Fifty words for rain

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Terres bretonnes. Contrées tant éloignées d'un Gévaudan natal bien ancré dans les terres qu'elles semblent rattachées à une autre nation. Falaises rocheuses et plaines verdoyantes, la mer lèche ses côtes là où, en Auvergne, seuls les monts des volcans éteints depuis des âges viennent peindre un paysage verdoyant et vallonné aux étendus les plus enfoncées de France. Ici, l'on troque le climat continental froid et sec pour une brise venue de l'océan et des pluies diluviennes qui vous trempe jusqu'aux os.

En ce jour d'automne, c'est bien cela qui attendait le Baron d'Apcher en visite chez à Castel Rohan. Un temps de chien, pour ainsi dire, au point de rendre son manteau noir en soupe sur les quelques mètres à peine qu'Arsène dû marcher sous un ciel en pleure jusqu'au parvis de Castel Rohan. S'il avait pu s'en protéger, il ne l'avait point fait. Le Baron aimait la pluie, il aimait toutes les senteurs révélées par l'humidité de la mousson. Entre parfum de feuilles en jeune décomposition automnale, colchiques à peine ouvertes et cette odeur de pierre mouillée, le loup reniflait à plein poumon les effluves enivrantes caractéristiques à cette saison qu'il aimait tant - bien qu'il eût préféré l'hiver.

Prenant un instant pour savourer, l'heure n'était pourtant pas à l'exaltation des sens puisque sa visite était officielle. Son coeur tambourinait dans sa poitrine tandis qu'il contemplait la porte du Domaine. Il avait bien le droit d'hésiter un instant, n'est ce pas ? Ne nombreux hiboux avaient été envoyés et reçus, entre la Bretagne et le Gévaudan, depuis plusieurs semaines maintenant. Discussions entre la Duchesse et le Baron, arrangements, justifications, intérêt, les échanges avaient bien duré, mais ils avaient finalement abouti. Du moins, en partie, puisqu'il restait encore le pas de parler de tout ceci de vive voix. C'était la raison de sa présence ici.

Arsène soupire. Dire que tout a commencé par une simple plaisanterie, un fantasme d'enfant, une idée saugrenue qui risquait pourtant de devenir réalité. Roksana s'imposa à son esprit, mais Arsène la balaya une dernière fois. Tendre amour, il est temps de te dire adieu. Le Baron prend ses responsabilités, il est temps de le marier. Adieu, tendre amour, adieu et bon vent.

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Arsène n'avait eu l'occasion de rencontrer la Duchesse Isolt Le Noir de Rohan qu'une poignée de fois au cours de sa vie. Il avait beau être proche de son fils ainé, la Bretagne était trop éloignée de ses terres natales pour qu'il vienne y vagabonder à son bon gré. C'était une femme de prestance, l'on en attendait pas moins d'une femme de cette envergure dans une famille matriarcale. Bien qu'il su conserver contenance et allure, le Baron n'en menait pas large devant la Duchesse au titre de noblesse le plus élevé après la famille royale. Lui, fils de Baron, quel toupet de convoiter la main de sa fille aînée.

Pourtant, il ne se démonta pas. Confortablement installée dans l'officine de la cheffe de famille, il exposa ses arguments et su répondre à chacune des questions et des tentatives d'intimidation de la duchesse. Sa mère l'avait bien préparée, il était tout à fait prêt à cet entretien qui, finalement, se conclut par un accord. Encore fallait-il que la principale intéressée ne l'accepte.

Petit manège enfantin qui se jouait derrière les carreaux vieillis des vastes fenêtres, il feint comme la duchesse de ne point s'apercevoir du jeu que la jeune femme leur offrait en les épiant. Amusé, il préférait de loin cela aux demoiselles trop sérieuses et incapables de fantaisie. Arthur avait raison, Maeve était le meilleur choix.

Arsène pris respectueusement congé de la Duchesse avec un poli baise-main avant de se retirer dans les jardins où, il ne doutait aucunement de cela, Maeve était en train de l'attendre en faisant mine de n'avoir rien entendu des échanges entre sa mère et lui. La pluie s'était légèrement calmée, ne tombait désormais plus qu'un crachin tout à fait supportable sans manteau - qu'il laissa d'ailleurs à sécher devant la cheminée du Domaine ainsi que l'avait suggéré la domestique. Il dévala rapidement les quelques marches menant au jardin, furetant ici et là pour trouver l'objet de ses convoitises. Personne. Un sourire s'afficha sur son visage, ainsi aimait-elle se faire chasser ? Intéressant.

Ses sens de loups ne manquèrent pas de, rapidement, la trouver en train de lui faire signe. Remontant légèrement son col, il s'approche d'elle doucement d'un pas prédateur. Tandis qu'elle le regarde de haut, juchée sur sa roche, effrontément.

“Monseigneur le Baron d’Apcher, le Rohan se félicite de votre visite. Voulez-vous me rejoindre ?”

Grincement de dents amusés tandis qu'il observe la jeune femme glousser comme une enfant. Comportement on ne peut plus rafraichissant, à dire vrai, bien qu'il espéra - et ne douta point - qu'elle saurait faire preuve de sérieux lorsque le moment serait venu.

« Vous invitez le loup dans votre tanière, n'est-ce pas inconsidéré de votre part, demoiselle Le Noir ? » La faisant languir quelques instants, Arsène répliqua encore. « Y a t-il la place pour vous et moi au sommet du monde ? Si tant est que vous acceptez de le partager. »

Demande à double sens pour peu que l'on s'y attarde réellement, Arsène patientait sagement en bas de la roche. Scène Shakespearienne s'il en est, bien que l'homme n'avait rien d'un prince charmant mais plutôt d'une Bête venu quémander sa Belle.

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“Ne craignez rien, Monseigneur, c’est une invitation tout à fait considérée. Si vous étiez un sanglier, j’eus retenue mon hospitalité, je vous le promet.”

La jeune femme avait du répondant, voilà qui attisait un peu plus le côté joueur de la Bête, comme un chat s'amusant avec une souris avant de finalement la manger toute crue. J'ai bien peur d'être plus dangereux encore qu'un sanglier eut il envie de répliquer, mais il se ravisa, préférant lui concéder la victoire de cette joute verbale - pour le moment.

Tandis que la jeune femme considérait en silence la question d'Arsène, ce dernier s'attarda quelques instants sur la jeune femme qui pourrait bien devenir sa femme dans l'année à venir - si elle l'acceptait, bien entendu. Outre ses longs cheveux noirs, la belle n'avait rien en commun avec Roksana. Le teint clair de la bretonne venait remplacer la carnation à demi asiatique de son ancienne amante, et le bleu perçant de ses yeux rappelant celui de la bretagne lorsqu'un fin manteau de nuage vient atténuer l'azur pastel contrastait drastiquement avec le regard sombre et ténébreux de la Romanov. Arsène soupira. Serait-il un jour capable de regarder une femme sans la comparer systématiquement à celle qui avait partagé dix années de sa vie ?

La voix fluette de Maeve vint le tirer de ses rêveries et lui faire lever un sourcil d'étonnement. Venait-elle de passer spontanément d'un courtois vouvoiement à un familier tutoiement ? Bien qu'elle fut fille de duchesse, le protocole de la noblesse demandait de bien vouloir garder de telles familiarités pour le cercle proche. Décidément, la jeune femme savait le déstabiliser, sa spontanéité était troublante. Bien que charmante. Définitivement.

« Le loup en question saurait faire un effort de se percher comme un chat si cela était nécessaire pour dompter l'indécrottable effronterie qui vous caractérise, demoiselle Le Noir. »

Lui ne la tutoyait pas, appuyant le vouvoiement pour conserver l'autorité sur elle, comme un adulte tentant de canaliser une enfant turbulente. Pour autant, il ne la voyait pas ainsi. Maeve était une femme, une femme effrontée qui attisait bien malgré elle ses instincts de chasseur les plus bas.

Franchissant la distance le séparant de la jeune femme de deux enjambées, Arsène posa le pied dans un renfoncement de la roche pour se hisser à la force des bras jusqu'au perchoir de l'oiselle sans encore la rejoindre. Il se tenait là, immobile, légèrement en contrebas.

« Prenez garde à ne pas vous bruler, demoiselle Le Noir, avec mes plus sombres secrets. Souvenez vous bien que vous les aurez réclamés. »

A ces mots, il fini de grimper sur la roche mousseuse, prenant place à côté de l'objet de sa convoitise. S'époussetant prestement les mains humides de l'humidité de la roche, il se pencha alors vers Maeve.

« Je confesse que... mes chaussettes sont trempées à cause de la pluie. » Il se recule alors, un rictus mutin scotché sur les lèvres. « Il faudra bien plus que cela si vous souhaitez pousser la porte des secrets du Baron, demoiselle Le Noir. Vos tentatives sont charmantes cependant, n'en doutez pas. »

Arsène releva légèrement le visage de la jeune femme pour la faire le regarder. Il était bien décidé à reprendre le contrôle de la situation.

« Dites moi, qu'est ce qui vous rend si hardie de me tutoyer si aisément, Maeve ? Qu'avez-vous entendu derrière les vitrages de l'officine de Madame la Duchesse ? »

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Adorables manières parfois très enfantines de la belle, difficile de croire que seulement quelques années les sépare, l'on est frappé par les différences significatives entre les deux prétendants. L'un retenu, figure impassible ne trahissant aucune émotion amusée. On pourrait le qualifier de stricte, incapable de fantaisie ou d'humour léger mais cela serait bien mal le connaître. A la vérité, il appréciait profondément que l'on s'éloigne des convenances, comme Maeve le faisait en le tutoyant spontanément ou en l'incitant au jeu comme une adolescente. Les dames trop sages et renfermées l'ennuyait profondément. Il aimait pourtant garder toujours la maitrise de lui même, surtout lorsque ce qui l'amenait était d'un tel sérieux.

Jouant avec la belle, deux jeux aux allures bien différentes, il la laissait gagner du terrain avant de le reprendre à son tour, puis la regardait s'empourprer légèrement avant de rebondir avec l'agilité du chat. Si tel était ce que réservait ce mariage, alors le Baron serait heureux de son sort. Peut être même que cette charmante candeur viendrait chatouiller un coeur bien amoché. Mais ces futilités n'étaient pas d'actualité, ce n'était point l'amour qui venait lui faire réclamer la main de la Le Noir.

Arsène grinça des dents. Comme il s'en doutait, la jeune femme avait entendu sa conversation avec la Duchesse. Et la voilà qui le prenait au dépourvu, lui qui avait espéré gagner la partie avec sa dernière question. Et si la répartie de la jeune femme était appréciable, il était finalement bloqué à son tour. Bien que dénué de tout facteur romantique, il avait imaginé sa demande de manière bien différente. Si les d'Apcher ne suivaient pas les conventions sociales, il y avait pourtant certaines traditions que le loup blanc du Gévaudan refusait de trahir. Il se redressa, laissant le temps suspendu quelques instants avant de finalement répondre à l'oiselle.

« Certaines traditions sont agréables, demoiselle Le Noir, et je me plaît à les respecter. Tutoyez moi autant que vous le souhaitez, ce n'est point la gêne d'une proximité qui me pousse à vous vouvoyer. »

Ignorant volontairement les deux autres questions de la belle, Arsène redescendit du perchoir l'air affirmé.

« Vous devriez savoir, qu'il est certaines conversations à n'avoir que dans un lieu adéquat. Permettez ? » Il tendit les bras vers Maeve pour la réceptionner puis lui tendit son bras. « Traitez donc mes méthodes de surannées, Maeve, mais je compte bien mettre les formes dans ce qui m'amène à vous aujourd'hui. »

Arsène conduisit la Le Noir à travers les jardins jusqu'à une sublime fontaine où venaient s'abreuver quelque oiseau après que la pluie ait finalement cessé. Un maigre rayon de soleil perça les nuages gris caractéristiques à la région, se reflétant avec une exquise beauté dans les gouttes de pluie recouvrant les pierres et les parterres.

« Il semblerait que le soleil ait décidé de s'allier à moi. » Le Baron arrêta sa marche, puis se tourna vers la jeune femme. « L'amour et le mariage ne sont pas nécessairement compatibles dans notre milieu, demoiselle Le Noir. Bien que cela me peine encore aujourd'hui, le départ de Roksana Romanov est pour le mieux. Vous n'êtes pas sans savoir que depuis la mort de mon père, le titre de Baron m'a été légué, et il n'est plus question d'ignorer plus longtemps mon devoir de fils aîné. »

Arsène sorti de sa poche la bague de fiançailles transmise par sa mère en vue de ce jour. C'était un beau bijou, un anneau en or blanc serti d'une pierre de lune comme ornement principal et de six petits diamants* dont l'éclat faisait briller le bijou tout entier sous le rayonnement du soleil. Il ne s'agissait pas là du bijou le plus cher de France, ni le plus précieux, mais il était transmis de génération en génération dans la lignée d'Apcher lorsque le fils aîné venait à se fiancer et avait une forte valeur symbolique et familiale.

« Si vous me le permettez... » Arsène posa un genou à terre. « Le désir d'union de nos deux familles par le mariage remonte à l'enfance, mais sachez que c'est bien en tant qu'homme que je m'adresse à vous aujourd'hui. Votre naissance vous donne accès à un titre bien plus prestigieux que Baronne du Gévaudan, j'en ai bien conscience. J'ose cependant avoir l'impertinence de vous demander d'y renoncer au profit d'une alliance entre nos deux maisons. Me feriez vous l'inestimable honneur de bien vouloir devenir ma femme, demoiselle Le Noir ? »

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Myocarde ayant accéléré son allure alors que l'homme se laissait ainsi aller à la plus cruelle des humiliation si la belle Le Noir n'était point réceptive à une telle proposition. A nu, vulnérabilité humblement exprimée tandis que l'homme patiente, pendu aux lèvres douces de Maeve. Regard brûlant, fierté masculine espérant de tout coeur ne pas se faire éconduire.

“Relevez-vous, Monseigneur.”

Alors qu'il s'exécute, Arsène reste incertain. La Le Noir allait-elle finalement refuser ? Peut être que les rumeurs concernant Roksana et ses explications plus que légères l'eussent froissée, peut être même découragée d'accepter de partager la vie d'un homme ouvertement épris d'une autre ? Quand bien même cette autre lui eût brisé le coeur, et la fierté par la même occasion. Arsène déglutit, attendant la réponse de la brune. Cette dernière ne se fit pas attendre, un laïus formel qui ne manqua pas d'emplir le Baron d'un profond soulagement.

« Douce Maeve, vous me comblez. » Souffle t-il en prenant la main de sa fiancée. « Je jure de ne jamais vous outrager, de vous respecter en toute circonstance, et de ne jamais manquer de loyauté à votre égard. Mon coeur se réchauffe à l'idée de rencontrer nos futurs enfants, soyez assuré que je les chérirai de tout mon coeur, tout comme je jure de vous aimer comme vous le méritez. Je ne suis l'homme que d'une femme, je l'ai toujours été et je jure d'en faire le serment devant témoins et devant la couronne. »

Ponctuant son discours en enfilant tendrement la bague au doigts de la jeune femme, Arsène plonge son sombre regard dans le bleu froid de Maeve. Pour l'heure, inutile d'évoquer la relation particulière que le loup blanc du Gévaudan partage avec le futur Vicomte de Lautrec. Car s'il jure de ne jamais outrager sa future femme en la rendant cocue dans les draps d'autres frêles brebis, il espère bien trouver un accord avec elle lui permettant de conserver son ami si particulier et leurs échanges salvateurs dont il ne peut désormais plus se passer. Il chasse pourtant ce sujet de ses pensées, s'il y a un temps pour chaque chose, celle ci devra attendre que la future Baronne du Gévaudan ne vienne rendre visite au Domaine de manière moins formelle.

La bague passée à l'annulaire de la Le Noir, Arsène pose doucement sa main sur la joue de la belle. La peau est chaude, elle est douce. Le contact est agréable et il s'approche doucement de son visage sans pour autant outrepasser une certaine limite avant de chuchoter.

« Me permettez-vous de sceller cet accord par un baiser, comme le veut la tradition ? »

Si ses lèvres ont rencontrées à plusieurs reprises celles d'Auguste au fil des derniers mois, voilà près de dix ans qu'aucune autre femme que Roksana eut le loisir de gouter aux baisers du d'Apcher. Prêt à tirer un trait sur ce passé brisé, c'est vers l'avenir que souhaite désormais se tourner le Baron. Et si cet accord n'est pour l'heure qu'une question d'alliance maritale avantageuse, le contact de la peau de la belle contre sa main et cet azur glacial plongé dans ses mires sombres éveillent alors un désir nouveau. Celui de prendre soin de sa femme comme de son bien le plus précieux.

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Il ne fallu pas plus qu'un mot, une autorisation pleinement formulée pour que le Baron du Gévaudan ne vienne plonger son regard de jais plus intensément dans le bleu cristallin des yeux de biches de sa désormais fiancée. Caressant du bout des doigts la peau douces de sa belle tout en approchant son visage au plus près, venant cueillir doucement ses lèvres. Contact d'abord timide, nouveau, sur des lèvres douces qu'il découvre pour la première fois.

Mais Maeve n'est point de ces jeunes femmes en fleur restant figée au contact d'un homme, car déjà elle vint l'attirer à elle, approfondissant leur étreinte de ses bras autour de son cou. Loin de troubler Arsène, ce dernier ne s'en fait que plus intime à son tour, pressant dans un geste ferme et tendre à la fois la taille de la Le Noir alors que son baiser d'abord bien chaste vint se faire plus intense. Cette femme serait bientôt sienne, et si sa retenue d'homme bien élevée par une femme noble à qui il tenait à coeur d'inculquer une bienséance irréprochable à ses fils avait jusqu'à présent guidé ses paroles et ses manières auprès de Maeve, l'auvergnat n'en restait pas moins un homme-loup ne faisant qu'un avec ses instincts les plus primaires. Désir de possession, désir de montrer qu'au delà du noble se cache un homme ferme et passionné, s'il ne vint pas franchir la barrière de ses lèvres, laissant la découverte d'un baiser plus lascif à des moments futurs où les deux époux se seraient jurés l'un à l'autre, il se laissa aller à une démonstration de passion, un échantillon bien rapidement terminé.

Leur brève étreinte achevée, le baron comme la jeune femme ne semblèrent souhaiter cesser ce contact. L'une de ses main vint quitter le dos de sa fiancée pour replacer une de ses mèches brunes que la brise avait délogée. S'il avait appréhendé ce moment, Arsène devait bien admettre qu'il était heureux de ne pas s'être trompé sur la femme qu'il avait choisi. Une femme qu'il avait vu grandir durant leurs études et ses passages à Castel Rohan lorsqu'il visitait son ami Arthur. Il l'avait vu devenir une jeune femme magnifique, forte et au caractère bien trempé et affirmé, tout en ayant gardé une étincelle de candeur qui la rendait proprement irrésistible. Et, ainsi blottie dans ses bras, il découvrait une nouvelle facette de cette douce Maeve. Celle d'une femme que l'on regarde, celle d'une femme que l'on désire. Il ne pu réprimer un sourire. Oui, il était satisfait de son choix, et surtout heureux qu'il fut accepté par la douce.

Contre toute attente, ce fut Maeve qui rompit le silence religieux dans lequel leur baiser les avait plongé avec des paroles qui ne manquèrent pas de combler un Arsène pourtant curieux d'un tel choix de mot. Il ne s'était lui même décidé à convoiter sa main que récemment, Arthur avait-il d'une manière ou d'une autre joué sur les deux tableaux afin que ce fantasme d'enfant d'unir leurs familles par une union soit assuré de devenir réalité ? L'homme leva un sourcil interrogateur.

« Que voulez-vous dire par lorsque j'ai su ? Votre frère aurait-il vendu la mèche sur mes intentions de vous demander votre main ? »

Si c'était le cas, bien qu'il reconnaisse bien là son ami, Arsène serait légèrement déçu. Car si les unions arrangées n'avaient jamais été bien romantiques dans leur manière de se conclure, il lui avait tenu à coeur de ne surtout point donner l'impression à Maeve qu'elle n'était qu'une manière de conclure un contrat entre leurs deux maisonnées. Quand bien même la lignée des Le Noir était connue pour conclure plus souvent qu'à son tour ce type de contrat, laissant tout romantisme au placard pour se concentrer sur l'aspect pratique et avantageux des mariages, lui n'avait jamais été attiré par ce type d'arrangement. Il espérait bien conquérir sa femme, et être conquis par elle. Il espérait bien qu'autre chose ressortirait de cette union, sous ses allures bestiales, le loup était un sentimental. Il s'approcha de l'oreille de Maeve.

« Je suis plus que soulagé que tu sois prêtes à troquer ton nom contre le mien, et quitter la terre qui t'a vue naître pour mes vastes forêts. Je te promet de prendre soin de ce cadeau et de le mériter chaque jour de notre future union. »

Il déposa un rapide baiser sur sa joue avant de se défaire finalement de son étreinte.

“Il y a une tradition d’ici que j’aime particulièrement, destinée aux jeunes fiancés. Si tu ne dois pas t’échapper immédiatement, pourquoi ne pas m’accompagner ? Sinon… Cela voudra seulement dire que je devrais t’inviter officiellement la prochaine fois. ”
« Ma foi rien ne presse mon emploi du temps, je reconnais humblement ne rien connaître des traditions bretonnes et je serai un bien piètre fiancé si je ne vous accordait le loisir de me faire découvrir cette partie de votre monde que vous semblez tant chérir. Je vous accompagnerai volontier, demoiselle Le Noir. »

Enroulant ses doigts à ceux de Maeve, il lui laissait à son tour le plein loisir de le conduire où bon lui semblerait. Curiosité mêlée d'appréhension, lui qui avait pourtant l'habitude de mener la danse se laissa entraîner par sa promise.

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Arsène devait bien l'avouer, se promener au bras de Maeve Le Noir était tout sauf désagréable. Le silence des terres bretonnes troublé uniquement par le vent dans les feuilles, et les gouttes d'eau en chutant sur le sol encore humide de la pluie torrentielle qui était tombée quelques instants plus tôt. Il ne s'était attendu à rien en acceptant d'accompagner Maeve, mais il fut heureux de sentir, à peine le voyage en portoloin terminé, les odeurs de la nature qu'il chérissait tant. Le petrichor bien plus présent en cette humide Bretagne, l'odorat du loup était envahi d'un nombre incalculable d'odeurs, des petits animaux qui logeaient en ces bois à la décomposition des feuilles se transformant en humus. Au milieu de ces effluves, il percevait évidemment l'odeur douce et subtile qui se dégageait de Maeve, rendant ce ballet de senteur un moment très agréable dont Arsène profitait en silence, se remémorant les phrases qu'il avait prononcé lorsque sa promise l'avait interrogé au sujet des projets de fiançailles envisagées par les deux compères.

Il lui avait répondu que s'il était un homme noble avec un devoir politique, il n'en restait pas moins profondément attaché à un certain idéal marital, un romantisme peut être légèrement entaché par des projets révélés. Mais il ne fallait pas se voiler la face, entre familles nobles il s'agit de s'assurer du désir d'alliance et non d'amour. Du moins pas entre eux, pas encore. Il avait accueilli avec un sourire doux l'idée qu'Arthur ait pu être certain que sa soeur accepterait l'union avant de la proposer à Arsène. Tout romantisme mis à part, c'était un geste sensé.

L'essentiel était que la jeune femme ait accepté ses avances, et de s'unir à lui pour une vie. Le fonctionnement des femmes Le Noir à s'unir à plusieurs hommes en une vie, en des durées plus ou moins courtes avait toujours fait lever le sourcil d'Arsène, lui l'auvergnat encore bien ancré dans des traditions patriarcales plaçant la femme au rang de pion à placer stratégiquement pour sceller une alliance sur le long terme. Plusieurs mariages en une vie, sans veuvage l'imposant était décidément une pratique bien trop moderne pour le loup blanc qui fut soulagé que Maeve le lui propose point de tel accord. Si elle acceptait de devenir sa femme, elle acceptait de l'être jusqu'à la mort. C'était ainsi qu'il avait été élevé.

La douce voix de sa fiancé le tira de ses pensées, alors qu'elle lui expliquait des détails de sa vie qu'il ignorait et qui levait finalement le voile sur le mystère de l'union unique. Arsène l'écoutait attentivement, attendant qu'elle ait fini ses explications avant de lui poser ses questions. Il aurait été bien impoli de la couper dans son élan.

« Que sont donc ce petit peuple et ces sentiers du Manoir dont vous parlez ? Est-ce là une spécialité bretonne ou celte qui m'échapperait ? »

Bien qu'il connaissait l'histoire de France et la forte influence celte de bien des manières de vivre de la société sorcière Française, Arsène avouait volontiers ne pas être un expert sur le sujet. On lui avait bien plus souvent conté les légendes lupines, et la bibliothèque familiale débordait de livres antiques tels que l'Iliade ou l'Odyssée. Les légendes celtes ne s'étant pas exportées outre mesure au delà de la Bretagne ne lui étaient pas familières et il espérait bien que cela donnerait l'opportunité aux deux futurs époux de converser longuement afin que la Le Noir puisse en apprendre d'avantage au d'Apcher.

« Êtes vous en train de me dire que notre union n'est en rien de notre fait mais de quelque forces magiques nous échappant ? Après tout si nous la pratiquons, il y est bien des choses sur la magie que nous ignorons et peut être a t-elle sa propre volonté. Ainsi que ce fameux destin que certains évoquent pour justifier quelque chose qu'il leur est impossible d'expliquer. »

L'ambiance était calme, et Arsène appréciait tout particulièrement d'échanger ainsi avec Maeve, main dans la main depuis qu'ils avaient pris le portoloin. Ni l'un ni l'autre ne s'étaient défaits de cet agréable contact.

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Si les forêts auvergnates n'avaient rien à envier aux étendues arborées de Bretagne, il régnait dans la forêt de Brocéliande une ambiance chargée en magie que même les arbres centenaires de Mercoire ne semblaient pouvoir égaler. Mystère pour ces chênes somptueux troquée contre une énergie magique brute et pure pour les sous bois de la forêt la plus connue et la plus dense de toute la Bretagne. Humant à plein poumon les odeurs si caractéristiques de l'humus et des feuilles mouillées après les averses qui avaient rendues le sol de la forêt spongieux sous les semelles de ses chaussures, le baron d'Apcher pouvait quasiment sentir la présence de tout ce petit peuple dont la belle Maeve lui faisait une modeste liste. L'homme pouvait se sentir observé, là où sur le territoire de la meute il était celui qui observait, et c'était un impérial silence troublé uniquement par le chant des oiseaux qui accueillait chacune de ses visites.

« Les forêts de votre région natale ne manquent pas de surprise, ma douce Maeve, et je suis heureux que vous m'en appreniez les secrets. N'hésitez pas à l'avenir à me conter encore les mystères de Brocéliande ainsi que je vous conterai ceux de Mercoire si vous me le permettez. Vous semblez à votre aise dans ces bois et je me réjouis que nous partagions cet amour pour les arbres centenaires. J'espère que les forêts du domaine d'Apcher vous combleront autant que vos bois bretons, elles sont elles aussi gorgées de magie. En particulier l'épaisse forêt de l'Aubrac dans laquelle nous partons en chasse chaque année pour célébrer les jours de Samhain. »

L'homme surplombait de toute sa prestance la frêle silhouette de la Le Noir, ainsi assise sur une large racine d'un chêne qui ne manqua pas d'émerveiller le coeur du loup blanc. Il s'approcha encore d'avantage, bercé par l'ambiance apaisante de ces bois millénaires. Il devait bien admettre qu'il se sentait très à l'aise en compagnie de la jeune femme, surtout dans ce moment d'intimité qui lui inspirait une affection toute particulière pour celle qui deviendrait dans quelques mois sa femme. Il effleura brièvement la joue de la bretonne, replaçant sa chevelure de geai derrière son épaule. Il attarda son étreinte en glissant ses doigts dans  ses crins soyeux, en appréciant le doux contact.

« Me voilà rassuré » souffla t-il doucement « J'ai bien peur de ne faire preuve que de trop d'orgueil pour accepter que quelconque force ne dicte mes choix. Et si, comme je le devine, vous êtes capables de lire dans le voile fin de l'avenir, attendez vous à ce que je me charge d'y apporter mes propres nuances durant notre union. »

Il se pencha et embrassa doucement les lèvres de sa promise.

« Alors promettez moi de ne point me révéler des choses dont le déroulement vous conviendrait. Je m'en voudrais de laisser ma fierté d'auvergnat entraver votre bonheur. »

Il offrit un sourire à Maeve. Bien que surpris qu'une telle intimité s'immisce aussi aisément entre eux, Arsène en était plus que ravi. Il avait décidément fait le meilleur choix pour son union et ne manquerait pas de remercier convenablement Arthur pour n'avoir cessé de lui parler de cette éventualité.

"Celui-là sera parfait."

Les mots et l'expression concentrée de Maeve le ramena à de moins profonds sentiments. Intrigué par sa hâte, il recula alors que la jeune femme descendait de sa racine pour s'agenouiller dans l'humus humide, nettoyant de ses mains blanches un gros noeud du chêne. Son attitude ne manqua pas de le surprendre, jusqu'à ce qu'elle ne la justifie sans qu'il n'ait besoin de l'interroger à ce sujet. Une fois de plus, il lui offrit un sourire entendu.

« Bien sûr ! » dit-il avant de couper une de ses mèches d'un coup de baguette. « Si cette jolie tradition est importante pour vous, alors elle est importante pour moi. »

Il lui tendit la mèche brune fraîchement recueillie, se demandant si la jeune femme accepterait aussi aisément les traditions propres à la famille d'Apcher le moment venu. S'il se pliait de bon coeur aux demandes de sa fiancée, il espérait bien qu'elle en ferait autant pour lui en ce qui concernait l'éducation de leurs futurs enfants.