[TERMINÉ] Event #1 > Féerie estivale

Le bruissement des conversation autour de leur petit groupe lui donne l'impression d'être dans leur propre bulle. Némésis en oublierait presque que ses oreilles ne sont pas les seules à traîner, dans ce genre d'environnement, que son regard n'est pas le seul à s'égarer au-delà des épaules de ses interlocuteurs. « Tatiana, tu me connais - quand il faut être imbuvable, je suis la championne. Et regarde où ça m'a menée » soupire-t-elle. Elle regrette aussitôt de s'être laissée aller à ce genre de confidences, ici, au milieu de ce nid de serpents. Elle sentirait presque les griffes de Guilhem la frapper dans le dos. Elle reprend ses esprits en rassurant sa prise sur le bras de Tatiana, comme une ancre au cœur de ces eaux agitées. Amarre qu'elle manque d'abandonner en entendant l'opinion de son amie sur la musique. Le regard de Némésis se fait flamboyant, elle ouvre la bouche pour protester. Pour pointer que les maux de l'âme n'auraient pas lieu d'être sans cette société qu'elle tenait tant à critiquer. Pour s'écrier que les chansons ne sont pas une simple distraction sur laquelle balancer mollement la tête. Mais ses invectives sont tuées dans l’œuf quand Tatiana l'entraîne à sa suite, à travers la foule fortunée. Trop occupée à éviter de marcher sur des chaussures hors de prix ou à esquiver les plateaux d'argent, Némésis est contrainte au silence. Jusqu'à ce que les portes du balcon se referment derrière elles, les isolant du reste du monde.

« Un citron trop acidulé, tu m'étonnes, quand tu essayes de me faire avaler de telles salades » grommelle-t-elle en réponse à la plaisanterie. Mais elle ne peut rester fâchée bien longtemps. Tandis que son amie se perche sur la balustrade, Némésis préfère une approche plus classique et appuie ses coudes sur la pierre froide. Son menton vient se loger dans une de ses paumes, tandis que sa tête se penche jusqu'à rencontrer le bras de Tatiana. Le crâne ainsi calé contre son amie, la bretonne laisse son regard se perdre dans l'obscurité, savoure le silence tout relatif offert par les portes fermées. Silence rompu par une remarque dont le mordant tranche avec la candeur démontrée jusque là. Un grand sourire étire les lèvres de Némésis. « Gast, je te préfère comme ça, tu le sais ça ? » Elle comprend, bien sûr, que Tatiana ne puisse présenter à la belle société son réel visage. Qu'elle ne se permette pas de révéler ses véritables pensées. Ça ne l'empêche pas de le regretter. Elle attrape un petit four, qu'elle avale en une bouchée - c'est bien bon et bien mignon mais ça ne vous cale pas un ventre. Pas étonnant que toutes ces belles dames aient l'air de s'être affamées jusqu'à paraître aussi fragiles que du verre. Elle s'apprête à faire une remarque bien sentie sur le sujet, mais Tatiana la prend de vitesse en sautant au bas de son perchoir, aussi agile qu'un écureuil.

Némésis éclate de rire quand son amie l'invite à danser. Un rire sincère, qui illumine la nuit autour d'elles avec bien plus d'efficacité que les sortilèges supposés éclairer le parc. Leurs doigts se rejoignent aussi naturellement que s'ils ne s'étaient jamais quittés, leurs pas les entraînent dans une parodie de valse, au rythme d'une musique qu'elles sont les seules à entendre. Le petit doigt de Némésis vient attraper celui de Tatiana, la guide sur quelques pas d'une danse bretonne, avec un succès tout relatif. Ce qui ne fait qu'accentuer son hilarité. Hilarité qui se tarit toutefois, délicatement, quand leurs pas se font plus lents, leurs corps plus proches et leur étreinte plus intime. Bras glissé dans le creux du dos de Tatiana, la musicienne oublie la politique, les complots, les secrets qui s'échangent derrière les portes closes. Elle oublie même les Brides mêlées à la foule, sa culpabilité et ses regrets. Elle se perd dans la danse, dans la chaleur du souffle de Tatiana, qui sent bon le sucre et le champagne. Il n'est aucun regard indiscret pour voir leurs lèvres se rejoindre en un baiser complice. Nul autre œil que celui de la lune presque pleine, haute dans le ciel étoilé.

 

Eugène... il suffit que son regard croise le mien pour que je sois totalement envouté. Un peu comme s’il venait de me faire boire de l’amortentia. Il y avait chez lui quelque chose de surnaturel qui m’envoutait. Etait-il vraiment humain ? N’était-il pas une créature maléfique qui cherchait à me faire succomber ? Une sirène, une vélane ou que sais-je encore ? Je l’ignorais mais mon bel éphèbe avait bel et bien du sang de vélane dans les veines. Son pouvoir marchait parfaitement sur moi. J’étais totalement enivré. Avec son don, il produisait sur moi, le même effet qu’Auguste produisait naturellement sur moi. Il ne répondit pas à ma question. Il se contenta de fixer de son regard cristallin et de sourire avec ce sourire ravageur. Il reprit sa route en direction des jardins. Je continuais de le suivre sans rien dire. Comme je l’avais fait de l’intérieur du château jusqu’à cette petite cour où il m’avait conduit. J’étais tellement envouté par lui que je n’avais même pas remarqué l’arrivée de celui qui faisait battre mon cœur. En me dirigeant de la cour vers les jardins, j’eu l’impression d’entendre sa voix. Comme s’il rendait hommage aux hôtes et à la princesse. Je détourna quelques secondes les yeux d’Eugène pour voir si Auguste était là. Il ne l’était pas. Sûrement le fruit de mon imagination. Mon regard se posa à nouveau sur Eugène qui avait arrêté de marché et me fixait Comme s’il avait senti que l’espace de quelques secondes son charme avait cessé de fonctionner sur moi, éclipsée par la présence lointaine ou imaginaire de mon unique et véritable amour. Eugène me fixait à nouveau, la voix d’Auguste disparue et je ne voyais à nouveau plus que le demi-vélane. Je continuais de le suivre en direction des jardins. J’ai l’impression que nous avions parcourus des kilomètres dans ces jardins qui ressemblaient plus à un labyrinthe. A présent, nous étions seuls. J’en étais persuadé car je n’entendais aucune pensée. Je ne ressentais aucune émotion sinon les siennes. Je ressentais son désir ardent que je partageais. A l’abri des regards sous un conifère, je sentis ses lèvres brûlantes se poser sur les miennes. Je répondais avec ferveur à son baiser. Je respirais l’odeur de sa peau, et m’enivrait de tout son être. Nos lèvres ne se séparèrent que pour nous laisser le temps de respirer et s’unissaient à nouveau. Répétant ce rituel, encore et encore. Nos vêtements finirent par joncher le sol puis nos corps par les imiter. Nous exécutions un ballet intime et sensuel. Un moment féérique, suspendu hors du temps, où seuls nous existions. Puis lorsque le pêché fût consommé, il posa une nouvelle fois ses lèvres sur les miennes avant de disparaître. Il était reparti, sans rien dire. Si je n’étais pas nu comme un ver, j’aurais cru que tout cela n’était que le fruit de mon imagination. La nuit était beaucoup plus féroce, plusieurs heures avaient dû s’écouler.

D’un geste de la baguette, je me rhabillais avant de me diriger vers le lieu des festivités. La culpabilité me tenait compagnie tout le long du chemin. Je ne pouvais m’empêcher de penser à lui : Auguste. Il devait nécessairement être ici. Il devait me chercher pour passer du temps avec moi et, comme je le lui impose, feindre l’amitié. Pendant ce temps, moi, je venais de faire avec un autre ce que je ne devrais faire qu’avec lui. Qu’aurais-je aimé vivre ce moment avec lui. Trainant ma culpabilité comme une ombre, je finis par arriver sur une terrasse ou deux filles dansent. L’une d’elle a un visage qui m’est familier. Elle ressemble à l’une de mes tantes dans sa jeunesse. C’est impossible. Sûrement mon imagination. Je n’ai pas le temps de plus y penser, apercevant au loin mon père qui me jette un regard noir. Je me dirige vers lui. Sergeï Romanov est furieux. Il me parle en russe et me demande où j’étais passé pendant tout ce temps et m’ordonnait d’aller saluer la princesse héritière et conquérir son cœur de jouvencelle. Il tenait à cette union plus que tout. Le pire dans tout ça, c’était que le père d’Auguste voulait la même union pour lui. Nous étions tous les deux condamnés à séduire la même dulcinée. Nous finirions probablement l’un ou l’autre par l’épouser alors que nous aimerions nous épouser l’un et l’autre.

Lorsque je trouvai enfin la princesse, je le vis, dans la queue pour aller lui parler. Il n’y avait personne derrière lui. Je m’avançais timidement jusqu’à lui toujours rongé par la culpabilité. J’espérais qu’il ne m’avait pas vu partir avec Eugène. Il ne me pardonnerait jamais, j’en étais sûr. « Auguste, mon très cher ami, bonsoir » lui dis-je en lui tendant la main pour la lui serrer comme le voulait l’usage. Lorsqu’il attrapa ma main, je laissais discrètement mes doigts caresser sa paume ressentant une chaleur me parcourir tout le corps avant de retirer ma main. Il ne fallait pas que cet instant ne dure trop longtemps, cela serait suspect. A cet instant, je n’avais qu’une envie, retourner dans ce jardin avec lui et m’offrir à lui. « Je vois que le même devoir nous appelle, mon frère. ». Aux yeux de tous, il était mon meilleur ami, mon frère de cœur. Il m’arrivait souvent de l’appeler ainsi. Dans l’intimité, je lui préférais d’autre nom : comme mon amour. Chacun notre tour nous présentions nos hommages à la princesse héritières et la couvrirent de belles paroles visant à lui faire connaître nos intentions, ou plutôt celles de nos paternels. Lorsque j’eu finis mon devoir, je retournais vers mon père lui faire savoir que j’avais rempli ma mission et qu’à présent j’allais rentrer car ma tête allait exploser. Heureusement, il me donna sa bénédiction et m’indiqua qu’il allait encore rester ici des heures. De quoi profiter pour passer du temps avec Auguste. En passant devant lui, je m’approchais de son oreille « Laisse tomber la princesse et rejoint ton prince chez lui. ». Nouvelle poignée de main amicale, sourire charmeur aux lèvres avant de disparaître