champagne and bodyguard (aislin)

La journée s’était passée bon gré mal gré. La réunion qu’elle avait eu ne s’était exceptionnellement pas passée aux Antiques Rêveries pour la simple et bonne raison que Neith avait eu très envie de sortir un peu de son bureau, aussi sympathique soit-il. En tant que champenoise d’adoption et au vu de l’influence des Shafiq de tout bord à Reims, Neith avait quelques adresses de producteurs de Champexplosif. C’était donc là qu’avait eu la réunion avec un client. Neith avait en réalité passé un bon moment. Les relations qu’elle essayait de consolider avec ce dit client allaient bon train. Il était un des rares à ne pas lui rappeler qu’elle était une femme et que les affaires auraient sûrement dû être gérées par son frère. Mais voilà, la soirée commençait et son client avait dû aller ailleurs mettant fin à leur entretien. Neith pourtant, n’était pas décidée à partir. A vrai dire, personne ne l’attendait chez elle. Tous les Shafiq avaient leur emploi du temps bien rodé, Ruben était à Beauxbâtons. Si elle rentrait, elle allait sûrement se mettre à travailler, enfin lire pour le travail plus précisément. Et même si elle adorait ça, elle qui ne décrochait jamais réellement, elle avait une autre idée.
Son regard se posa sur Aislin, la garde du corps qui travaillait avec elle depuis quelques semaines maintenant. Au début, Neith avait profondément rechigné à l’idée d’avoir quelqu’un qui la suivait partout et tout le temps. Mais elle n’avait plus le choix. Pas après ce qui s’était passé en septembre avec Ruben. Et puis, son père était une figure politique connue. Elle aussi devenait un des visages de l’Aube Sorcière même si plus en retrait. Il devenait évident qu’elle devait faire avec. Lorsque Maeve lui avait proposé les services d’Aislin, Neith avait néanmoins accepté parce qu’elle savait que Maeve avait aussi à cœur sa sécurité et que finalement le choix était judicieux. L’égyptienne ne se voyait pas avec un homme garde du corps pour être honnête et Aislin n’était pas si loin en âge d’elle, semblait être une femme toute à fait censée.
Les quelques semaines depuis qu’elle était à son service, Neith n’avait malheureusement pas eu trop le temps de s’interesser à elle. Son emploi du temps, ses préoccupations… Mais maintenant qu’elle sortait un peu la tête de l’eau, l’idée qu’Aislin sache tout d’elle parce qu’elle ne faisait que son travail, était quelque peu désagréable. Elle avait aussi envie d’établir de bons liens avec sa garde du corps. De femme  à femme.
Ce fut alors avec cette volonté de sympathiser et parce que le personnage d’Aislin l’intriguait qu’elle s’approcha d’elle à la table où Aislin se trouvait.
« Puis-je ? » Neith n’attendit pas sa réponse. Elle s’assit, croisa les jambes sous sa robe et adressa un sourire à Aislin. « Je ne souhaite pas rentrer malgré ma journée terminer. Est-ce que cela te dit que pour ce soir nous mettions de côté nos rôles respectifs pour simplement discuter ? J’aurai bien besoin d’un peu de compagnie. » Et elle désigna la jolie vue sur les champs, le soleil qui s’était déjà couché. « Pour profiter aussi du bon champexplosif et du cadre, si tu le souhaites. »
Neith ne se dérange pas pour la tutoyer. En fait, elle considérait qu’Aislin en savait suffisamment sur elle pour qu’elles dépassent un peu ce stade du vouvoiement.
« C’est moi qui t’invite. Alors fais-toi plaisir. » Il n’y a pas matière à discussion. Etant donné qu’elles dépassaient un peu du cadre du travail, Neith avait réellement envie d’inviter Aislin. Elle héla le serveur pour qu’il leur donne la carte. « Tu te plais en France ? J’espère que je ne suis pas trop mauvaise patronne. » Neith a un sourire en coin. Elle n’est pas du tout du genre à ignorer Aislin mais la considérer comme un être humain à part entière, lui demandant toujours comment cela allait, si elle avait besoin de quelque chose pour son installation en France. Non, Neith n’était pas du genre à considérer ses employés comme des moins que rien. Au contraire, nombreux étaient devenus ses amis au fil des ans.

Un an qu’elle est à Paris, un an qu’elle peine parfois encore à se faire à la ville, venant de base d’un pays, dans un village avec sa meute et à l’écart de tous, ça lui faisait du bien d’être loin de la capitale pour une fois. La louve dominante qu’elle est, femme d’alpha, initialement, se sentait mal à l’aise le plus clair de son temps et se concentre dans ces deux travails la plupart du temps pour se détendre. Depuis qu’elle travaille pour Neith, elle avait appris tellement d’informations sur elle, que parfois, elle ne savait plus où stocker quand elle en apprend de nouveau. Que Neith ne s’intéresse pas à elle dès le début, ne la dérange pas, elle se dit même que c’est normal dans le fond, non ? Aislin est là pour la protéger après tout, mais bizarrement, elle aimerait bien faire un peu plus ample connaissance avec la jeune femme.  

Assise à une table, en train de penser à tout et rien à la fois, elle ne lisait même pas le petit livre en français qu’elle tenait entre ses mains tout en étant aux aguets et surveillant la demoiselle et c’est son employeur qui la sort de ses pensées en lui demandant si elle pouvait s’asseoir, montrant ainsi que la réunion était terminée. La louve n’a pas le temps de dire oui, que la voilà assise en face d’elle. Elle-même sourit. La proposition que Neith lui fait, la prend un peu au dépourvu. Elle est comme perdue, ne s’y attendant pas du tout. — Hé bien, je... Elle cherche ses mots, dans le fond, c’est une bonne idée, elle-même a bien besoin de se détendre, alors autant en profiter, non ? Elle finit par sourire simplement. — Avec joie dans ce cas. Cependant, je n’ai jamais bu de champexplosif, qu’est-ce donc exactement ?  

Aislin est adepte de l’hydromel ou encore de la bière pour sa part. Chez elle, sa meute en avait, beaucoup, d’hydromel fait par leur soin, elle-même savait comment en produire et elle aimerait bien en faire, même juste une bouteille. Même si Neith la tutoie, si on ne l’autorise pas, la louve allait continuer de la vouvoyer. Boire durant son travail n’est pas coutume, mais si on l’autorise... —Allez, va pour une coupe !  
Elle sourit, elle avait le sourire facile à force de côtoyer les mêmes personnes, comme Neith, déjà plusieurs semaines après tout. Elle regarde la carte arriver et autant le dire, elle ne savait pas quel choix faire d’avance et ça se voit sur son visage, étant donné qu’elle faisait presque une expression digne d’un loup battu.  

— Eh bien, ça va, j’en découvre encore sur Paris, mais bouger un peu hors de la ville, me fait du bien. Car Paris est bien trop animé à son goût. Certes, Reims l’est aussi, mais quand elle avait du temps libre, elle aimait aller voir la grande Cathédrale de la ville et l’admirer. La Cathédrale de Reims étant magnifique. — Et non, vous êtes une très bonne patronne, sincèrement. D’ailleurs, je vous fais confiance pour le choix, je ne m’y connais pas assez pour faire le bon choix.  

Elle rit, rangeant alors son petit livre dans une poche intérieure de son manteau, doucement, puis passe une main dans ses cheveux pour les mettre en arrière, ceux-ci la gênant un peu.

Neith remarque qu’Aislin est prise au dépourvu par la spontanéité de la proposition, celle de passer juste un moment entre elles sans que leurs rôles ne soient à présent un frein. S’il y avait une chose que Neith adorait faire dans sa vie, c’était naviguer entre les rôles, tel le caméléon qu’elle pouvait être. S’adapter à son prochain était tout un art et même si parfois, elle restait la fille de bonne famille, qui plus est à présent fille de Tarek Shafiq, elle aimait profiter de l’élasticité de son caractère. Aislin tombait donc dans une catégorie dont elle n’avait pas l’habitude mais Neith était très disposée à apprendre de sa curiosité qui pouvait être bienveillante autant qu’intéressée. Même si elle le souhaitait, l’intérêt revenait toujours. C’était plus fort qu’elle.
Un sourire indulgent et presque doux sur les lèvres, elle laisse Aislin bégayer puis se reprendre. Satisfaite de voir son employée enthousiaste, Neith lui répond avec un sourire éclatant. Ravie de parler du champagne qu’elle maîtrisait très bien étant donné qu’elle aurait fait une bien mauvaise champenoise d’adoption, Neith lui répondit gaiement :
« Du champagne qui pétille plus fort que le champagne moldu. Tu vas voir. C’est fort amusant. »
Elle s’était prise ses premières cuites au champexplosif et avait amèrement regretté le lendemain parce que tout comme son homologue moldu, le champexplosif tapait le lendemain matin. Mais elle était plus sage (tout du moins, le croyait-elle) et elles n’étaient là que pour déguster et papotter. Rien de bien indécent. Evidemment, si elle devait choisir un alcool ce serait bien plus vers l’hydromel et le whisky qu’elle se tournerait. Mais les deux femmes se trouvaient dans une cave à champexplosif, autant en profiter.
La carte, Neith la connait déjà très bien et elle sait déjà ce qu’elle veut. En observant Aislin, elle remarque bien que cette dernière semble perdue. Regardant un peu la carte rapidement pour se rappeler ce qui serait bien pour une débutante comme Aislin, elle fit un choix et écouta un air serein sur le visage la réponse d’Asilin. Un sourire se dessine sur ses lèvres lorsqu’Aislin admit ne pas savoir quoi choisir et trouva le rire d’Aislin frais et charmant.
« Tu peux me tutoyer tu sais, même pendant le travail. » lui dit-elle. En réalité, Neith avait gardé cette habitude qui n’était pas arabe même avec ses employés. Si en français, le vouvoiement était un marqueur social important, il était inexistant en arabe, peu importait le sexe, le rang, la proximité entre personnes. Elle préférait qu’Aislin le fasse aussi même si cela voulait dire faire des entorses aux codes français… Les marques de respect se trouvaient autre part et pas nécessairement dans le marqueur d’un pronom pour Neith. « Tu as une préférence si tu préfères les alcools plus sucrés ou plus secs ? » demanda-t-elle avant de lever la main pour appeler un des serveurs. Ecoutant la réponse d’Aislin, elle adapta son choix en fonction et prit pour elle-même une coupe de champexplosif plus sucré.
Laissant repartir le serveur, l’égyptienne reposa son regard sur la femme et lui adressa un sourire.
« Oui, Paris est assez particulier. Reims est plus calme à certains égards et tu as plus de nature et de champs qui pourraient satisfaire ton besoin d’espace. » Elle se note à elle-même de faire en sorte qu’Aislin ne se sente pas trop à l’étroit où qu’elle aille. Elle pouvait comprendre le fait que Paris en tant que capitale était impressionnante même si elle, elle adorait cette ville. « Par ailleurs, s’il y a quelque chose que je peux faire pour toi pour que tu te sentes plus à l’aise, vraiment, n’hésite pas. »
Les coupes arrivant, Neith invita Aislin à prendre la sienne avant de lever sa coupe pour trinquer.
« A ton arrivée en France et la bonne patronne que je suis apparemment. »
Elle rit légèrement, contente de son humour. Puis, elle boit un peu, non sans regarder un peu amusée l’expression d’Aislin.
« Tu lisais quoi ? Si ce n’est pas indiscret. » demanda-t-elle, vraiment intéressée et ayant bien entendu remarqué qu’Aislin semblait une lectrice assidue. Elle n’avait pas eu l’œil assez rapide pour savoir ce que pouvait bien lire Aislin.

Aislin n’est pourtant pas le genre à être surprise pour un rien en général, mais pour le coup, c’est une première et elle apprécie la spontanéité de la jeune femme. Ça la détend, ça lui change de l’habitude et elle apprécie déjà la jeune femme, et ce, depuis qu’elle la connaît, depuis qu’elle la sert en tant que garde du corps. Mais elle allait rapidement s’habituer à ça, et elle allait apprécier de voir la spontanéité de la jeune femme, chaque jour, quand elle la verra dans le cadre de son travail. Elle a un sourire sur les lèvres, elle apprend des choses, les découvre, comme ce champagne. Elle avait hâte d’en savoir plus pour le coup, elle s’y connaît en hydromel, mais pas en champagne. Elle penche la tête sur le côté, elle sourit doucement. “ Oh, je vois, c’est fort intéressant ! De mon côté, on va dire que je m’y connais surtout en hydromel.”

Elle émet un petit rire, léger, mais présente, un rire sincère même. Cependant, elle ne s’y attendait pas, à l’entendre dire ça. La tutoyer ? Ce n’est pas dans les formes normalement, mais, actuellement, elle doit saisir l’opportunité, qu’on lui offre. Elle hoche la tête doucement, venant sourire doucement, et haussant les épaules. “ Bien, alors je vais prendre l’habitude de te tutoyer alors. Mais pardonne-moi si je fais l’erreur de te vouvoyer.” Elle rit légèrement, elle allait faire des efforts, elle allait essayer. Mais au moins, ça instaure une bonne ambiance et sûrement, une bonne entente, au fil des jours et mois ou encore, années. Elle vient réfléchir et elle penche pour le sucré, ce qu’elle boit assez souvent de son côté quand on y réfléchit bien. “ Je dirais sucré.”

Observant le serveur venir pour prendre les commandes, elle voit que toutes les deux optent pour du sucré. Paris est beaucoup trop animé pour elle, étant une louve, elle préfère s’isoler loin des rues et des gens en général. Reims est beaucoup plus calme et le champagne lui sied bien à dire vrai et y emménager, enfin, y avoir une résidence secondaire un jour, serait une bonne idée. “ Je songe beaucoup à prendre une résidence secondaire le moment venu. J’ai besoin de ce genre d’endroit.” Elle rit. Elle vient de la nature, elle aime être loin des grandes villes. “Tu fais déjà beaucoup en ayant accepté que je sois ton garde du corps et merci.”

Quand les coupes se présentent, elle récupère la sienne doucement, et la lève alors. Elle sourit en hochant la tête. “ A la bonne patronne que tu es, oui !” Et elle le pense vraiment. Puis, elle vient sortir son roman, après avoir bu un peu de son verre. Un roman de la littérature norvégienne. “ Les Gens de Hellemyr de Amalie Skram.” Elle pousse le roman vers elle. Venant faire un court et rapide résumé du roman, elle aime partager ce qu’elle aime. “ Je lis beaucoup de ce genre de roman quand je le peux.”

L’hydromel ? Le regarde Neith s’illumine un instant.
« Je suis une grande appréciatrice d’hydromel également. Mon père en a une jolie collection. Je te ferai goûter à l’occasion… Hors de tes temps de travail, évidemment. » répondit Neith en faisant un clin d’œil à Aislin.
Il y aurait bien des moments, elle l’espérait, où elles pourraient simplement être deux femmes qui apprécient la compagnie de l’une et de l’autre. Pour Neith, si Aislin en savait beaucoup sur sa vie, la contrepartie était qu’elle ne tenait pas à garder ses distances. Pour Neith, laisser quelqu’un rentrer professionnellement dans son intimité était en réalité quelque chose qui la laissait inconfortable. Elle avait eu l’habitude avec les Lestrange, les gardes du corps d’Alaric et par extension les siens par moment, avaient été des connaissances qu’elle s’était réellement cherché à connaître. Comme si elle cherchait à rétablir l’équilibre des forces. C’était d’ailleurs bien la seule chose qui ne lui manquait pas depuis qu’elle n’était plus Lestrange. Force était de constater qu’elle devait à présent faire avec maintenant que son père était un homme politique et une personnalité connue. Tant pis. Elle prendrait son mal en patience que tout s’apaise et surtout, elle comptait bien faire d’Aislin une alliée. Une façon comme une autre de continuer à avoir un certain contrôle : elle ne contrôlait pas ce qu’Aislin pouvait voir d’elle et de sa vie de tous les jours puisqu’elle ne pouvait prétendre tout le temps et ne s’y amusait pas, mais elle pouvait au moins contrôler l’affinité relationnelle qu’elles avaient.
Neith ne fut pas surprise qu’Aislin lui indiqua devoir prendre l’habitude de la vouvoyer. Si Neith était une française de cœur, elle constatait bien souvent les quelques différences culturelles qu’elle n’arrivait pas à effacer. Mais elle appréciait l’effort d’Aislin et l’en remercia d’un simple acquiescement de tête.
Les coupes déjà là sous le conseil de Neith qui choisit pour Aislin, l’égyptienne se concentra exclusivement sur elle et l’écouta avec intérêt.
« Tu as une idée de l’endroit où tu voudrais ta résidence ? La France est grande. Tu devrais avoir ton content de nature selon si tu aimes les endroits plus forestiers à l’Est ou arides comme le sud de la France. » demanda-t-elle avec curiosité.
Levant son verre pour répondre à son merci, Neith ne répondit pas. Elle répondrait bien que c’était devenue une nécessité d’avoir une garde du corps maintenant, mais ce serait indiquer à Aislin qu’elle n’était pas voulue et qu’il y avait une proximité forcée entre elles. Elle ne voulait pas qu’Aislin se méprenne. Sa présence était totalement voulue et Neith ne l’aurait pas choisie, refusant de se forcer pour quelque chose d’aussi important que sa sécurité et la proximité qui allait avec. C’était plutôt le sacrifice de son indépendance qui était le sujet et quelque chose qui ne concernait pas Aislin. C’était un conflit uniquement entre elle et elle-même, voilà tout.
Ne pouvant s’empêcher de rire un peu au toast qu’Aislin porta, Neith espérait bien qu’elle fut « bonne patronne ». Elle essayait de l’être en tout cas. Elle ne descella que de la sincérité à ce propos et baissa légèrement la tête avec humilité. Tant mieux si Aislin le pensait vraiment. Cela lui faisait plaisir.
Posant sa coupe, Neith récupéra le livre et lu rapidement le résumé. Sa curiosité piquée, elle se dit que le nom de famille d’Aislin, son prénom également avaient effectivement bel et bien des sonorités nordiques, ce qui se confirmait avec son intérêt de lecture. Aislin, elle
« Cela a l’air très intéressant. » répondit-elle, sincère. Les sujets avaient l’air néanmoins durs mais réalistes. Être né dans un petit village de la Norvège du XIXème siècle ne devait pas être une expérience très paisible sur certains aspects. « Tu as des origines norvégiennes ? Tu vivais là-bas avant de venir en France ? »