[TERMINÉ | Chasse] Rituel des forêts du Gévaudan | Event 2.2

Sur les sombres terres de Gévaudan, à l’héritage nocturne, c’est la chasse sauvage que l’on invoque pour célébrer le Tri Nox Samoni. La fantastique cavalcade apparaît en un lieu séculaire et parcourt les étendues sauvages de la région, accompagnée par de nombreuses créatures magiques, par les esprits des défunts, et par les sorciers.

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Elle s’était faite invitée au Gévaudan -parmi tous les lieux disponibles en cette saison- et elle avait finalement accepté malgré ses nombreuses appréhensions. Car Alekseï ne comptait pas la présenter à ses amis dans une jolie petite guinguette de village. Ils n’allaient pas célébrer la Chasse Sauvage sur un banc, passifs et un verre de cidre en mains. Ils n’allaient pas danser un jazz endiablé jusqu’à l’aube, sous les lumières magiques d’une terrasse bondée au milieu de la populace locale.

Non.
Il la guidait vers le domaine d’Apcher où il participerait à la Chasse Sauvage aux côtés du Baron en personne et de toute sa Cour. Et elle, elle serait lâchée au milieu de ce beau monde, car elle ne savait suffisamment pas bien monter pour l’accompagner.

Même si la noblesse française ne possédait aujourd’hui pas plus de droits que le péon de base aux yeux de la Loi, la réalité revêtait une toute autre histoire. Tatiana en avait cruement conscience alors qu’elle levait de grands yeux de biche sur le manoir illuminé. Clairement intimidée malgré le masque de confiance sereine qu’elle affichait, sa main se crispa sur le bras de son galant.

Elle prit une profonde inspiration afin de calmer les palpitations de son coeur un brin affolé et se carra avec élégance pour se redonner confiance. Tout allait bien se passer, se répéta-t-elle mentalement en boucle alors qu’ils fendaient la foule de plus en plus amassée à l’arrière du domaine.

Elle maîtrisait les bases de l’étiquette sociale grâce aux lessons prodiguées par Auguste Lestrange, mais aussi celles complémentaires fournies par Alekseï… et elle avait lu tous les journaux politiques, économiques, sans oublier ceux sur la mode et les faits divers de ces dernières semaines. En théorie, elle pouvait tenir une conversation légère, comprendre les références communes et même faire un trait d’esprit ou deux sans se ridiculiser… En théorie.

Dans les faits, Tatiana allait sûrement s’enterrer près d’un feu de joie et se faire aussi petite que son animagus. Sûrement, personne ne viendrait l’enquiquiner ! On ne la connaissait pas, après tout. Et dans le pire des cas ? Elle prétendrait ne parler que le russe.

La voix d’Alekseï tira l’oiselle de ses plans désespérés et elle posa sur lui un regard légèrement perdu avant que la lumière ne se fasse dans son esprit et qu’elle ne raccroche les wagons. Un sourire lui vint, rassuré aux mots tendres de son compagnon et elle secoua doucement du chef en signe de négation.

“- Prenez votre temps. Cette Chasse ne se produit qu’une fois l’an, après tout.” Elle lâcha son bras à l’approche du laquais et elle observa la jument. Sa main se tendit automatiquement vers le chanfrein de l’animal, le lui caressant. “Amusez-vous et sociabilisez avec les autres cavaliers tout votre saoul. Je saurais occuper mon temps libre, soyez sans craintes.” Elle le couva du regard. “Rapportez-moi une belle prise, d’accord ?”

Qu’il était élégant, son gentilhomme tout de rouge vêtu. Et qu’elle était fière d’être assortie avec sa robe boléro de satin pourpre, doublée à l’intérieur d’une fine laine noire. Un sublime manteau de la même couleur, cousu de velours et d’une fourrure de renard fauve, la tenait bien au chaud et faisait presque disparaître ses mains comme son visage d’ange au milieu de ses replis soyeux.

Et avant qu’il ne monte en selle et ne lui soit alors inaccessible, Tatiana sorti des replis de ses larges manches un gland de passementerie. Il se constituait d’un croisement de fils en laine rouge, agrémenté de fins rubans d’or. Il était assorti dans son motif à la tenue du cavalier.

“- C’est un charme pour vous apporter chance et protection. Je l’ai fais moi-même.” Confia-t-elle en le lui glissant dans une main. “Vous pouvez l’accrocher à votre selle ou votre ceinture…” Ou bien le jeter, pensa-t-elle très fort, embarrassée de son audace à croire qu’un tel cadeau pourrait plaire à quelqu’un de sa prestance.

Elle se contenta toutefois de sourire, ravalant ses angoisses comme à son habitude. Elle se recula ensuite de quelques pas pour ne pas le gêner lorsqu’il déciderait de monter en selle ou de mener sa jument auprès des autres cavaliers qui attendaient le départ, un peu plus loin. Ne voulant pas le retarder davantage, elle souffla :

“- Bonne chasse à vous, Alekseï.”

Tatiana se détourna enfin, ajustant son large col de fourrure pour chasser le froid insidieux propre à la région et commença à fendre la foule pour rejoindre ces dames et les enfants qui resteraient au manoir d’Apcher, comme elle. La jeune fille n’espérait pas y reconnaître qui que ce soit, ne faisant originellement pas partie de ce “beau monde”. Coupe de vin arrachée à un plateau, elle s’installa près d’un vaste feu de bois communautaire et contempla les cavaliers, au loin.

Elle cru y reconnaître la silhouette devenue familière d’Auguste Lestrange et si elle fut surprise de le trouver ici, elle ne fit rien pour attirer son attention. Incertaine de la façon dont le Viscomte comptait la présenter à la haute société comme étant sa nouvelle protégée.

Lorsqu’elle avait su que ce serait la chasse qui serait au cœur de cette célébration du Tri Nox Samoni, elle avait sauté sur l’occasion pour amener Cerbère, son braque de Weimar mâle. Trop heureuse de sortir son chien qui était fait pour la chasse, elle avait paradé auprès de sa famille ce qui avait déclenché quelques hilarités. Parée contre le froid, parée également pour retenir Cerbère le cas échéant, Neith se trouvait excitée. Bien que Samhain n’avait pas la même signification pour elle depuis le décès d’Alaric, elle tenait à célébrer les fêtes françaises au même titre que celles de son pays natal. Ainsi, ses pensées allèrent tout droit envers son défunt époux qui aurait adoré l’évènement de son vivant. C’était donc elle-même qui s’était désignée pour cet évènement dans sa famille, consciente qu’elle ne pouvait assister à tous les évènements mais souhaitant en faire un maximum pour la visibilité de son père et du parti. Tout était bon au politique actuellement et Neith savait où était son devoir. Rawiya, sa mère, l’accompagnait également, heureuse de partager ce moment entre mère et fille.
Parmi toutes ses passions, elle avait un amour particulier pour les armes à feu et avait emporté avec elle son revolver préféré pour l’occasion. Vêtue en tenue toute verte et dans un long manteau assorti, Neith avait dompté ses cheveux en un chignon tressé qui ne la générait pas outre mesure lors de ses déplacements. Laissant sa mère avec les dames qui ne partaient pas pour la chasse, Neith prit la sienne en main avec facilité même si cela faisait un moment qu’elle n’avait pas monté, les bonnes habitudes revenant rapidement. Elle n’avait aucun complexe à l’idée de chevaucher avec les hommes et elle savait que Rawiya l’aurait également fait si elles ne s’étaient pas partagées les tâches qui leurs incombaient.
Regardant autour d’elle, cherchant dans un premier temps le maître des lieux car elle avait l’intention de le saluer, son regard tomba sur son ex-belle famille. Père et fils au complet à l’exception de celui qui avait ravis son cœur. Un sourire aux lèvres, Cerbère sur les talons de sa monture, Neith se mit au trot pour arriver à leur hauteur.
« Mes vicomtes. » les salua-t-elle avec chaleur et affection comme elle en avait de coutume avec ces derniers. Heureuse de revoir Crépus à qui elle parla rapidement, l’informant que sa mère était restée avec ces dames. Elle demande des nouvelles à Aurélius avant de finalement poser un regard malicieux sur Auguste.
« On fait un pari sur les prises ? » demanda-t-elle, amusée.

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Neith pose un regard sur Cerbère qui semble intéressé par Macha. Haussant un sourcil, la jeune femme les garda néanmoins à l’oeil. Si Cerbère était très éduqué, elle était néanmoins vigilante. Le regard se redressant vers son ex-belle famille, la jeune femme se laisse finalement aller à quelques bavarderies jusqu’à lancer un défi à Auguste mais également Crépus et Aurélius s’ils le souhaitaient. Elle se sentait d’humeur joueuse et ceux qui la connaissait savaient à quel point elle pouvait être compétitrice lorsqu’elle le désirait.
« Des nôtres et nous pouvons faire équipe ? Deux et deux étant donné que nous sommes un nombre pair, peut-être ? La prise royale, personnellement, si je tombe dessus, oui. Sinon, je préfère ramener quelque chose. » Et cela ne l’empêchera pas de faire des croches pattes aux autres pour les empêcher d’avoir la prise royale même si ça n’était pas son objectif principal.
Un hurlement se fit entendre et Neith fut contrainte de maitriser sa monture avant de tourner la tête vers l’endroit où elle avait entendu le hurlement provenir. Voyant qu’Aurélius lui bouchait la vue, s’étant sûrement mis pour s’interposer à toute menace externe, Neith fit légèrement bouger sa monture maintenant maitrisée. Neith identifia tout de suite d’où elle venait sans en penser grand-chose. Elle fronça néanmoins les sourcils face à la scène. Elle dirigea de nouveau sa monture pour aller vers la jeune femme, savoir si tout allait bien pour elle. Son regard se repose un instant sur Auguste.
« Aucune idée. » lui répondit-elle, l’esprit pourtant tourné vers la jeune femme plus loin. Son regard se reposa d’ailleurs sur elle et elle s’apprêta à aller jusqu’à cette dernière mais Auguste fut plus rapide. Déduisant qu’il aurait la situation sous contrôle, elle décida de rester avec le reste des Lestrange non sans jeter quelques coups d’œil à la scène plus loin.
Interpelée par Aurélius, Neith s’amusa du comportement de Macha et Cerbère et prit un pari sur les chiens avec son second beau-frère. Crépus, lui, était occupé avec les chiens. Finalement, Neith s’écarte très légèrement des Lestrange pour s’assurer qu’elle avait tout ce qu’elle voulait avec elle, ayant prévu une gourde d’eau aussi. Son regard fut néanmoins attiré par quelqu’un qui approchait. Relevant son regard sur l’homme, elle le reconnut alors de la soirée des Fééries de cet été.
« Monsieur, le salua-t-elle poliment et un sourire aux lèvres. C’est un plaisir de vous revoir depuis cet été. Vous êtes donc amateur de chasse vous aussi ? »
Engageant la discussion naturellement avec ce dernier en attendant le retour d’Auguste pour mettre au point ce pari une bonne fois pour toute.

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Cela faisait à peine quelques secondes que le feu de joie réchauffait ses pieds glacés par l'humidité ambiante, qu'elle entendit un hurlement de jeune femme. Surprise, Tatiana manqua d'en lâcher son verre de vin et se rattrapa de justesse, évitant un autre drame dans la foulée du premier. Hâtivement, elle laissa ses yeux parcourir la foule après s'être relevée de son siège.

Que c'était-il passé ?! Est-ce qu'une dame au cœur trop sensible aurait été surprise de tomber sur son Alekseï ?! Quelle audace ! Il était parfait, son grand russe au cœur tendre. Prête à crêper le chignon d'une insolente, Tatiana plissa des yeux et n'eut aucun mal à repérer la haute silhouette de son courtisan. Il dépassait -littéralement- de la majorité du lot. Mais contre toute attente, ce n'était pas lui le centre de l'attention.

Le cri venait d'une femme qu'un des chiens de chasse venait de surprendre. Elle était trop loin pour que Tatiana puisse la reconnaître, mais l'incident attirait déjà vers elle plusieurs des cavaliers puisqu'ils étaient habitués à manier le chenil et donc protéger les autres visiteurs d'incidents similaires. Préférant rester à distance, les yeux de l'oiselle se reportèrent naturellement sur Alekseï et elle lui fit un sourire quand leurs regards se croisèrent.

Elle fut incapable de cacher la chaleur de son expression à son égard, le cœur gonflé d'affection sincère et d'un petit quelque chose de plus. C'était encore timide, mais bien présent. Un sentiment plus profond qu'elle cultivait avec tendresse, le nourrissant des meilleurs moments passés aux côtés du russe. Elle attendait qu'il soit suffisamment fort et développé pour le faire connaître. Mais pour le moment, elle se contentait de le chérir en secret.

Remarquant du coin de l'oeil que la foule se dispersait autour de l'incident du chien, elle-même se détourna pour rejoindre le confort du feu le plus proche. Son verre de vin l'y attendait toujours et Tatiana se penchait pour le récupérer lorsqu'une voix étrangement familière l'appela. Son cœur fit un bond à la joie de découvrir, lorsqu'elle se tourna vers l'inconnue, Alice Beauregard. Une des seules âmes à Beauxbâtons qui lui avaient montré autre chose que du mépris et du dédain.

“- Alice... ? Par Merlin ! Oui, c'est bien toi. Oh Alice, comme il est si bon de te revoir !”

Elle vint lui prendre les mains des siennes en un geste plein de tendresse. Si elles ne pouvaient pas se sauter mutuellement au cou, à cause des nombreux regards sur elles, Tatiana avait heureusement appris comment les dames de la haute société géraient toute effusion de joie et d'affection entre elles. Elle serra donc doucement les doigts d'Alice et s'approcha juste assez pour que leurs fourrures s'effleurent.

Fermant les yeux, elle se pencha pour approcher son visage et pressa tendrement une joue contre celle de l'adorable blondinette tout en prétendant embrasser le vide. De cette façon, elles ne risquaient pas de brouiller leur maquillage, ni de mettre du rouge à lèvres sur leurs vêtements. Tatiana s'écarta ensuite d'un pas, sans lâcher les mains de son amie de longue date et elle l'observa d'un regard malicieux.

“- Tu as le teint parfaitement assorti à ma tenue, ma pauvre Alice...” Elle ajouta sur le ton de la confidence : "Aurais-tu toi aussi succombée à Monsieur Lestrange et ses manières impeccables de gentilhomme ? Comme je te comprends... Il est très populaire parmi toutes les dames de la société.”

Décidant qu'en dire plus serait cruel pour son amie, Tatiana arrêta de la taquiner et l'invita plutôt à s'asseoir près du feu où elles auraient ainsi l'occasion de discuter ensemble en comité réduit, vu que l'endroit dépendait du nombre de sièges accessibles. Toutefois, avant de s'installer à son tour, son regard vogua une dernière fois vers les cavaliers. Elle fut surprise de croiser le regard d'Auguste qui devait, le connaissant, s'inquiéter du bien être d'Alice. Quel gentilhomme jusqu'au bout des ongles !

Voyant dans le regard du brun l'illumination d'une reconnaissance mutuelle, elle lui offrit un petit clin d’œil complice et discret. Elle ne viendrait pas vers lui volontairement, lui faisant confiance sur la meilleure façon de l'introduire dans la haute société et elle doutait qu'un départ de chasse à cour soit l'opportunité en or qu'ils recherchaient. Peut-être après, quand il serait temps de célébrer les résultats de la chasse... mais en attendant, Tatiana se concentra sur son amie.

“- Combien d'année, Alice ? Depuis nos adieux à Beauxbâtons... Quatre, cinq ans peut-être ? Tu es aussi belle que dans mes souvenirs.”

Elle lui proposa un verre de vin rouge et s'installa à ses côtés, tirant un siège pour le rapprocher un petit peu plus. Elle remarqua la présence d'un homme non loin, aux traits étrangers et aux nombreux tatouages, mais sans certitude de son lien avec Alice, elle préféra l'ignorer plutôt que de commettre involontairement un impair.

“- Comment vas-tu ?! Oh nous avons tellement de choses à rattraper ! Es-tu ici pour le travail ou accompagnes-tu quelqu'un ?” Demanda-t-elle, les yeux pétillants de curiosité et de joie.

De ses mains gantés, elle faisait lentement tourner le verre pour aérer et enrichir la robe pourpre et parfumée du vin. Elle le porta à son nez pour en respirer l'essence, comme Auguste le lui avait appris, avant d'en boire une première petite gorgée, puis une autre normale une fois les saveurs nappées sur sa langue et son palais. A force de s'exercer ces dernières semaines, cet étrange rituel lui était presque devenue une seconde nature.

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Les mois avaient filés à la vitesse des bourrasques hivernales bien connues des montagnes auvergnates, et voilà déjà que l'heure des célébrations de Samhain avait sonné. Pour la première fois, Arsène avait dû s'occuper lui même de l'intégralité des préparatifs pour faire de cette traditionnelle chevauchée un succès. Il s'agissait de faire mieux que son père avant lui, c'était l'occasion rêvée de prouver au monde que le flambeau avait trouvé des mains plus que qualifiées pour diriger les terres impies du Gévaudan.

Bien heureux qu'il fût de trouver en son ami Auguste, quelques semaines à peine après le décès précoce de Cléanthis, un allié de confiance et surtout, un associé dont il ne se serait jusqu'alors jamais autorisé à rêver. Les richesses des Lestrange étaient connues de tous, et bien que cela ne fut en aucune façon les raisons qui poussèrent le loup blanc à nouer des liens d'amitié avec l'héritier de cette noble famille, les affaires des deux jeunes gens semblaient bien prometteuses, et la confiance que le fils du vicomte lui avait généreusement accordé ne faisait qu'emplir le coeur serré d'un Baron reconnaissant d'une éternelle gratitude. Plus encore lorsque la famille alliée eût proposé de participer financièrement aux célébrations de Samhain, cette année là. A n'en point douter, ces deux lignées s'affichaient comme cul et chemise, ce qui n'était pas pour déplaire au d'Apcher, déterminé qu'il était de prouver à la France que le Gévaudan s'en allait retrouver sa splendeur d'antan.

La somme injectée lui avait permis de voir les choses en grand, aussi bien dans l'installation du feu de joie rituel au milieu de la vaste plaine bordant le vieux Fort d'Apcher à l'ouest, qu'à l'achat de fourrures de qualités pour réchauffer les demoiselles les plus frilleuses ou les moins préparées au froid mordant qui baignait ses contrées une fois la nuit tombée, et que même l'immense brasier ne pouvait contrer en entier. Sans oublier les tonneaux de vin Bordelais importés directement du duché d'Aquitaine, et la cerise sur le gâteau, l'invitation des belles demoiselles de l'Empire des Sens pour détendre les valeureux chasseurs après leur pénible périple dans les forêts de l'Aubrac, une compagnie plus qu'agréable lorsque serait venu le moment de déclarer le vainqueur de la chasse et de sabrer le Saint-Émilion en l'honneur du gagnant.

Mais ces joyeuses et chaudes perspectives devaient attendre, pour l'heure, il s'agissait de se préparer à la longue cavalcade qui attendant les hommes et les femmes les plus courageuses jusqu'au terrain de chasse. Les invités affluaient depuis le début de l'après midi, certain venant de loin pour célébrer. Bien que les écuries du Baron regorgeaient de pur sang à disposition des nobles gens ayant préféré transplaner plutôt que de passer un temps monstrueux sur les routes françaises pour arriver à temps, ses domestiques lui avaient rapporté que seuls quelques uns de ces chevaux avaient été réclamés. Stupeur mêlée de satisfaction avaient envahi un Arsène satisfait que le peuple français ne s'adonne à ce qui faisait encore aujourd'hui la fierté de la maison d'Apcher. Une chevauchée à l'ancienne, loin de ces carrosses modernes à vapeur ou à propulsion qui dépassaient totalement le jeune Baron. Au diable ces nouvelles technologies de pointe, il préférait toujours l'odeur forte des poils de son étalon et le bruissement de ses sabots sur le sol plutôt que le vrombissement du moteur des voitures d'aujourd'hui.


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S'adonnant aux traditions, Arsène s'était paré de la tenue de chasse à courre qu'il gardait proprement dans son armoire et qu'il ne ressortait qu'une fois l'an. Plus à l'aise en noir qu'en rouge vif, il faisait toutefois l'effort lors de l'événement. La chasse nocturne était dangereuse pour peu que l'on ne se plia pas à cette règle de veston à couleur vive. On lui avait donc taillé sur mesure un costume d'un rouge plus sombre qu'à l'accoutumé mais malgré tout bien reconnaissable au milieu des bois pour ne point risquer une balle perdue. Pour l'heure, il portait son lourd manteau noir à fourrure en par dessus alors qu'il sortait finalement par la porte de derrière, rejoignant la foule attroupée dans la cour.

Un sourire se dessina sur ses lippes en découvrant de ses yeux le monde ayant fait l'effort de se déplacer. Demoiselles bien emmitouflées souhaitant bonne fortune aux chasseurs, beaucoup d'hommes à cheval, la compétition serait rude cette année pour ramener la prise royale. Le grand Cerf blanc des forêts de l'Aubrac, créature magiques aux allures de mythe qui n'apparaissaient qu'à cette période dans les endroits les plus sauvages et reculés des épais manteaux d'arbres de la région et que seuls deux ou trois braves eurent parvenus à attraper durant les dernières décennies. Attraper le Cerf Blanc, c'était s'assurer prospérité pour les mois à venir, sans oublier la gloire d'être le héros de la soirée.

Arsène se dirigea vers son écuyer qui avait déjà sellé son étalon noir.

« Votre étalon, Maître d'Apcher. Je dois cependant vous informer que l'un de vos chiens s'est échappé tandis que Simon allait chercher la meute. L'on m'a rapporté qu'il s'était jeté sur une jeune femme venue de la maison de plaisir mais qu'aucun accident n'avait été enregistré. Monsieur Lestrange s'est occupé de la situation et Argos est de nouveau en laisse »

L'écuyer prononça ces mots tout en aidant Arsène à monter son étalon. Le brave garçon avait des yeux partout, et prenait son travail de domestique très à coeur. Récupérant les rennes, le loup blanc lui accorda un signe de tête.

« Merci de m'avoir rapporté cet événement Damien. »

Avant de sonner le départ, le Baron souhaitait s'assurer que la jeune femme en question ne fût ni blessée ni apeurée de l'intervention d'Argos; ce gros nigaud amical n'en faisait bien souvent qu'à sa tête lorsqu'il s'agissait de réclamer de l'attention. Arsène se mit donc à la recherche d'Auguste parmi la foule, il le trouva sans mal à l'autre bout de la cour en compagnie d'Alekseï et de Neith. Deux têtes qu'il ne s'était pas particulièrement attendu à voir participer à la chasse, mais dont la présence n'avait rien de surprenant. Arrivé à leur hauteur, Arsène descendit de son cheval pour embrasser son ami.

« Auguste, je me réjouis de chevaucher à tes côtés. J'espère que la route a été bonne depuis Lautrec. »

Il se tourne ensuite vers ses autres compagnons, ne manquant pas de les saluer chaleureusement à leur tour.

« Neith, Alekseï, c'est un bonheur de vous voir vous joindre à nous. Neith, tu es plus resplendissante que jamais, la chevauchée te va à ravir. » Il s'incline ensuite devant Crépus et Aurélius, son rang l'obligeant à présenter ses hommages. « Mes vicomtes, c'est un honneur de vous recevoir en Gévaudan. Puisse votre chasse être fructueuse, comme chaque année. »

Courtois, chaleureux et bien élevé, Arsène pouvait sembler dur et autoritaire mais s'il y a bien une chose que Dorimène avait su lui inculquer, c'était de ne jamais manquer à ses devoirs ni à son rang. Bienséance de façade, rarement feinte mais une sincérité qu'il n'accordait pour autant qu'à ses amis les plus proches. Il posa sa main fermement sur l'épaule d'Auguste.

« Nous n'allons pas tarder à sonner le début de la chevauchée, mais avant tout mon ami, peux tu m'indiquer la demoiselle qui fut importunée par Argos ? L'on m'a rapporté l'incident et je souhaite présenter mes excuses avant de laisser ces dames à leur occupation. »

Par la lune, on ne lui accordait décidément que peu de répit ! S'il eut préféré parier amicalement avec le nouveau membre de la meute tout de rouge vêtu et taquiner son amie égyptienne quant au gibier qu'elle serait capable d'atteindre avec son révolver, il lui fallait d'abord régler les soucis intervenus en son absence. La légèreté et la rigolade pourraient bien venir ensuite..

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