[Lachesis | Alessandro de Medici] Même les silences ont des conséquences

Nom

Il jouit encore de son lustre d’autrefois, nourrissant la fierté patentée de ceux qui s’en drapent comme d’une preuve de leur supériorité. Il sonne comme l’or, comme la magie, comme le sang qu’ils font couler. Qu’ils sont orgueilleux, ce qui réclament le nom de Medici, confortablement installés sur le faste de la Renaissance autant que sur les charniers humains qu’ils ont causés. Ils font si bien illusion, et pourtant la France ne cesse jamais de leur rappeler qu’ils ne sont aux yeux du joyau de la vieille Europe qu’une branche secondaire, noblesse déshéritée, immigrés la queue entre les jambes et le bol à aumônes levé. Il le déteste. Il le haït. Ce nom vulgaire qu’il rêve de rejeter, qui souille sa personne en l’associant à ce ramassis de dégénérés. Pensent-ils réellement l’insulter, lorsque les hommes de son père se toquent de l’affubler du nom de sa mère ? Ah, lui donner le nom d’une femme bien sûr, alors même que leur patron, leur Don porte le sang de femmes-reines païennes. Crasseuse ignorance. Qu’ils éructent donc leurs sots quolibets, lui se satisferait amplement d’être reconnu comme légataire de la lignée de César.

Prénom

Son père ne fut pas présent à sa naissance, comme si le couronnement du lien filial, l’assurance de voir son héritage transmis lui fut parfaitement indifférent. Lorenzo clame un voyage d’affaire mais la vérité, Alessandro la connaît, obtenue des lippes d’un laquais stratégiquement aviné, qu’il vendit ensuite à l'un de ses oncles pour son indiscrétion, laissant l'aîné réclamer les lauriers et s'attachant à le savoir reconnaissant. Agnès fut seule décideuse du prénom qu'il porte désormais, Alessandro, version adriatique d'Alexandre, défenseur de l'humanité. Alexandre le Grand, que père et mère s'arrachaient, guerroyant d'influence sur l'héritier prodigue. Lorenzo, lui, ne s'est jamais battu pour lui. Et si aujourd'hui cela l'arrange, il n'en a pas toujours été ainsi. Constantino, en second prénom, valeurs classiques, rappel des éminentes racines de sa génitrice, l'Imperium romain se riant de l'hubris des Florentins, l'empereur qui légalisa le christianisme. Peu usité, il s'agit sans aucun doute d'une preuve de plus qu'il est davantage attaché à sa famille maternelle qu'à celle de son père dans laquelle il siège pourtant en légataire.

Naissance

Vagissements qui éructent en échos dans le palais Florentin, celui qu'ils prétendent à qui veut bien l'entendre être l'autel historique. Un 16 avril le voit naître, placé entre les bras d'Agnès, sous le regard de ses grands-parents. Son père est à Paris, avec sa putain, et lui est baptisé dans la cathédrale Santa Maria del Fiore. Agnès a fait bonne figure, lui a-t-on narré, mais la gêne était pourtant bien là. 1900 le tournant du siècle pour repère solide, il a aujourd'hui 27 ans, avançant à grand pas vers le zénith de sa virilité.

Parents

Fils aîné de la branche principale des Medicis, Alessandro est le fils de Lorenzo de Medici et Agnès Colonna.
Son père est un être indigne, un ivrogne doublé d'un coureur de jupon, mâle en rut qui trousserait sans aucun doute un arbre si celui-ci possédait un trou à la bonne hauteur. Un homme qui n'a daigné poser les yeux sur lui avant que sa sœur ne vienne au monde, et encore était-ce sur les ordres du grand-père, un homme qui ne partagea rien avec lui, ni joie, ni colère, quand bien même il tenta de jouer les bons pères de familles. Pour y parvenir encore faut-il savoir ce que cela signifie. Mais Alessandro note sans blessure, juge sans colère. Mais il note. Un trait dans son carnet, pour chaque manquement, un trait depuis l'enfance, depuis qu'il sait tenir une plume, un simple décompte dans l'innocence et une promesse une fois celle-ci envolée. D'aucun disent qu'il haït son père mais c'eut été lui donner trop d'importance. Il ne hait pas son père. Il ne le déteste pas. La haine est bien trop intime pour eux deux.
Et Agnès ? Agnès est une icône. Sa madone, celle qui porte la famille comme les péchés. C'est elle qui lui a enseigné les valeurs chrétiennes, elle qui lui a imposé discipline et sérieux tout en demeurant toujours présente, à sa portée. C'est elle qui l'accompagna, fut témoin de chaque étape de son existence et lui offrit tous ses efforts. Sa mère, qui aima son père comme elle le devait et qui ne reçut pour récompense de son devoir accomplit que le mépris et le délaissement, l'hypocrisie. Chacun bâtit sa propre vision de la sainteté. Son père a beau prier les saints, Alessandro a vu sa mère épuisée de la naissance de sa sœur être debout auprès de lui les jours suivants lorsqu'il en eut besoin. Cela ne signifie nullement qu'il n'a nul reproche à lui faire, mais nul être ne saurait être parfait, et ses faiblesses ne font qu'auréoler encore davantage son dévouement, son courage, son martyr. D'autres, moins fortes, se furent sans aucun doute brisées face aux épreuves traversées.
Comme Marie. Douce Marie, angélique Marie, sa sœur, la plus belle femme au monde à ses yeux, mais aussi celle qui fait naître tant de questions chez lui. Qu'elle en soit la cause ou non, Lorenzo ne revint auprès d'eux qu'à la naissance de Marie, pour qui il montra toujours une chaleur qu'il n'eut jamais à son égard et Alessandro n'est pas dupe. Pas plus qu'il est aveugle. Il sait que Lorenzo a vendu Marie aux païennes de Bretagne, qu'elle ne porte la croix que par égard pour lui et Agnès. Marie est une dichotomie, un écueil qu'il ne s'est encore résolut à franchir et espère pouvoir contourner, la conduire une fois encore dans la lumière de la foi. Christ sait pardonner, après tout, et Marie a été influencée par leur père, un homme au sang souillé et incapable de lutter contre ses sombres influences.

Nature du sang

Pureté portée aux nues, d'abord par sa famille, si prompte à se draper dans le décorum de la lignée, faisant gorges chaudes d'un passé suranné. Eux qui se disent de sang bleu, eux qui se disent grands de ce monde lorsqu'ils se roulent dans la pire fange de l'humanité. Par sa mère, ensuite, par Agnès, pour tout le respect qu'il éprouve envers elle, et il ne se souvient que trop bien des sévères leçons destinées à lui faire retenir sa généalogie par cœur. Pureté, une idée puissante, obsédante même, dont il cherche à bâtir sa propre définition, sans la contrainte et les attentes de qui que ce soit. Une pureté gorgée de sens. Une pureté qui lui ressemblerait.

Situation matrimoniale

On le dit damoiseau, l'appellation pudibonde sur les babines ourlées laissant entrevoir les crocs du mépris. Jeune homme bon à marier pour la plèbe et parti stratégique pour la haute bourgeoisie, mais que la noblesse française couve d'un œil complaisant. L'Elyseum se refuse à lui que le nom de Medici condamne irrémédiablement à l'obscurité et à l'insignifiance. Eut-il été un Colonna comme on se targue de l'insulter qu'il eut au moins put prétendre à la main d'une vierge de belle naissance. Car c'est bien ça, leur idée de la pureté. Forniquer entre sangs bleus jusqu'à ce que l'arborescence perde la plus petite once de sens. Aligner les titres comme autant d'épées clinquantes accrochées aux murs et qui y prennent la poussière - quand lui sait en user. Et gare à celui qui y contreviendra. Mais Alessandro comprend, de la même façon qu'il comprit très tôt pourquoi on prend garde au lignage d'un cheval de course ou d'un chien de chasse. Alessandro dispose du parfait exemple d'une mésalliance en la personne de Lorenzo. Un sang pourri, un lignage ridicule. Même ça, il devait le lui gâcher ! Lui... Oh lui... Il ne fera pas la même erreur. Lui choisira sa promise avec le plus grand soin, avec la plus grande attention, un choix qui n'aura rien à voir avec le cœur, et tout avec la tête. Et gare à celui qui chercherait à lui voler ses prérogatives, comme il l'a déjà démontré par le passé. Aveugle petite écervelée choisie pour lui, tombée en pamoison de la falaise à la demande, qu'il a prétendu sans jamais quitter son père des yeux. Lui seul choisira. Lui seul décidera.

Occupation

Fils aîné quoique dédaigné, Alessandro n'en reste pas moins l'héritier des affaires Medici. Et il s'y consacre avec autant de mépris que d'application. Si cette damnée famille n'est qu'un ramassis destiné aux sept cercles, l'empire financier et économique lui sied à merveille et comble encore davantage sa mère de l'opulence qu'elle mérite. Le fait est que pour toute la répugnance qu'il eut tout d'abord envers ces œuvres fangeuses, Alessandro possède une aisance gracieuse à naviguer ces obscurs recoins des travers humains sur lesquels règnent sa famille paternelle. Encore inexpérimenté, la décennie passée à suivre malgré lui les trace de son père ont forgés les fondations de sa prochaine domination. Car il n'a aucune intention de briser ce leg détrempé de sang comme de larmes. Une décennie entière, augurée pourtant bien plus tôt, enfance et innocence arrachées à l'aube de l'adolescence par ceux de sa famille estimant qu'il fut d'ores et déjà un homme. Des hommes qui, encore aujourd'hui, lui font risette en se félicitant de leur décision, sans qu'il n'y accorde plus d'un regard, trop occupé à faire ses armes pour s'embarrasser d'eux tant qu'il ne pèse leur destin dans le creux de sa main.

Scolarité

Il n'y a certainement rien de plus barbant que d'évoquer un parcours scolaire dans le monde sorcier, et comme de juste, il fut étudiant à Beauxbâtons jusqu'à sa septième année, membre de la faction du Zénith. Couronné de lauriers académiques le voilà qui entre dans les hautes institutions de la médicomagie destinée à lui permettre de mieux appréhender certaines subtilités du commerce familial ainsi qu'à lui faire acquérir nombre de connaissances et expériences qu'il mettra par la suite fructueusement à l'œuvre pour les besoins de la famille - pour ses besoins vraiment mais il ne perd rien à laisser les hères s'enorgueillir de ses succès. Il fit aussi profession de foi, étudiant les écrits sacrés et y cherchant des réponses à ses questions, à sa vacuité, sans jamais il n'y trouver rien de plus qu'une sombre fascination et le gout renouvelé du sang de son père sur sa langue furieusement mordue. Le même sang, celui que Lorenzo eut dû vénérer, celui pour lequel Agnès s'est sacrifié. Ecouter les sermons jusqu'à s'en faire tourner la tête et n'y gagner que la fièvre sacramentaire d'un judas encore ébauché.

Composition baguette

La famille Medici pait tout. Logement, frusques, éducation, activités, victuailles. Avez-vous jamais vécu au crochet de l'homme que vous exécrez ? C'est un parfum unique d'humiliation renouvelée. Le rappel constant de votre impuissance, enchâssée à-même la peau, martelé à chaque instant de l'existence. Enfant, il en est venu à refuser de se nourrir jusqu'à ce que son père revienne, uniquement pour n'être accueillit que par l'inconscience et au réveil, le visage inquiet et réprobateur de sa mère. Parce que la mort viendra plus aisément à lui que l'attention de Lorenzo. La famille de sa mère vendit la madone pour le confort monétaire et il ne peut le leur reprocher. Il ne peut que leur reprocher le choix de leur geôlier. Mais si les Colonna ne peuvent lui offrir la sécurité au moins ont-ils d'autres dons dont le gratifier. Ainsi fut dédaigné les fabriquant de baguettes lorsque son grand-père maternel lui fit don de l'une des baguette historique de la famille pour son appel au savoir. Œuvre magnifique d'un artisan romain, en bois de cèdre et corne de serpent cornu, pour 31 centimètres, rigide dont Alessandro prend grand soin, maniaquerie excessive de celui qui comprend le trésor qu'il manie au quotidien. Se faire l'ami de cette baguette bien plus expérimenté qu'il ne l'est fut un réel défi. Elle possède, en outre, un manche sculpté de feuilles de laurier.

Patronus

Un bouclier pour le coeur et l'âme n'est d'aucune utilité lorsque votre être est depuis si longtemps entaché que l'innocence n'est qu'un distant prospect. Une illusion de la société. Sans grande surprise pour ceux accointés avec son passé et ceux qui savent voir au-delà de l'angélique masque de son lustre, Alessandro est incapable de produire un patronus. La joie n'est nullement le moteur de son existence, on y a veillé, et s'il nourrit consciencieusement le venin qui enflamme ses veines en attendant l'heure du talion, Alessandro reconnaît, dans l'espace exiguë et obscure de sa reconnaissance, que ses parents l'ont, en cela, bien armé.

Epouvantard

Surface noire, huileuse même, mortellement paisible dans son écrin de céramique sculptée. D'innombrables éclats de glace y flottent, s'accumulent comme autant de crocs dans une gueule béante qui l'attend, vorace de son énergie, de sa chaleur, de ces lambeaux de lumière qui s'accrochent encore si furieusement à lui. Intime connaissance de sa chair avec ces bords lisses. Combien de fois s'est-il bleuit le corps en tentant d'échapper à la baignoire du sanatorium où son grand père l'envoyait pour essayer de le corriger, de chasser le malin de ses os ? Il a lutté jusqu'à l'épuisement, jusqu'à en être transis dans ces eaux, déchiré jusqu'à la docilité une fois toute sa force échappée. On l'y enfonçait de force, lui maintenait la tête sous l'eau jusqu'à qu'il se torde du besoin animal de respirer, jusqu'à ce qu'il cesse de leur résister et laisse le prêtre procéder aux rituels tandis qu'on lui murmure, encore et encore, combien ces hommes vertueux sont là pour l'aider, pour sauver son âme, pour lui rendre son humanité. Souffre lui a-t-on dit. Souffre pour ton salut. Souffre pour ta discipline. Souffre dans cet espace froid, image de vacuité où ses cris et ses appels se délitent face au silence. Ni sa mère ni son père ne peuvent alors l'entendre, et il a pourtant appelé. Appelé jusqu'à se briser la voix, appelé jusqu'à en saigner. Mais les murs de céramique se referment sur lui, sans la moindre pitié.  

Amortentia

Notes chaudes et végétales du bois de santal dans lequel est sculpté le komboloï qu'il porte toujours d'une façon ou d'une autre, mais aussi de l'orage dans l'air lorsque le ciel rugit et tempête quand lui ne le peut, ersatz de colère divine bienfaitrice, ou encore des notes subtiles mais profondes et caractéristique de certaines eaux de Cologne ou parfums français.  Et puis, il y a le bouquet caractéristique du sud, celui qui ne s'oublie jamais réellement, que l'on inspire en y retrouvant perpétuellement ses souvenirs et ses apprêts, accompagnant la lavande, l'olivier et la chaleur.

Particularité Magique

Lorenzo est peut-être un révoltant exemple de la pourriture humaine, mais Alessandro ne peut lui reprocher de l'étouffer, quand bien même eut-il préféré que son père - et qu'il exècre viscéralement ce mot - cesse d'affirmer qu'il n'a pas les épaules pour l'héritage qui est le sien. Lorsqu'il a affirmé vouloir faire ses armes seuls, lorsqu'il a décidé de monter son propre groupe, recruter ses propres hommes, pour prouver qu'il n'est plus un débutant, Lorenzo l'a laissé faire. Entre pérégrinations personnelles et entreprises familiales se dessina un monde sombre de secrets délicieusement interdits, de magie rare et de croyances distordues et oubliées. Fusse lui qui les trouva ou eux qui vinrent à lui ? La société de l'éclat, tels qu'ils se présentèrent, furent une source de fascination telle qu'aucune vocation philosophique ne put jamais retenir son attention. Au travers d'eux, Alessandro découvre d'autres angles du monde, d'autres facettes de la société, et d'autres voies d'expression, le poussant à rechercher un expert capable de lui permettre d'effectuer le rituel de l'animagus. Triompher de ces faiblesses lui sembla une entreprise si divinement salutaire, museler l'héritage laissé par Lorenzo et cette rampante corruption dans son sang, immonde marque de pêcher que ses innombrables frivolités ont invoqué, nul doute ! Alessandro est aujourd'hui animagus dragon de komodo.