Dove sei ? - Neith

Neith,

Je dois vous avouer être étonné de ne point avoir reçu de vos nouvelles. Il me semblait que nous avions un contrat en cours, un dont les termes me sont plus qu'importants et dont il me manque vos conditions. J'ai cru, si cela n'est point cavalier de ma part, que vous étiez pourtant enchantée à l'idée de nos futures collaborations. Vous m'en voyez  fort désappointé.

Tout comme vous me voyez mortifié de ce que j'ai pu lire dans le journal. Si c'est là la raison de votre silence, je le comprendrai. J'ai toutefois mené enquête pour savoir qui avait eu l'audace d'espionner nos conversations privés. Sachez, même si la manière ne doit pas vous inquiétez, que cela n'aura plus jamais lieu. Le silence est le meilleur des amants et vous m'en savez grand partisan dès qu'il concerne nos affaires.

J'ai été honnête quand à mes pensées durant notre entretient. Si lettre devait tomber entre de mauvaises mains, gagez que son contenu, comme vous pouvez l'observer, ne saurait nous mettre dans l'embarra. Après tout, comme nous en avons convenu, nous restons partenaires commerciaux. Du moins je l'espère. Me passer de vos services et de votre présence me serait terriblement douloureux.

En espérant de vos réponses,

Dévoueusement vôtre,
Lorenzo

Codage par Libella sur Graphiorum & Chibi sur Loom of Fate

Le petit déjeuner était comme à son habitude bien fourni. Myriam, leur cuisinière, s’était admiration donnée pour le repas dominical et Neith avait l’impression d’être en Égypte. Même si dehors, c’était le froid de Reims, dans l’hôtel particulier des Shafiq, Neith avait l’impression d’être dans sa bulle. Les coussins avaient été disposés et donnaient une indication qu’il manquait pourtant deux personnes autour du repas.
« Sabah al-kheir.* » dit Neith en se penchant sur la joue de son frère.
« Sabah al-nour.* » répondit Yamanu en tournant la tête pour récupérer son baiser.
Neith se redressa et s’approcha de Rawiya qui déposa un baiser sur son front.
« Tu as bien dormi ?** » demanda la matriarche avant de revenir à son thé vert.
« Oui, oui. Et vous ? » Elle avait fait une nuit correcte, même si honnêtement, elle aurait aimé dormir plus. Mais voilà longtemps que Neith ne faisait plus de grasse matinée… surtout quand c’était Cerbère qui se jetait sur son lit pour la réveiller.
Répondant chacun, la mère et le fils continuèrent à boire et à manger tandis que Neith s’assit en tailleur sur son coussin. Elle choisit de prendre une ou deux pâtisseries, des cigares libanais, des baklavas, et se servit son thé vert à la menthe.
« Baba est déjà parti ? »
« Oui, il devait prendre le petit déjeuner avec des nobles. Il reviendra dans l’après-midi si toi tu es encore là. »
Neith a un sourire. Elle se doutait que son père était occupé avec la campagne qui approchait mais il était vrai qu’elle avait envie de passer un peu de temps avec lui et surtout avec toute sa famille. Ruben n’étant pas là ce week-end, elle était plutôt très tranquille.
« Amon’ n’est pas encore rentrée de son voyage. » compléta Yamanu. « Mais ce serait bien qu’on se fasse quelque chose ensemble bientôt. On peut tenter de faire coïncider nos emplois du temps. »
Les femmes de la pièce acquiesçant, la moitié de la famille Shafiq se mirent à discuter tout en mangeant. Jamal, leur majordome, s’approcha alors avec les courriers du jour ainsi que les journaux. Neith décida de laisser le courrier à plus tard et naturellement se tourna vers les journaux. Si elle parcourut rapidement le premier, elle fut interrompue par une Rawiya à la voix incertaine mais douce :
« Ya Amar***, je crois que tu devrais lire cela… »
Neith releva la tête et, intriguée, récupéra le papier. Si au début, elle ne comprit pas bien pourquoi sa mère venait de prendre beaucoup de précaution pour lui donner cela, elle comprit rapidement qu’il s’agissait là d’un papier de commérage qui ne se faisait plus. Nullement surprise de savoir qu’Auguste avait le vent en poupe, elle fronça les sourcils, agacée par le fait que son ex-belle-famille fut qualifiée d’opportuniste. Quant à Arsène et la maison d’Apcher, elle était contente pour lui. Tant mieux s’il avait trouvé un moyen de rembourser ses dettes, malgré le caractère fortement jugeant de l’article.
Mais ce fut lorsque ses yeux furent attirés par le titre « Une croqueuse de diamant à Paris » que Neith comprit avant même de lire son prénom que cela allait parler d’elle.
« Mais quelle bande d’enflures… Sérieusement, Camille et Auguste ? Les commères ne savent plus quoi inventer pour te salir. » s’énerva Yamanu à côté d’elle qui lisait par-dessus son épaule. Et elle était bien d’accord. Camille était simplement un ami cher mais elle n’était pas surprise de savoir que ce genre de rumeurs tournaient. Il fallait dire que Lidia Delacour y croyait elle-même. Quant à Auguste, elle préférait s’étouffer avec son thé. Quelle horreur, épouser son ex-beau-frère… Certains étaient nés avant la honte. « C’était donc lui que tu es allé voir… » réalisa son frère.
Neith releva la tête pour croiser son regard, un regard avec une lueur froide dedans.
« Oui. » Son regard se reposa sur le papier qu’elle termina de lire néanmoins. Elle ne pensait pas grand-chose de la dernière information et déposa calmement le papier sur le plateau où il y avait les autres journaux et courriers.
Autour du repas, un silence s’était abattu.
« Ignore ces rumeurs, Ya Amar. » tenta de la consoler son frère. Lui n’était pas dupe pas plus Neith qui s’était emmurée dans un silence évocateur. Même si elle savait que ce papier n’était qu’un torchon bon à en faire du feu de cheminée, elle était touchée. En public, elle n’en montrerait rien, mais ici…
« Ce n’était pas censé sortir, pas vrai ? Signor Médici t’a promis que cela ne serait pas le cas ? » demanda Rawiya, douce et sa main se posant sur celle de sa fille.
« C’est cela… Et tu penses bien qu’avec ce qu’à l’hommage qui s’est produit chez les Medici dans la semaine, cela commence à faire beaucoup. Il s’en est excusé par ailleurs. »
Rawiya eut un sourire et Neith savait très bien à quoi elle pensait. Puis, son sourire fut désolé. Tout ce que Rawiya ne disait pas, Neith le comprenait parfaitement. Elles avaient eu un nombre incalculable de fois cette discussion et avec Amonet également en tant que femmes de la famille dans un pays où d’une certaine façon, comme cet article du Troll Déchaîné le disait bien, ils seraient toujours considérés comme des étrangers.
« Il s’est passé quelque chose ? »
Un ricanement de Neith. Son masque de calme s’effritait lentement à mesure que la colère montait.
« Oh oui, et il va se passer des choses entre nous. »
Ni Yamanu, ni Rawiya n’exprimèrent de jugement. Elle savait qu’ils lui faisaient confiance même si elle pouvait sentir une certaine inquiétude dans ce silence. Neith reprit :
« C’était son restaurant ou en tout cas un endroit où il était censé assurer la discrétion. Je suis censée revenir vers lui sur mes termes. Et non, avant que vous ne demandiez, je ne compte pas me remarier avec qui que ce soit. »
Elle but son thé qui avait un goût fade. Elle n’avait plus faim ni soif. Son petit déjeuner était gâché.
« Laisse du temps, Neith. Fais profil bas pour l’instant… » conseilla Rawiya.
« Je peux traiter avec Lorenzo en attendant si tu veux. » proposa Yamanu.
Neith fit non de la tête, une moue sur les lèvres.
« C’est gentil, mais je ne pourrais pas l’éviter éternellement… Mais oui, peu importe les termes que je lui devais, il attendra que j’ai mes excuses. »
Déposant sa tasse, Neith se lève.
« Où vas-tu ? »
« En cuisine. » répondit sèchement Neith.
Comme bien souvent quand elle était contrariée, elle avait envie de cuisiner. Cuisine qui se révélait être un désastre malgré ses tentatives. Mais cela la calmait malgré tout et dirigeait sa colère sur autre chose que ce qui la contrariait. Au moins pouvait-elle s’énerver en se rappelant qu’elle aurait fait une femme d’intérieur parfaitement exécrable.
Les Shafiq ayant l’habitude et même si Myriam lui l’avait expressément bannie de la cuisine, ils ne firent rien pour l’arrêter.

*Ces deux formulations veulent dire « Bonjour/Bon matin »
**Tous les dialogues sont prononcés en arabe égyptien.
*** Littéralement « ô lune », terme affectif

Signor Medici,

Je dois également vous avouer que mon silence fait bien écho à ce que j’ai pu lire sur le Troll Déchaîné. Je suis particulièrement déçue de constater que la discrétion promise ne fut pas de rigueur. Je m’interroge donc, qu’en sera-t-il de vos promesses sur notre nouveau contrat si je vous donne mes termes ?

Définitivement, nous pouvons oublier la discrétion même si un de mes termes est effectivement que ce contrat reste confidentiel.

Ne vous y trompez pas, je suis toujours enchantée à l’idée de faire affaire avec vous, et vous restez un partenaire commercial que j’apprécie. Mais vous conviendrez que cela commence à faire beaucoup avec le sujet que nous avons succinctement évoqué lors de notre précédent rendez-vous.

Néanmoins, si je dois vous donner mes autres termes hormis la confidentialité, ces derniers sont simples. Je souhaiterai que ce nouveau contrat ne change en rien la manière dont nous faisons affaire aux Antiques Rêveries, que nos comportements respectifs si d’aventure nous revenons à ce terrain-là pendant notre nouveau contrat, soient exactement les mêmes qu’auparavant. Surtout, si nous en venions à rompre ce nouveau contrat dans le respect de chacun et peu importe que ce soit d’un commun accord ou non, que cela n’entache aucunement les affaires des Antiques Rêveries et notre partenariat. Comme je vous l’ai dit, je ne souhaite pas me passer de vous et je souhaite que ces affaires restent des affaires rentables pour mon entreprise. D’homme d’affaires à femme d’affaires, vous devez sûrement comprendre.

Si vous ne pensez pas pouvoir tenir parole sur ces derniers termes, je pense qu’il vaut mieux que nous restions à nos précédentes affaires commerciales aussi décevant cela soit-il.

En espérant avoir été claire dans ma missive, n’hésitez pas si vous avez des questions.

Respectueusement vôtre,
Neith Tajeddigt Shafiq

Codage par Libella sur Graphiorum & Chibi sur Loom of Fate

Fort heureuse, ce n'était Pipo qui lui avait apporté ce courrier. Lorenzo n'était toujours pas rentré à la demeure parisienne, lui préférant le calme du château de Provence. Il refusait de parler à Agnès, il refusait même de répondre aux demandes. De la Provence, il observait d'un oeil critique le monde, transplanant en journée à Paris pour mieux revenir finir ses nuits dans les draps du sud. Le froid commençait à gagner la capitale et Lorenzo, frileux, s'enfermait lentement dans autre chose. Il n'avait fait venir la moindre femme depuis cinq jours. L'Italien mangeait seul, dormait seul, écoutait, seul de la musique sur un gramophone. Il avait besoin de silence après le tumulte qui s'abatait sur sa vie.

C'est donc un autre elfe de maison que celui dévoué à son épouse qui déposa la lettre. Vous faudra-t-il quelque chose signore ? Lorenzo ne répondit que par la négative. Car il avait parfaitement reconnu ce qui scellait le papier. Neith lui répondait, enfin. Ce torchon de Troll Déchainé avec repousser leur nouvelles rencontres. Dire que Lorenzo avait hâte était un euphémisme. Mais l'Egyptienne le faisait mariner, il le savait parfaitement. Elle aurait été idiote de faire autrement.

Le front plissé, Lorenzo parcouru ses mots. La rancoeur se tapissait entre les lignes. La colère était pourtant retombée. L'Antre, durant une nuit, s'était fait catalyseur. Les ordres, dès le lendemain, inhibiteurs. Elle l'accusait. Qu'aurait-il pourtant à y gagner ? Leur relation commerciale lui était importante. Ce qu'ils tissaient, lentement, lui était agréable. La faire fuir, alors même qu'ils n'avaient consommé le fruit de leur péché était idiot. Mais Lorenzo était homme de public. Combien d'argent le Troll s'était fait sur son dos, lui offrant plus de passion encore qu'il n'en possédait réellement. A écouter le journal, Lorenzo couchait avec toutes les mondaines, allait même jusqu'à séduire les De Valoys. Foutaise. La reine était sa tante, les princesses ses cousines.

Il prit la journée pour réfléchir aux mots de Neith. Devant le flux et le reflux de la mer, il pensait à leur bref tango. A cet instant où elle avait confié bien des secrets. Il croyait avoir crée un fil, accroché au bras de sa douce. Neith était un courant d'air imprévisible. Il devrait faire attention à ses mots. A sa plume. C'est un verre à la main, comme toujours, qu'il entreprit de répondre.

Neith,

Vous le savez, je suppose, le peuple aime les scandales. Les journalistes aiment à suivre mes déboires et mes envies, mes passions et mes instants. Je vous ai juré le secret car je le croyais réel et possible. Je ne m'attendais pas à être trahit par des gens que j'avais payé suffisamment cher pour ne point douter de leur engagement. Cela ne se reproduira plus. Mais les dommage sont là et je ne peux les repousser d'un revers de la main. Vous dire pardon serait cavalier. Si je le pense, si je vous l'offre, je sais toutefois qu'il faudra plus que de simples mots pour oublier, si cela est seulement possible, le scandale.

La famille de Medici et surtout les inestimables biens que vous trouvez pour ma collection ne sauraient se passer de nos accords. L'Italie veut retrouver ses trésors et vous êtes la mieux à même de le faire. Ainsi, j'accepte sans condition votre demande, que je trouve dès plus juste. Nous sommes tout deux adultes et tous deux très bons commerçants. Nul doute que nous saurons nous tenir, quand la nécessité se fait. Vous avez été parfaitement claire. Et j'espère l'être également.

De mon côté j'aimerai pourtant rajouter quelque chose. Vous le savez, je ne le vous cache pas, je suis un homme marié. Et, si ma réputation ne craint plus réellement l'aprobe, je souhaiterai qu'elle n'entache pas la vôtre. Ainsi, et si cela est possible, j'aimerai que nos sorties plus intimes se fassent discrètement. Que nous ne soyons vu en public. Je ne pourrai vous offrir de m'accompagner au ballet, j'en suis navré. Mais il y a bien d'autres joyaux cachés dans notre terre d'accueil, voir dans nos pays respectifs. Accepteriez vous de le découvrir à mes côtés, sans public ni photographe ?

Vôtre,
Lorenzo

Codage par Libella sur Graphiorum & Chibi sur Loom of Fate

Jamal était venu lui amener la lettre personnellement alors qu’elle rentrait du bureau. Neith avait immédiatement reconnu l’écriture mais avait décidé de ne pas l’ouvrir immédiatement. D’abord, elle avait pris le temps de se poser un peu. Il était tard et elle était rentrée tard. Alors, elle avait fait couler un bain et avait demandé à Jamal de lui apporter une tisane qu’il eut tôt fait de lui donner. Dans les vapeurs de son bain aux odeurs de roses de Damas, Neith se saisit finalement de la lettre qu’elle a laissé sur le rebord, l’ouvre et lit.
Un sourcil levé au début, elle ne peut s’empêcher de lire des excuses sans en lire. Mais elle savait qu’elle n’aurait pas plus. Il avait raison dans les faits. Il était empreint de scandale, elle devenait un personnage public à cause de son père. Quant à la suite de son acceptation et de ce qu’il demandait en échange, elle ne put s’empêcher de sourire. Elle ne comptait pas spécialement changer son comportement distant en public, ni qu’ils soient vus en public autrement que pour les évènements mondains ou ceux de l’Aube.
Reposant la lettre, elle décida de profiter encore de son bain non sans venir à prendre une décision à l’issue de celui-ci, et ce ne fut encore qu’au petit matin qu’elle répondit :

Signor Medici,

Il est vrai que notre vie est toujours plus passionnante quand ce sont les autres qui la racontent. Les conséquences, en revanche, sont moins passionnantes.
Vos derniers termes sont également acceptés. J’aime faire découvrir mon pays autrement que par les sites touristiques évidents. Comme je vous l’ai dit, l’Italie m’intrigue et le voir sous un jour que peu connaisse pique ma curiosité. Quant à la France, je pense que nous avons de quoi chacun de nous deux la possibilité de nous surprendre.
J’accepte, avec, néanmoins, une question. Nos gardes du corps rentrent-ils dans l’équation ? Je n’ai aucun souci de confidentialité avec la mienne, mais je peux aussi ne pas demander ses services.
Pour ce qui est de l’Égypte, je n’ai malheureusement pas la possibilité d’y aller avant le mois prochain et je compte y rester quelques temps. Le mal du pays me prend et je ressens ce besoin de m’éloigner de la France. Néanmoins, si avant le 6 novembre prochain, vous avez une idée de ce que nous pourrions découvrir en toute intimité, je suis tout ouïe pour me libérer.

Respectueusement vôtre,
Neith Tajeddigt Shafiq

Codage par Libella sur Graphiorum & Chibi sur Loom of Fate

Neith,

Votre question est légitime. Je crains qu'il nous faille malheureusement accepter nos gardes du corps. J'ai toutefois parfaite confiance dans le silence du mien. Ils seront également parfaitement à même de supprimer les quelque dérangements qui se mettraient sur notre chemin.

Ainsi, et si vous l'acceptez, je vous donne donc rendez-vous en Italie. Là bas, les journaux y sont moins présents. Je connais un hôtel à Pitigliano où nous serons libre de nos mouvements et je me ferai un plaisir de vous faire visiter ce petit joyaux de mon pays. Que direz-vous de Mardi 25 Octobre ? Je saurai me libérer du temps et je pourrai en profiter pour me rendre chez les miens, des affaires m'y attendent.

Je pourrai également vous offrir des excuses, en bonne et du forme. Telle que vous les méritez.

A vous lire,
Lorenzo

Codage par Libella sur Graphiorum & Chibi sur Loom of Fate

Signor Medici,

Dans ce cas, cela me convient.

J’attends avec impatience l’adresse et l’heure à laquelle vous pourrez me recevoir. Sinon, ne vous en faites pas, je prendrai le temps de visiter en bonne aventurière que je suis.

Je vous dis donc à mardi.

Respectueusement vôtre,
Neith Tajeddigt Shafiq

Codage par Libella sur Graphiorum & Chibi sur Loom of Fate