[TERMINÉ] Rituel des landes Bretonnes | EVENT 2.1

Suite à sa requête, Camille était resté aussi attentif qu'immobile, réfléchissant déjà aux prochaines possibilités qui pouvaient se présenter à eux. Si la créature magique continuait à roupiller, ils la déplaceraient avec le filet de cordes en espérant ne pas la fâcher. Dans le cas contraire, il espérait pouvoir engager une discussion civilisée qui se révèlerait favorable à leur situation quelque peu urgente. C'est que la nuit n'était pas éternelle et qu'ils devaient encore atteindre la plage avant que des loups n'aillent manger il-ne-savait-plus-quoi.

Fort heureusement le Korrigan se réveilla et même s'il se montra ronchon -mais qui ne le serait pas en étant par terre- ses humeurs n'étaient rien en comparaison de celles qui secouaient Némésis depuis le début de leur mission. L'amertume de la bretonne s'écrasa sans beaucoup d'effet contre le flegme du gentilhomme parisien, dont le sourcil droit se releva avec une once de désapprobation silencieuse. Lui et la jeune artiste allaient devoir engager une petite discussion très bientôt ; il ne se rappelait pas être de ses "amis" pour qu'elle se permette avec lui une telle familiarité.

Mais ce n'était ni l'heure, ni le lieu aussi Camille laissa couler et se concentra plutôt sur le Korrigan. La levée de champignon, la pluie de spore et la vue d'une colonie d'autres 'champegnuel' invita le parisien à s'incliner de nouveau pour ne pas froisser la bonne humeur retrouvée de leur Leagh Maith*. En voyant que Némésis boudait la pipe qu'on lui avait vraisemblablement demandé de ramasser, Camille se permit d'un petit geste de la baguette pour soulever et faire voler jusqu'aux mains du Korrigan son précieux outil de fumage.

Il en était là lorsque la furie bretonne lui retomba dessus sans prévenir. Mais enfin ! Était-elle secrètement croisée avec un Croup pour être aussi teigneuse même lorsqu'elle demandait quelque chose à autrui ? Torche arrachée de ses mains, Camille essaya de la retenir pour avoir quelques informations sur la raison soudaine de sa panique :

"- Ma torche ? Mais, mademoiselle Le Bihan..." Sans avoir le temps de finir, Camille se retrouva abandonné, sans torche, au beau milieu du chemin. "Par Merlin, je comprends l'aspect urgent de la situation, mais tout de même..."

Estomaqué l'espace de quelques secondes, le directeur du Louvre finit par se résigner et leva sa baguette au ciel pour lancer un sortilège informulé de "Lumos". Nimbé dans une lumière diffuse argenté, il se tourna ensuite de nouveau vers le Korrigan et fit voler jusqu'à lui le filet de cordage qu'il déposa au sol pour qu'il n'ait qu'à s'y allonger afin d'être transporté hors du chemin ou relevé sur ses pieds à sa convenance.

"- Je crains de ne pas avoir mieux à vous proposer, Monsieur."

Une fois le Korrigan satisfait, Camille s'approcha de lui pour venir offrir son propre tabac sortit d'une blague de nacre et de bois.

"- Pour nous pardonner du dérangement, accepteriez-vous cette offrande ? C'est un tabac de feuilles séchées importées de Turquie : l'orient samsoun. Sa saveur est d'une certaine intensité, mais sa elle reste légère et délicate grâce à sa base de virginia blonde, cultivée en France. Elle donne une agréable sensation en bouche, ce qui permet de faire ressortir la note sucrée de noisette, alliée à un léger parfum d'épices, le tout rafraichie d'une prolongation en arrière bouche relativement herbacée, ce qui en fait sa renommée."

Sans savoir si le Korrigan était un fin connaisseur ou pas, ce petit exposé sur son tabac à rouler, mais aussi propice au bourrage d'une pipe, lui permettait de gagner un peu de temps pour que Némésis repousse les esprits dans les brumes et fasse avancer l'Ankou une fois que le chemin serait à nouveau débloqué.

Pendant que la petite flammèche s’en va houspiller les spectres, le Korrigan grogne un peu de n’avoir toujours pas sa pipe. Fort heureusement, l’autre sorcier se propose de la lui rapporter, une bonne volonté qu’il ne manqua pas de saluer d’un large sourire, ses grandes mains venant récupérer son bien avec une délicatesse que sa silhouette ne présage sans doute pas beaucoup.

“Ah, au moins un sorcier serviable ici. Merci bien !”

Il se laissa relever avec l’aide du treillage de feuille et de la petite femme qui se joignit à l’effort, et une fois sur ses deux pieds, en profita pour s’approprier la cape qui se transforma promptement en une cape bien moelleuse au motif en tartan vert foncé. Il observa le fond de sa pipe avec un peu de dépit, ayant perdu son contenu à un moment ou un autre de sa sieste et baissa le nez en étant de nouveau interpelé par le sorcier.

“Ooooh mais c’est que ça sent rudement bon !” Il se rengorgea, et se drapa un peu dans sa nouvelle cape. “J’accepte ton offrande, sorcier.”

Et il bourra effectivement sa pipe généreusement, avant de la rallumer, tirant une large bouffée avec un plaisir évident.

“Aaaaah excellent.”

Tandis qu’il fume, le korrigan semble enfin se rendre compte de l’épreuve de la petite flammèche avec les spectres, riant un peu de ses déboirs mais finissant ultimement par aider à disperser les âmes réunies autours de l’Ankou et du cortège, décidément sous un bon jour, à moins que cela ne soit l’excellent tabac que l’on vient de lui offrir. Entre les efforts de Némésis et le coup de pouce fae, le cortège redevient bientôt ce qu’il était.

Dans un grincement de roues, l’Ankou se remet finalement en route, de son rythme tranquille. Autour d’eux, le paysage commence à ondoyer.

“Ah c’est le moment où vous partez je crois !”

S’écartant pour que l’Ankou puisse passer, il observa les deux élus, puis la petite bout de sorcière qui les avait rejoint, et revint à Camille.

“Vous m’avez l’air d’un connaisseur, vous et vous m’avez filé un coup de main, je vous aime bien. N’hésitez pas à repasser, je vous ferai goûter mon tabac la prochaine fois !”

Il eut un sourire impossible à classer comme bienveillant ou carnassier.

“Vous verrez, c’est un goût hors de ce monde !”

Sa forme disparue progressivement, et voilà les sorciers de nouveau en route vers la baie des naufragés, où attend la bataille contre les chiens des équinoxes.

Parfois c'était à se demander comment sa jeune protégée ne s'était pas déjà vue infligée d'un ulcère à voir combien elle semblait tout le temps en colère ! Ou peut-être était-ce l'effet qu'il lui faisait spécifiquement ? Mh. Un autre sujet à aborder lorsqu'ils prendraient le temps de discuter d'ici la fin de l'année. Comme pour Guilhem, l'ancienne Brides allait avoir à lui exposer ses projets, dépenses et avancements sur la période de ces douze derniers mois. Au terme de l'entretien, ils verraient ensemble si le contrat devait être renouvelé et sous quelles clauses.

Camille en état 'ravi' d'avance, sentant déjà sourdre une migraine... Mais tel était le prix à payer pour avoir sous son aile deux des quatre plus grands musiciens de cette ère. Une tourmente incessante de caprices, d'ingérences, de dramas et de crises. "Mais cela en valait bien la peine", pensa-t-il en voyant Némésis s'échiner à repousser les esprits malgré l'obstination de ces derniers à se mêler au reste des vivants. Fier de la voir s'entêter, farouche dans sa défense de l'Ankou et des autres sorciers, Camille releva les yeux sur le Korrigan et lui offrit un petit sourire en coin. Sans être dupe du danger effleurant chaque mot de l'invitation, il répondit malgré tout avec bonhommie :

"- Je retiens l'invitation et apporterait le meilleur vin de ma cave pour aller avec votre tabac."

Il était inutile de froisser la créature en se montrant trop prudent et méfiant sur ses intentions. Le grincement des roues se rapprochant, Camille salua le Korrigan d'un signe de tête avant de presser le pas pour rejoindre le cortège. Il récupéra sa torche, flanqua l'autre côté de la charrette et traversa de nouvelles distances dans un flou magique qui lui soulevait toujours un peu l'estomac. Il fallu d'ailleurs plusieurs minutes de marches pour que Camille remarque le silence de sa jeune protégée. Il lui coula un regard en biais, mais n'osa engager la conversation de crainte d'aggraver son humeur. L'homme se frotta néanmoins le menton, réfléchissant à un moyen de lui remonter le moral pour quelque raison que ce soit, mais fut pris de vitesse.

"- Il semblerait que ce soit le cas, oui." Répondit-il du tac au tac, avec lacé dans la voix une certaine prudence. Il continua de l'observer, ayant l'impression de marcher sur des œufs plutôt qu'un chemin de gravillons et de terre sablonneuse. La suite sembla le détendre légèrement. "Merci beaucoup, Némésis. Il faut dire que j'ai eu la chance d'apprendre auprès de la meilleure en la matière."

Il accompagna son compliment d'un petit clin d’œil complice, réellement sincère sur le respect et l'admiration qu'il portait à la plus bretonne des bretonnes dans tout son entourage. La suite lui fit légèrement hausser des épaules. Que pouvait-il y répondre ? Sa magie était effectivement pleine de surprise, mais peut-être pas de celles dont s'attendait la musicienne. Se gardant bien de le souligner, il préféra répondre de façon générique :

"- C'est un atout qui vient avec l'âge, que voulez-vous. L'âge et de nombreux voyages, pour être parfaitement honnête." Il eut l'ombre d'un sourire, ajoutant d'une voix plus basse en se penchant très légèrement vers elle : "Et je crois me souvenir que vous n'êtes pas en reste vous-même, mademoiselle Le Bihan. Du moins, si je dois en croire les rumeurs collectées à l'Antre."

Il l'observa, très curieux de sa réaction après un tel commentaire ! Et puisqu'ils en étaient à parler de l'Antre des Naufragés, n'avait-il pas vu dans la procession un visage familier ? Camille regarda par dessus son épaule, vit effectivement Lorenzo De Medici et lui fit un signe de tête quand leur regard se croisèrent. Il fit signe à l'italien d'approcher, ne pouvant décemment pas l'ignorer alors qu'ils étaient de si bonnes connaissances. Le voir ici était toutefois une surprise, mais la présence de sa fille à ses côtés vint lui confirmer que la présence du sorcier n'était pas pour "affaire".

"- Bonsoir Lorenzo. Comment vous portez-vous depuis notre dernière rencontre ?" Jonglant avec la torche, il lui offrit une poignée de main, puis salua sa fille d'un signe de tête courtois. "Vous tombez bien, j'avais l'intention de vous inviter à un jeu de cartes que j'organise dans quelques jours, souhaitez-vous rejoindre notre table ? Le Vicomte de l'Estang sera des nôtres avec une excellente bouteille de son cépage des Terrasses du Larzac."

Il n'était pas si vieux ? Et bien, il était surprenant de voir Némésis Le Bihan s'essayer à de la flatterie. Surprenant et presque touchant. Ajoutez à ça son invitation, couplé au compliment de tantôt et Camille pourrait croire que le Korrigan avait jeté un sors à sa jeune protégée ! Ou bien était-ce un effet secondaire des spores magiques ? Gardant pour lui la taquinerie, ne voulant pas risquer de gâcher les efforts de la jeune bretonne, il préféra répondre d'abord à Lorenzo qui le ravissait à accepter son invitation. Entretenir ses relations "professionnelles" était aussi important et délicat qu'une restauration d'art. Heureusement l'italien était aussi à l'aise socialement que lui, ce qui leur facilitait grandement la tâche.

"- A croire que la sagesse de l'Ankou ne se limite pas seulement aux frontières ducales." Rétorqua-t-il, pince sans rire. "Et n'ayez de craintes, mon ami. Je joue pour le plaisir du moment, guère pour gagner. De plus, il paraît que je suis un terrible menteur ! Autant nous serrer les coudes, qu'en dites-vous ?"

Un petit pincement au cœur alors que ses paroles l'emportaient quinze ans plus tôt, en Italie et surtout aux côtés d'Elric. Ce dernier lui avait toujours dit qu'il était un terrible acteur et pire encore comme manipulateur. Il se rappela son regard réprobateur toujours adoucit d'un sourire tendre et permissif. Une boule se forma dans le poitrail du parisien qui dû faire de gros efforts pour ne pas laisser son trouble apparaître aux yeux de tous. Il se racla simplement la gorge, mimant un inconfort causé par les fumées de sa torche -qu'il changea de main- avant qu'il ne reporte son attention sur Némésis en compagnie de Marie, fille de Lorenzo de Medici.

"- Mademoiselle. Un plaisir de vous rencontrer." Salua-t-il galamment. "J'ose espérer que l'expérience est à votre goût malgré les petits désagréments rencontrés."

Gentilhomme jusqu'au bout des ongles, il se proposa de lui faire un baise-main en bonne et dû forme. Ce fut un exercice d'agilité, puisqu'ils continuaient de marcher tout en opérant les salutations. Une fois que ce fut fait, il se redressa et profita que lui et la musicienne soient "forcés" en tête du cortège (et donc légèrement isolés du reste) pour reprendre d'un ton plus bas leurs messes basses. Que Lorenzo entende ce qu'ils disaient ne le dérangeait que peu, son ami italien étant littéralement à la gestion de l'Antre il devait bien déjà avoir une idée de qui entrait et sortait de son "commerce". Mais il ne savait pas où se situait Marie dans les affaires familiales, le forçant à la prudence.

"- Oui, moi à l'Antre." Il offrit à Némésis un petit clin d’œil. Sa surprise à l'imaginer fréquenter un tel lieu était rafraîchissante, comme il s'y attendait. Sa confession n'en fut pas moins sérieuse et étrangement honnête : "Je cherchais à me distraire de mon deuil, puis ce fut la recherche d'abrutir mes sens dans des combats aveugles. Et après ça ? Je ne saurais dire. Un réconfort de quelque sorte dans la routine et la familiarité des lieux." Une légère pause, pondérant cet élan de franchise qu'il n'avait pas calculé. Était-ce la faute à l'Ankou ? Il s'ébroua mentalement avant qu'il ne reprenne avec plus de légèreté : "Vos combats sont toujours aussi spectaculaires d'ailleurs. Ce qui m'oblige à redoubler d'attention lorsque je descends moi-même dans l'arène, ne voulant pas vous avoir comme adversaire et me risquer à une défaite des plus cuisante."

Il n'y croyait qu'à moitié et combattre contre Némésis se révèlerait sans aucun doute une expérience fort instructive, mais il ne voulait pas rajouter entre eux ce lien ambiguë de rivalité à consonances aussi violentes et biaisées. Déjà que leur relation était au mieux difficile... Mais qui sait ? Peut-être parviendraient-ils à se rapprocher en sachant qu'ils avaient tout deux un tel bagage à cacher ! Camille observa rapidement le reste de la procession, puis reporta son regard pâle vers l’horizon. La baie des naufragés n'était plus très loin : il pouvait sentir l'iode charger l'air de son parfum inimitable.

"- Mes voyages m'ont porté aux quatre coins du monde." Reprit le parisien d'une voix audible pour tous cette fois. Il regarda Lorenzo avec un sourire, le reprenant dans la conversation avec l'aisance d'un papillon social : "De nombreux pays et cultures furent mes compagnons les plus fidèles durant mes plus jeunes années, mais je dois confesser que l'Italie fut seule maîtresse à mon cœur ! Depuis la richesse de sa cuisine à ses paysages ensoleillés jusqu'à... et bien, l'accueil chaleureux de ses résidents : il me fut impossible de résister. Et je vous épargne l'éloge de sa richesse artistique, sans quoi je vous assommerais tous..."

Un rire lui échappa, riche et profond de sa voix de baryton. Un éclat presque incongru dans la sobriété de la scène qui les entourait. Les yeux clairs et le sourire éblouissant d'Elric hantaient inlassablement ses pensées.

Lorsque l’Ankou s’arrête enfin, le paysage se teinte d’obscurité, d’un crépuscule mourant, lentement dévoré par l’immensité aqueuse de l’Atlantique. Là, en bas de la falaise, sur la plage de sable et de roches déchirées, les flammes spectrales dansent et crépitent, étoiles chtoniennes ornant la ligne des flots comme un collier. Là, en bas de la falaise, les silhouettes informes, émaciées et ternes des chiens de l’équinoxe se meuvent comme autant de cendres dans les embruns tandis que la masse compacte des sorciers flanque désormais l’Ankou dont la charrette est désormais déposée. Pesamment, celui-ci en tire sa longue faux, la préparant à l’usage. Quelques instants seulement, et il indique aux porteurs de la flamme les emplacements dans lesquels les torches doivent être déposés, sur un humble autel gravé, au bord de la falaise, tandis qu’au loin agonise l’ultime lueur d’un soleil sanglant.


“Maintenant” chuinte la voix comme un souffle de vent, l’Ankou le pas pesant. “Maintenant, sorciers, prenez vos baguettes. Et combattez.”

Camille posa un regard songeur sur la jeune femme, sans critique ou jugement de sa part. Il l'écouta et ne fit aucun commentaire quelconque, craignant que ce fragile instant de partage ne soit définitivement brisé s'il se risquait à la une formulation qui déplairait à l'imprévisible bretonne. Malgré leurs nombreuses frictions et oppositions, le Delacour appréciait sincèrement Némésis, ses nombreux défauts et tords inclus. Perdre cette amorce de confiance lui déplairait énormément, aussi il se contenta d'un léger sourire qui voulait tout et ne rien dire à la fois.

Combattre la jeune sorcière dans l'arène de l'Antre pourrait être une expérience intéressante, mais leur différence d'age, d'expérience et de carrure rendrait le combat par trop de points inégal. Injuste. Cruel, même. Camille songea donc à rester sur le banc si jamais le tableau des paris afficherait à l'avenir le nom de sa jeune protégée. Il ne tiqua alors qu'au nom de Maeve Le Noir et immédiatement le visage de la druidesse lui vint à l'esprit. Son sourire énigmatique et parfois mauvais, ses yeux pétillant de malice et d'intelligence froide. Sa voix suave et venimeuse.

"- Je connais Maeve... Je la voix comme un agent du Chaos. Elle renifle la peur et la faiblesse chez les autres aussi sûrement que les requins reniflent le sang à des kilomètres à la rond en plein océan."

Il n'en dit pas plus, en ayant déjà trop dit. D'ailleurs, le parisien laissa les deux têtes brûlées défendre chacun sa contrée de cœur, le regard plutôt porté sur l'immense et familière silhouette de César de l'Ours. Camille lui offrit un sourire ainsi qu'un signe de tête cordial en lieu et place de salutations. Il n'eut toutefois pas l'occasion de lui adresser la parole, car déjà l'Ankou immobilisait sa charrette et qu'ils était, déjà, sur les hauteurs des falaises. Laissant à l'entité chtonienne le temps de préparer sa faux, lui-même attrapa fermement en main sa baguette magique.

"- Nous y sommes. Préparez-vous..."

Les silhouettes sur la plage ne présageaient rien de bon et leur nombre était plus qu'inquiétant. Attentif, Camille éprouva malgré tout un frisson désagréable dans le bas de l'échine lorsque la voix chuintante de l'Ankou résonna pour être entendue de tous. Et comme si ces quelques mots signalaient un quelconque départ pour les chiens en contrebas, ces derniers s'élancèrent aussitôt vers les cieux avec des aboiements à glacer le sang. Il en venait de partout, émergeant des moindres coins et recoins en un flot incessant.

Camille en repéra un qui était déjà dans les airs, galopant vers les étoiles avec une gueule grande ouverte et une langue pendante. Affamé, ses yeux laiteux et sa silhouette décharnée ne présageaient rien de bon alors que le chien visait le ciel pour dévorer les jours du printemps breton. Sans un mot, le parisien prit le temps de viser et tira un sortilège en un éclair blanc qui tua la créature sur le coup. Le corps fantomatique tomba sur le plage dans un sillage de brume verdâtre.

Pivotant à la vue d'un autre chien au galop dans les airs, Camille tira trop vite et ne fit que blesser la créature qui s'interrompit dans sa course pour se tourner vers le sorcier. Babines retroussées, il révéla de nombreux crocs lustrés d'une bave écumante. Beaucoup de crocs, pensa brièvement Camille avant qu'il n'abatte la créature d'un sortilège mieux ajusté alors qu'elle lui fonçait dessus pour le mordre et, possiblement, l'emporter au bas de la falaise pour qu'il s'y brise tous les os.

Trouvant après ces deux combats successifs un peu de temps pour souffler, il regarda autour de lui pour aviser de la situation. En premier, il s'assura de l'état de Némésis, puis s'intéressa aux autres sorciers quand il fut certain que l'Ankou se débrouillait de son côté.

"- Est-ce que tout le monde va bien ?! S'il y a des blessés, qu'ils soient tirés immédiatement à l'arrière des rangs pour y être soignés. Surveillez les flancs que les Chiens ne nous prennent pas à revers. Restez dans la lueur des torches ! Les esprits pourraient s'agiter et devenir hostiles !" Annonça-t-il d'une voix habituée à commander. Une voix profonde, calme mais non moins autoritaire.