Show me a hero, I'll write you a tragedy
Elric d'AdhémarLACHESIS | SECRET IS THE ONLY WAY.
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missive rédigée par Elric d'Adhémar le22 Octobre 1927 • La Garde • @Gaëlle d'Adhémar
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Le givre enlace le paysage du domaine de La Garde, manteau scintillant sous un précoce soleil hivernal. La nature en sommeil a été saisie soudainement, défaite de ses bruns et de ses ocres au profit d’un vert sombre, du blanc de la saison et de multiples nuances de gris. Le parc offre ses étendues somnolentes en cette fraîche matinée d’Octobre, vaste royaume naturel tendant les bras au travers des solides vitrages du vieux château de la branche benjamine de la famille. Dans l’ancien hall seigneurial transformé en salon communautaire, l’immense cheminée gronde d’un feu ardent derrière des grilles de fonte en damier, ronflant et crépitant sa profonde berceuse. La chaleur se diffuse à toute la pièce, ainsi qu’à certaines limitrophes par un habile système de tuyauterie au sein des murs.
De l’autre côté de la pièce, la grande table familiale, capable d'accueillir jusqu’à une vingtaine de convives, n’est que peu peuplée. L’un de ses angles a été apprêté pour le petit déjeuner par la maîtresse de maison et ses deux aides, mais celles-ci ne sont pas présentes lorsqu’Elric descend ce matin-là. Levé tôt, comme à son habitude, il rejoint les femmes en cuisine afin de les aider à achever les préparatifs des victuailles, laissant ensuite une des aides les porter jusqu’à la table afin de soulager sa jambe blessée. Il leur offrit de prendre le premier tour de déjeuner, pendant qu’il s’occupe de la vaisselle, conscient que les trois femmes se sont levées plus tôt encore que lui-même. Quand il achève la besogne et s’en retourne à la salle commune, c’est Gaëlle qu’il y trouve en lieu et place des cuisinières.
“Bonjour. Tu as bien dormi ?”
Il n’est pas rare qu’une branche de la famille visite les autres, qu’il s’agisse d’une pure visite de courtoisie ou d’un but plus complexe. Voir Gaëlle attablée ici ne lui évoque pas moins un sourire, tandis qu’il s’approche pour prendre également place et observer la tablée qui s’offre à lui.
“Autant manger correctement pour affronter le froid, j’imagine ?”
Comme toujours, sa mère s’est montrée généreuse. Si Anne-Marie ne fréquente le beau monde sorcier qu’au bras de son mari, lors des réceptions obligatoires, elle se montre en revanche d’une incroyable tendresse et générosité lorsqu’il s’agit des membres de sa famille et de leurs plus proches amis. Le petit déjeuner en est une preuve parfaite, quoi qu’en accord avec les valeurs familiales. Elric prit un morceau de pain, un bol d'œufs brouillés et quelques fruits découpés, puis offrit à sa cousine de lui verser quelque chose de chaud à boire avant de prendre lui-même un café et deux sucres. Prenant le temps, Elric ne lance pas tout de suite la conversation, profitant de l’atmosphère tranquille de leur demeure, avant de devoir confronter le spectre chaotique du passé.
Car si cette journée commence paisiblement, Elric sait que la suite sera certainement beaucoup plus complexe. Gaëlle et lui ont en effet prévu de se rendre au monument de commémoration de la bataille de Verdun, et de parcourir les lieux qui ont vu tant de leurs camarades trépasser. C’est la première fois qu’ils se réunissent formellement, une idée qu’il a soumise à son retour d’Hermance, en septembre. Une idée mûrement réfléchie. L’occasion pour lui et Gaëlle de partager un moment bien à eux, avec leurs souvenirs, et leurs pensées. Un moment qu’il espère moins douloureux que cathartique, s’il doit être parfaitement honnête. S'offrir une autre vision des lieux, et pouvoir échanger tous les deux, ou rester silencieux s’ils le désirent.
“Comment te sens-tu ?”
Il relève les yeux de sa tasse pour l’observer avec douceur.
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Gaëlle d'Adhémar leEt alors qu’elle se perdait entre sa tasse, qu’elle remuait mécaniquement de sa cuillère bien qu’elle soit vide, et ses songes, Elric devint ce fil qu’elle recherchait tant. Un fil auquel la jeune femme s’agrippa, sortant de ce pétrin qu’elle avait elle-même imaginé. On avait pas idée de se lancer dans des discussions d’avenir le ventre vide et la tête embrumée après s’être levée à l’aube ! Il fallait qu’elle revoit ses priorités, elle était ici pour passer de bons moments avec les siens. L’Ordre pourrait attendre. Tel était l’avantage de ne point en faire partie officiellement. Ce choix, elle le ferait à tête reposée et sans se prendre les pieds dans les nasses qu’elle tissait avec soin pour de possibles cambrioleurs de méninges !
« Bonjour Elric. Le lit était confortable et votre compagnie à tous et toutes m’est toujours très agréable. Et que dire du grand air de La Garde ? Paris me semble toujours bien gris après vous avoir rendu visite. »
Aujourd’hui était un grand jour, d’une certaine manière. Le sommeil l’avait un peu fuie pour cette raison. Malgré les bons soins de l’Hôtel Dieu, il y avait de ces dates qui ravivaient irrémédiablement de mauvais souvenirs. De bons aussi, étrangement. Dans cette guerre qu’ils avaient vécu tous les deux, il y avait aussi eu des moments de joie. Une joie étrange, entachée par la douleur, par la peur, mais de la joie tout de même. Ces souvenirs lui causaient quelques troubles, de part leur étrangeté. Ils étaient un pont entre deux mondes qui n’auraient jamais du se rencontrer, une Chimère affreuse qui rendait son sommeil léger désormais. Auparavant, ce mélange presque burlesque la réveillaient aussi efficacement que les sirènes précédent les bombardements durant la guerre.
« Oui, nous allons avoir besoin de forces. » confirma Gaëlle, un sourire pâle aux lèvres.
Comme pour appuyer ses propres paroles, et pour se donner du courage pour avaler quelque chose, Gaëlle tendit son bras en direction des victuailles. Manger. Même ce simple fait avait été complexe, une fois de retour chez elle. Elle était plus habituée aux rationnements, aux recettes surprenantes que les soldats avaient du mettre en place pour se nourrir malgré tout. Il lui avait fallu réapprendre à manger sucré ou chaud. A manger de la viande, aussi. Bien que dix années se soient écoulées, il semblait à la sorcière que tout cela remontait à un an à peine. Elle était partie jeune femme et été revenue comme une enfant qui peinait à se nourrir et à dormir convenablement à moins qu’on ne la berce à chacun de ses réveils, provoqués par des rêves bien trop réalistes.
Gaëlle remercia Elric d’un hochement de tête, alors qu’il lui versait du café. Le fond de lait qui s’y trouvait toujours au fond de sa tasse s’y marierait à merveille. La sorcière s’obstina cependant à mastiquer un morceau de pain couvert d’un peu de confiture, au lieu de boire. La question de son cousin la prit légèrement au dépourvu. Penaude, la jeune femme cessa son combat ridicule, avalant difficilement sa bouchée de pain, déposant le reste de la tartine dans son assiette. Comme pour se ménager un peu de temps, pour se ménager tout court, Gaëlle avala le contenu de sa tasse presque de travers. Son corps s’acharnait à lui faire perdre toute contenance !
« Je ne sais pas. avoua Gaëlle, peinée de ce constat, son regard plongé dans le traître café. Oserais-je te poser cette question à mon tour ? Il m’arrive encore de prier de toutes mes forces pour que tout cela n’ait été qu’un cauchemar. »
Un horrible cauchemar. Hélas, lorsqu’elle se réveillait, la réalité ne manquait pas de la rattraper. Si cela n’avait tenu qu’à elle, Gaëlle n’était pas certaine qu’elle aurait osé faire cela. Mais Elric était là et sa présence changeait tout.
« En revanche, je sais qu’avec toi, je ne risque rien. »
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Elric d'Adhémar le22 Octobre 1927 • La Garde • @Gaëlle d'Adhémar
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Un sourire aisé se dessine à ses lèvres. Bien qu’il ait quitté l’innocence de l’enfance depuis longtemps, sa vision du château familial reste la même, un lieu profondément ancré dans son cœur, riche de souvenirs parfois clairs et parfois diffus, indéniablement empreints de sécurité et de bonheur. La Garde est son hâvre, et il sera toujours inconsidérément fier que son hospitalité soit appréciée, comme il eut été fier de ses parents, ou de ses oncles et ses tantes. Le lieu a son histoire et son caractère, son âme propre.
“Je comprends tout à fait ce que tu ressens. Parfois, je dois me rappeler de mon âge et de mes obligations, et me forcer à passer la porte.”
Si Paris est une belle ville, le charme de la campagne médiévale de Bourgogne reste sans pareil pour un natif. S’éloigner définitivement des tumultes physiques comme mondains s’avère salutaire. Le lieu idéal, en sommes, pour confier sa psychée au sommeil au sceau de leur rendez-vous de la journée. Installé dans les puissantes fortifications, à l'abri des couches de sorts protecteurs et de la pierre ancestrale, Elric sait que les chances de s’éveiller en sursaut, en sueur, cœur battant à tout rompre et muscles perclus de crispations douloureuses sont moindres. Non pas nulles, jamais nulles, mais moindre.
Un jour, espère-t-il, un jour tous deux dormiront du sommeil du juste, leurs esprits libres des souvenirs qui s’attardent comme autant de spectres qu’ils ne peuvent tout à fait abandonner. Mais il n’en souffle mot, préférant s’illuminer à l’acceptation de Gaëlle de se remplir un peu l’estomac.
“Et Mère serait dévastée de savoir que tu boudes ses petites attentions, elle a veillé à ce que les viennoiseries et le pain soient faits selon tes préférences.”
Anne-Marie a toujours été un cas à part, au sein de la noblesse sorcière, mais elle a le cœur sur la main et a toujours veillé à retenir les petits plaisirs simples de la vie de tous les jours pour chaque membre de la famille. Femme de peu de mots, à l’affection discrète, ses mots d’amour ressemblent plus souvent à ces milles petits gestes qui peuplent le quotidien.
Lui-même, sa question offerte, vint avant tout s’intéresser à sa propre assiette, afin que Gaëlle ne se sente pas oppressée et contrainte de lui répondre. Croquant dans son quartier de pomme, il prit tout son temps, et ne releva pas le regard immédiatement, même lorsque sa tendre cousine répondit enfin. Son regard, il ne le croisa qu’à la confiance qu’elle lui offre, le respect librement partagé et Elric l'accueil d’un léger mouvement de tête, avant de prendre sa serviette pour tamponner le tendre de ses doigts.
“Je souhaite de tout coeur pouvoir être digne de ta confiance, Gaëlle.”
Reposant la serviette, il prend une gorgée de son verre avant de reprendre, pas pressé pour un sous.
“Parfois, j’ai l’impression que c’est un étranger qui a vécu tout ça. Que je porte les souvenirs de quelqu’un d’autre. Parfois, ils sont trop personnels, comme si ma décharge datait d’hier. Et puis, il y a toutes les questions qui n’auront jamais réellement de réponses.”
Pour lui, la mère des batailles n’a pas été uniquement un creuset d’horreur humaine mais la mort d’une foi qui guidait alors toute sa vie, une pierre angulaire de son identité, si profondément ancrée que se la voir ainsi arrachée l’a laissé vide, à essayer de définir qui il est, intimement. La pleine mesure de la nature humaine l’a frappé de plein fouet avec la violence d’un train en marche. Y penser, même à présent, serre sa gorge et trouble son regard de larmes retenues, à peine esquissées.
“J’ai…” Sa voix s’étiole, et il soupire en se fendant d’une expression lasse et empreinte d’autodérision. “J’ai réussi à retourner prier, en Juillet, pour la première fois. Ou… peut-être pas prier comme je le faisais avant, mais je me suis recueillie. J’essaie d’avoir un dialogue, même seul, aborder un souvenir précis, quand je m’en sens capable… Pas souvent, vraisemblablement.”
Quelque chose, dans sa voix, est rauque des émotions qu’il lisse. Non parce qu’il en a honte, mais parce qu’il cherche à les accepter pour ce qu’elles sont sans être forcé de les laisser s’écouler en explosions ponctuelles. Parce qu’à ses yeux, accepter tout cela est la seule façon d’avancer.
“Et puis, quand je n’arrive pas à dormir, j’apprends à sculpter le bois. J’ai envie de pouvoir faire des jouets pour Gabrielle.”
Un léger sourire, plus fragile.
“Je voulais que tout ça soit un cauchemar, au début. Et puis je…”
Lèvres qui se pincent, léger signe de la tête, frêle sourire, de nouveau, le regard assombrit.
“Je me suis dis que je ne pouvais pas leur faire ça. J’ai tellement peur de les effacer sans le vouloir, de nier ce qu’ils ont tous fait… Je… Je ne sais pas.”
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missive rédigée par Gaëlle d'Adhémar le« Y sommes-nous réellement obligés, d’affronter le monde à nouveau ? s’enquit Gaëlle, rhétorique. Il y a tant à faire ici, personne ne s’en rendrait compte. »
Rêver un peu, cela ne pouvait pas faire de mal. Il y aurait toujours une mission pour leur faire courir les routes à nouveau. L’Ordre, la Justice, la Royauté, la raison varierait mais il leur faudrait aller au devant de leurs responsabilités. Qui sait lorsqu’ils auraient l’occasion de trouver à nouveau un peu de repos de la sorte ? Le monde allait de plus en plus vite et rien ni personne ne pouvait enrayer sa folle course. Il y avait fort à parier que, dans les mois qui suivraient, tous deux seraient fort occupés. Aussi, c’est avec un certain empressement que Gaëlle ramena vers elle quelques viennoiseries. Elle ne souhaitait pas causer quelques maux à sa tante qui avait toujours été aux petits soins avec les leurs.
Par habitude, la sorcière découpa un croissant en plusieurs petits morceaux, les déposant délicatement dans son assiette au fur et à mesure. Une bouchée à chaque fois. Elle avait gardé cette habitude des rationnements et le faisait désormais pour déguster chaque portion plus que la précédente.
« Qui suis-je pour causer du tort à ma chère tante ? Gaëlle se fendit d’un nouveau sourire avant de choisir scrupuleusement l’un des morceaux qu’elle avait disposé devant elle et de le porter à sa bouche. Ces douceurs ressemblent à de petits morceaux de nuage, je ne suis pas un ange pourtant. »
Avec parcimonie, Gaëlle dévora les autres morceaux, laissant la pointe de ses phalanges glisser sur ses lèvres dans une vaine tentative d’en chasser quelques miettes. Elle hocha la tête gravement. Cette impression d’être à côté de son corps, dans les chaussures d’une autre, elle la connaissait bien. Sans doute était-il plus simple pour leurs esprits lésés d’imaginer que ce n’était pas eux qui avaient pressé la détente ou qui avaient tenu le scalpel au moment fatidique. D’imaginer que ces souvenirs appartenaient à d’autres personnes, à un autre univers peut-être. Que tout cela n’avait jamais existé et que ni les Hommes, ni la Terre n’en portait pas les cicatrices.
« Ne renie pas la valeur de chacun de tes pas, Elric. répliqua Gaëlle, en douceur. Ils sont précieux, tu reviens de loin et il faut du temps pour retrouver les chemins que tu parcourais jadis. »
Ils revenaient tous de loin. Et à dire vrai, il semblait à Gaëlle qu’Elric avait davantage voyagé qu’elle. Il parvenait à retrouver de ses anciennes habitudes lorsqu’elle n’avait fait qu’en créer de nouvelles. Pour oublier, peut-être. Ce devait être ça. Un jour, peut-être pourrait-elle l’accompagner en pleine conscience de ses moyens à la prière. Pour le moment, elle se voyait plus toucher le bois de ses créations que celui d’un banc de prière.
« Je suis sûre que cela lui plaira, je sens que tu y mets tout ton cœur, c’est la première étape d’une création réussie. Si en plus tu arrives à leur accorder un soupçon de magie, Gabrielle ne pourra plus s’en séparer. »
Gaëlle porta sa tasse à ses lèvres après l’avoir remplie à nouveau. C’était pour cette raison qu’ils s’étaient retrouvés ici. Pour ne pas les effacer, pour soutenir à nouveau leur souvenir. Une décision que la sorcière ne regrettait pas, bien qu’elle lui brisait le cœur par avance. De tous ceux qui avaient été envoyés, beaucoup n’avaient plus la chance de tout reconstruire. Ils avaient été écrasés sous les semelles de l’Histoire et si on dressait des monuments à leur mémoire, leurs silhouettes se perdaient déjà, au même titre que leurs noms ou leurs prénoms. Leur sacrifice était à la fois rappelé et oublié par la masse informe qu’ils formaient dans l’esprit de ceux et celles qui n’avaient pas connu leur quotidien.
« Je comprends, tu n’as pas besoin d’en dire plus. Gaëlle lui offrit un pâle sourire, compatissante. Ils me manquent toujours. Ils avaient tant de rêves, tant d’espoirs, plus que nous ne pourrons jamais en porter. J’espère au moins que nous ne viendront pas les troubler en allant à leur rencontre. »
Si les fantômes oscillaient entre fantaisie et mythes pour les Moldus, ils étaient bien plus tangibles pour les Sorciers. Une mort violente, imprévue, incomprise… Tout cela collait trop bien aux combats qu’ils avaient menés. Gaëlle était partagée entre la joie qu’une telle apparition pourrait lui provoquer et la peur qui pourrait se saisir d’elle dans un tel cas. Fort heureusement, elle n’était pas seule. Cela allégeait le poids qui pesait sur ses épaules.
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Un léger sourire lui échappe à la trille de Gaëlle. Sa cousine a une chaleur peu commune, un rire communicatif, une douceur et un courage qu'il admire énormément. Alors quand elle sourit, un peu, juste un peu, il le chérit profondément. En dépit de leur écart d'âge, les souvenirs de ces lieux aimés et partagés, de la valeur que la famille possède pour les leur, rapprochent indubitablement, de même que les épreuves traversées ensemble ou en chemins parallèles. Il y a une confiance et une intimité singulières à porter ensemble un poids comme celui-ci comme à pouvoir peindre de leurs esprits las des paysages si similaires par leur seule évocation.
"Ah, d'expérience, il vient nous chercher même lorsque nous nous cachons sous les draps, n'est-il pas ?"
Sa bonne humeur lui fait des pattes d'oie aux coins des yeux.
"Et puis, j'aime croire que nos demeures nous accueillent chaque fois lorsque nous revenons. Qu'on ne les quitte que pour mieux les retrouver, renouveler nos souvenirs et en ajouter. Si je suis loin d'être animiste, je veux bien croire que les demeures aient une vie propre et une personnalité. Pouvoir les écouter narrer leur vision de nos histoires seraient sans doute fascinant."
En vérité, l'idée lui semble particulièrement attrayante. Serait-ce possible, par la magie ? Elric ne s'est jamais posé la question jusqu'ici. Sans doute est-ce un beau projet à poursuivre, pour qui le voudrait. Lui a déjà le sien, à peine entamé depuis début 1927, la fausse-couche de Zinaïda et leur deuil l'a figé net dans son élan, mais Elric ne doute pas que celui-ci reviendra. Il tient à son projet. Avoir la capacité de se projeter au-delà du lendemain, de s'imaginer de nouveaux chemins qui ne tiennent pas uniquement du devoir professionnel ou chevaleresque, c'est aussi la marque du temps qui passe et d'un cœur en lente guérison. Sans doute ne sera-t-il jamais réellement guérit, mais le progrès est là et il est nécessaire.
Conforté, au moins par ces perspectives, il se fait taquin dès qu'il s'agit de la générosité sans bornes de sa mère.
"Je crois qu'attrister Mère finira par devenir un péché capital. Toi et elle, vous pourriez prétendre être divines que personne ne vous dénoncerait."
A croire que les femmes de la famille ont réellement été empruntes du souffle de la Vierge. Ou bien est-ce Marie Magdalène ? Toujours souriant, il reprend son propre petit déjeuner pour mettre ses conseils à exécution. Fut un temps, il a été incapable de s'exprimer, de mettre des mots, même lointains, sur ce qu'il ressentait, noyé sous le chagrin. Il faut dire que tout s'est enchaîné si vite.... La guerre, les attentats, la Russie, tout... Mais parler avec Gaëlle est unique. Même si les mots ne sont ni justes ni exacts, elle comprend. Dramatiquement, parce qu'elle l'a vécu également, en France, et qu'Elric eut préféré souffrir au centuple si cela avait permit de la préserver, mais pourtant salutaire.
"Merci, Gaëlle."
Elle ne veut que son bien, et il en est profondément reconnaissant, ne pouvant qu'espérer qu'elle aussi parvienne à se retrouver. Un éclat de son esprit qu'il saisit au vol sans parvenir à s'en empêcher.
"Hm..." Avec une légère gêne, il glissa : "Ce n'est pas grave, si tu ne retrouves pas tout à fait, tu sais. Du moins, si tu ne retrouve pas tout à fait le toi d'avant. Tu as changé. On a tous changé. Et parvenir à se recréer un univers neuf est tout aussi admirable que de ramasser les ruines du passé. Personne n'est égal, devant ce qu'on a vécu. Tant que ce que tu fais t'apporte quelque chose de bon, tout va bien, non ?"
Son regard vacilla, puis rejoignit la table un bref instant.
"J'espère que tu pourras m'excuser. Je n'ai... C'est plus difficile à contrôler, quand je suis face à un proche."
Se glisser dans les pensées d'un être cher est d'autant plus aisé qu'Elric connaît cette personne, comprend intimement sa façon d'être et ce qui l'anime. Parfois, comme en cet instant, il vole la psyché d'autrui sans s'en rendre immédiatement compte. Sans comprendre qu'il ne s'agit pas d'un dialogue lui étant destiné. Le tout est d'autant plus aisé lorsqu'il est préoccupé, comme en cette matinée. Conserver les limites de son propre esprit est un défi quotidien, lorsque la voix de dieu se manifeste de façon aussi intrusive qu'elle fait pour lui. Des dizaines d'années d'entraînement ont permis de limiter la perte de son identité, mais pas de l'endiguer totalement.
Sur le front, ce fut une malédiction bien plus qu'un don. Combien de fois a-t-il absorbé les ressentis des hommes qui mourraient pendant qu'il donnait les sacrements ? Combien de derniers instants a-t-il vécu par leur intermédiaire ?
"J'aimerais y réussir, oui."
Elric sourit, penaud mais heureux. Il aime sa fille, terriblement et sans réserve. Elle est vive, joyeuse, pleine de créativité... Une enfant qui, il l'espère, ne connaîtra ni la guerre ni la perte. Plût au ciel qu'il n'y eut plus jamais d'affrontements. La der des ders disent-ils. Elric l'espère. Au moins pour leurs enfants. Pour qu'il n'y ait plus jamais de jeunes gens prêts à se sacrifier pour leur patrie. Plus de Gaëlle ou même d'Emmanuel. C'est tout ce pourquoi il prie. Ce pourquoi il continue de se battre contre ce qui menace d'engloutir sa vie. Offrir aux sorciers de demain un monde défait de ces horreurs. Pour que Gabrielle, et d'autres, ne connaissent que la beauté de la magie et du monde.
"Je ne pense pas." fait-il, après un instant de réflexion. "Non, je ne pense pas que nous allons les troubler. Je pense qu'ils se reposent. Et qu'ils l'ont bien mérité. Je pense qu'ils nous regarderont depuis les cieux. Du moins... je l'espère. Et pour ceux qui sont encore perdus là-bas, s'il y en a... Cette fois, il n'y a aucune pluie d'obus pour m'empêcher de les guider."
Il y eut un silence, entre eux, un courant d'air délicat. Cela fait longtemps qu'il n'a pas exorciser un esprit. Il espère en être encore capable. La dernière fois qu'il a essayé de faire office, un loup-garou a manqué de le tuer. Ce n'est pas un antécédent des plus glorieux.
"Voilà que j'ai assombris la conversation, je crois." offre-t-il à Gaëlle dans un rire gêné. "Essayons de finir et puis nous pourrons y aller..."
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Gaëlle d'Adhémar le« Les murs ont des oreilles, si tu veux mon avis. Il ne leur manque que la parole, à moins qu’ils ne soient jaloux de leurs secrets ? »
La sorcière avait déjà songé à un sort de cette nature, capable de faire parler les murs, les objets ou au moins les miroirs. Sur une scène de crime, un tel sortilège pourrait tout changer. Pour autant, elle n’avait rien trouvé dans les ouvrages qu’elle avait pu consulter. Peut-être fallait-il chercher du côté de ces peintres qui parvenaient à animer leurs tableaux ? Ou en direction des photographes qui donnaient vie aux images qu’ils tiraient de leurs appareils ? Il lui semblait surprenant qu’aucun mage n’ait songé à un tel sort. Les idées les plus évidentes étaient souvent celles qui venaient à l’esprit en dernier recours. A moins que des essais n’aient été effectués sans pour autant être concluants ? Elle n’en savait rien et cette situation attisait sa curiosité.
« Je ne commettrai pas un tel péché en me nommant de la sorte, mais je suis flattée, sache-le. Ta mère, en revanche, à tout d’un ange. »
Et elle, de la Faucheuse. Une image de la Mort plus qu’une divinité quelconque, une vue de l’esprit pour des esprits Moldus et Sorciers, pour parer d’attributs compréhensibles l’Incompréhensible. Cette Mort douce, celle qui n’effrayait pas, qui se contentait d’être là, constamment et inconstamment. Une main secourable plus qu’effrayante, en définitive. Gaëlle s’était trouvée dans cette représentation plus qu’elle ne l’imaginait.
« Je t’en prie, c’était sincère. »
Gaëlle avait appris à fermer son esprit à double-tour, aussi bien pour se protéger d’elle-même que des autres. Elle y peignait les paysages qui lui plaisaient le plus, y traçait les labyrinthes les plus surprenants, comme un mécanisme de défense mais aussi d’apaisement. Si des personnes tentaient de se glisser dans son crâne à son insu, ils n’y verraient que l’une de ces toiles savantes, sans aucune prise, sans aucune aspérité. En général, cela suffisait à éloigner les personnes curieuses. Quant aux autres, la sorcière leur réservait un sort tout particulier. Ses souvenirs profonds n’appartenaient qu’à elle. Ces images morbides également. Et pourtant, elle laissait parfois le portail de son âme ouvert, par confort, pour se reposer. Comme en cet instant. Elle était en sécurité, ici. Ses pensées communes n’étaient pas un secret.
« Ça coule dans tes veines, tu n’y peux pas grand-chose. J’aurais pu décider de fermer totalement mon esprit pour ne pas que ça arrive, la faute est partagée. Gaëlle haussa les épaules, montrant que cela n’avait que peu d’importance. Qui plus est, je pense que tu aurais pu le deviner sans même saisir mes sentiments au vol. Gaëlle affichait toujours une certaine bonhomie, quoique un peu ternie. La solitude est plus difficile à vivre selon les jours. La petite Gaëlle de dix-sept ans ne se voyait pas vivre de la sorte, tu dois t’en douter. La sorcière leva les yeux au plafond un instant, comme plongée dans ses pensées. Je ne regrette rien, pourtant. Pas aujourd’hui, en tout cas. »
Elle verrait demain. Et après-demain et ainsi de suite. Chaque jour apportait son lot de chagrin et de joie. Et peut-être qu’un jour, elle pourrait ouvrir l’une de ces portes mentales qu’elle avait pris le soin de refermer totalement. Gaëlle voulait croire qu’elle serait prête à affronter les bêtes monstrueuses qui se cachaient derrière les barrières qu’elle avait érigé. Demain peut-être.
« Vous avez de la chance de vous avoir, Gabrielle et toi. Je t’envierais presque. »
Elle avait perdu sa seule chance d’y parvenir et en avait fait le deuil. Elle gâterait les enfants d’autrui, de ses adelphes, de ses cousins et cousines. L’idée lui plaisait. Après la guerre, il lui avait été douloureux d’assister au bonheur des autres. La sorcière en était revenue. Au fond, créer ce bonheur avec une autre personne qu’Emmanuel lui coûtait plus que de ne pas le créer du tout. On pourrait se moquer de cet attachement qu’elle portait à un amour de jeunesse. Mais personne ne lui avait plus inspiré un pareil sentiment par la suite. Elle avait essayé, pourtant. Chaque chose était à sa place, chaque place avait sa chose. L’équilibre persistait et rien ne semblait pouvoir le troubler.
« … J’espère qu’il en est ainsi. commenta Gaëlle, brisant le silence. Nous avons aussi besoin de repos, tout comme eux. Il faut que je le constate de mes propres yeux, je pense. Pas question de reculer, me semble. »
Non, pas question de reculer. Vidant consciencieusement son assiette et sa tasse, Gaëlle finit par se lever. En entrant, elle avait délaissé sa sacoche, la laissant près du mur. Un vieux réflexe de sa carrière d’infirmière militaire. Il fallait toujours tout avoir sur soi, afin de parer à toutes les éventualités. Les sacs ensorcelés étaient d’une grande aide, dans ce cas de figure. La sorcière y avait glissé une trousse de premiers soins, sa baguette et d’autres babioles dont elle pensait avoir l’usage. Qu’importe si au final le sac n’était pas ouvert ou utilisé. Il avait le mérite d’exister et son contenu lui avait déjà sauvé la mise plus d’une fois.
« J’ai préféré me montrer prévoyante. lança Gaëlle, tout en regagnant sa place, son sac désormais posé sur ses genoux. Nous pourrions croiser un dragon que je pourrais lui asséner la défaite la plus cuisante de son existence avec ce qu’il y a là-dedans. »
Une petite plaisanterie, comme pour essayer de détendre l’atmosphère avant le grand saut. Le tout était de reculer un peu pour mieux se plonger dans cet abysse qui s’offrait à eux.
« Si tu es prêt, je le suis. »
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Elric d'Adhémar le22 Octobre 1927 • La Garde • @Gaëlle d'Adhémar
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Aller un jour à la fois. Voilà leur mantra. Prendre son temps et réussir à mettre un pied devant. Et petit à petit, un jour devient deux jours, puis trois, jusqu’à ce qu’enfin, compter chaque jour ne soit plus nécessaire. Que cela prenne un an ou dix ans, peu importe. Se lever le matin, parvenir à manger, à fonctionner, est déjà une immense victoire, parfois. Il opine sans commenter, n’en ayant pas besoin. Pas plus qu’il ne revient sur sa relation avec Gabrielle, n’ayant rien à dire qu’il pense nécessaire, ou inoffensif. Il a en effet de la chance, que ce soit pour Gabrielle, ou pour son épouse. Si sa vie de famille n’est pas faite de romantisme passionné, lui et Zinaïda ont tout de même réussi à construire une solide affection et une vie de famille équilibrée.
Lorsqu’il rompt de nouveau le silence, c’est pour adresser leur ordre du jour.
“C’est autant pour nous que pour eux. Au bout du compte, même si parfois nous pouvons regretter d’être en vie quand ils ne le sont pas, nous donnons un sens à leur sacrifice. Pouvoir constater les choses, telles qu’elles sont, ne peut que nous faire avancer.”
Achevant son assiette, Elric prit un peu plus de temps pour profiter de son thé, puis commença à rassembler leur vaisselle sale, dans l’intention de la placer en équilibre sur l’un de ses bras pour la rapporter à la cuisine, avant de se souvenir qu’il peut user de magie pour la faire léviter en sécurité jusqu’à destination. Écartant sa chaise de la table avec précaution, afin de ne pas toucher sa jambe, Elric récupère sa canne et enchante les assiettes et les verres pour les conduire jusqu’à destination, en équilibre depuis sa position. La voix de Gaëlle vint dévier son attention et Elric se focalisa quelques instants sur sa tâche avant de lui revenir, peu désireux de briser les superbes sets de porcelaine de sa mère. Elle y tient après tout énormément.
Quand ce fut fait, il s’intéressa à ce que sa cousine commente, et lui offrit un sourire.
“Mieux vaut être prévoyant que désolé. Même si je doute que l’on tombe sur un dragon. J’espère juste qu’on ne croisera pas de charognards. J’ai eu assez de ces horreurs à l’époque.”
Il est difficile de trouver quelque chose de pire qu’une mission nocturne pour recouvrer le corps d’un camarade tombé lors d’une charge et découvrir une créature en plein déjeuner sur les restes. Hélas, Elric eut plus que son content de telles rencontres et en garde des souvenirs abominablement impérissables. N’étant pas retourné sur les lieux des combats depuis, il ne sait pas si la population de ces choses a naturellement diminué avec le manque de nourriture ou si des nids subsistent encore. Taisant cette hypothèse, conscient que Gaëlle a certainement eu des expériences tout aussi regrettables lors de son service comme infirmière de guerre, Elric se redresse et s’éloigne de la table.
“Laisse-moi achever de me préparer, je te retrouverai dehors d’ici un quart d’heure.”
Et effectivement, un quart d’heure lui fut suffisant pour se vêtir correctement, achever de se rendre visage humain, et enfiler un manteau et des chaussures. Il rejoignit Gaëlle devant la grande porte d’entrée du château, remerciant l’intendant sur son passage et une fois dehors, rajusta son écharpe autour de son cou en admirant le grand parc dans toute sa beauté de fin d’automne. Un moment silencieux, il gonfla ses poumons de l’air frais, laissant le vent lui fouetter le visage, avant de finalement se décider à inviter Gaëlle pour rejoindre le portoloin mit en place à leur intention. Bien que le domaine de La Garde soit en Bourgogne, ils sont encore loin des mémoriaux et encore plus loin des anciennes lignes de front.
Ils réapparaissent promptement dans un lieu proche du grand mémorial, situé à Fleury devant Douaumont. Un lieu sécurisé par le Ministère, à l’intention des sorciers venant se recueillir. Ensemble, ils effectuent la marche sur la place principale, jusqu’au chantier en cours pour la construction du mémorial. Le lieu choisi, à quelques kilomètres seulement de Verdun, pour accueillir la mémoire des morts. Le point de départ réel de leur marche personnelle. Ses pas s’estompent à l’approche de la barrière de sécurité, tandis que son regard se porte sur le chantier, sur les fleurs et les mots déposés sur l’autel temporaire mit à la disposition du public en attendant l’ouverture.
“Nous y voilà.”
Elric inspire profondément, puis matérialise discrètement une gerbe de fleurs, des œillets et des arums, et les dépose sur l’autel. Sa main, lorsqu’elle repose sur sa canne, tremble légèrement, et il presse doucement, pour la calmer. Son regard s’attarde sur la silhouette des constructions en cours, pensivement. Quand il s’exprime à nouveau, le froid ambiant donne à son souffle l’apparence d’une buée épaisse.
“Je me demande toujours si la construction de ces monuments provient de notre besoin de mémoire à l’égard des défunts, ou leur besoin d’une ancre auprès de nous.”
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Gaëlle d'Adhémar le« Si fait. Nous leur devons à eux et aux générations futures. Souvenons-nous pour mieux éviter une autre tourmente à l’avenir. »
Sa voix s’était perdue dans un murmure alors qu’elle finissait par se taire. Il lui fallait encore quelques minutes pour se faire à cette idée, pour puiser un peu de courage au fond d’elle. Elle sentait ces visions de malheur ramper dans son esprit, se loger à nouveau dans son crâne malgré les cadenas qu’elle avait pu y placer. Sans leur laisser davantage de temps pour agir, Gaëlle inspira profondément avant de bloquer tout cet air dans ses poumons. Puis elle chassa ces reliquats de passé dans les labyrinthes complexes qu’ils n’auraient jamais dû quitter, refermant précautionneusement portes et mécanismes entre chacun d’entre eux. Un jour, elle devrait les combattre, elle le savait très bien. Mais pas aujourd’hui. Demain, peut-être. Ou même après-demain, ce serait très bien auss. L’Occlumencie était une pratique qui nécessitait une grande précision et une grande concentration. Sa tâche était à peine achevée lorsqu’Elric quitta la pièce. L’attendre dehors. Oui, dehors, ce devait être ça.
Alors, Gaëlle se leva, jetant son sac sur son épaule. Elle réajusta manuellement, jugeant que sa magie serait peut-être plus utile à un autre moment. En d’autres circonstances, peut-être aurait-elle fredonné quelque chose en quittant les lieux. Hélas, au-delà du silence, il n’y avait que des chants militaires qui lui venaient. De ceux qui parlent des charniers, de cet aigle allemand près à les lacérer. L’ancienne infirmière sait qu’elle a chanté d’autres choses. Pour se distraire, pour faire oublier leurs souffrances et les siennes. Des chants joyeux, ceux d’une paix qui reviendrait vite. Hélas, quatre ans de guerre avaient suffit à les lui faire oublier. Mieux valait se taire jusqu’à ce qu’ils soient arrivés à destination.
Une destination qui prend la forme d’une silhouette curieusement décharnée. L’autel n’est pas encore terminé, masqué par quelques échafaudages. Il ressemble presque à ces squelettes qui sont sans doute entassés non loin. Des gens que Gaëlle a essayé de ramener chez eux, qu’elle aurait aimé nommer à nouveau. Mais cette tâche est bien trop grande pour être la sienne. Il y a de ces morts qu’elle ne peut ramener et cette simple pensée lui brise le cœur. Ses yeux s’embrument, mais elle ne pleure pas. Pas encore du moins. Instinctivement, sa main se pose sur celle, tremblante, de son cousin. Elle sent qu’ils ont besoin tous les deux de garder les pieds dans la réalité, maintenant plus que jamais. Une ancre, oui. Elle aurait aimé en avoir une en plomb pour être certaine de rester du côté des Vivants.
« … Nous avons toujours agis ainsi. souffla Gaëlle, chassant d’un mouvement de main le petit nuage qui s’échappait de sa bouche. Pour la gloire des généraux anciens, pour l’Histoire. Pour nous, pour ceux qui sont tombés, pour les ancêtres aussi. Une sorte d’habitude qui remonte peur-être à la Nuit des Temps. Je suis heureuse de voir que nous ne sommes pas les premiers à être venus. »
Gaëlle rassemble ses pensées comme elle peut, ses savoirs aussi. Elle a étudié tout cela, même s’il lui semble que cela remonte à une éternité. Dans cet endroit battu par les vents, il pourrait s’écouler dix ou vingt ans sans même qu’ils ne s’en rendent compte. Il n’y avait qu’eux, le vent et les Morts. Pour la première fois, elle ressentait une appréhension à cette idée.
« … Veux-tu que nous avancions un peu ? proposa doucement Gaëlle. En toute prudence, bien sûr. »
Le champ de bataille n’était pas loin. Encore un peu et Gaëlle pourrait le reconnaître. Il y avait juste moins de boue, moins de barbelés, moins d’obus ou de personnes gisant sur le sol. Le paysage resterait aussi marqué qu’eux par ce qu’il s’était passé. Déglutissant difficilement, aussi bien à cause du froid que de l’appréhension, Gaëlle esquissa finalement un premier pas. Le premier était toujours le plus dur à faire. Ils avaient toute la journée devant eux mais le soleil ne manquerait pas de se coucher tôt, automne oblige. S’ils ne tenaient pas à finir leur pèlerinage à la lueur des étoiles et dans un froid plus mordant encore, ils devaient s’y mettre tout de suite.
« Cet endroit était beau. Je me souviens qu’il y avait encore des moutons et des brebis quand… Gaëlle souffla. Quand je suis arrivée. Ils ne sont pas restés longtemps, leurs bergers non plus et moi encore moins. Je doute qu’ils reviennent un jour. »
Les demeures des morts effrayaient les Vivants. Ici, ils étaient seuls. Les seuls êtres de chairs et de sang. Les seuls cœurs battants dans ces landes.
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Elric d'Adhémar le22 Octobre 1927 • La Garde • @Gaëlle d'Adhémar
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Pas les premiers et certainement pas les derniers, Elric n'en doute pas un instant et comme Gaëlle, cela fait naître un éclat de satisfaction. Il eut détesté constater que le monde a déjà laissé ces horreurs dans l'oubli, quand bien même ce fut un salut pour beaucoup. Une pensée sans doute égoïste et qu'il eut voulu vernir d'une raison bien-pensante. La vérité, pourtant, c'est qu'il n'a pas envie d'avoir souffert et d'avoir vu souffrir pour être oublié le lendemain. L'oubli, plus que la mort même, semble la pire des horreurs. Peut-être que la raison derrière l'érection de ces autels et de ces mémoriaux n'est pas réellement d'importance. Tant qu'ils sont là, chacun y trouve ce dont il a besoin.
"J'aurais été un nom sur ces colonnes si tu n'avais pas été là," souffle-t-il à voix basse, "si vous n'aviez pas été là."
La correction semble nécessaire. Au front, l'individualité se perd jusqu'à l'instant du trépas, et encore. Pour lui, pas tout à fait. Il se souvient avoir senti les ultimes instants des hommes qu'il a accompagné, plongé dans leurs psychés pour être certain de leur offrir les paroles les plus efficaces, les plus promptes à alléger leurs peurs, leurs regrets. Il se souvient être mort, encore et encore, entraîné vers l'abysse du rien avant d'être violemment renvoyé dans son propre corps, la présence de l’autre se dissipant comme un rêve au matin. Tous lui manquent, d’une façon ou d’une autre. Intimement, viscéralement. En un sens, son nom est bel et bien inscrit sur les colonnes, au travers des leurs.
Veux-tu que nous avancions un peu ? propose Gaëlle et Elric opine, gorge trop serrée pour parler.
Ils ne sont pas loin. Même avec une jambe atrophiée, il peut rejoindre le lieu de l’affrontement à présent qu’il a été remblayé et sécurisé. Plus de boues et de barbelés, plus autant d’obus aussi même si Elric n’est pas prêt à parier qu’ils ont tous été retirés. Ensemble, les cousins d’Adhémar quittent lentement les alentours du mémorial, main dans la main. Une fois encore, la présence de Gaëlle est une aide précieuse tandis qu’ils avancent lentement mais sans plus d’hésitations vers la sortie du village et vers le lieu des combats. Il essaie, intérieurement, de se souvenir des mouvements d’hommes et de matériels là où Gaëlle va plus loin encore.
“J’espère qu’ils reviendront. Que la terre refleurira ici, sera de nouveau nourricière. Peut-être seront-ils alors tous en paix.”
Les dernières façades laissent place à la campagne environnante, saisie des premiers gels, fin de l’automne arrivant sans hâte, avec cette inéluctabilité que seule la nature peut posséder. Les souvenirs sont là, au-delà des murs, et pourtant Elric est reconnaissant de quitter les alentours des constructions humaines pour le sentiment d’immensité du haut pays. Si le vent est une lame tranchante de son froid glacial, il en a davantage l’impression de vivre, et cette vie, en dépit des difficultés, est un don qu’il chérit. L’effort est présent, cependant, chassant la morsure initiale du froid. La terre durcie de gel crisse sous leurs pieds.
“J’ai l’impression de ne rien reconnaître. Je crois que nous avons tenu les positions plus au nord, non ?”
Quelque chose, brièvement, le tire de sa contemplation, une sensation qui s’en va aussi promptement qu’elle est venue.
“Tu n’as pas entendu quelqu’un d’autre ? Je suppose que nous ne sommes pas les seuls à venir visiter aujourd’hui...”
Non, sans doute n’est-ce que cela. Beaucoup de soldats, moldus comme sorciers. Beaucoup de familles éplorées. Il suffit de repérer où ils se trouvent, pour ne pas gêner leur propre commémoration. Après tout, c’est un jour de receuillement et de lien avec les défunts. Mais c’est tout de même curieux. L’ancien champ de bataille est vaste et jusque-là, ils n’ont croisé personne, pas même d’autres sorciers. Ce put être un animal quelconque, évidemment, mais comme Gaëlle l’a justement fait remarquer, les troupeaux sauvages comme les pâtures domestiques ne s’aventurent pas sur les anciens champs de bataille à l’heure actuelle.
Quelque part, entre la puissance des émotions du lieu et sa paranoïa de chevalier, un sentiment indescriptible vient le tarauder, frôlant la méfiance. Tout de même, c’est bien curieux. Par acquis de conscience, il observe de nouveau Gaëlle à son côté, l’évidence de son trouble peint à-même ses traits. Pourtant, les minutes passent et rien ne semble changer, si ce n’est de nouveaux bruits lointains, encore impossibles à définir avec certitude tandis qu’ils approchent des premières lignes de tranchées, en partie érodée par les années. Chassant temporairement sa circonspection, Elric tente de se concentrer uniquement sur l’instant.
“Ce n’est pas tout à fait là. Je crois me souvenir que nous êtions plus avancés. Qu’en penses-tu ?”
Il inspire profondément, ferme brièvement les yeux.
“On peut presque les entendre.”
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Gaëlle d'Adhémar le« Et moi donc... » souffla Gaëlle.
Ils avancent ensemble, doucement, de concert. Derrière ses prunelles, elle se revoit, toute petite, trop petite, pour toute cette tourmente. Ils sont nombreux, les jeunes à avoir perdu la vie pour cette cause trop grande pour eux. La sorcière est partagée. Partagée entre cette envie de voir la Vie revenir, reprendre ses droits sur ces plaines un peu trop désolées. Partagée entre cette peur de voir le sacrifice de leurs frères et sœurs soit oublié si cela devait arriver. Séparer la Mort et la Vie, comme au temps des romains de l’Antiquité. Ce raisonnement ne lui ressemblait pas. Sans doute était-elle encore trop bouleversée pour voir les choses autrement qu’en nuances de noir. La d’Adhémar ravale un nouveau sanglot. Elle essaye de se convaincre, qu’elle pleurera plus tard. Que ses songes de cette nuit ne seront pas peuplés de fantômes, de ses fantômes cette fois. Qu’ils ressortiront un peu plus apaisés de cette aventure.
« … Oui, la zone était trop instable pour y installer le mémorial. abonda Gaëlle, après réflexion. Plusieurs générations de démineurs ne suffiraient pas pour rendre le sol plus sûr. Nous devons nous montrer prudents. »
Gaëlle sent sa nuque lui picoter. Le froid, peut-être ? D’une main, elle redresse son col, cherchant à se protéger de la morsure de l’automne. Si son instinct lui murmurait quelque chose, elle n’y entendait rien. Si ses oreilles captèrent un bruit sourd, elle n’y prêta pas plus attention. Un animal, peut-être. Ou un autre promeneur venu se recueillir. Après tout, ils n’avaient pas le monopole du chagrin. Ce fut cette pensée qui la convainquit de jeter un coup d’œil derrière eux. Si c’était une autre personne en quête de paix, elle n’aurait pas manqué de l’inviter à leur suite, si tel était son désir. Mais il n’y avait rien. A la sollicitude se mêla une pointe soupçonneuse. Cette impression d’être observée lui déplaisait, plus encore lorsqu’elle se rendit compte qu’Elric aussi semblait à la recherche d’une tierce personne.
« Non, personne depuis que nous sommes arrivés, bien que je nourrisse de plus en plus de doutes quant à notre apparente solitude. » avoua Gaëlle, sans détours.
Dans une dernière tentative d’apaiser ses doutes, la sorcière jeta un dernier regard derrière elle sans rien remarquer. Cette impression d’être épiés lui rappelait de bien mauvais souvenirs. A moins que cela ne soit l’addition de ce sentiment avec le lieu où ils se trouvaient ? Ici, ils avaient connu l’enfer, la Peur et la Terreur dans leur plus pure incarnation. Son visage se ferme un peu plus, ses pensées s’effacent petit à petit, comme s’il suffisait de fermer les portes de sa forteresse mentale pour se protéger au sens large. Alors qu’Elric reprenait la parole, Gaëlle marqua un temps d’arrêt, farfouillant dans sa besace pour en sortir une petite longue-vue, qu’elle déplia. Le terrain est trop instable pour s’approcher davantage. Cette parade suffirait le temps qu’ils trouvent un chemin plus approprié.
« En effet, ces collines me sont déjà plus familières. commenta Gaëlle, tout en réglant sa longue vue pour affiner sa vision. Qu’est-ce que... »
Gaëlle abaissa sa lunette, clignant plusieurs fois des paupières. Allons bon, elle devait faire erreur. « On peut presque les entendre. ». Les paroles de son cousin flottent encore autour d’elle alors que la sorcière porte à nouveau les lunettes à son œil. Cette forme blanche, là-bas, errante dans ces derniers lambeaux d’Enfer, les bras enroulés autour de ses hanches comme pour trouver une forme de chaleur qui ne venait pas, qui ne viendrait plus. Quoique. Un fantôme, vraiment ? Il lui semblait percevoir autre chose, porté par le vent.
« Elric, ôte-moi d’un doute. Les fantômes peuvent-ils avoir froid au point de sangloter ? »
Ne sachant que penser de cette vision, Gaëlle tendit sa longue-vue à son cousin, afin qu’il puisse se faire sa propre idée de la situation. Ils n’étaient pas seuls ici, c’était une certitude à présent. Un si petit fantôme. Il ne pouvait s’agir que…
« … C’est un enfant. » laissa-t-elle échapper, alors que son esprit assemblait toutes les pièces du puzzle.
Un enfant ? Ici ? Seul ? Affolée, Gaëlle jeta un regard à son cousin. Elle lui étreignit à nouveau le bras, comme pour s'assurer que tout cela était bien réel, qu'il s'agisse de leur venue ou de cette vision.
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Elric d'Adhémar le22 Octobre 1927 • La Garde • @Gaëlle d'Adhémar
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Il ne semble pas être le seul que ce quelque chose perturbe. Il connaît suffisamment Gaëlle pour savoir qu’elle aussi ressent un malaise en l’instant. Impossible de l’expliquer, pourtant, si ce n’est par leurs expériences passées, par la date et par le lieu. Craindre chaque instant pour sa vie pendant l’écrasante majorité d’une année entière laisse l’âme alerte et prompte à la suspicion. Lui, néanmoins, garde le regard vers l’horizon quand Gaëlle cherche la source de cette malaisance, et il la surveille par le côté. Quelque part, il espère sincèrement que l’occurrence ne leur soit pas malveillante. Pas aujourd’hui.
Elric parle. Essaie de normaliser la situation. Parce qu’il n’y a rien à faire tant qu’ils n’ont pas de moyens de se rasséréner. Parce qu’ils vont en terrain découvert, également, et que cela peut les rendre vulnérables autant que leur permettre de découvrir si quelqu’un les file. S’arrêtant un demi-temps après Gaëlle, il la laisse étudier le terrain, profitant de l’instant pour observer leurs environs immédiats. Lorsque sa cousine rompt le silence, cependant, il lui revient sans tarder. Il y a quelque chose, dans son ton, dans son hésitation, qui interpellent Elric, s’approchant de quelques pas.
“Oui ?”
Et quelque part, il est embarrassé de l’urgence que sa voix trahit, mais ne peut la contenir. Il observe la direction qu’elle inspecte, forçant sa mire pour essayer de discerner quoi que ce fut qui provoqua son hésitation, sans résultat. Sur ces vastes plaines et sans les tranchées, les barrières et les barbelés, les carcasses militaires, parvenir à jauger des distances est un exercice autrement compliqué. Il ne distingue, en tout et pour tout, que de vagues silhouettes, plus claires ou plus sombre, roches et talus, des arbres squelettiques qui se détachent sur le fond du ciel, peinant à se maintenir droit.
Et vient ses mots.
“Pardon ?”
La question met quelques douloureux instants à franchir la barrière de sa circonspection.
“Les esprits n’ont pas froid. Lorsqu’ils le disent c’est parce qu’ils sont encore attachés à un traumatisme datant de leur mort.”
C’est sans doute quelque peu raccourci, mais l’essence y est. Les esprits ne sont pas atteints par les maux des vivants. Qui que Gaëlle eut aperçu, il s’agit inévitablement d’un vivant. Mais un vivant dans cet endroit, en plein milieu des champs remblayés et avec tous les obus et mines encore enfouis ? Le souci fit son chemin, bien qu’il le ravalât sur l’instant et il accepta la longue-vue, dirigeant l’outil vers la zone indiquée. Il prit son temps, observant la forme que Gaëlle a repérée, puis son entourage immédiat, essayant de grapiller des indices sur la situation, hélas sans guère de succès.
“En effet,” conclut-il en abaissant la longue vue et la tendant à sa propriétaire légitime. Il serra le bras de Gaëlle du sien. “Je ne parviens pas à m’assurer de son état, ni s’il est accompagné. La zone est dangereuse, nous devrions contourner et essayer de le rejoindre prudemment, au moins pour vérifier.” Elric la soupesa d’un oeil tranquille. “Je passe devant et tu me couvre, d’accord ? Juste au cas où.” Comme à l’époque où il tentait de récupérer les dépouilles tombées dans le No Man’s Land. Inspirant profondément, il reprit sa canne et se mit en marche, vigilant.
Tombant dans le silence, si ce n’est pour les vérifications d’usage, tandis qu’ils progressent vers la zone où se trouve l’enfant, Elric avance lentement et ne s’arrête que pour demander à Gaëlle de s’assurer que le petit n’ait pas bougé. Et lorsqu’ils approchent enfin, un souci lui vient naturellement, une idée vague. Que se passera-t-il si l’enfant est seul ? Que doivent-ils faire dans un cas comme celui-ci ? Et s’il est moldu ? Tandis qu’ils s’avancent en terrain pentu, vulnérable, Elric décide d’une pause, avant de se trouver trop proche de l’enfant. Un instant pensif, il rompt finalement le silence.
“Gaëlle ? Si cet enfant est seul, penses-tu qu’il réagira mieux si c’est toi qu’il voit en premier ?” Il se fend d’une vague expression contrite. “Tu ressembles beaucoup plus à une vision angélique que moi...”
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Gaëlle d'Adhémar leRestait à savoir quoi.
« Il y a un problème. Un gros problème. » murmura la sorcière.
Sa longue-vue disparut à nouveau dans son sac. Il n’y avait pas que l’environnement, cet ensemble de squelettes de terre, de fer et de roche qui lui inspiraient des sentiments contrastés. Elric ne sentait rien. Ni d’autre présence, ni des sentiments de l’enfant. Il est bel et bien seul, ou tout du moins il pense l’être. De leur position, en hauteur, il n’a pas du les remarquer, étant tout à son chagrin. Les choses auraient été bien plus simples s’ils n’avaient pas eu à intervenir. Le Secret tenait aussi au fait que les sorciers ne se mêlaient que rarement des affaires des Moldus, à leur insu si tel devait être le cas. A cet instant, ils étaient dans l’obligation d’intervenir, en dépit du danger que cela pouvait représenter.
« Je serais ton ombre. assura Gaëlle, un fantôme de sourire flottant sur ses lèvres. Allons-y, cet endroit est bien trop dangereux pour un si jeune être. Sorcier ou Moldu, il sera toujours temps de réfléchir une fois que nous serons en lieu sûr. »
Après une ultime pression sur le bras de son cousin, la sorcière s’écarta, laissant deux pas entre eux. Elle voulait avoir une vue d’ensemble sur les alentours. Durant quelques instants, sa main se perdit dans la poche de son manteau, avant que ses phalanges ne se referment sur sa baguette. La pointe de ses doigts frôla ce qui restait de sa plaque militaire, la forçant à déglutir. Cette avalanche de souvenirs lui compressait la poitrine. Encore un peu et elle aurait l’impression de sentir à nouveau l’odeur du sang mêlée à celle de la poudre, de la pluie. Il fallait qu’elle se reprenne, qu’elle garde en tête leur nouvel objectif. Cette guerre avait fait bien assez de victimes, il était hors de question qu’elle cueille un enfant innocent bientôt dix ans après l’Armistice. Encore moins un jour comme celui-ci.
« Ne te donne pas le mauvais rôle, cousin. Tu as apaisé plus de gens que tu ne le penses. Gaëlle se tut un instant, se mettant à sa hauteur, pressant doucement son épaule contre la sienne. Mais soit, je prends mon tour de garde. »
Adressant un sourire profondément lumineux à Elric, peut-être le premier depuis leurs retrouvailles ce matin, la sorcière se remit en marche. Elle voulait insuffler un peu d’espoir ici, se donner de la contenance pour cette rencontre qui ne manquerait pas d’advenir. Cet enfant était déjà terrorisé, il ne fallait pas en rajouter. Ils étaient tous proches, à présent. Il fallait qu’elle s’accorde quelques secondes de réflexion. Peut-être était-elle moins effrayante qu’Elric, il n’en restait pas moins que ce n’était pas elle la mère de famille, malgré toute l’affection qu’elle pouvait avoir pour les touts-petits de sa famille et de ses proches. Si cet enfant fuyait par sa faute, il n’y aurait plus rien à faire.
« L’araignée Gipsy monte à la gouttière.
Tiens, voilà la pluie !
Gipsy tombe par terre,
Mais le soleil a chassé la pluie.
L’araignée Gipsy remonte à la gouttière. »
Elle fredonne cet air populaire, Gaëlle. En guise de salutations, d’appel. Après tout, les comptines ne sont-elles pas faites pour être répétées ? Il lui semble entendre comme un écho, alors qu’elle entonne l’air pour la deuxième fois. Une voix fluette qui lui répond par delà le vent. Alors, la sorcière reprend, encore et encore. Elle avance d’un nouveau pas à chaque strophe, elle salue cet invité impromptu de la main, l’invite à la rejoindre, mimant la danse de l’araignée sur son bras, comme elle l’a elle-même apprise de la part de ces nés-Moldus rencontrés par le passé.
Gaëlle n’a pas le temps d’entamer la chansonnette pour la septième fois que l’enfant est dans ses bras, pleurant toutes les larmes qui pouvaient bien rester au creux de son cœur. Quelque peu désarçonnée, la sorcière souffla d’un coup avant de glisser ses bras autour du garçonnet. Il ne lui semblait pas avoir plus de dix ans. Une vilaine plaie lui barrait le front. Elle n’était pas vieille, du sang barbouillé, encore frais, l’entourait. A l’aide d’un mouchoir, Gaëlle l’épongea avec douceur, tapotant la peau lésée tout en fredonnant.
« Compte jusqu’à dix et tout cela sera fini. » assura la sorcière.
L’enfant hésita un instant avant d’obtempérer. Un petit sort de guérison, cela ne changerait pas grand-chose. Troublé comme il l’était, le petit ne se rendrait compte de rien. En quelques instants, la plaie se résorba. Quant au sang restant, il termina sa course dans le mouchoir de la sorcière, qui le bourra ensuite au fond de son sac, faute de mieux. Dix venait d’être prononcé et l’enfant semblait s’être apaisé comme elle l’avait escompté. Un sourire compatissant aux lèvres, Gaëlle s’apprêtait à questionner le jeune inconnu sur son nom. Son élan fut brisé par une question à laquelle elle ne s’attendait pas.
« Toi… Toi aussi ? »
Gaëlle cligna des yeux, ne sachant quoi répondre, quoi comprendre même. L’enfant regardait ses paumes, désormais plus penaud que triste. Serait-ce possible ? Un né-Moldu, ici, au beau milieu de nulle part ? Sans se départir de son sourire, la sorcière se mit à la hauteur de l’enfant, prenant ses mains dans les siennes. Tout irait bien, comme elle aurait voulu lui imprimer ces quelques mots dans son esprit.
« Je suis Gaëlle, et voici mon cousin Elric. Il semblerait que la Providence ait voulu que nous te retrouvions. Raconte-nous ce qu’il s’est passé, dis-nous pourquoi tu penses que nous sommes si semblables. »
L’enfant dévisagea son cousin quelques instants, les lèvres pincées. Leurs regards se croisèrent à nouveau, Gaëlle mettant toute la conviction possible dans ses traits pour l’enjoindre à parler. Anatole, car tel était son prénom, leur narra alors une histoire à la fois banale et extraordinaire. Celle d’un enfant qui avait découvert ses pouvoirs comme tant d’autres, tout en ayant la malchance de ne pas être né de parents sorciers. Celle d’une fuite de la maison de ses parents, éleveurs de moutons tous les deux, qui avaient vu en ses dons une quelconque diablerie. De cette blessure infligée par son père alors qu'il était jeté dehors. Tout cela pour en arriver-là, après une marche très longue, trop longues pour des jambes si petites et si frêles.
A la fin de ce récit, Gaëlle tourna la tête en direction de son cousin. Il était évident qu’ils ne pouvaient pas laisser Anatole seul. Il n’avait plus personne en ce bas monde et s’il disait vrai, des Moldus avaient été témoins d’actes magiques, avec tout ce que cela impliquait.
« Je pense que nous allons devoir écourter notre visite. » fit-elle remarquer à Elric, troublée.
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Elric d'Adhémar le22 Octobre 1927 • La Garde • @Gaëlle d'Adhémar
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Il sourit. Comment eut-il pu ne pas sourire ? Gaëlle possède une douceur qu’il n’aura jamais même s’il s’y emploie avec ferveur. L’Ordre a fait de lui un chevalier, pour la grande cause, mais au prix de cette pureté. Trop d’échardes, en lui, trop d’angles et de tranchants affleurant sous la surface. Il peine parfois à comprendre comment il s’y prend avec Gabrielle, alors un parfait inconnu ? Mais le moment passe. Ils n’ont pas le luxe des pensées oisives, et ses réflexions teintées de doux-amer sont promptement reléguées au même caveau que toutes les autres idées importunes lorsque Gaëlle se met à chanter, de cette voix qui eut fait pleurer la roche. Lui reste en arrière, attentif à la situation, incertain des mesures à adopter. Si l’enfant fuit, que peut-il faire ?
Fort heureusement, il semble qu’il ne doive jamais avoir la réponse. Bien en peine de savoir s’il s’agit de la comptine ou de l’effet de sa cousine, Elric ne peut qu’esquisser un soupir de soulagement, en voyant l’enfant se blottir contre elle plutôt que de détaler. En approchant davantage il devient évident que le garçonnet n’a pas plus de dix ans et quelque chose grince, loin en Elric. Qui ose laisser son fils de dix ans, seul dans un lieu aussi dangereux ? Cela n’augure rien de bon, à ses yeux mais il ne désire pas pêcher par supposition. Il n’ose interrompre Gaëlle, cependant, se refusant à échanger là-dessus devant l’enfant s’il peut l’éviter. En lieu et place, il s’assure qu’aucun spectateur ne soit témoin de la scène, et ne se retourne vers Gaëlle qu’à l’entente d’une question fort étrange.
Comment cela, toi aussi ? Un coup d’œil lui apprend qu’elle a soigné la plaie que l’enfant a porté jusque-là. Est-ce de cela, dont-il parle ? Encore occulté aux yeux de l’enfant, Elric sort sa baguette, lance un sort informulé, de ceux dont il a tant usé au service du Vatican. Le résultat ne laisse aucun doute. C’est un jeune sorcier. Mais à le voir si désorienté, il ne semble pas venir d’une famille déjà établie. On le présente alors qu’il range sa baguette et Elric se fend d’un sourire qu’il espère rassurant, de ceux qu’il offre à Gabrielle quand elle a cassé quelque chose et qu’elle craint d’être réprimandée, ou qu’elle a eu peur la nuit. Puisqu’il ne part pas en courant ou ne se cache pas contre Gaëlle, il semble qu’il s’en sorte avec les honneurs.
“Bonjour.”
Achevant de les rejoindre, Elric suit le récit avec attention, un peu plus sombre à chaque fois, tout en se refusant à le montrer ouvertement, trop conscient qu’Anatole en sera d’autant plus affecté s’il voit des étrangers réagir vivement à son récit. Il en a pourtant le cœur pincé et la gorge légèrement nouée. Dix ans à peine... Rien n’y fait, il ne parvient pas à se faire à l’idée que l’on eut rejeté cet enfant simplement pour ses pouvoirs, et si jeune ! Quelque chose refuse de s’imprimer, de l’horreur de cette histoire, divergeant beaucoup trop des valeurs chrétiennes de leur famille. Lorsque Anatole retombe dans le silence, Elric inspire profondément et tourne son regard vers Gaëlle, le maintenant là quelques instants, avant de lui offrir un léger hochement de tête.
Leur pèlerinage devra attendre.
“Anatole ?”
Il attend d’avoir l’attention de l’enfant, puis pose précautionneusement un genou au sol, pour se rapprocher de son niveau. L’enfant est maigre pour son âge, et il présente les signes caractéristiques d’une nutrition qui laisse à désirer, typique de la classe la plus pauvre, concordant avec son récit. Qu’il ait réussi à arriver jusqu’ici est un véritable miracle, mais ça ne signifie pas qu’il soit au bout de ses peines.
“Tu veux bien venir avec nous ?”
La peur qu’il lit dans les yeux comme dans les pensées de l’enfant est aussi vive qu’elle est nauséeuse.
“Pas pour aller voir tes parents,” ajoute-t-il promptement, pour défaire toute idée de fuite, “ailleurs. Quelque part où tu pourras te reposer, manger quelque chose... quelque part où il n’y a que des gens comme nous.”
Les mouchards du Ministère doivent déjà avoir trouvé les parents. Un agent ne tardera pas, s’il n’est pas déjà là et au vu du récit d’Anatole, il est évident que le garçonnet finira à l’orphelinat sorcier et pour une raison quelconque, sans doute parfaitement hypocrite, cela le rebute. Il ne doute pas du Ministère, évidemment, ce n’est pas cela, mais... mais ce n’est pas la même chose, lorsqu’on confronte les évènements en face. Ce qui est vrai pour la guerre l’est pour tout et en toutes circonstances. Et Elric est tout prêt à assumer toute hypocrisie qu’il put produire. Aujourd’hui cet enfant compte, le reste viendra en son temps. Et ici, sur ces lieux de sacrifices et d’abnégation, ces champs de Mars que des miliers de français sont morts pour conserver, ne pas détourner le regard est d’autant plus important.
“Ma cousine et moi habitons dans un château, un peu plus loin. Il y a beaucoup de place, et tu pourras découvrir les fées. Elles ne sont pas toutes comme dans les contes. Ça te plairait ?”
Il eut un petit coup d’œil vers Gaëlle, puis se releva, un peu gauchement.
“Qu’est-ce que tu en penses ? Nous n’aurons qu’à envoyer un message au bureau de préservation du secret pour les prévenir...”
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Gaëlle d'AdhémarLACHESIS | SECRET IS THE ONLY WAY.
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Gaëlle d'Adhémar leUn drame avait été évité, Gaëlle en avait la certitude. Que cela soit celui de retrouver cet enfant blessé par les restes du carnages présents sous leurs pieds ou un obscur fait divers, d’un enfant laissé abandonné au froid ou oublié par ses parents suite à une correction un peu trop forte. Comment pouvait-on porter la main sur la chair de sa chair ? Qu’importe ses différences, son enfant restait son enfant, quoi qu’il puisse arriver. Anatole avait été trahi par ceux qui auraient du le protéger envers et contre tout. Qui pourrait tenir ce rôle, à présent ?
Lorsque Elric s’adresse à nouveau à lui, Anatole l’observe, ne sachant que faire. La peur monte en lui. Sans doute celle de s’en retourner chez ses parents ou d’être ramené aux autorités, qu’importe leur nature. Ses yeux, encore écarquillés, effarés, cherchent Gaëlle. La sorcière pose sa main sur son épaule, hochant la tête. Elle n’était pas pour emporter un enfant avec une famille bien vivante. La nécessité faisait loin, cependant. Anatole était un danger, avec une magie non maîtrisée. Au-delà d’autrui, il pourrait se blesser lui-même sans s’en rendre compte. Ou causer des dégâts qui mettraient en péril le Secret au sens large. Et au-delà de toutes ces considérations, il faudrait être sans cœur pour laisser un enfant livré à lui-même par cette saison et dans un tel lieu. Tout ce qu’il lui fallait à présent, en mettant de côté un rendez-vous en bonne et due forme chez un médecin, c’était des vêtements chauds et un repas qui l’était tout autant.
« Et où personne ne cherchera à te faire du mal pour ce que tu es. » ajouta Gaëlle, avec douceur, tout en frictionnant son épaule.
Après un dernier moment d’hésitation, Anatole acquiesça. Gaëlle ne put retenir un léger soupir. S’ils n’auraient jamais usé de la force à l’égard d’un si frêle être, elle craignait davantage les conséquences d’une fuite. Ce terrain était miné, quoiqu’on en dise. Un accident était bien vite arrivé, et Magie ou non, Elric ou elle n’auraient rien pu y faire. Ne laissant pas le temps à l’enfant de douter plus de sa décision, la sorcière reprend à la suite de son cousin, tâchant de faire preuve de bonne humeur :
« Tu auras aussi droit à autant de nourriture que tu le désires. Ma tante est un vrai cordon-bleu, tu dormiras autant qu’un ours à la fin, tant ton ventre sera plein. »
Pour la première fois, l’enfant rit au lieu de laisser couler ses larmes. Fallait-il vraiment se séparer de lui ? Gaëlle ne doutait pas de la bonne volonté des orphelinats. Pour autant, elle savait à quel point ils pouvaient manquer de moyens. A l’époque où Dame Faucheuse n’était encore qu’un rêve lointain, il était arrivé d’ausculter certains d’entre eux. Elle ne souhaitait ce soir à aucun enfant. Tous méritaient d’être aimés et entourés. Hélas, il y avait encore bien trop de familles sorcières qui voyaient d’un mauvais œil l’adoption ou le simple fait d’intégrer de Nés-Moldus à leurs si précieuses généalogies.
Et pourtant, elle était bien placée pour savoir que leurs différences n’avaient aucun sens physiquement. Tout cela n’était qu’idées et foutaises.
« Oui, il le faudra bien. Une moue déforma ses lèvres. Tu connais leur zèle, ils auront tôt fait de venir à nous et de nous faire quelques reproches si nous ne faisons pas le premier pas. »
Anatole avait déjà vécu assez de mauvaises expériences pour toute une année. Elle ne voulait pas lui arracher ses nouveaux repères si peu de temps après les lui avoir offert.
« N’y a-t-il pas une autre solution ? » demanda-t-elle, une pointe d’espoir dans la voix.
Elric d'AdhémarLACHESIS | SECRET IS THE ONLY WAY.
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(#) Re: Show me a hero, I'll write you a tragedy
missive rédigée par Elric d'Adhémar le22 Octobre 1927 • La Garde • @Gaëlle d'Adhémar
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Entendre le rire de l’enfant serre le coeur d’Elric de façon inattendue et il est un instant soulagé que Gaëlle et Anatole se détournent de lui, au moins quelques secondes, tant il sent la tristesse le submerger. La perte d’Alban est encore trop fraîche pour que voir un jeune sorcier ne lui remue par les entrailles au couteau. Gorge serrée, il déglutit difficilement et se force à penser à autre chose. Ni Gaëlle ni Anatole ne doivent le voir ainsi, alors qu’ils sont aussi vulnérables, sinon plus que lui en l’instant.
Il inspire profondément, l’air glacé aidant à lui rendre un semblant de calme. Pour esquiver le spectre de la tragédie qu’il porte encore, Elric préfère se consacrer à celle qu’ils tentent d’éviter séant. Bien qu’il ne sache pas exactement ce que risque Anatole, il sait ce qu’il a vu des jeunes sorciers retirés à leurs familles par le Vatican sous prétexte de possessions démoniaques, et ce qui advient d’eux lorsque ce ne sont pas les sorciers exorcistes qui tombent sur eux en premier. Si la situation relève même une once de cela, il ne peut détourner le regard.
“Peut-être,” glisse-t-il, ne comprenant que trop bien ce à quoi s’accroche Gaëlle, “le bureau de préservation du secret n’est pas peuplé d’imbéciles, ils savent que les jeunes sorciers qui apparaissent dans des familles moldues ne peuvent pas maîtriser leurs dons, j’en suis certain...
- Moldu ?”
La petite voix d’Anatole lui fait baisser la tête, observer ses grands yeux innocents où la peur rôde encore, prête à reprendre le dessus dans cette situation étrange et sans repères pour lui. Aussi naturellement qu’il le peut, Elric sourit, hoche légèrement la tête.
“Moldu, ce sont les personnes comme ta maman et ton papa, des gens qui ne font pas ce qu’on peut faire.”
Il risque un regard à Gaëlle, puis élève une main pour venir caresser affectueusement les cheveux du garçonnet. De nouveau, sans coeur se serre, mais cette fois c’est entièrement pour lui, pour l’épreuve qu’il traverse si jeune. Son esprit est un beurre tendre dans lequel sa légilimancie veut terriblement s’enfoncer et la retenir lui demander beaucoup de maîtrise. Il n’a pas besoin de son don pour au moins comprendre la peur de l’inconnu, et pouvoir se projeter dans ce que la réaction des parents a dû provoquer chez lui.
“Il faut qu’on les contacts,” répète-t-il en revenant à Gaëlle, “dès que nous serons à La Garde. Nous aiderons pour rendre la procédure aussi fluide et indolore que possible pour Anatole et ensuite, si l’occasion se présente...” il hésita, refusant de formuler à haute voix le très probable rejet des parents du garçon, ne voulant pas rendre réelle cette peur pour lui, “nous verrons avec eux les possibilités qui existent.”
Dans sa tête tournent des notions de famille d’adoption, ou d’accueil, car après tout les d’Adhémar ont la place et les finances pour cela, sans compter leur éminente place dans la société française. Mais sans connaître ni les modalités ni les lois exactes, Elric préfère ne rien dire devant l’enfant. En revanche, ce qui est sûr et certain, c’est qu’ils ne vont pas rester ici, au moins pour la santé d’Anatole. Et accessoirement, parce qu’il n’a rien pour écrire au bureau de la préservation du secret à l’heure présente.
“On ne peut pas transplaner avec lui. Retournons au village, de là je pourrais vous laisser au chaud dans l’une des auberges et aller chercher l’un de nos carrosses.”
De nouveau, il tourne son regard vers l’enfant.
“Tu aimerais voir des chevaux ailés ?”
Le sourire du garçonnet lui laisse une étrange sensation, mais au moins est-il enthousiaste à cette idée, maintenant que la peur reflue lentement.
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