Le simple fait que tu existes | Emma & Octave
Octave DefresneATROPOS | THEN, LET IT BURN.
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(#) Le simple fait que tu existes | Emma & Octave
missive rédigée par Octave Defresne le
Le simple fait que tu existes
Chaque regard de toi suscite une vertu nouvelle, une vaillance en moi ! Commences-tu à comprendre, à présent ? Voyons, te rends-tu compte ? Sens-tu mon âme, un peu, dans cette ombre, qui monte ?
02 sept. 1927 ; avec @Emma Defresne | TW : romance, révolution
Tu vois - c’est peut-être cela ta plus belle, ta plus grande qualité : ton regard. Tu le poses sur le monde et les formes, les couleurs t’apparaissent, tu admires une merveille dans un rien, entrevois l'immensité des choses les plus petites et les plus brèves. Ce qui est bien avec la photographie, c’est qu’elle permet de saisir de le fugace, ce qui passe et disparaît juste après.
Cet après midi, tu as été invité dans un manoir d’aristocrate pour fixer le portrait d’une jeune femme, l’azur de tes yeux s’est perdu sur les meubles, les objets, sur les moulures, les arabesques qui courent jusqu’au plafond, le travail acharné et merveilleux d’artisans passionnés. La gamine en revanche, mèche brune revêche, qui a demandé trois fois à son père si elle était réellement obligée de poser devant quelqu’un comme toi en parlant de ton sang, il t’est plus difficile d’apprécier sa grâce. Comment rendre en image beau ce que tu détestes, comment magnifier quelqu’un que tu voudrais pourrir ? Son père avance que tu es le meilleur et qu’il a payé une fortune pour te faire venir - il faut lui accorder qu’il a su se montrer généreux contre la promesse de voir sa petite princesse immortalisée dans la fleur de son âge. Ca n’a rien d’artistique, comme tu voudrais arrêter cela parfois pour te concentrer uniquement sur ce qui te plaît - mais on ne construit rien de durable en s’évitant toute peine ou désagrément. Soudain, un oiseau vient chanter près de la fenêtre, la gosse tourne la tête, surprise et attentive - on devine qu’elle reconnaît et apprécie le chant, que l’arbre près de la maison doit accueillir souvent de tels petits choristes. Clac. Un sourire rêveur, un instant d’oubli ou elle cesse de vouloir prétendre que le sang ou le rang a une importance, ou elle apprécie juste quelque chose qui passe. Tu l’as fait, encore une fois : le cliché sera magnifique. Terrible enfant dépeinte sous des traits angéliques. Quelquefois, ton propre talent te fatigue. Tu t’éloignes sans un mot, remerciant à peine celui qui t’a pourtant très largement indemnisé, promettant à voix basse des nouvelles très vite. Déjà, elle soupire et se plaint à nouveau - tu n’entends pas ce qui dans ton comportement l’a tellement ennuyée. Tss, il faudrait une nouvelle révolution pour apprendre le respect à une telle idiote, et lui rappeler que la particule de son nom ne vaut rien.
L’après-midi tire déjà sur la fin et se transforme lentement en soirée, s’habillant de couleurs plus chaudes pour fêter la fin du jour quand tu transplanes enfin chez toi. La maison est si calme depuis que les enfants sont plus grands ou partis ; Ariane seule t’attend dans le salon, saute dans tes bras pour te raconter sa journée avec son regard si particulier d’enfant. Et les rêves qu’elle a fait, les jeux, le travail qu’on l’a un peu forcé à finir, mais regarde Papa la jolie page d’écriture que j’ai fait et comment j’ai bien recopié ma poésie, ce qu’elle a mangé et ce qu’elle espère que l’on servira ce soir au repas. Tout est si simple dans son discours, si évident. Elle conclue joyeusement en embrassant ta joue, et en t’informant qu’elle va coucher Stella, sa poupée préférée, en attendant que vous ne l’appeliez pour manger. Tu la regardes partir les yeux brillants d’amour suivant son pas léger. Certaines choses, aussi, sont toujours sublimes.
Cette pensée guide tes pas vers le petit salon, tu marches en silence espérant surprendre celle qui l’occupe, arrive derrière elle sans qu’elle ne t’aie entendue. Ses cheveux blonds coulent dans son cou, elle est penchée sur un livre ou un travail que tu ne distingues pas ; tu ne vois que sa nuque laiteuse, la courbure délicieuse de son dos. Tu l’entends respirer, tu respires son parfum et c’est ton âme entière qui semble transportée - que la journée a été longue loin d’elle, comme toutes les journées, toutes les heures qui se mettent entre vous et t’empêche de simplement demeurer là à l’admirer. Tu te mets derrière elle, ses bras passent autour d’elle, tu poses la tête contre son cou et embrasses sa mâchoire en fermant les yeux, tu te perds dans ce contact dont la douceur est telle qu’elle te ferait presque fondre. Merveilleuse, merveilleuse Emma.
– Bonjour mon amour.
Tu enfouies son nez dans ses cheveux, inspires, oublies un instant le monde qui vous entoure, l’heure qui tourne malgré vous ; tes pensées de la journée s’envolent, doutes, inquiétudes et colères qui s’éloignent. Elle est tout, tout ce qu’il te faut, tout ce que tu as besoin, plus que ce que tu ne mérites. Même l’art ne rendrait pas justice à ce qu’elle t’inspire. Tu glisses sur son côté, te retrouves à genoux devant elle, tête sur ses genoux. Voilà là vraie beauté, ce que cette gourde tout à l’heure du haut de son statut ne peut même pas rêver - les yeux de ton épouse, ton amante. Des royaumes devraient s’élever et s'effondrer en l’honneur de ce regard, pour une miette de leur attention.
– Tu as passé une bonne journée ?
Tu te demandes le regard énamouré tourné vers elle, qui crie je t’aime, qui dit déjà que la tienne est meilleure de sa seule présence.
dans une sorte de minuscule basse-cour au fond de son cerveau il engraissait un petit troupeau de rancunes que le temps accroissait - Si vous me poursuivez, prévenez vos gendarmes que je possède une arme et que je sais tirer.
Emma DefresneCLOTHO | THIS IS OUR WORLD NOW !
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(#) Re: Le simple fait que tu existes | Emma & Octave
missive rédigée par Emma Defresne leTu ne te soucies pas
De tous ces yeux qui gênent
Je veux tout de toi
C’est fou comme je t’aime
FOÉ - C’est fou comme je t’aime
De tous ces yeux qui gênent
Je veux tout de toi
C’est fou comme je t’aime
FOÉ - C’est fou comme je t’aime
Le petit salon est sans doute ta pièce préférée. Depuis ses immenses baies vitrées, on aperçoit l’un des méandres de la paresseuse Seine, qui chatoie sous les feux mourants de l’été. L’automne est à peine un soupçon, une note plus fraîche au creux du vent, un écho doré sur les premières feuilles qui ne tarderont plus à tomber. À peine une note, et pourtant tu peux l’entendre murmurer que la pluie reviendra. Le soleil brille pourtant, ses rayons bas en cette fin de journée illuminent la pièce et te permettent de déchiffrer sans peine les dernières lignes publiées par une certaine Virginia Woolf.
La littérature moldue est tout à fait passionnante. Sans qu’il y soit question de sorcellerie, les sentiments y sont décortiqués un par un, comme une fleur que l’on dépouillerait de ses pétales sans jamais la blesser. Le geste suit la pensée, et tes doigts effleurent le bouquet d’hortensias qu’Ariane et toi avez cueillis ce matin. La petite a tout de suite décidé que les teintes pastel de ces fleurs s’harmoniseraient à la perfection avec la tapisserie céruléenne dont est tendu ce petit salon - ton repère, presque ta tanière. Même si personne ne songerait à qualifier d’un tel mot l’endroit où tu entreposes ces mille et une touches d’un tableau en perpétuel renouvellement.
Tu n’as pas de bureau, ici. Les affaires de l’Atelier sont gérées depuis Paris, mais dans cette demeure il n’est question que de votre vie privée : la tienne, celle de tes quatre enfants, et bien sûr celle de l’aimé. Le moindre guéridon est orné d’une œuvre d’art, les bricolages d’enfants élevés au même rang d’importance qu’une sculpture de Rodin. Tu fais de ton mieux pour ranger, mais l’endroit est avant tout une résidence d’artistes aux esprits indomptables - et indomptés : des bouts de papier égarés ici et là contiennent les bourgeons d’une nouvelle idée, d’un projet ou d’un procédé technique évoqué par la presse. Un pinceau abandonné par Cléon, trace d’une absence qui te barre le front d’un léger pli de souci. Tu sais, bien sûr, qu’il reviendra. Ils reviennent tous, c’est toi qui insistes, incapable de les savoir loin de tes bras plus de quelques jours. Avec le temps, tu parviens enfin à comprendre ton père - tu l’as toujours aimé, adoré même. Mais désormais, c’est un lien plus intime encore qui vous rapproche : celui que ne peuvent partager que les parents un peu trop aimants.
Le silence de la propriété est encore un peu trop neuf pour tes oreilles assoiffées des cent bruissements d’une vie familiale bien remplie. Ariane joue seule dans la pièce d’à côté, enfant pleine de vie dont les échos te parviennent par moments, lorsque ta lecture ne t’absorbe pas entièrement. Mais ces gazouillis vides de sens ne sont qu’une fraction de l’usuelle cacophonie si bien accordée dont tu ne peux t’empêcher de raffoler.
Une nouvelle note, cependant, vient bientôt s’additionner à la symphonie. Un accord majeur, que ton cœur reconnaît avant ton ouïe. Le pas d’Octave, qui s’approche et t’embrasse comme si vous ne vous étiez plus aimés depuis des mois entiers.
« Bonsoir, mon aimé » réponds-tu tendrement, laissant ses mèches argentées caresser tes genoux. « Les heures s’étirent dès que tu n’es pas là » - pas un reproche, juste une constatation. L’homme de ta vie a cette impalpable capacité de faire s’accélérer les minutes - à moins qu’il ne s’agisse simplement des battements de ton cœur, qui s’emporte à la simple vue de son sourire rêveur ?
« Mais j’ai découvert une nouvelle plume : as-tu déjà entendu parler de cette Victoria Woolf dont les Britanniques semblent raffoler ? Et puis, il y a notre petite princesse » souris-tu, songeant à la cadette de votre progéniture « qui se rêve déjà poétesse… Une artiste de plus dans la famille, c’est Papa qui sera ravi. »
Bien sûr, Hercule van der Elst protestera. Il aimerait former l’un de ses petits-enfants au négoce qu’il a érigé de ses propres mains, mais c’est peine perdue : seule Emma semble avoir hérité de sa phénoménale mémoire et de son sens de l’organisation. Ariane, comme ses aînés, suit le chemin de son père et se passionne pour la beauté sous toutes ses formes. Mais l’enfant est trop ravissante pour qu’on lui tienne rigueur de ses inconstances - et Hercule cèdera, une fois de plus, devant le minois charmeur. Il finira bien par trouver quelqu’un pour lui succéder, et puis il a encore de nombreuses années devant lui…
« Et toi, Octave ? As-tu réussi un nouveau miracle pour une débutante qui ne le mérite pas ? Ou bien as-tu enfin trouvé le diamant qui te résistera ? »
Tu en doutes, évidemment. Rien ne résiste bien longtemps à Octave Defresne : ni les cerveaux encore coincés au siècle dernier, ni les règles d’un monde qui tarde à disparaître totalement.
Octave DefresneATROPOS | THEN, LET IT BURN.
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(#) Re: Le simple fait que tu existes | Emma & Octave
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Chaque regard de toi suscite une vertu nouvelle, une vaillance en moi ! Commences-tu à comprendre, à présent ? Voyons, te rends-tu compte ? Sens-tu mon âme, un peu, dans cette ombre, qui monte ?
02 sept. 1927 avec @Emma Defresne | TW : romance, révolution
Tu t’accroches à ses jambes avec toute la force permise, levant sur elle un regard d’adoration. Emma est une ancre, ton ancre, celle qui te retient de dériver et de te perdre. Un mot d’elle et tu te mets en marche, un murmure et tu lui reviens. Son air la source de ton souffle, son sourire celui de tes rêves ; sa présence la condition du bonheur… Comment réussis-tu à partir chaque matin et ne tombes-tu pas foudroyé au premier de tes pas qui t’éloigne de son aura divine ?
– Bonsoir, mon aimé. Les heures s’étirent dès que tu n’es pas là.
Chaque mot est une douceur qui passe de ton oreille à ton cœur pour le faire s’emballer. Tu es son aimé, tu lui manques quand tu n’es pas là… Presque trente ans de mariage n’auront pas réussi à rendre cela réel et compréhensible. Tu voudrais lui promettre que tu ne la quitteras jamais, pour que plus jamais les minutes ne lui paraissent longues ; mais tu ne mens jamais à Emma.
– Mais j’ai découvert une nouvelle plume : as-tu déjà entendu parler de cette Victoria Woolf dont les Britanniques semblent raffoler ?
Non de la tête et regard curieux sur le livre que tu es venu remplacer dans son attention et entre ses mains. Tu lui demanderas sans doute de tout te dire de sa lecture ce soir, avide de ses récits et de ses réflexions et curieux de cette anglaise moldue qui fait passer son temps quand tu es loin d’elle.
– Et puis, il y a notre petite princesse qui se rêve déjà poétesse… Une artiste de plus dans la famille, c’est Papa qui sera ravi.
Aucune chance : Hercule van der Est sera sans doute désespéré de ne pas avoir de petit enfant à qui confier ses affaires, quoi qu'il offrira à la belle tête blonde un sourire charmé quand elle lui apprendra suivre, elle aussi, une voie artistique. Toi en revanche, la perspective d’une autrice Defresne te réjouit par avance - tu as, avec Hélios, fini par accepter que les intérêts de tes enfants divergent un peu des tiens. Et puis, il y a toujours Hécate… Tu songes, pour Hercule, que vous pourriez peut-être avoir d’autres enfants : c’est que la maison sera si vide bientôt quand Ariane intègrera l’académie… L’idée du silence à venir est assez terrifiante. Après tout, vous êtes sorciers n’est-ce pas, il doit bien vous rester un demi-siècle pour offrir au monde d’autres belles têtes blondes. Est-ce que Emma le voudrait ? Un autre enfant d’elle, un autre petit miracle, un nouvel astre pour le ciel… Tu pourrais l’emmener en voyage sinon, partir avec elle au bout du monde pour immortaliser chaque merveille de votre temps pour les générations futures… Tant que tu es avec elle, tant que tu peux demeurer dans sa lumière, tout sera acceptable.
– Et toi, Octave ? As-tu réussi un nouveau miracle pour une débutante qui ne le mérite pas ? Ou bien as-tu enfin trouvé le diamant qui te résistera ?
Comme s’il existait un diamant ailleurs que dans cette maison, que dans tes bras. Emma est ton sujet de dessin préféré, précisément parce que capter l’entièreté de sa beauté relève de l’impossible. Tu en as brûlé des croquis somme toute magnifiques parce qu’ils ne lui rendaient pas suffisamment hommage… Mais le portrait de la jeune fille que tu as fait tout à l’heure sera beau, fixant une douceur qu’un autre n’aurait pas su montrer.
– Oh… Elle ne le méritait vraiment pas. - Tu es las soudainement, et ton regard est triste. - Je suis fatigué mon amour, si fatigué… C’est comme si le rêve d’un monde meilleur s’éloignait chaque jour un peu plus.
Ton étreinte autour d’elle se fait plus pressante et tu frissonnes. C’est effrayant de penser que même aujourd’hui des jeunes gens peuvent élever les questions de rang et de sang avant toutes les autres à l’heure de jauger autrui. Qu’importe le génie, le talent, les qualités physiques ou morales : né moldu miséreux tu es né, et certains voudraient que tu ne sois jamais rien d’autre.
– Ce n’est plus qu’une vilaine cacophonie de méchancetés. Une enfant encore un peu plus jeune que notre Hécate qui confesse sans honte son mépris des impurs… Est-ce que même les plus grands et méprisants aristocrates de ce monde n’avaient pas plus de retenue quand nous avons commencé ?
Quel gâchis de pellicule d’avoir fait de cette fille quelque chose de beau. C’est un de ces mensonges que tu lègues malgré toi au monde - ne pourrais-tu pas simplement brûler cette image et prétendre ne jamais l’avoir prise ? Ce qu’il faut faire parfois, pour le bien des affaires.
– Ça ne peut pas continuer comme ça, j’ai l’impression que les choses empirent et que notre voix est de plus en plus inaudible.
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