Cool Cats | ft. Neith

Imperméable au bruit, à la musique et aux discussions, Neith avait décidé que pour rien au monde, depuis son retour officiel au Chansonia le mois dernier, elle ne manquerait une soirée ici, même si elle croulait sous le travail. Si elle avait ici ses habitudes et sa table attitrée, ce soir, elle était encore seule. Emile n’était pas encore arrivé et elle ne savait pas réellement s’il arriverait, mais elle lui réservait autant de danses qu’il voudrait. Ses autres compagnons et habitués semblaient également exceptionnellement absents ce qui lui laissait un peu de temps pour terminer ce qu’elle voulait terminer avant de juste profiter de la soirée et la terminer sur la piste de danse comme toujours.

Agustin, le barman, avait l’œil sur sa table et sans qu’elle ne demande quoi que ce soit, s’assurait que son verre n’était jamais vide avec son martini habituel. Pas de Bloody Mary, même si en lisant ce qu’elle lisait, son visage se froissa. Sentant le sel de son collègue qui se répandait entre les lignes inscrites sur le parchemin, Neith décide de mettre des suggestions de reformulation pour adoucir les propos mais n’en était pas moins aussi salée que ce dernier.

Récupérant son verre dans lequel elle avait à peine trempé les lèvres, Neith s’apprêta à le boire quand elle entendit un claquement de talon sur le sol de la péniche. Elle la sentit avant de la voir avec son parfum qui prend le relai sur toutes les autres odeurs : cigarettes, effluves d’alcool, nourriture et sueur des danseurs et danseuses. La chaise en face d’elle qui se tire et Neith redresse le regard. Ne cachant pas sa surprise en reconnaissant Armance Der Decken, Neith la voit s’asseoir, prendre ses aises… comme si c’était chez elle. Un sourcil amusé se lève devant le sourire charmeur et les belles paroles.

Elle ne connaissait pas tant Armance. Bien sûr, les Der Decken étaient bien l’opposé de ce que l’Aube recherchait, mais Neith devait admettre que leur main mise sur les transports était un atout qu’elle prenait en compte en bonne opportuniste qu’elle était. Armance était tout un personnage et si Neith l’avait plusieurs fois croisée, elle n’avait jamais eu l’occasion de faire sa connaissance. Elle n’éprouve rien vis-à-vis d’elle, si ce n’est, un certain respect à son égard. Les femmes de pouvoir et qui travaillent sont bien rares et elles sont faites du même bois même si leurs domaines sont bien différents et leurs opinions sont sans doute aux antipodes.

Alors, si voir Armance prendre ses aises comme si elles étaient copines ne la surprend pas, Neith capte qu’il y a bien quelque chose qui la motive. Se reculant un peu dans sa chaise mais gardant une posture élégante, la franco-égyptienne se met à sourire fortement amusée. Elle ne boira pas le sidecar, son martini à peine entamé et ayant déjà derrière elle un verre. Et puis les mélanges d’alcool, elle a passé l’âge et n’a jamais vraiment aimé cela.

Lorsqu’Armance reprend, Neith n’arrive pas à s’en empêcher et explose de rire. Comprenant très bien ce qui se passait devant l’absence de subtilité d’Armance, la femme reprit son souffle et répondit :

« Armance, bonsoir. Effectivement, les pignoufs de Paname et de Navarre ne sont pas très inventifs. »

Les sidecars arrivant, Neith remercie la serveuse d’un sourire. Rangeant d’un coup de baguette magique ce qu’elle faisait comprenant qu’elle ne terminerait pas tout de suite, Neith poussa le verre vers Amance :

« C’est gentil mais je ne le boirais pas. Fais-toi plaisir. Je reste au martini. »

Puis, elle récupéra son verre et trinqua, un sourire amusé sur les lèvres.

« Aux femmes magnifiques que nous sommes. »

Quelque chose dans ce que disait Armance ou son attitude lui rappelait celle des femmes de sa famille ou des femmes qui ne se laissaient pas marcher dessus. Neith ne peut s’empêcher de détailler un peu plus Armance. Définitivement, elle n’a pas volé la réputation qu’on lui colle dans son domaine mais Neith reconnaissait là exactement ce qu’on disait d’elle aussi simplement parce qu’elle était une femme. Armance riant d’un rire qui ne se veut pas discret et ne s’en excuse pas était donc plus qu’intéressante et venait de capter son attention en quelques secondes plus qu’une heure avec l’un des pignoufs de Paname qu’elles évoquaient mais qui n’étaient que des personnages de décor dans leur monde.

Un sourire amusé aux lèvres, Neith l’observa récupérer le verre qu’elle avait tenté de lui offrir. Bien sûr qu’elle avait vu son martini, elle avait simplement choisi sciemment de l’ignorer. Technique de drague basique au demeurant. Suivant les gestes d’Armance qui s’installe comme si elle était chez elle, la franco-égyptienne sentit son propre pied sous ses jambes croisées battre la mesure de la musique jazzy qui se jouait. Si elle n’avait aucune idée de ce que liefe voulait dire, elle soupçonna que c’était un compliment étant donné le contexte.

Les verres s’entrechoquèrent et Neith but une gorgée de son verre en riant un peu avant de faire un clin d’œil appréciateur à la blonde assise en face d’elle lorsque cette dernière la remercia du compliment subtil lors de ce toast. Reposant son verre sur lequel sa trace de rouge à lèvre y avait laissé son empreinte, Neith ne se défit pas de son sourire en coin amusé par la situation. Un pouffement de rire la saisit devant le pétillement d’Armance.

« Figure-toi, répondit Neith se prêtant au jeu de séduction plus par amusement et par flirt sans penser à plus. que mon plus grand secret est que je suis une fée. Une des fées du Chansonia. Tu m’as démasquée. »

Elle désigne la piste de danse.

« Je viens danser ici avec mon partenaire de danse… qui est quelque part, ou pas arrivé. » Elle hausse les épaules avant de détailler un peu Armance et de sourire de nouveau en coin. « Mais je suppose que tu sais déjà que je suis une habituée, pas vrai ? »

Son sourire se transforme en sourire de chat. Son sourcil se lève, taquin.

« J’attendais tout le monde et personne. Mais je suppose que ce n’est plus le cas à présent. » Elle boit un peu avant de poser sa tête sur sa main. « Et comment comptes-tu occuper ma soirée, Armance ? Je te préviens : quand je viens ici, je ne fais que danser. »