[TERMINE] Good memories to regrets

Si elle répondit à la question d’Auguste qu’elle comptait bien faire les deux, la fabrication des parfums en Égypte antique ainsi que la manière dont les parfums étaient portés, elle ne développa pas plus avec l’arrivée de Ruben. Ils doivent le déposer au village et ils auront largement l’occasion de reparler de tout cela. Neith faisait confiance à Auguste là-dessus.
Se décalant pour laisser un peu d’intimité à Ruben et son oncle, elle ne put s’empêcher de sourire tendrement en les observant. Elle savait que Ruben adorait ses oncles. Elle sentait qu’elle allait entendre parler de ce cadeau dans les lettres de son fils et cela lui faisait plaisir par avance que ce dernier soit heureux même à distance.
Observant finalement son fils partir, Neith ne put s’empêcher de se sentir un peu nostalgique et ressentir réellement le manque d’Alaric. Il y avait certains jours où c’était plus facile que d’autres. Aujourd’hui, avec la combinaison de son propre anniversaire et de la rentrée de Ruben, c’était de fait, un peu plus dur à supporter.
Prenant le bras que lui tend Auguste, ils se mettent en marche et elle l’écoute. Un sourire nait sur ses lèvres. Sans doute Alaric aurait-il en effet suivi pour taquiner leur fils. S’il pouvait se montrer d’un sérieux à toute épreuve, gérant les conflits d’une main de maître, il avait aussi ce côté plus léger qui avait sur la charmer et lui correspondre. Une chose était également certaine : Alaric aurait été fier de son fils. Elle savait à quel point il l’avait aimé, le faisant passer parfois même avant elle-même, ce qu’elle ne lui en avait jamais voulu. Elle faisait pareil après tout. Mais il était vrai qu’il y avait beaucoup de Lestrange chez Ruben. Il avait beau être issu de deux cultures différentes, c’était surtout l’éducation des Lestrange qui ressortait. Cela ne dérangeait pas Neith, même si elle s’occupait très bien de lui inculquer certaines choses de sa propre famille également qui, sur certains points étaient relativement opposées aux Lestrange.
« Merci pour tes mots. » souffla-t-elle d’une voix un peu basse. Auguste savait apaiser parfois ses tourments de femme veuve. C’était exactement ce qu’il venait de faire.
Acquiesçant lorsque ce dernier lui demanda si elle était prête pour le voyage vers le restaurant puisqu’ils y avaient rendez-vous tous les deux en tête à tête, ils parvinrent jusqu’aux Délices d’Ambroisies sans encombre et furent rapidement assis. Observant la décoration qu’elle trouvait charmante, Neith remercia le serveur et posa son regard sur la carte avant de sourire. Un sourire lumineux.
« Avec grand plaisir. Cela fait trop longtemps, effectivement. »
Neith n’aimait pas rester trop longtemps en France. Même si elle aimait le pays, elle n’avait pas le même amour que pouvait avoir son père par exemple ou son frère et sa sœur. Elle, elle avait vécu une partie de sa vie en Égypte et pour elle, la France était une seconde maison. Pas la première pour autant. Elle n’avait jamais renoncé à sa liberté de mouvement et lorsqu’elle avait mis cela de côté, lors de la petite enfance de Ruben et sa grossesse, elle avait été particulièrement malheureuse. Cela avait été d’ailleurs la seule période tendue qu’elle avait connue avec Alaric à ce propos qui avait bien dû admettre que sa femme devait retrouver un équilibre autre que la maternité. Elle avait toujours considéré que c’était avec cette indépendance qu’elle s’était montrée meilleure mère et ne regrettait pas.
Les aventures qu’elle partageait avec Auguste étaient précieuses et trop rares dernièrement. Ils avaient après tout chacun leur vie et surtout Auguste avait plus de responsabilités qu’avant depuis le décès d’Alaric. Elle, elle se retrouvait avec un temps libre dont elle ne savait que faire depuis son décès et surtout la scolarisation de Ruben.
« Où souhaites-tu aller ? J’ai du temps libre à en revendre maintenant que Ruben n’est plus à la maison tout le temps. Je peux me charger de tout réserver et organiser. »
En réalité, c’était une de ses passions aussi, elle qui organisait tous les aspects de sa vie et parfois celle des autres. C’était aussi le début du voyage pour elle que de tout faire en amont.
Reposant son regard sur la carte, elle choisit ce qu’elle voulait manger avant de demander à Auguste : « On prend un vin ? » Elle regarde la liste et son regard se pose sur l’un d’entre eux. Un sourire nostalgique se peint sur ses lèvres. « Celui-ci, si tu veux bien ? » Elle montre le vin en question. L’un des préférés d’Alaric. « Je crois que j’ai besoin de sa présence aujourd’hui. » S’éclaircissant la gorge, elle marqua une pause avant de demander : « Tu sais… Je n’ai jamais demandé, mais sais-tu ce qu’il faisait et où il était quand il a été amené à l’hôpital ? » Et qu’elle avait dû prendre la lourde décision de débrancher son mari pour le déclarer cliniquement mort. Neith referma sa carte et la posa devant elle calmement. Son regard se posa sur son beau-frère. « Ça revient régulièrement en ce moment de savoir ce qui s’est passé. » Parce qu’elle n’avait honnêtement rien retenue à l’époque, tellement dans un choc psychique intense lorsqu’on l’avait prévenue.

L’idée de partir lui plaisait, voir autre chose que la France et l’Egypte. Neith aimait trop ces aventures pour s’en passer. Elle aimait partir seule pour n’être qu’avec elle-même autant que partager ces aventures avec d’autres. Auguste faisant partie de ces privilégiés, Neith aimait l’idée de lui laisser le choix pour sortir également de sa zone de confort, ce qui était également l’objectif pour ces aventures qui n’appartenaient qu’à eux. A la réponse de ce dernier, Neith se mit à réfléchir un peu. Où aimerait-elle aller qu’elle n’avait pas déjà visité ? Il y avait encore tant à faire et à voir. La vie était trop courte même si elle savait que les sorciers vivaient en moyenne plus longtemps que les moldus. Mais tout de même, elle enviait parfois les vampires qui vivaient éternellement.
« Là tout de suite, je pense à l’Inde que je n’ai pas encore eu l’occasion de visiter. Ou bien la Malaisie. » Elle a un sourire amusé. « Ne me demande pas pourquoi la Malaisie, ça vient juste de me venir comme ça. »
Et parfois les idées les plus saugrenues dans ce genre de situation, celles de s’adonner aux plaisirs du voyage, n’étaient finalement pas si mauvaises. Mais elle avait envie d’un endroit dépaysant et chaud. L’Inde était sans doute dépaysante. Tout du moins, c’était ce que tout le monde en disait. Quant à la Malaisie, une île, la plus grande l’Asie du Sud Est avait de quoi faire tourner la tête et donner cette impression d’être dans un autre monde.
Devant la carte, elle ne peut s’empêcher de choisir un vin qu’Alaric aimait particulièrement. C’était, après tout, son anniversaire, elle pouvait bien choisir ce qu’elle voulait. Quant à l’anecdote d’Auguste, elle rit gaiement.
« Cela ne me surprend pas du tout. » commenta-t-elle.
Sans doute qu’il aurait fait pareil avec leur fils s’il avait été encore vivant. Pourtant, elle imaginait bien la tête de Crépus, et elle se rappelait certaines soirées en amoureux où ils avaient tous les deux abusés de ce fameux vin. Les souvenirs en appellent d’autres et Neith se sent un instant bien dans ces souvenirs doux et aimants. La tristesse s’en est allée la plupart du temps maintenant. Certaines choses évoluent, son deuil a définitivement passé une étape.
Mais il y a ces questions en suspens et cette envie de réponse qui vient. Parce qu’après trois ans, il est peut être temps de savoir et de comprendre. Elle, en tout cas, est prête. Elle se dit également que Ruben finira par poser de questions et Neith ne tient pas à être sans réponse devant son fils, ni qu’il pense qu’elle ne souhaite pas avoir quelques envies de justices ou de vengeance à ce propos, les deux étant intimement liés après tout.
Elle commande avec le serveur ce qu’elle souhaite, dont le vin et laisse Auguste faire de même. Elle ne le presse pas. Elle-même essaie de mobiliser ce qu’on a pu lui dire, mais tout est flou encore aujourd’hui, ce qui lui laisse un arrière-goût amer. C’est pour elle une perte de contrôle et Neith déteste cela, ne pas être maîtresse d’elle-même, des autres également. Acquiesçant simplement et étant d’accord avec Auguste, elle attend qu’ils soient définitivement servis.
Prenant le verre de vin qui leur a été servis, Neith vient en sentir les arômes et ne peut s’empêcher de sourire. Des souvenirs tendres reviennent qui s’effilochent alors qu’Auguste répond finalement. Le sourire s’apaise un peu sur le visage de Neith jusqu’à ce que son visage ne se ferme. Auguste était à Chypre. Elle-même était à l’étranger pour une conférence à l’époque. Il semblait que tout se soit passé avec une bonne partie de l’entourage d’Alaric ailleurs. Elle se souviendrait toute sa vie lorsque, Yamanu qu’elle ne pensait pas voir l’avait attendue à la fin de sa conférence. A peine l’avait-elle vu qu’elle avait su qu’il y avait un problème. Si elle avait d’abord cru que c’était Ruben, elle avait pratiquement tourné de l’œil quand elle avait su qu’il s’agissait en réalité d’Alaric. Yamanu avait dû la faire asseoir avant qu’elle ne se mette en mode automatique pour se rendre en quatrième vitesse voir son époux, laissant alors pour la première fois de sa vie un homme s’occuper de tout pour elle. Yamanu n’avait eu que la lettre de Crépus, la lisant pour elle comme elle le faisait parfois quand lui-même était en conférence pour filtrer les informations importantes ou non. Son frère ne savait pas plus qu’elle ce qui s’était passé. Il n’empêchait que l’idée de rouvrir les carnets d’Alaric lui faisait tout drôle et elle but un peu.
« Je dois en avoir quelques-uns également de mon côté. » répondit-elle. Des plus intimes que ceux de ses réunions. Des carnets plus accès sur des pensées et quelques interrogations. Cela l’avait souvent consolée de relire son écriture et de se réimprégner de ses pensées pour ne pas l’oublier. Parce que cela avait longtemps été une peur chez elle qu’il s’efface définitivement de sa mémoire avec le temps qui faisait son œuvre. Cela ne la dérangeait pas de les prêter pour une recherche plus approfondie.
L’anecdote toute aussi personnelle que jolie, fit doucement sourire l’égyptienne. Elle savait qu’Alaric aimait ses frères et qu’il avait pris nombre de responsabilités pour leur permettre d’avoir la vie qu’ils voulaient, lestrangesque sans doute mais aussi et surtout libre. Le poids des responsabilités ne lui avait jamais fais peur et c’était sans doute entre autre pour tout cela qu’ils s’étaient très bien entendus sur ce point. Tous les deux aînés de leurs familles et près à tous les sacrifices pour les leurs, y compris, parfois, leur propre bonheur. Alors, cela ne la surprit pas qu’Alaric eut sauvé la vie à Auguste. Cela ne la surpris pas non plus également de savoir que les ennemis des Lestrange étaient communs. C’était de notoriété publique après tout et Neith avait dû composer avec cela lorsqu’elle s’appelait alors Lestrange. Rien de bien étonnant, ni de nouveau et qui pourtant ouvrait la possibilité à de nombreuses possibilités. Elle ne savait quant à elle pas quoi penser. Alaric avait été en bonne santé, tout du moins, il ne lui avait jamais rien caché à ce propos et cela n’aurait pas été de lui de toute façon.
L’hypothèse qu’avançait alors Auguste après un temps de réflexion et d’hésitation fit hausser un sourcil Neith. Les Médici. Elle savait que Crépus avait toujours eu des griefs contre eux, que Theodora en était la principale cause, mais elle n’avait jamais compris les tenants et aboutissants. Le sujet avait toujours été particulièrement délicat, même pour Alaric qui n’appréciait pas ces derniers. Elle, elle était plutôt neutre. S’il s’agissait uniquement d’histoire de tromperies et coucheries, il n’y avait d’après elle pas de quoi en arriver à assassiner un homme… et en arriver à ces suppositions, particulièrement graves, sans preuves était quelque chose de risqué.
« Je suis d’accord avec toi. Les Médici sont beaucoup de choses, mais ce sont là de graves accusations. » Elle a un sourire désolé. « Et malgré tout le respect que j’ai pour ton père, je ne pense pas qu’il soit très objectif les concernant. »
Neith regarde ailleurs un instant en réfléchissant.
« Je ne me souviens pas qu’Alaric m’a fait part de quoi que ce soit avant cet évènement. Tout semblait normal… » Elle essaie de sourire mais cela se transforme en grimace. « Il revoulait un enfant. Il me l’a dit avant que je parte. Je devais lui donner une réponse à mon retour. »
Son regard tombe un instant dans le vide et puis, elle se réanime pour s’empêcher de rester trop longtemps dans ses souvenirs. Reposant son regard sur son beau-frère, elle demande alors :
« Penses-tu que nous pouvons rouvrir l’enquête ? Je sais qu’on n’a sûrement des éléments minces mais… » Elle soupire. « Je pense que j’ai besoin de ces réponses. » Et elle était persuadée que tout le monde avait besoin de savoir ce qui s’était passé.

Elle ne sait pas ce qu’ils pourraient trouver mais elle aimait se dire qu’Alaric lui disait tout ce qui était utile à savoir. Ils avaient bien sûr tous les deux leurs secrets, sachant parfaitement que tous les deux avaient des informations sensibles qu’ils se devaient de garder. Mais ils avaient toujours été honnêtes lorsque la situation le nécessitait et ils ne se cachaient rien qui pourraient leur faire du mal. Mais Neith savait que sans doute dans la pratique ce n’avait pas été tout à fait vrai et rouvrir cette enquête, c’était potentiellement trouver des secrets qu’ils partageaient ou qu’ils avaient en individuels. Elle savait que ce serait potentiellement dur, mais elle voulait savoir la vérité. Les secrets avaient leur utilité jusqu’à ce que cela ne soit plus le cas. Et s’il fallait que ces secrets blessent, elle était prête à prendre le risque. Elle avait survécu à sa mort. Elle pouvait survivre au reste, n’est-ce pas ?
Repenser à ces derniers instants avec lui était doux-amer. Elle se rappelait de la discussion qu’ils avaient eu et sa volonté d’avoir un enfant. Il n’aura jamais sa réponse et elle, elle ne sait plus ce qu’elle comptait lui répondre. Tout avait été balayé en un instant. Une part d’elle, qu’elle trouvait odieuse, se disait qu’elle préférait la situation telle qu’elle était là, de ne pas avoir été enceinte de lui lorsqu’il était décédé. Cela aurait été bien trop dur de garder cet enfant sans lui. Peut-être aurait-elle trouvé un moyen d’y mettre un terme par ses propres moyens.
Inspirant et expirant, Neith chassa du mieux qu’elle put les pensées concernant cette discussion et but une gorgée du vin qu’ils avaient commandé. Son ouïe, attentif à la façon de pensée d’Auguste perçoit ses paroles et elle repose son regard dans celui clair de son ex-beau-frère. Elle ne sait pas si elle préfère la voie légale ou celle plus officieuse. Sans doute qu’ils n’auraient pas assez matière pour rouvrir l’enquête officiellement et que certaines choses, délicates et propres aux Lestrange, nécessitaient que tout soit mené dans la plus grande des discrétions. Elle se fiait au jugement d’Auguste sur la question. Elle n’était plus une Lestrange après tout, elle ne pouvait pas pousser sur ce côté-là. La venue des Le Floc’h la laisse indifférente. Qu’ils soient républicains ou royalistes, roturiers ou nobles lui importaient peu tant qu’ils faisaient bien leur travail et lui donnaient des réponses.
« Je me fie à ton jugement, Auguste. Je ne souhaite que des réponses. » dit-elle calmement. Une façon également de mettre un point final à son deuil. « Et tant que je suis au courant de l’avancée de l’enquête à toutes les étapes également et consultée s’il y a une décision à prendre. » précisa-t-elle néanmoins.
Parce qu’Alaric avait été son mari. Parce que sa vie avait été détruite aussi, celle de Ruben également qui avait perdu son père. La limite entre justice et vengeance, elle le savait, serait bien floue pour elle sur ce point.
Réfléchissant aux questions d’Auguste, Neith laissa son regard aller dans le vide. Elle essaie de se souvenir des derniers mois. Elle n’avait rien vu. Il avait eu ses problèmes au travail, bien sûr, quelques tensions par ici ou par là. Ils s’étaient même parfois un peu disputés, mais rien qui ne sortait de l’ordinaire. Elle n’était pas étonnée que Crépus et Alaric eurent leurs secrets. Parfois elle devinait ce que c’était parce qu’elle savait faire parler son mari, mais n’en faisait strictement rien. Elle soupçonnait également qu’Alaric la connaissant, savait apaiser sa curiosité probablement de concert avec Crépus. Elle savait bien que leur relation n’était pas que d’amour et d’eau fraîche. Ils étaient deux personnes puissantes à leurs échelles et donc, capable de se manipuler. Elle tentait de se rappeler également de ses amants et amantes, parce que son mari en avait eu. Après tout, leur mariage était loin d’être conventionnel. Ils s’étaient aimés, mais ils avaient aussi aimés d’autres. Leur relation avait toujours passé avant celle des autres. Leur amour ne s’en était que renforcé, sachant qu’ils ne pouvaient pas combler tous leurs besoins et que certaines autres personnes, des métamours y arrivaient et que cela les rendaient heureux. Son regard pourtant se posant sur Auguste, elle se demande s’il était au courant. Elle-même n’était pas spécialement fermée à en discuter mais se montrait toujours particulièrement discrète. Elle se demande si cela allait le choquer ou s’il était au courant de quoi que ce soit. Après tout, Alaric avait été proche de ses frères. Elle lui avait toujours demandé que leurs autres relations, les discussions qui en coulaient ne sortent pas de la famille parce que cela ne les concernait qu’eux et leur intimité, leur bonheur. Elle savait qu’il avait respecté cela mais n’avait jamais demandé ce qu’il en était pour ses frères tout comme lui également n’avait pas demandé pour elle.
Après quelques secondes perdue dans ses pensées, Neith répondit :
« Je me rappelle qu’il y avait quelques tensions au travail, mais rien qui ne sortait de l’ordinaire. Il ne m’a jamais parlé de menace, ni laissé penser quoi que ce soit. Sur ce point, nous nous sommes toujours dit que nous nous préviendrons sans détour. Alors à moins qu’il me l’est caché… » Neith a un sourire désolé. Elle n’a rien à lui mettre sous la dent. Elle espère aussi qu’Alaric ne lui a rien caché sur ce point. Elle savait que son mari avait ce complexe tout masculin et bien lestrangesque, mais elle lui avait mainte fois fait comprendre qu’elle était toute aussi capable de connaître des informations dures à entendre ou de prendre des décisions difficiles. « Tu peux peut-être parler à mon père également. Comme tu le sais, Alaric était très impliqué dans l’Aube. Même si je suis au courant de toute son implication au sein du parti, il est possible que mon père est un autre regard sur tout cela. »
Elle faisait confiance à Tarek pour les aider. Il savait à quel point le décès de son mari l’avait touchée.
Expirant, Neith vient remettre une de ses mèches de cheveux derrière son oreille avant de compléter sa réponse : « Concernant ses relations amoureuses externes, il n’en avait pas sur les derniers mois. Sa dernière relation s’était terminée courant de l’année 1923. Aucune difficulté, enfin, autant qu’une rupture puisse bien se passer. Il n’avait personne en vue et de toute façon, je pense qu’il se préparait à l’idée de redevenir exclusif étant donné ce que tu sais. » À savoir avoir un deuxième enfant. Cette configuration aurait en effet bousculé cela. Neith serait forcément redevenue exclusive également si elle avait dit oui et qu’ils avaient eu le temps. « Je peux néanmoins fournir toute la liste et les dates des personnes qu’il a fréquenté. Nous en parlions régulièrement et il ne me cachait rien là-dessus. C’était notre accord. » Son ton est neutre, calme. Il n’y a aucune rancœur et il n’y en aura pas le moins du monde même si elle savait parfaitement que d’un point de vue extérieur elle pouvait être parfaitement jugée. Cela ne changerait de toute façon pas de maintenant même si elle espérait que son beau-frère ne tomberait pas dans ce travers-là.

Acquiesçant lorsqu’Auguste lui confirme qu’elle ne sera épargnée de rien, Neith se sent un peu plus calme encore. Rassurée de ne pas être seule dans cette démarche, elle fait confiance à leurs ressources respectives pour trouver enfin des réponses. Elle aimerait donner plus d’informations à Auguste, mais la vérité était qu’elle n’en avait pas plus que lui. Quelque part, elle se disait que c’était que tout allait bien entre eux alors. C’était de toute façon une conviction.
Si elle ne s’attendait pas à expliquer plus ni convaincre Auguste maintenant qu’il savait pour leurs autres amours, elle essaya de rester neutre et sans doute se blinda-t-elle intérieurement d’un quelconque rejet ou jugement. Elle ne serait pas réellement surprise en réalité. Après tout, peu de mondes comprenaient que ce n’était pas simplement un accord entre deux époux mariés par arrangement qui ne partageaient aucun sentiment amoureux. C’était bien plus que cela et Neith ne perdrait pas son temps à expliquer. Elle avait suffisamment perdu son temps et sa patience à une époque à ce propos. Et puis, cela touche sans doute aussi des choses intimes. Parce que les métamours d’Alaric, elle les avait aussi rencontrés pour la plupart et elle avait eu de bonnes relations également. C’était le cœur même de leur amour, multiple, et pourtant fort. Alors, lorsqu’Auguste lui assura qu’elle ne la jugeait pas, quelque chose se détend en elle. Il y a toujours cette peur d’être la femme trainée. Ce n’est pas bien difficile dans son cas étant sans doute trop indépendante parfois pour la bonne société et venant d’un pays où l’orientalisme a bon dos dernièrement. Ce n’était pas qu’elle ne faisait pas confiance à Auguste depuis le temps, mais c’était surtout une façon de se protéger parce qu’on ne savait jamais. Ce qui se passait dans le lit des autres semblait être très souvent un sujet de discussion inépuisable et dont tout le monde se sentait pousser l’envie de donner son avis ou juger. Elle ne peut s’empêcher de sourire, touchée par ses paroles, ne s’attendant pas réellement à s’entendre dire que leur couple était idyllique alors. Son sourire s’apaisa à l’évocation de Nikolaï Romanov. Elle se doutait bien que c’était pour Auguste toujours un sujet particulièrement important.
« Oh ne nous met pas sur un pied piédestal. Nous avions nos conflits et nos travers. » Parce que le tableau qu’ils avaient travaillé tous les deux avait beau être sympathique de l’extérieur, Neith savait qu’ils avaient eu tous les deux leurs caractères. « Mais merci. Cela me touche ce que tu me dis. » souffla-t-elle tout de même.
Elle sourit avant de redevenir sérieuse, réfléchissant.
« Honnêtement, je pense qu’il sera plus simple que je m’occupe de baba. » dit-elle. Elle aimait penser que si son père avait des informations, il ne lui épargnerait rien. Cependant, elle précisa également : « Je pense que de toute façon, il est essentiel qu’il soit au courant, et je lui dirai aussi que si nous en avons besoin tu pourrais le contacter. » Elle se doute que son père et sa mère auraient sûrement des choses à lui dire parce qu’ils s’inquiètent en tant que parents, mais Neith sait aussi que c’est une question politique qui rentre en jeu. Tout ce que voudra sûrement Tarek serait qu’elle soit discrète mais surtout prudente pour elle-même, pour la famille. Elle était déjà parée de toute façon à ses arguments, connaissant son père et elle ne ferait rien qui endommagerait le parti. Mais elle comptait aussi mettre sa sœur et son frère sur le coup. Elle savait qu’ils la suivraient au bout du monde s’il le fallait, liés dans le nid des vipères comme les trois serpents qu’ils étaient.
En y réfléchissant, Neith se dit qu’il faudrait sûrement qu’elle ne se perde pas dans cette enquête. Elle savait que cela pouvait devenir une obsession pour elle à cause du temps dont elle disposait parmi toutes ses activités. Restait également un autre élément qui lui vint en tête.
Ruben.
Revenant à Auguste, Neith mit de côté son fils pour réfléchir à d’autres choses sur lesquelles ils pourraient se pencher. Après un court silence, Neith répondit :
« Non, je ne vois rien d’autre pour l’instant. » De toute façon, se dit-elle, ils verraient bien au fur et à mesure et elle n’était pas à l’abri que d’autres éléments lui reviennent.
Expirant, un peu, la jeune femme sentit son visage se fermer alors qu’elle reprit la parole :
« Une toute dernière chose vis-à-vis de cette discussion… » Elle hésite. « J’aimerai que pour l’instant Ruben ne soit au courant de rien. » Son enfant a beaucoup souffert du décès de son père. Elle ne veut que le protéger et tant qu’il n’y a rien, tant qu’ils ne sont sûrs de rien, elle ne veut pas le tourmenter avec cela. C’était leur affaire à eux, aux adultes. Même si elle faisait tout pour le traiter en adulte, lui expliquant beaucoup de choses, surtout depuis le décès d’Alaric, il y avait une différence entre expliquer le décès de son père à un petit garçon de neuf ans et expliquer la reprise d’une enquête avec des potentiels suspects à un jeune pré-adolescent de maintenant presque douze ans. Elle tenait à ce qu’il est une vie normale à Beauxbâtons sans soupçonner tout le monde. « Si on trouve quoi que ce soit, on lui en parlera, bien sûr. Mais si rien ne sort de tout cela, mieux vaut qu’il ne sache rien. » Et elle n’aurait que sa propre déception et tristesse à gérer ce qui serait déjà bien assez pour elle-même.

Elle ne peut s’empêcher de sourire face aux paroles d’Auguste. Si elle avait su rougir, sans doute l’aurait-elle fait. Qu’Auguste les idéalise en tant que couple était adorable et elle le remercie une dernière fois. Elle ne s’étend pas, conscient qu’il est lui-même retenu par sa pudeur toute masculine. Elle lui laisse le temps de se reprendre, regardant un instant ailleurs, observant les lieux mais également les gens autour d’elle.
C’est finalement le sujet de Ruben qu’elle amène à eux, un sujet trop important pour elle pour être passé sous silence. La sécurité et surtout le bien-être de son fils sont capitaux pour elle. Elle ne veut pas le perturber même si elle sait que son enfant avait tendance à vouloir se considérer comme déjà suffisamment grand pour entendre des choses dures. La dureté de la réalité des enfants qui avaient grandis trop vite. A observer son fils, parfois, elle culpabilise, parce qu’elle aussi a dû grandir plus rapidement pour protéger les siens et qu’elle aurait aimé éviter cela à la chair de sa chair. Elle savait que si elle avait bien un point faible, c’était son fils. Plus encore, sans doute, que le reste de sa famille.
Alors lorsqu’Auguste accepte de ne rien dire à son neveu, Neith acquiesce. Ce fut à cet instant d’ailleurs que les plats arrivèrent. Neith hausse un sourcil, se rendant compte que le petit-déjeuner avec sa famille avait été copieux pour son anniversaire. Elle ne finirait pas tout et demanderait à emporter comme elle le faisait souvent. Après tout, elle détestait cuisiner et ratait réellement tout ce qu’elle osait faire en cuisine. Autant ne pas faire de gaspillage. Relevant son regard sur Auguste, elle fronce les sourcils à ses premières paroles n’étant pas sûre d’avoir saisit où il voulait en venir et s’inquiétant un peu.
« A toi également. » lui répondit-elle à son « bon appétit » avant de commencer à se mettre à manger.
Elle attend patiemment qu’il terminer mais son froncement de sourcils s’accentue. Lever le pied ? Etait-il malade ? Elle se mit à l’observer plus attentivement mais ne trouva a priori rien. La mention d’Ira la fit sourire doucement. Oh, sans doute le proposerait avec grand plaisir à Ira et Maverick tant qu’elle y était. Voilà longtemps qu’ils n’avaient pas eu leurs aventures aussi.
« Nous pouvons. Ira doit avoir de bonnes adresses. Peut-être avec Maverick aussi si cela te dit ? »
Continuant de manger, Neith nota également le prénom de Léonore et cette fois-ci, elle ne put s’empêcher de se renfrogner. Depuis le décès de Léonore, Neith ne la consultait plus à titre personnel et ne lui faisait plus confiance, ne pouvant s’empêcher d’avoir toujours cette colère que la jeune femme, qui n’était pas une déité et ne pouvait pas tout régler avec la magie, n’avait pu sauver son mari. Elle n’avait pas le choix que de laisser Ruben à ses soins puisque c’était ce que voulait les Lestrange. Mais elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter et d’autant plus lorsqu’Auguste semblait laisser sous entendre que quelque chose au niveau de sa santé n’allait pas.
« Que t’arrive-t-il ? Tu as un souci de santé ? » demanda-t-elle néanmoins, concernée et tempérée.
Elle ne put s’empêcher de sourire cependant avant de compléter :
« Ne t’inquiète pas. Nous trouverons deux ou trois activités pour ne pas que tu meurs d’ennui. C’est ma sœur qui va être contente par ailleurs. J’ai l’impression qu’elle veut m’assassiner à chaque fois qu’elle voit que je reste tard aux Antiques Rêveries. Elle trouve que je travaille trop. Ca m’évitera qu’elle ensorcèle mes parchemins pour qu’ils m’attaquent si je les touche entre 19h et 8h du matin. »
Un rire s’échappe de ses lèvres. Même si Amonet était terrible, elle savait que cette dernière n’avait que son bonheur à cœur. Ceci dit, elle ne serait pas étonnée que sa cadette en arrive à des extrêmes pareils un jour. Neith se jura de fermer et double fermer son bureau.
« Si je peux faire quoi que ce soit pour alléger ton fardeau, n’hésite pas. »
Elle ne peut s’empêcher de proposer son aide, comme elle l’a fait tant de fois depuis le décès de son mari. Sa façon à elle de prendre soin de lui et surtout de toujours se sentir un peu Lestrange aussi.