astre qui décline.
« Tu as raison. C’est un coucher de soleil des plus calmes. » commenta-t-elle en chuchotant comme pour ne pas troubler le moment.
Elle inscrit cette vision de lui dans sa mémoire avant de regarder de nouveau le ciel totalement silencieux. Bientôt, le soleil disparait mais le ciel, lui, est encore plein de couleur. Ce n’est pourtant l’affaire que de quelques minutes avant que les lumières de l’hôtel ne s’allument. Celles du rebord de la piscine également. Cette fois-ci, Neith tourne le dos à la vue et observe simplement les lieux. Il y avait quelque chose définitivement de féérique ici et elle ne put s’empêcher de penser aussi, terriblement romantique comme tout ce qu’ils avaient fait à présent.
Son regard tombe finalement sur lui et elle lui sourit avec douceur avant de s’approcher pour déposer un baiser sur sa joue.
« Merci pour ce moment. » chuchote-t-elle avec douceur.

Elle sent la légère tension dans la main de l’italien lorsqu’elle s’en saisit sans rien dire. Il n’est pas expressif, mais elle connait trop ce sentiment d’hypervigilance pour ne pas le reconnaître chez les autres. Elle ne sait pas ce qu’elle a provoqué chez lui par ce simple geste, mais elle se dit que, par peur de méprise, elle ne recommencera pas. Quelque chose aussi s’allume en elle sans qu’elle ne puisse réellement l’expliquer ni comprendre pour l’instant. En y réfléchissant, elle se trouve dangereusement ridicule. Dangereusement sensible. Il la touche plus que ce qu’elle n’avait prévu et elle se doit de faire attention malgré les bons moments qu’elle passe. Surtout à cause de ces bons moments. Pour l’heure, il n’est pas question d’analyser tout parce qu’elle aura besoin d’être seule pour le faire. Mais elle ne peut s’empêcher d’apprendre à le connaître ainsi, intimement, loin de tout comme tant d’autres avant elle on dut le faire. Ainsi, elle apprend qu’il ne faut pas le surprendre ainsi. Elle prend donc note.
Elle prend note également qu’elle l’a déstabilisé un peu avec ce simple geste qu’un baiser sur sa joue. Rien de sexuel. Rien d’ambigu pour une fois. Juste un simple baiser de remerciement. Sans doute là, le plus authentique de tous. Le diable se cache toujours dans les détails avec elle. Le silence qui s’égrène n'est pas dérangeant mais marque autre chose que Neith remarque. De la mélancolie ? Pourquoi donc ? Si le naturel des compliments à peine voilé revient au galop, Neith ne peut s’empêcher de sourire en coin. Il redevient brillant comme le soleil alors que son astre n’est plus là et engloutit son verre comment si sa vie en dépendait. Neith, elle, y a à peine toucher. Mais de le voir boire si vite, quelque chose se fige en elle. La réalisation que l’hypervigilance revient. Elle a trop d’expérience maintenant pour le laisser paraitre, mais déjà, elle se montre plus attentive encore à lui et son comportement. Se faisant, elle se trouve ridicule. Ils ont couché ensemble quelques heures auparavant ici même… et elle en est encore là.
Oui, mais quelques heures auparavant il ne faisait pas nuit, pensa-t-elle, sachant parfaitement d’où cette réflexion venait.
La nuit, les gens se révèlent plus que le jour. Et cette nuit sous les étoiles de Nout et le cosmos de Neith, elle sait qu’elle sera maîtresse de son existence mais que l’équilibre est précaire. Il semble dévoiler un secret dans le creux de la nuit qui tombe. Elle, elle sait qu’il lui confie cela, mais qu’elle ne le verra jamais ce soleil à Rome. Elle n’est pas dupe, tout comme elle sait qu’il y a des territoires où elle ne peut aller par respect pour les absents qu’il soit mort ou qu’elle soit vivante. Neith ne répond rien, prend juste le secret et le garde auprès d’elle comme autant d’autres.
Lui se met en action et elle le voit faire. Il a l’air bien là, insouciant presque, et elle, elle se rend compte du pouvoir qu’elle a. Il serait si facile d’en finir maintenant, rendre service à ses vicomtes de Lautrec, ou lui extorquer la vérité une bonne fois pour toute en lui avouant qu’elle n’est pas là que parce qu’il fait bien l’amour ou qu’elle a besoin de vacances et qu’elle apprécie sa compagnie. Mais Neith est plus intelligente que cela. Que fera-t-elle ensuite si elle a ce qu’elle veut, s’il meurt ? Elle ne pourrait pas sortir d’ici, parce qu’ici c’est chez lui et elle ne tient pas à mourir loin de chez elle, ni tout court. Elle voit trop de choses dans le pouvoir qu’elle a présentement sur lui et elle a la patience d’Isis qui part à la recherche des morceaux d’Osiris.
« Je vais te laisser profiter de la piscine. » lui dit-elle calmement et avec un sourire en coin sans détacher son regard de lui. « Il commence à faire frais et j’en ai assez profité. »
Elle bouge dans l’eau, revient sur l’autre côté du bord toujours sans mouiller ses cheveux et remonte l’escalier. Son corps nu retrouve les reflets de la lune et des étoiles. D’un mouvement de poignet, elle se sèche d’un coup de sortilège et récupère sa robe qu’elle renfile. Puis, elle se tourne vers l’italien et lui adresse un sourire, féline :
« Je monte dans ma chambre. Sens-toi libre de passer quand tu voudras. »
L’invitation est ouvertement lancée. Pourquoi jouer aux énigmes qu’elle affectionne pourtant ? La nuit dévoile les âmes et elle est décidée à s’en faire maîtresse. Sans un autre mot, Neith récupère sa baguette dans ses cheveux qui retombent en cascade dans son dos, et elle quitte la piscine pour remonter dans la chambre, sans autre objectif que profiter de la vue ou de la baignoire pour retirer l’eau de la piscine. Elle ne savait pas trop encore.