Sorrowful Soirée | ft. Neith

Neith avait toujours eu un amour particulier pour les ballets, sans doute parce que la danse était à l’honneur. Bien sûr, elle pouvait apprécier le théâtre et les représentations magiques. Mais c’était de loin les ballets qui avaient une place particulière dans son cœur. Malheureusement, pour ce soir, la représentation n’en était pas une. Neith voyait son intérêt particulièrement modéré pour le théâtre. Pourtant, elle avait décidé d’y aller. Pour sortir un peu de son habituel train-train qui consistait à beaucoup de travail. Aussi parce que sa sœur l’avait menacée de la trainer elle-même dehors si elle la voyait encore dans son bureau à une heure tardive. Amonet pouvait être terrible dans ces moments et même Neith qui avait pourtant l’habitude de tempérer les esclandres de sa sœur préférait cette fois-ci capituler. Il fallait dire qu’elle n’avait pas vraiment d’arguments à opposer à sa sœur cadette pour une fois.
Alors, elle avait pris la première chose qui lui était venue dans les activités mondaine de la bonne société sorcière. Paris lui avait semblé être le meilleur choix et plus varié, et puis, dans la précipitation d’apporter une réponse à Amonet, elle avait pris la première chose qui lui venait à l’esprit et qu’elle n’avait pas faite depuis des lustres, le théâtre Ophélia. Si Neith avait espérée qu’il y eut une représentation de ballet au théâtre, il n’en fut rien et se fut à la place une pièce de théâtre à laquelle elle se rendit.
Plus enjouée à l’idée de revêtir une robe de soirée, Neith avait pris plaisir à se préparer arrêtant finalement son choix sur une robe des années vingt noire et argentée au dos nu très gracieux et montrant son dos musclé d’années de danse qu’elle entretenait. Sa lourde chevelure brune était rassemblée en un chignon surmonté d’une plume argentée, dévoilant au passage le tatouage de la plume de Mâat sur sa nuque fine. D’un maquillage assorti à sa tenue tout en n’en faisant pas des tonnes, Neith termina par se parer de son châle transparent, puis sa cape pour affronter les températures plus automnales.
Sous l’œil sévère d’Amonet, Neith dit au revoir aux siens pour s’aventurer dans les rues parisiennes. Elle a choisi un balcon, celui qu’elle partageait avec Alaric la plupart du temps. Seule, elle savait qu’elle ne manquerait pas d’attirer l’attention puisque c’était ce qu’elle était depuis trois ans maintenant. Et cette solitude commençait à lui peser maintenant, surtout qu’elle se sentait plus en phase avec l’idée de se laisser aller à d’autres relations, petits pas par petits pas. Pour autant, elle sut qu’elle n’échapperait pas aux commérages, mais Neith a l’habitude. Qu’ils parlent, elle s’en fiche. Elle, elle est bien avec elle-même.
Il y avait déjà du monde attendant le début de la représentation. Neith croise beaucoup de monde qu’elle connait et se fait intercepter par qui veut. Les politesses habituelles, les sourires hypocrites aussi, elle doit bien l’admettre. Sa coupe de champagne à la main, elle boit un peu, pas trop vite, pas trop lentement. Elle n’a qu’une hâte, aller s’asseoir finalement dans sa loge et qu’on lui fiche la paix, d’autant plus si c’est pour lui faire remarquer constamment qu’elle est seule.
Oui, je suis au courant, merci bien., pensa-t-elle passablement agacée mais ne le montrant pas, toujours maîtresse d’elle-même.
Le regard dérivant un peu sur l’assistance dans l’espoir de se sortir de cette conversation, la jeune femme fut alors étonnée de voir un visage qu’elle reconnaîtrait toujours d’entre milles et qui avait éclipsé bien souvent celui des autres. Elle ne s’attendait pas à ce que Zinaïda sorte en société si tôt et pourtant la voir lui fit chaud au cœur. Malgré leur rupture quelques années plus tôt, Neith n’avait cessé d’être son amie. Zinaïda était toujours importante pour elle et le serait toujours à bien des égards. Si son amour avait dû s’arrêter parce que la fatalité de la situation de Zinaïda les rattrapait toutes les deux, Neith n’avait jamais cessée de l’aimer comme une amie. Son amireuse comme elle aimait tendrement l’appeler, puisque, c’était bien ce qu’elle était. Elle avait néanmoins décidé de laisser un peu de temps à Zinaïda pour vivre son deuil avec son mari. Si elle savait ce que c’était de perdre quelqu’un, elle ne savait pas ce que c’était de perdre son enfant et l’idée la terrifiait de se dire qu’un monde puisse exister sans Ruben. Mais elle n’avait eu de cesse pendant la convalescence de Zinaïda d’aller la voir, de faire quelque chose pour elle au moins et elle s’était montrée terriblement protectrice envers son amie concernant les racontards et les rumeurs et commérages.
Alors, en voyant la détresse dans le regard de Zinaïda, Neith n’hésita pas une seule seconde parce qu’elle savait très bien ce que c’était de sortir en société après une période de deuil. Elle-même avait mis du temps et elle s’étonnait de la rapidité avec laquelle Zinaïda semblait vouloir se réinsérer. S’excusant adroitement auprès des personnes qui la retenaient, Neith se dirigea d’un pas décidé et rapide vers son amireuse.
« Bonsoir. » dit Neith, charmante avec un sourire au member de la famille de Zinaïda.
Faisant une légère révérence, Neith se tourna ensuite vers Zinaïda et déposa délicatement sa main sur le bras de cette dernière. Il lui semblait que son amie avait maigrie et cela l’inquiétait. « Puis-je vous emprunter Zinaïda pour la représentation ? Je suis seule dans ma loge et cela fait trop longtemps que je n’ai pas partagé sa compagnie. »
D’un autre sourire, elle se tourne vers Zinaïda et lui dit avec douceur : « Tu viens ? Je pense que tout est près. » Et doucement, elle l’éloigne de ses semblables.
Délicatement, sa main vint serrer avec chaleur et inquiétude le bras de la blonde et Neith lui glissa doucement : « Souhaites-tu que nous y allions directement ou veux-tu prendre l’air frais ? »
Parce qu’en réalité, Neith ne souhaitait pas lui imposer quoi que ce soit. En réalité, Zinaïda pouvait bien lui dire tout ce qu’elle souhaitait, y compris qu’elle voulait partir d’ici que Neith répondrait à ses souhaits.

robe de dos – robe de face

Le contact de la peau de Zinaïda a toujours eu don de la calmer. Sans doute parce que cette main poser sur la sienne est encore le signe de toute la tendresse qu’elle éprouvait pour son amireuse. C’est naturellement qu’elle vient également recouvrir sa main, marquant la différence de carnation entre elles, comme une couche protectrice entre Zinaïda et le reste du monde. Parce que Neith sait ce que c’est d’essayer de faire comme avant mais de se rendre compte que tous les mécanismes appris dans cette société aux prix de sacrifices parfois, ne sont plus naturels et bien futiles face à la vie et à la mort. Si Neith est prête à l’extraire manu militari de cette situation, elle constate que la russe semble se reprendre et sans doute mettre ses dernières forces dans tout son verbe.
Finalement, Neith bouge et Zinaïda suit le mouvement. Imperturbable, Neith la sent fébrile mais ne laisse rien paraitre. Elle ne connait trop bien que l’attachement que Zinaïda possède à son image. Et pourtant, elle lui propose cette porte de sortie, bien décidée à se plier aux volontés de son amie. Acquiesçant simplement quand Zina exprima son refus de voir la pièce, Neith ne discuta pas. Elles feraient comme elle voudrait. Elles montent et lorsque Zinaïda demande à sortir, Neith lui répond :
« Ce que tu voudras. »
Le froid la saisit également car elle aussi n’a pas son manteau. Si l’égyptienne aurait vraiment aimé des températures plus chaudes, elle se doutait que cette piqûre de la température sur Zinaïda avait l’effet d’un coup de fouet.
Relâchant doucement le bras de la blonde, Neith la vit sortir sa pochette qu’elle connaissait bien où ses cigarettes à la vanille se trouvaient. Comme toujours, l’égyptienne ne peut s’empêcher de froncer le nez. Elle détestait la cigarette, peu importait que l’odeur du tabac soit enrobée de vanille comme pour Zinaïda. Elle avait fait la guerre à Alaric, elle l’avait aussi faite à Zinaïda et elle avait éteint nombres de cigarettes de ses autres aimant.e.s. L’odeur lui rappelait tant de mauvais souvenirs. Elle ne comptait pas faire semblant envers Zinaïda de son dégoût pour cette drogue quand bien même Zinaïda restait une femme en deuil. De toute façon Zina savait et ne l’aurait pas dupée. Et lorsque Zinaïda parle d’une idée stupide, Neith ne peut s’empêcher de répondre, à moitié réprobatrice, à moitié tentant d’orienter Zinaïda vers un peu de légèreté :
« De fumer ? Cela fait des années que je te dis. »
Un sourire se dessine sur les lèvres de la femme pour appuyer son propos que si ce n’était pas réellement une réprobation sérieuse, il y avait aussi un peu de vérité pour sa santé. Son sourire pourtant s’effaça graduellement en continuant d’écouter Zinaïda. Doucement, Neith vint poser sa main sur le bras de la russe pour venir lui procurer une caresse réconfortante, autant peut-être pour la réchauffer un peu.
« Ne t’excuse pas Zina. » souffla Neith. « Six semaines ce n’est rien. Tu as le droit de prendre ton temps pour ta douleur. »
Lui rappeler d’être indulgente avec elle-même, chose que Neith s’était autorisée à faire pour elle-même. Un an pour le décès d’un mari, six semaines pour celui d’un enfant. Dans la pratique, les choses étaient bien plus complexes. Quelque part, elle se demandait ce qui était passé par la tête de son mari, Elric pour la laisser sortir. Mais Neith avait décidé de ne pas se mêler de quoi que ce soit là-dessus. Trop douloureux avait été de voir Zina se marier à un moment où elle-même se retrouvait seule à peine quelques mois après le décès d’Alaric. Il s’agissait là d’un acte manqué entre elles. Même si Zinaïda ne semblait manquer de rien avec Elric, Neith s’inquiétait toujours pour elle. Et si elle savait parfaitement que Zinaïda pouvait ne vouloir en faire qu’à sa tête parfois, elle était bien placée pour le savoir vu le nombre de vaisselle que Zina lui avait cassé quand elles se disputaient, aller à un endroit aussi bondé de monde aussi peu de temps après une perte aussi importante n’était pas une bonne idée. Il était cependant plus facile d’accuser Elric que de faire face à sa propre impuissance.
Le silence qui n’était pas génant pour Neith se brisa lorsque Zinaïda reprit la parole, pointa le fait que les balais avaient toujours eu le cœur de Neith plus que les pièces. Un rire s’échappa des lèvres de l’égyptienne.
« Juste avec moi-même, donc non, ne t’inquiète pas. Je survivrai. » Son sourire marqua un peu de légèreté. « J’aurai effectivement préféré un ballet, mais vois-tu, il fallait que je sorte de chez moi sinon ma sœur allait finir par me tuer avec mes artefacts ou me tendre un piège. Alors j’ai dit la première chose qui me passait par la tête. Le théâtre semblait un bon compromis. » Peut-être en fait-elle un peu trop pour tenter de faire rire, plus légèrement que ce qu’elle avait entendu, Zina. Mais tout ceci était vrai : Amonet était terrible quand elle s’y mettait. « Elle trouve que je travaille trop. C’est sans doute vrai. Alors, j’essaie de m’occuper. » Elle avait du temps à revendre avec Ruben absent, Alaric aussi.
Redevenant un instant sérieuse, son regard se porta un peu sur son amie.
« Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? » Elle était sérieuse. Elle savait qu’elle ne pouvait pas faire grand-chose pour elle. Ce genre de chemin était un chemin bien solitaire. Mais elle pouvait être présente au moins un peu. Puis, son regard se posa sur sa cigarette et elle ne put s’empêcher de la taquiner. « Hormis m’empoisonner les poumons avec cette horreur. »