[Terminé] Ma retraite est le Louvre, laisse moi t'y recevoir en reine

18 Octobre 1927 • Section magique du Louvre

18 Octobre 1927 • Section magique du Louvre

Un sourire en coin, Neith se dit qu’elle admirait la capacité de son père de faire durer ses relations dans le temps. Il fallait dire que son père était de ces hommes qui avaient toujours eu bonne mémoire sur les gens qu’il rencontrait et ce dont Neith avait tenté d’imiter. Mais à ses yeux, son père était un roi même si elle savait aussi qu’il avait ses travers. Elle savait que ce dernier trouverait le temps de se libérer pour Camille. Mais Camille avait raison, le rythme que prenait Tarek et toute la famille en réalité était effréné. Ils étaient cependant suffisamment soudés pour se dire quand c’était trop et prendre le relai. C’était sans doute ce qui faisait leur force et ce qui faisait que Neith aimait les siens.
« Je vous le confirme que cela lui fera plaisir. » répondit-elle avec un sourire.
Elle en entendrait sûrement parler. Le sujet changeant légèrement pour en venir à Ruben que Neith savait très friand de Camille, la jeune femme émit un rire doux et tendre. Oh oui, Ruben les occupait beaucoup. C’était aussi ainsi qu’il était élevé après tout. Elle acquiesça néanmoins à sa réplique en le remerciant chaleureusement. Ruben ayant été élevé en observant assis sur ses genoux ce qu’elle faisait alors comme elle-même lorsqu’elle était petite avec Tarek, il était évident que son fils serait fou de joie à l’idée de voir des choses en exclusivité. De quoi se pavaner devant ses amis ce que Neith ne lui interdirait absolument pas. Elle aussi, à son âge, aurait fait la même chose.
Remerciant Camille de sa galanterie, elle continua de suivre Camille, bien contente de passer à une entrevue plus intime. La question fit un peu sourire Neith. Cela avait été un débat particulièrement animé entre Alaric et elle à l’époque, Neith ayant détesté Beauxbâtons et tenant à ce que son fils qui apprenait déjà la magie sans baguette comme le voulait la tradition des Shafiq, étudie à Uagadou. Alaric, lui, ventait les mérites de l’école française. Elle ne démordait pas, trouvant Uagadou bien plus riche que Beauxbâtons sur l’aspect scolaire et culturel. Mais elle savait son avis biaisé par ses névroses et ses drames. Alaric également l’avait su.
« Nous avions convenu avec Alaric de laisser le choix à Ruben. » expliqua-t-elle un sourire en coin. Ses parents à vrai dire, lui avaient également laissés le choix. Elle avait bien entendu prit sa décision parfaitement librement en entendant les arguments de ses parents. Elle avait tenu à ce que Ruben ait ce choix aussi… ce qui ne l’avait jamais empêchée de pousser Ruben en ce sens. Il faudrait néanmoins qu’elle voix avec Crépus plus précisément mais en mettant sans doute son père dans le coup qui serait de son côté, elle en était persuadée, si c’était réellement ce que Ruben décidait, ce serait ce qui se passerait. « A titre personnel, j’aimerai qu’il y aille. » confessa-t-elle à l’homme. « Uagadou est une expérience qu’il doit vivre et beaucoup de mes cousins et les siens y sont. Je pense vraiment que ce sera un plus pour lui pour la suite. » Mais ce serait à la discrétion de Ruben. Elle voyait cependant cette double scolarité comme un enrichissement parce que son fils était également riche de deux cultures : françaises par Alaric, égyptiennes par elle-même. Ce serait toujours sa force.
Puisque les quelques sujets familiaux, hormis sa mère et son adelphité fut abordé, Neith en vint à Lindia qui semblait avoir tant de griefs envers elle. Elle ne doutait pas et n’avait jamais douté que le couple Delacour avait tant souffert. Neith n’osait imaginer leur souffrance et elle se disait que cela devait être. Elle ne pouvait que compatir avec Camille et elle lui sourit vraiment tristement. Avec amitié, elle vient délicatement serrer son bras pour lui exprimer son soutien. Elle ne doutait pas que Lidia menait sa barque. Neith était suffisamment au courant sur ce point. Elle n’ajouta cependant rien de plus sur ce sujet, n’ayant rien à en dire de plus, bien qu’elle fut toujours une oreille attentive s’il en ressentait le besoin, que cela plaise ou non à son épouse.
Rentrant dans le bureau, Neith reposa son regard sur son ami avant de sourire. Il existait des hommes doux d’une rareté qui faisait leur préciosité. Camille en était un. Elle ne doutait pas que son inquiétude était aussi franche que réelle alors qu’elle observait le bureau, curieuse, mais aussi sans doute pour mettre un peu de distance sur le rappel qu’Alaric ne partageait plus sa vie actuellement depuis presque trois ans. Le quatre janvier prochain, ce serait le cas. Cette année, comme l’année dernière, elle ne pourrait pas consoler Ruben malheureusement puisqu’il serait à Beauxbâtons. Il lui faudra affronter cette journée seule. Ou avec une bonne bouteille de vin.
Ne se pressant pas pour répondre, Neith prit place lorsque Camille le lui autorisa. Il avait raison, on la scrutait. Elle n’en ressentait pas le poids ou tout du moins ignorait superbement. Aussi parce qu’elle pouvait se le permettre : Tarek et Rawiya, elle en avait déjà discuté avec eux, ne l’obligeraient pas à se remarier et elle était quasiment persuadée qu’ils ne le souhaitaient pas du tout. Elle était libre bien que cette liberté avait un terrible coût et un goût doux-amer. Neith fut néanmoins touchée par l’attention de Camille de lui proposer montre de discrétion si elle souhaitait mener une relation cachée. Elle sourit, puis eut un rire avant de se saisir de la boisson. Un rire tendre. Décidément, Camille était un homme doux, le genre d’homme qu’elle aurait aimé rencontrer plus tôt dans sa vie pour lui redonner plus vite foi en la masculinité.
Trinquant, Neith but avant de répondre, honnête puisqu’ils l’étaient et qu’elle n’avait rien à cacher à son ami :
« Merci pour tes mots et tes propositions. Cela me touche beaucoup. Je préfère ne pas faire attention à ceux qui pensent savoir ou me juger en me regardant. S’ils jugent, que grand bien leur fasse. » Elle fit un geste de la main pour balayer les médisances, Camille ayant raison sur le fait qu’elle ne se laisserait rien dicter. Cela ne l’empêchait pas de faire attention même si elle savait qu’elle était devenue une menace implicitement en étant de nouveau libre, femme libre qui plus était. Elle avait remarqué ce changement inconscient autour d’elle. C’était triste, mais c’était ainsi. Elle s’y était habituée. « Mais oui, la date d’anniversaire approche. Je suppose que le choc sera moins rude cette année que l’année dernière lorsque Ruben était à Beauxbâtons pour la première fois. Je ne sais pas trop ce que je vais faire d’ailleurs encore, peut-être qu’une distraction le jour j ne sera pas de refus. » sourit-elle un peu. Elle aimerait faire quelque chose pour elle-même ce jour-là bien qu’elle savait qu’elle ferait un passage obligatoire chez les Lestrange pour aller sur la tombe de son mari. Mais ensuite… elle avait champ libre et c’était ce champ libre qui lui faisait peur. « Je vais bien, cependant. Je ne sais quoi faire du temps libre dont je dispose entre les absences d’Alaric et Ruben. J’ai pensé à me trouver une autre passion. Que me conseillerais-tu ? »
Elle rit un peu, malicieuse. Elle ne savait pas si elle était prête à reprendre quoi que ce soit avec qui que ce soit. Elle ne voulait en tout cas pas se presser. Ces trois années avec son fils avaient été ce qu’elle désirait et elle savait parfaitement que Ruben ne serait pas éternellement sous son toit. Il faudrait le laisser partir lui aussi. Cette année précédente où il n’avait pas été là avait été dure moralement parce qu’elle s’était rendue compte qu’elle ne savait pas très bien quoi faire d’elle-même. Mais elle apprenait.
« Et toi ? » lui retourna-t-elle, intriguée et véritablement intéressée par le bien-être de son ami. « Est-ce que cela va mieux de ton côté ? » Son regard se fait plus sérieux et véritablement inquiet pour cet ami qu’elle a déjà épaulé suite à ce paquet qu’elle lui a laissé à sa demande.

18 Octobre 1927 • Section magique du Louvre

Il n'allait pas mentir ; l'entendre rire sur un sujet pareil représentait un véritable soulagement pour Camille, dont l'inquiétude à l'égard du bien-être de son amie était sincère et profond. Savoir qu'elle ne feignait pas son bonheur au regard des autres, mais qu'elle était réellement au dessus des médisances de salon, prouvait quelque part que son deuil était en bonne voie. Silencieux tout le long de ses explications, Camille se contenta de la couver d'un regard affectueux. Neith était ce qu'il se rapprochait le plus de la petite sœur qu'il n'avait jamais pu avoir.

"- Tu me vois soulagé en ce cas. Laisse donc de telles futilités leur remplir la tête. Ils ne sont bons qu'à manger, parier, faire les gorges chaudes d’autrui et dépenser sans réfléchir toutes leurs rentes."

Le mépris qu'il portait à cette communauté spécifique de leur sphère sociale transpirait à chacun de ses mots. Il exécrait ces parasites qui ne vivaient que de leur titre de noblesse ou de la fortune léguée par leurs ancêtre. Quel gâchis ! Après tout, les Delacour n'étaient pas restés aussi ridiculement riche en se contentant d’œuvres de charité et d'expositions d'Art. Surtout après avoir rendu leur titre de noblesse lors de la Révolution ! Mais Neith n'était pas venue pour verser de son sel sur les inégalités sociales. Si Camille voulait une partenaire de débat, il irait trouver Némésis le Bihan.

Il recentra donc son attention sur la jeune femme et termina le fond de son verre pour se donner le temps de réfléchir à l'avis que l'on attendait de lui. Ainsi son amie s'ennuyait lorsqu'elle était seule ? Puisqu'elle n'était pas un papillon social et n'aimait pas spécialement tous les salons et bals qui avaient lieux en après-midi et soirées, mais qu'elle avait en journée la gestion de son propre commerce... Camille posa son verre sur le bord de la table basse et s'adossa confortablement à son siège, un léger sourire aux lèvres. Préférant pour l'heure ignorer la question qui lui était retournée, il répondit dans l'ordre :

"- Sans en faire une activité récurrente vu que tu habites surtout sur Paris ; pourquoi ne reprendrais-tu pas la chasse à court, et par extension l'équitation ? Je sais qu'Alaric adorait cette activité dès que sa position le lui permettait. En réalité, je crois me souvenir que tous les Lestrange aiment à chasser dès qu'ils le peuvent."

Il pondéra un instant le sujet et son regard dévia naturellement sur le calendrier de son bureau. Plusieurs dates étaient soulignées à l'encre magique scintillante, mais une en particulier attira son regard. Un léger sourire de connivence lui vint alors qu'il proposait de ce même flegme aristocratique :

"- Ce qui me fait penser... Es-tu conviée à la célébration du Gévaudan qui prendra lieu dans trois semaines ? Ce sera la première apparition officielle du Baron d'Apcher -après le funérailles de son père, j'entends- et il se dit qu'elle sera particulièrement grandiose. Si ce n'est pas déjà le cas, je t'encourage vivement à te faire inviter. La Chasse Sauvage qui prends lieu à cette période de l'année est un évènement que tu sauras apprécier, je n'en doute pas."

Camille se redressa légèrement dans son siège et, dans le même mouvement, sortit de la poche intérieure de sa veste. Il y vérifia l'heure, sans surprise et sembla satisfait de voir qu'il leur restait un temps confortable avant de devoir bouger de nouveau.

"- Autre proposition : pourquoi ne pas voyager ? Avec Ruben à Beauxbâton et les Antiques Rêveries en autonomie grâce à un bon management... Tu pourrais profiter de ton temps libre pour faire un peu de tourisme." Il haussa un sourcil, à moitié sérieux. "Et si tu ne te sens pas à l'aise à jouer uniquement les touristes, j'ai une liste de destination où un fort trafique d'artefacts et d’œuvres d'Arts en tout genre prennent lieu régulièrement."

Camille lui offrit cette fois un petit clin d’œil.

Si en apparence il était facile pour Neith de ne pas se soucier des rumeurs et racontars, parfois, comme tout le monde, certains d’entre eux les touchaient. Quand bien même était-elle parfaitement à l’aise avec elle-même et qu’elle savait qu’elle n’avait de compte à rendre à personne, hormis à elle-même, voire éventuellement à ses parents dans une certaine mesure, Neith préférait éviter parfois les mondanités pour se préserver. Le monde était parfois bien cruel, surtout avec les femmes. Et notamment les femmes comme elle. Veuve donc libre et déjà même mariée farouche d’indépendance. Elle restait un être qu’on ne pouvait contrôler et donc comprendre, une femme puissante à certains degrés si cela était possible pour une femme. Une femme qui faisait peur. Heureusement, des personnes comme Camille, bienveillantes à l’égard de la cause féminine existaient et d’après Neith, il fallait aussi les hommes dans cette bataille à l’égalité. Le monde égalitaire ne se ferait pas sans eux puisqu’ils le possédaient déjà, même si parfois, Neith pouvait être d’une misandrie qu’elle ne cachait pas. Mais au moins la misandrie ne tuait pas. Elle vexait les égos. La misogynie, elle, tuait. Et elle teintait cette partie de leur communauté mondaine à n’en pas douter.
Décidant de laisser de côté ces gens, mais pas moins reconnaissante du soutien de Camille, Neith écouta les propositions du Delacour et se surprit à hausser un sourcil, puis se faire pensive. Il était vrai que les Lestrange montaient régulièrement et qu’Alaric avait beaucoup aimé cela. La chasse était aussi un de ses dadas. Elle, ça avait été uniquement parce qu’elle s’était découvert une passion pour les armes à feux moldues. Le tir lui manquait. Les Lestrange avaient une formidable armurerie. Elle devait aussi l’admettre, refaire une activité qu’Alaric aimait bien était aussi un moyen de ne pas l’oublier sans pour autant tomber dans un manque de lui. Forcément, l’idée de la Chasse Sauvage était très bonne, surtout qu’elle reverrait forcément Arsène. Réfléchissant néanmoins à savoir si elle avait reçu quelque chose, sans doute que la missive était arrivée plus chez son père que chez elle. Après tout, elle l’avait vu quelques jours auparavant à cette soirée pour l’Aube et il était certains qu’ils se reverraient.
Quant à l’idée du voyage, elle avait prévu cela avec Auguste, ce qui la fit sourire. La dernière proposition la fit en revanche rire.
« Comment partir en vacances sans partir en vacances réellement. Tu sais comment me parler. »
Son rire léger s’éteint avant qu’elle ne rebondisse sur les propositions de son ami.
« Effectivement, la chasse est une bonne idée. Enfin, le tir plus que la chasse en tant que tel. Je t’ai dis que j’étais très bonne en tir ? » Sourire mutin. « Je pense que je dois avoir l’invitation quelque part. Ou mon père a dû la recevoir. J’ai revu le baron il y a quelques jours. Il s’intéresse à l’Aube Sorcière. Je l’ai aiguillé. Je pense que j’irai. Merci pour cette idée. »
Peut-être même pourrait-elle y aller avant aussi. Juste pour tirer un peu sur une cible dans le calme d’une forêt. C’est aussi ce qu’elle aime dans son premier métier d’archéologue, les grands espaces où elle est totalement libre de se faire ses expériences, ses découvertes. Ca lui manque parfois étant donné qu’elle n’était plus tant sur le terrain sauf pour certains cas exceptionnels. Ce serait une bonne façon de renouer.
« Je voyagerai sans doute avec Auguste bientôt. Nous en avions parlé pour mon anniversaire. Et puis les Antiques Rêveries survivront sans moi quelques semaines. » Même si en réalité, elle serait toujours disponible en cas de besoin. Neith avait bien du mal à déconnecter.
Posant sa tête sur sa main, elle fit mine d’être très intéressée en concluant : « Par contre, ça m’intéresse beaucoup sur les endroits qui trafiquent. » Son regard est rieur et pourtant au fond elle est très sérieuse. Tout comme le silence de Camille sur son état n’est pas passé inaperçu et qu’elle le prenait également très au sérieux. Décidant néanmoins de rester sur des sujets légers puis qu’il était évident que Camille ne souhaitait pas encore se livrer, elle ajouta : « Peut-être que je pourrais te ramener des choses à mettre dans l’aile sorcière ici pour les sortir de ce trafic. » Ce qui entretiendrait également leur lien et aussi faire un pas sur l’objet de cette visite que Camille voulait lui faire faire.

18 Octobre 1927 • Section magique du Louvre

Au compliment, Camille se contenta de lever son verre en silence, portant un toast à leur complicité toujours renouvelée ainsi que leur bonne entente continuelle. La voir sourire, et plus encore rire, fut tout ce dont il avait besoin. Quoi qu'elle décide ensuite n'avait pas d'importance. Après tout, le bonheur de son amie et confidente lui était ce qui comptait et son rôle était de la soutenir à hauteur de ses moyens. Et s'il ne doutait pas que Neith ait les même intentions à son égard, il n'était simplement pas capable d'ouvrir aussi aisément son cœur, comme ses pensées, à autrui. Plus encore maintenant qu'il avait retrouvé une partie de sa mémoire.

La suite le fit de nouveau songeur et il hocha doucement du chef en signe d'écoute attentive bien que son regard soit rivé sur les étagères murales. Il contemplait toutes les pièces de collection, ramassées au court de ses nombreux voyages et rencontres. De l'index, il tapotait l'accoudoir de son fauteuil en un rythme connu de lui seul. Lorsqu'elle eut finit, Camille lui lança un petit regard espiègle et lâcha sur le ton de la conversation :

"- Oh tu ne m'as jamais explicitement dis être douée en tir, ma tendre amie. Mais je m'en suis douté sans grande peine après t'avoir entendu promettre milles maux à un mauvais payeur des Antiques Rêveries. Si je partage ta fascination pour ces armes moldues, elle s'arrête cependant à leur complexe mécanisme, car j’exècre le bruit et l'odeur qu'elles dégagent à chaque tir."

Refoulant un sourire sans réellement s'en cacher, amusé par la lubie peu conventionnelle de son amie, il continua avec plus de sérieux :

"- Ah oui... Le nouveau baron d'Apcher." Il fronça des sourcils, un léger tic à l’œil trahissant son désamour pour le sujet ou bien la personne ? Camille reprit toutefois sans rien montrer de plus : "Certainement, un soutient plus militaire sera toujours un gros plus dans le poids de nos réclamations et le Gévaudan a déjà fait montre par le passé de son dédain pour le Secret. En toute objectivité, voilà un allié potentiellement de choix pour notre cause."

Là-dessus, il se passa de tout autre commentaire et fit la sourde oreille si jamais Neith désirait approfondir le sujet. Terminant son verre d'une traite, il se leva et ajusta les manches de son costard ainsi que les pans de sa veste pour ne pas risquer de mauvais plis. D'un geste élégant, Camille sortit sa montre à gousset pour surveiller l'heure et sembla compter mentalement le temps qu'il leur faudrait pour faire la visite comme il l'avait initialement prévue.

"- Le Louvre accepte toute donation... Et ne se montrera jamais avare pour acheter des pièces plus "exotiques", dirons-nous." Il lui lança un regard entendu avant de l'inviter à l'accompagner, offrant galamment son bras. "Ce qui me donne la parfaite transition ; allons visiter l'aile magique. Nous avons suffisamment prétendus travailler sur des choses bien plus sérieuses, personne ne suspectera notre malice."

Sur ces paroles, ils furent hors du bureau et une fois les doubles portes soigneusement verrouillées physiquement, comme magiquement, Camille escorta la jeune veuve dans les couloirs dorés du Louvre. Dehors, le soleil déclinait rapidement, puis fut bientôt engloutit derrière les toits aux tuiles d'ardoises lustrées de givre. Les lumières étincelèrent au dessus de leur tête et sur les murs, apportant au musée des airs encore plus riches et féériques.

"- C'est le chemin que je compte nous faire emprunter la prochaine fois." Déclara-t-il d'une voix basse, comme s'il ne désirait pas rompre le calme des lieux alors qu'il cherchait surtout à s'abriter d'oreilles potentiellement indiscrètes. "Les œuvres d'art servent aisément de points de repère, surtout dans la précipitation ou l'obscurité."

Il lui fit un léger clin d’œil, sans ralentir le pas, continuant d'avancer parmi les œuvres encore considérées comme "moldues" de l'aile Richelieu. Camille s'arrêta devant l’iconique sculpture intitulée La Seine et La Marne et salua avec bonhommie les personnages qui lui rendirent son salut avec chaleur. Sur les bons mots, le passage s’ouvrit directement dans le socle solide de la pièce d'art et il laissa Neith passer la première.

Il y avait encore de rares visiteurs, mais majoritairement il s'agissait d'employés qui faisaient les dernières rondes et préparatifs pour la fermeture. Il leur serait impossible de rester bien longtemps après le couvre-feu, aussi Camille se contenta de marcher dans les vastes allées, mains à présent croisées dans le bas de son dos. Le but de leur rencontre était de familiariser Neith avec les lieux, pas d'effectuer eux-même la chasse au trésor.

"- Qui penses-tu inviter pour notre prochaine séance ? Considérant nos avancées de la dernière fois, il nous faudrait des initiés au cœur bien accroché. Qu'ils ne s'attendent pas à une bougie soufflée ou une table qui tremble..."

La mention d'une séance d'occultisme n'était qu'un prétexte. Camille s'arrêta devant un vaste tableau de chasse et plusieurs chiens en peinture aboyèrent en remuant la queue.

Elle comprit rapidement à quel mauvais payeur Camille faisait référence. Oui, il était possible qu’elle eût perdu sa patience et son sang-froid légendaire ce jour-là. En réalité, le plus triste avec cette histoire, était qu’elle savait exactement pour quoi elle était passée : une femme froide et castatrice, là où ces adjectifs n’auraient pas eu la même signification si elle avait été un homme. Mais il semblait à l’époque qu’elle avait été obligée de faire ainsi parce qu’elle reprenait à peine la place de son père et très souvent on lui faisait sentir qu’elle devait rester à sa place. Ce qu’elle n’avait absolument pas apprécié venant d’un homme qui visiblement gérait son argent comme la manière dont il parlait aux femmes, c’est-à-dire, mal. Elle avait en revanche complètement oublié la mention du revolver mais maintenant que Camille le mentionnait, effectivement.
« Ne jamais dévoiler son jeu dès les premiers instants. J’aime surprendre même des années après. » répondit-elle, un rire dans le regard et l’air faussement charmeuse par envie de légèreté.
Elle pouvait comprendre en revanche que les armes à feu puissent faire peur. Il suffisait de voir à quel point ces armes avaient fait des dégâts pendant la Grande Guerre, et elles ne cessaient de s’améliorer. C’était bien pour cela que l’Aube s’était créée et l’idéologie qui allait avec.
Connaissant suffisamment Camille pour reconnaître que visiblement, il ne semblait pas porter la baronnie d’Apcher dans son cœur, Neith ne répondit rien. Elle nota néanmoins son effort pour s’intéresser au sujet et avoir un point de vue judicieux. Ce n’était pas sa première pensée à elle, mais elle devait reconnaître que Camille avait là une très bonne idée. Sans doute que cela serait tout aussi canalisant pour les loups. Se contentant d’acquiescer, elle laissa Arsène et sa baronnie loin des planches sacrées du Louvre.
Imitant Camille, Neith termina son verre et décroisa les jambes. Son regard se posant sur son ami, elle comprit qu’ils allaient passer à l’aspect de cette visite première. Neith se sentit enchantée. Elle pourrait se targuer d’avoir une visite privée du directeur du Louvre lui-même. Si cela n’était pas une chance… Se levant avec une certaine grâce, elle le suivit donc. Elle ne pouvait s’empêcher de faire en sorte d’être plus fermée extérieurement qu’elle n’était émerveillée intérieurement. Neith adorait les musées à cause des connaissances qu’elle pouvait y trouver. Elle était une femme qui aimait les vieilles choses après tout et si elle n’avait pas assez de sa vie pour s’intéresser à tout, elle pouvait apprécier. Le Louvre était un endroit exceptionnel pour elle, totalement différent des Antiques Rêveries, bien plus récent et ayant une tout autre symbolique.
N’en restant pas moins attentive, elle écouta, silencieuse les indications de Camille. Un sourire en coin répondant à son clin d’œil, Neith regarda Camille faire, puis rentra puisqu’il la laissait passer. De son regard de gazelle, Neith observe autour d’elle. Elle ne cherche rien mais elle essaie de retenir des détails des lieux pour pouvoir mieux se repérer le moment venu. La question de Camille ne la surprit pas et le sous-entendu face aux potentielles autres oreilles ne la dupèrent pas davantage.
« Je suis d’accord. Des personnes sérieuses avec quelques qualités différentes pour éventuellement répartir les forces de chacun dans des domaines où toi et moi n’excellons pas. Je pense que la diversité est importante. Des gens de confiance également même si je ne suis pas fermée à faire de nouvelles connaissances si elles se prouvent sérieuses pour notre séance. »
Elle ne pouvait dire les noms qui lui venaient en tête malheureusement, trop consciente des gens autour d’eux. Mais elle pouvait laisser quelques indices.
Continuant de marche, Neith admira quelques œuvres rapidement, comme si elle était intéressée. En réalité, c’était surtout pour mémoriser leurs emplacements de manière à se faire un plan dans la tête. Elle ne peut s’empêcher de se demander s’il y a une porte de secours parce qu’il lui semble important d’avoir une porte de sortie. Pour le moment, elle n’en vit pas.
Continuant le tour avec Camille, prenant conscience qu’ils ne pourraient pas rester indéfiniment, Neith finit par reprendre :
« Je ne veux personne en danger inutilement ceci dit. Cette séance risque, effectivement, d’être intense. » Quand bien même serait-elle prête à faire des sacrifices nécessaires si quiconque se retrouvait dans une mauvaise posture, elle tenait à rentrer et sortir avec tout le monde avec elle. Son regard se posant sur Camille, elle lui adressa un sourire qu’il avait l’habitude de rencontrer lorsqu’il était en public : poli mais distant. « Merci encore de nous permettre cela en tant qu’hôte. »

18 Octobre 1927 • Section magique du Louvre

Patient et attentif, il écouta les suggestions de son amie, acquiesçant à quelques reprises autant pour lui montrer son approbation sur les choix que pour lui prouver qu'il écoutait toujours malgré son attention focalisée sur les tableaux qui défilaient tout autour d'eux. Des elfes de maison en uniformes commençaient à s'éparpiller dans les allées et les chambres d'exposition, vidant les poubelles et ramassant les rares déchets oubliés là par des visiteurs peu attentifs.

"- La confiance est une chose qui peut s'imposer avec le bon serment. Je propose ainsi de se focaliser sur les talents de nos invités avant toute chose." Une pause, pendant laquelle il arrêta leur marche devant une sculpture de la Chasse Sauvage, de marbre blanc et de bronze brossé. " Que dirais-tu, au minimum, d'une personne capable de nous protéger, une pour garder le secret et au moins une autre qui 'pratique' les Arts afin que l'on puisse avoir un point de vue différent du notre qui les manageons ?"

Il reprit sa marche aux côtés de Neith, léger sourire ourlé au coin de ses lèvres. Il avait beau être le Directeur du Louvre magique et pratiquer sur son temps libre, surtout en dessin et en sculpture, il n'avait rien d'un professionnel dans le domaine. Posséder un véritable artiste parmi eux, au moment critique, pourrait changer absolument toute la donne. Mais Neith était celle qui prendrait, inéluctablement, les décisions finales et il lui faisait entièrement confiance sur le choix de l'équipe qui viendra en cette fatidique soirée pour débusquer les secrets bien gardés du Louvre.

Il haussa un sourcil au vœux émis par sa jeune amie ne pu qu’opiner du chef. Lui aussi ne désirait voir aucun maux leur tomber dessus. Déjà parce qu'il risquait sa réputation et son travail, mais surtout parce que Neith lui était une amie très chère et que la voir blessée ou embarrassée publiquement lui fendrait le cœur irrémédiablement. Il s'arrêta une nouvelle fois, entre deux statues des divinités Tuatha Dé Danann. Il n'y avait rien d'intéressant au premier abord : juste un panneau de bois, mais sous prétexte de nettoyer une saleté invisible, Camille frotta un nœud dans une des blanches, laissant voir discrètement à Neith qu'il s'agissait en réalité d'un bouton pour un passage secret.

Le sorcier n'insista pas, ne voulant pas éveiller de soupçons chez les quelques employés qui traquaient maintenant les derniers visiteurs pour les escorter jusqu'aux sorties les plus proches. Dès qu'ils passaient devant Camille, ils le saluaient avec respect voire échangeaient quelques mots courtois avec lui avant de reprendre leur route. Revenant aux côtés de sa jeune amie, le Directeur reprit leur route vers une salle comportant de hautes gargouilles, une couronne et d'autres tableaux relatant le mythe du couronnement des De Valoys.

"- Notre exposition principale avec nombre d’œuvres empruntées à la famille Royale. C'est la plus visitée de notre section magique."

Annonça-t-il sobrement, contraint de jouer le jeu du guide à cause d'une elfe de maison qui s'acharnait à nettoyer le velours d'une ottoman. Des enfants l'avaient visiblement confondu avec un escabeau pour mieux voir les œuvres, par dessus la tête des adultes. "Sacrilège", pensa un moment Camille.

"- Quant aux remerciements, attendons d'en avoir terminé, ma douce amie." Il soupira légèrement, observant la couronne avec un petit froncement de sourcils. "Ce genre de séance sont parfois tellement capricieuses. Nous ne saurons pas si c'est une réussite jusqu'au tout dernier moment... Mais même si nous n'obtenons qu'un silence obstiné depuis l'autre côté du voile, je suis certain que nous n'en ressortirons pas totalement les mains vides."

Après tout, même un échec pouvait constituer une réussite. S'il n'y avait rien au Louvre, ils pourraient toujours partir en Bretagne et chercher sur Is qui possédait son propre petit musée et œuvres d'arts atypiques. Une minuscule collection en comparaison de celle de sa galerie, mais qui serait peut-être plus proche que ce qu'ils cherchaient ici ? Une théorie, simplement, qui faisait son petit bout de chemin à l'arrière de son crâne. Offrant une nouvelle fois son bras à Neith, il commença à la raccompagner dans l'autre sens.

"- Mais dans le cas où nous obtenons une réponse... Sommes-nous réellement préparer pour ce qui suivra ?"

Le bris du Secret. La révélation de leur existence auprès des moldus. Et ensuite quoi ? Une domination ou bien un cohabitation serait à envisager ? Se préparaient-ils à une nouvelle guerre ? A n'en pas douter, l'Ordre des Templiers ne resteraient pas les bras croisés. Peut-être étaient-ils déjà en mouvement ! Et, forcément, ses pensées dérivèrent sur Elric. Serait-il forcé de lui faire face ? Alors qu'ils n'avaient même pas encore pu s'expliquer après dix longues années de séparation ? Peut-être était-ce le signe qu'il était temps. Peut-être devrait-il le visiter avant qu'ils ne franchissent tous une nouvelle page de l'Histoire sans retour possible.

L’idée du Serment fit sourire Neith. C’était intelligent, judicieux et surtout ce qu’elle ferait en tant que paranoïaque qu’elle était. Cette histoire était beaucoup trop importante pour le parti et pour son père. Elle ne permettrait pas que des fuites se produisent à ce sujet. Mais elle appréciait que Camille prenne une partie de la responsabilité. Sans doute était-ce compréhensible étant donné que l’évènement se produirait en ces lieux et il était également responsable de ces lieux.
Observant la sculpture avec intérêt, Neith se promit intérieurement de revenir au Louvres pour une occasion beaucoup plus décontractée et sa curiosité personnelle. Cela ne l’empêcha pas d’écouter les propositons de Camille en terme de recrutement.
« Je pense que ce sont d’excellentes pistes pour que la séance se passe au mieux. J’affinerai ces recherches en ce sens. » lui répondit-elle avec calme et un sourire en coin.
Reprenant la marche à côté du directeur du Louvres, Neith vit la manœuvre de Camille et constata qu’il y avait là bien un passage secret. Son regard se mit à briller. Cela lui rappelait ses excursions en tant qu’archéomage où elle avait parfois dans certains temples abandonnés trouver aussi des passages secrets. D’un regard pétillant, elle acquiesça pour lui faire comprendre qu’elle avait bien vu et bien compris et continua de suivre le maitre des lieux comme si de rien n’était. Saluant également les employés, Neith laissa Camille discuter un peu tout en regardant autour d’elle, essayant de mémoriser les lieux avec des moyens mnémotechniques pour avoir une bonne cartographie dans sa tête de l’Aile sorcière.
Puis, elle suivit Camille encore et regarda non sans un intérêt lointain les œuvres de toute beauté. Elle écouta les instructions de Camille, ne faignant pas l’intérêt du tout. Bloquant néanmoins un peu sur l’ottomane visiblement salie, Neith fronça les sourcils avant de jeter un regard désolé à Camille. Vraiment, si quelqu’un avait fait ça aux Antiques Rêveries, elle aurait retrouvé la personne et lui aurait fait récurer elle-même.
« Vous avez raison. » Même si elle espérait sincèrement qu’ils aient des réponses. Elle détestait l’idée de revenir les mains vides auprès de son père. L’idée de le décevoir ne lui plaisait pas, mais elle savait que c’était un risque. Tout comme elle prenait un risque en y allant elle-même. Même si elle avait rassuré son père à ce sujet, elle supposait qu’il aurait sans doute préféré que ce soit quelqu’un d’autre que sa fille aîné. Sauf que Neith était beaucoup trop frileuse à laisser aller quelqu’un d’autre qui n’était pas son frère, mais Yamanu avait ses propres desseins, ou sa sœur, mais Amonet n’était pas présente en ce moment en France. L’idée de l’échec était cependant une option, bien que Neith était du genre à ne pas s’avouer vaincue.
Posant sa main sur le bras que Camille lui offrait, l’égyptienne regarda une dernière fois les œuvres rapidement. La question de Camille la fit reposer son regard sur ce dernier.
« Je pense que la communauté magique est prête depuis bien longtemps. On nous a juste fait penser que ce n’était pas le cas jusqu’à présent. Mais j’ai foi en notre communauté. » Et elle avait foi dans les idées de son père. Les choses n’étaient pas obligées de se faire de manière aussi frontales. Neith avait bien trop conscience d’enjeux particuliers et c’était bien pour cette raison que Tarek n’était pas non plus fou malgré ce que quelques uns pensaient.
« N’êtes-vous pas un peu curieux de ce que le monde aurait à nous offrir ? Des nouvelles opportunités ? Ne serait-ce que pour le Louvre. » Parce que si Camille n’était « que » directeur de l’aile sorcière, il pourrait aussi prétendre à celle moldue et elle supposait que c’était aussi une motivation comme une autre. Sans compter probablement toutes les autres opportunités.
Continuant de suivre Camille vers la sortie, Neith reprit : « Personnellement, je suis impatiente. » Impatiente de voir que le monde n’était qu’un échiquier comme un autre. La seule différence contrairement à celui qu’elle avait avec son père lorsqu’ils jouaient ensemble était que celui-ci n’était pas matériel.
« Merci pour cette magnifique, M. Delacour. Je reviendrai avec grand plaisir pour ma curiosité pesonnelle. » termina-t-elle un sourire en coin, alors qu'ils étaient presque revenus sur leurs pas.

18 Octobre 1927 • Section magique du Louvre