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Les ravages du silence|ft. Léopold

Raphaël MalefoyLACHESIS | SECRET IS THE ONLY WAY.
Raphaël Malefoy
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(#) Les ravages du silence|ft. Léopold

missive rédigée par Raphaël Malefoy le


  • Les ravages du silence

    25 janvier 1928 ✶  ft. @Léopold de Valoys
    TW : guerre, PTSD




    « Si les moldus veulent jouer à se faire la guerre, qu’ils le fassent ! Mais cette fois, qu’ils le fassent loin d’ici. »

    Ce fut cette remarque, lancée avec colère par un homme qui n’avait jamais mis les pieds sur le moindre champ de bataille, qui craqua l’allumette de la discorde, alors qu’on évoquait les rumeurs de conflits venues d’Espagne. Un toussotement gêné l’accueillit, suivi d’un murmure qu’on n’aurait su dire approbateur ou gêné. L’homme était manifestement déjà ivre. Pourtant, personne ne fit le moindre geste pour retenir l’elfe de maison qui remplissait à nouveau son verre d’un vin doré et moiré. Après tout, c’était l’hôte. Le contredire aurait été malvenu, n’est-ce pas ? Et, le repas ne faisait que commencer. On préféra s’intéresser aux mousses de saumon à la cébette qui venaient d’être déposées entre les couverts. On félicita les cuisines, et la conversation dériva naturellement sur le sujet on ne peut plus passionnant du prix de la fonte à chaudrons, qui avait fait un bond ces dernières années.

    « C’est cette guerre de moldus qui a bloqué les mines de l’est ! S’ils se contentaient de s’entretuer dans leur coin, cela irait… mais non, il faut qu’ils compliquent la vie de tout le monde ! »

    Raphaël serra les lèvres, pour ne pas demander tout haut ce que ça pouvait bien lui foutre si soudainement, à cet ivrogne, le prix des chaudrons. Si la compagnie de la table n’avait pas été si prestigieuse, peut-être aurait-il osé. Sûrement, même. Mais attention, messieurs-dames, aujourd’hui, on était en présence de la fine fleur du gratin ! Que des beaux petits spécimens de la noblesse française, triés sur le volet. Même le frère du Roi faisait l’honneur de sa présence ! Hors de question de se faire remarquer, donc, et de perdre cette petite étiquette ridicule qui faisait la différence entre les gens bien -vous et moi- et le reste. Et avoir une grande gueule lors d’un dîner, c’était un ticket gratuit pour une rétrogradation propre et simple vers le reste.

    Raphaël se taisait, donc. Il se concentrait sur son assiette, découpant son filet mignon aux cèpes en imaginant qu’il s’agissait de l’ingrat faciès de leur hôte. De la pointe de son couteau, il vient cueillir l’un de ses petits yeux -un pruneau, pardon- pour le gober, de la plus prolétaire des façons. Mais tout le monde était bien trop occupé à prétendre prendre la remarque de l’homme pour une plaisanterie pour le regarder, lui. Et on fit bien attention à ne plus évoquer la fonte à chaudrons.

    Malheureusement, le prix des métaux n’était pas la seule cible des griefs de l’homme. On découvrit bien vite que de nombreux sujets l’empêchaient, apparemment, de dormir convenablement la nuit. Et puisqu’il insistait tant, certains, échauffés par l’alcool et les mets délicieux qui s’enchaînaient devant leurs yeux et sur leur palais, se mirent à lui répondre. Désiraient-ils un véritable débat ou apaiser l’atmosphère ? À moins que pour eux aussi, les limites ne se soient émoussées. Toujours en est-il que, soudain…

    « Eh bien, vivement qu’ils en fassent une nouvelle, de guerre ! Ils ne savent faire que ça, de toute façon. Mais cette fois, qu’on ne vienne pas me dire que les sorciers doivent y participer ! »

    L’homme ponctua son discours d’une frappe de la paume sur la table basse qui bordait son fauteuil, et les petits verres de digestifs qui s’y trouvaient firent un bond, à deux doigts de se renverser. Raphaël sursauta. Un désagréable souvenir s’imposa à son esprit, et un instant, il revit le poing de son père qui s’abattait sur la table de bois grossière de la cuisine, brisant une assiette et renversant les verres sous l’impact ; le journal qu’il lisait tombait sur le sol dans un froissement de papier, s’ouvrant sur les nouvelles du conflit russe, qui se trouvait pourtant très loin ; et il vociférait, appelant au massacre des révolutionnaires socialistes, avant qu’on ne les retrouve sous leur fenêtre, car c’était que le début, croyez-moi !

    Raphaël profita de cette soudaine agitation pour avaler son verre d’une traite. La liqueur amère et forte lui brûla la gorge et lui humidifia les yeux. Il battit des paupières et se leva, tentant de garder l’air digne et naturel de celui qui va seulement se repoudrer le nez. « Excusez-moi. » dit-il discrètement à l’attention de ses voisins.

    Il quitta la pièce sous les chuchotements légèrement affolés des convives. Oh, par Morgane, c’était vrai que le jeune Malefoy avait participé à la Grande Guerre ! On n’y pensait plus, c’était il y a si longtemps… et il faut dire qu’il n’en parle jamais, ce filou. Cela devait pourtant être terrifiant de voir le conflit au premier plan ! D’ailleurs, vous y étiez également, Monsieur le Duc, n’est-ce pas ? J’imagine que vous…

    La porte se ferma derrière lui, les voix s’amenuisèrent, et Raphaël s’adossa l’épaule contre un mur, avant de se frotter le visage. Il appuya sur ses yeux, soupira. Entendre parler de la guerre n’était jamais très agréable, mais il pouvait s’y faire. En revanche, voir l’image du paternel faire irruption dans son esprit comme si elle jaillissait d’une pochette surprise, au pire moment… Il ne se souvenait même plus de son visage, simplement de ce poing qui s’abattait.

    L’amertume de l’alcool lui brûla soudain l’estomac. Pouvait-il y retourner et faire comme si de rien n’était ? Il entendait certains invités se lever, bouger… L’envie de rentrer à pieds jusqu’à chez lui était tentante, malgré le froid de l’hiver. Mais il fallait d’abord qu’il remercie ses hôtes -comme s’ils le méritaient, tiens- et qu’il salut le reste. Pour cela, il fallait qu’il ouvre cette porte. Il n’en avait aucune envie. Et il fixait la poignée d’un regard intense, comme si cette simple oeillade aurait pu suffire à actionner la poignée que sa main refusait de tourner.
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    (#) Re: Les ravages du silence|ft. Léopold

    missive rédigée par Léopold de Valoys le
  • Les ravages du silence
    ft.  @Raphaël Malefoy
    tw : ptsd ; guerre ; classisme





    Une de ces occasions de dîner que l’on ne sait refuser. Sa douce duchesse à son bras, le voilà dans les bas-fonds d’une noblesse empestant le fric et la suffisance. Le couple de Valoys est venu sans enfants, ce soir. Il les a excusés avec la politesse raffinée de ceux qui n’ont pas voulu imposer à leurs tendres une torture. C’est que leurs études son prenantes. Et, avant que l’on ne pût s’en offusquer, de s’enorgueillir placidement des réussites de ses petites têtes blondes et brunes. Personne n’oserait, à moins d’un peu trop d’alcool dans le nez, à commenter le cracmol de fils du Duc devant lui, n’est-ce pas ? Toutes ces années lui ont doublé le cuir d’une armure, et l’œil glacial, d’un pâle bleu, qu’il balade sur quiconque oserait se lancer sur le sujet, suffit généralement à faire taire les nobiliaires têtes de cul et la bourgeoisie engoncée de privilèges fraîchement acquis. Monsieur le Duc est réputé pour un être un convive affable, qui a la parlotte tranquille et la délicatesse raffinée. Il est des sujets, toutefois, sur lesquels peu se hasardent en sa présence, presque gênés de devoir affronter sur le terrain des idées la bonhommie faite glace tranchante. Les cracmols en sont un, la guerre en est une autre. Ignorer la participation de Monsieur le Duc à ce conflit, et la carrière militaire de son aîné et successeur est certainement la pire faute de goût que l’on pût faire. Aussi, à mesure que l’on se mêle les uns aux autres et que le dîner progresse, c’est presque avec surprise que claque la voix d’un gougnafier fait hôte de la soirée.

    « Si les moldus veulent jouer à se faire la guerre, qu’ils le fassent ! Mais cette fois, qu’ils le fassent loin d’ici. » A ces mots, la clameur se fait. Murmures d’approbation ou de gêne, silences tendus et frimas de plumes ébourriffées à contresens. Si Madame la Duchesse lance le sujet des mousses de saumon pour rediriger la conversation, chacun peut percevoir assez le soudain mutisme de Monsieur le Duc qui, s’il faut confesser ce qui se trame sous la caboche, songe là bien que ce serait une faute de goût que de faire désaoûler l’hôte de la soirée à coup de moutarde et de vinaigre ingérée par le nez, mais que ce n’est pas faute d’envie d’essayer. Le casus belli semble évité. D’autant que l’épouse de l’inopportun participe avec un enjouement un peu forcé au changement de conversation. On se détend, certains, moins insensibles que d’autres peut-être, lorgnent du coin de l’oeil le Duc.

    La récidive prend de court une partie de la table, mais certainement pas Léopold qui l’avait attendue avec ce fatalisme de la prédictibilité. Il faudrait vraiment tenir la cochonaille loin de l’alcool en certaines heures de la nuit. « C’est cette guerre de moldus qui a bloqué les mines de l’est ! S’ils se contentaient de s’entretuer dans leur coin, cela irait… mais non, il faut qu’ils compliquent la vie de tout le monde ! » Cette fois, un tic, visible, qui réduit au silence peut-être une partie de la tablée tentée d’approuver l’idée de saltimbanque de service. Le sourcil gauche de Monsieur le Duc frétille, et la bouche se tord d’un spasme nerveux. Un signal d’alarme pour qui sait observer. L’hôtesse de la soirée s’empourpre, essaie de calmer son mari en commentant le travail des cuisiniers. Il est vrai que le lapin semble délicieux. Et puis une nouvelle bûche est lancée sur les braises moribondes d’un sujet que l’on espérait clos « Eh bien, vivement qu’ils en fassent une nouvelle, de guerre ! Ils ne savent faire que ça, de toute façon. Mais cette fois, qu’on ne vienne pas me dire que les sorciers doivent y participer ! » Oh comme le Duc aurait espéré que ses décennies de lecture sur l’occlumencie et de méditation quotidienne le soir aient déjà porté leur fruits ! Le voilà qui se récite l’alphabet grec à l’endroit, à l’envers et en sautant une lettre sur deux pour calmer les velléités de départ qui lui secouent l’échine. Convoquant toute sa persona de Monsieur le Duc pour envoyer une pointe passive-agressive propre à faire fermer son clapet à fumier à ce ridicule imbécile bouffi d’orgueil et de vacuité, une clameur se fait d’un côté de la table. Le jeune Monsieur Malefoy vient de quitter la table après avoir descendu un verre d’alcool. Peu surprenant, que notre Duc songe, sardonique.

    Et voilà qu’autour de la table, cela cherche à rattraper le coup. A justifier, peut-être, le départ du jeune Monsieur Malefoy. « C’est vrai qu’il a fait la guerre aussi » fuse, suivi d’un « Mais il n’en parle jamais, le filou » qui coiffe le Duc d’une envie de volée de bois vert et le fait prendre une gorgée d’eau. Car on sait que Monsieur le Duc ne boit plus depuis la Guerre. Une extravagance. « D’ailleurs, vous y étiez aussi, n’est-ce pas ? » Une voix toute proche vient interrompre le file de ses pensées. La nuque raide opine. Il met au défi quiconque de lui poser la moindre question. « Eh bien moi, je n’y serais pas allé ! » qu’éructe l’autre abruti. Cette fois, c’en est trop. Le verre est claqué sur le bois de la table dans le tintement sec du cristal.

    « Cela vous regarde, Monsieur », la voix du Duc est basse et claire, chaque mot est un couperet où le mépris est à peine voilé « de manque de courage, d’attachement à la patrie de vos ancêtres et de grandeur, mais vous feriez bien de ne pas insulter la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour que vous puissiez vous prélasser dans la médiocrité de votre ivrognerie. » Et il se lève, Monsieur le Duc, avec la grâce aristocratique qui le caractérise, dans un silence consterné. L’oeil accroche le visage de Madame la Duchesse. Allez donc voir Monsieur Malefoy, mon cher. Nous vous ferons apporter peut-être un peu de café pour vous remettre ? qu’elle lui souffle, avec cette douce inflexibilité qui clôt la conversation. L’hôtesse de la maison, mortifiée, s’exécute et ordonne ses gens comme si, elle-même, avait été au service de la Belle-Soeur du Roi. La bouche de l’hôte s’ouvre et se ferme, tandis que la rougeur lui a gagné les joues et le nez. A-t-il été réduit au mutisme par un adroit tour de baguette de sa mie ? Peut-être.

    D’un pas sûr, voilà Monsieur le Duc hors de la pièce tandis que le dîner est laissé dans un silence mortifié que seule Madame la Duchesse rompt en s’enquerrant de météorologie auprès d’une voisine de table médusée. Léopold trouve, une fois le dîner quitté, le jeune Monsieur Malefoy non loin de la porte d’entrée, la fixant, obsédemment, comme s’il voulait fuir la soirée.  « Vous joindrez vous à moi pour un café ? Je crois que nous pourrions bénéficier d’un breuvage chaud. A moins que vous ne préfériez un peu de marche pour nous aérer l’esprit ? » La voix de Monsieur le Duc est posée, paisible. Il se tient droit, les bras dans le dos, le visage adouci. Il faut dire qu’il n’a jamais cru à l’infantilisation des traumatisés de guerre, et que le jeune Raphaël, bien qu’il l’ait connu haut comme un panier de pommes, est désormais un jeune adulte tout à fait responsable.
    1233 mots
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    (#) Re: Les ravages du silence|ft. Léopold

    missive rédigée par Raphaël Malefoy le


  • Les ravages du silence

    25 janvier 1928 ✶  ft. @Léopold de Valoys
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    Le panneau de bois de la porte, malgré ce que témoignaient les finesses de ses finitions, peinait à étouffer les éclats de voix des convives abandonnés. Des mots. Des chuchotements outrés. Et soudain, claire et sans appel, la voix du duc de Valoys. Était-ce son ton qui prévalait sur tous les autres, ou une simple impression provoquée par le soudain silence du reste des invités ?

    Raphaël retint son souffle, comme devaient le faire tous ceux encore présents dans la pièce. Se prendre une engueulade de la part du frère du roi… on aurait pas aimé être à sa place. Et si certaines remontrances se contentaient d’être une rouste qu’on oubliait sitôt le lendemain arrivé, celle du Duc, sévère et froide, s’armait de mots qui venaient taper en plein dans le mille.

    La médiocrité de votre ivrognerie. Raphaël se sentit sourire. Joliment dit. Aussi acéré qu’une lame en plein dans le dos. Et probablement bien plus efficace. Les termes du duc graveraient dans l’esprit de chacun le souvenir de l’embarrassante attitude du bonhomme. Et son problème avec l’alcool.

    L’événement avait ragaillardi Raphaël. La vue du duc, quelques secondes plus tard, elle, le liquéfia sur place. Allait-il désormais en prendre pour son grade ? Et hop. Le revoilà à nouveau balancé dans ses souliers de petit garçon sous un regard paternel et autoritaire, attendant la punition. Qu’allait donc lui reprocher le duc ? D’avoir ainsi quitté la table précipitamment, avec pour seule politesse l’ombre d’une excuse ? D’avoir refusé de défendre la mémoire de ses frères d’armes, roulée dans la boue par les propos irrespectueux de cette outre à vin ?  D’avoir, encore refusé de se confronter à la réalité de ce qu’il avait vécu ?

    La proposition du duc le prit par surprise. Sa main s’éloigna de la poignée de la porte, et il fit face à l’homme, toute gêne rapidement camouflée. « Monsieur le duc, veuillez m’excuser pour mon départ précipité. Un étourdissement passager… » commença-t-il, peu convaincu par sa propre excuse, et persuadé que le duc ne l’était pas non plus. Un soupir. Une main passée sur son visage. Il releva la tête. « Un café… oui. Mais pas ici. Je ne pense pas pouvoir supporter un mot de plus sans me voir obligé de réagir. »

    Le regard de Raphaël se tourna en direction de la salle de réception. Si son départ ou celui du duc avaient suscité la moindre émotion, cela ne s’entendait plus. Peut-être était-on trop polis pour commenter tout de suite l’événement. Peut-être était-on honteux de la scène qui s’était déroulé. Peut-être essaie-t-on tant bien que mal de changer de sujet pour alléger l’atmosphère perturbée. Tiens, et si…?
    Raphaël se tourna à nouveau vers le duc. « Pourquoi ne pas faire les deux ? Si vous ne voyez pas de gêne à vous mêler au commun des mortels, je connais un café à une quinzaine de minute de marche d’ici. » proposa-t-il aimablement. « Un établissement très confortable… et très moldu. »

    Peut-être était-ce trop présomptueux. Trop insolent. Trop arrogant.

    Trop risqué.
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    (#) Re: Les ravages du silence|ft. Léopold

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