[Terminée] Through the night... and back

Through the night... and back
✻ Feat @"Arran d'Apcher"

La vie au Cirque pouvait parfois être bien étouffante. L'air de rien, ils vivaient tous enfermés dans le même enclos et voyaient chaque jour les mêmes visages. La plupart du temps, cela ressemblait à une grande famille. A d'autres instants, il lui paraissait vivre dans une ruche bourdonnante chargée de vie et d'activités. Plus d'une fois cependant (comme ce soir), Tatiana avait l'impression d'être dans une cage. Il lui arrivait de croire que tous ses faits et gestes étaient surveillés, étudiés, rapportés au Maître de piste.

C'était dans ces moments là où elle ne tenait plus en place et qu'elle décidait de prendre l'air. De sortir des murs d'enceinte et de s'enfoncer dans les rues parisiennes. Elle avait promis à Mirela de revenir avant le matin et elle avait habilement esquivée l'insistance de quelques garçons d'écurie qui voulaient l'accompagner. Pour l'escorter, qu'ils disaient. Sans trop savoir ce qui l'y avait poussé, Tatiana intercepta poliment une charrette. Elle était tirée par deux chevaux de bât couleur souris qui étaient eux-même tenus en bride par un fermier.

"- Bonsoir ! Où allez-vous ?" Demanda-t-elle doucement alors qu'elle caressait les naseaux d'un des chevaux.
"- J'm'en va à ma ferme, ma p'tite d'moiselle. Où c'que vous allez, vous ?" L'homme remonta son béret pour se gratter le front, un brin perplexe par la question.
"- Juste au delà des murs, si vous voulez bien." Dit-elle avec la première réponse qui lui venait à l'esprit.

Lorsqu'il accepta, la belle sauta à l'arrière de la charrette et, pour lui tenir bonne compagnie, elle chanta quelques paroles populaires. Ses yeux clairs observaient les rues défiler, puis les Murs s'éloigner. Quand elle s'estima suffisamment loin, elle sauta souplement sur le bord du chemin et remercia le fermier. Là, elle resta un instant immobile, mains nouées sur son giron. Silencieuse, Tatiana profita du vent frais et d'un magnifique couché de soleil. L'orbe enflammé sombra derrière la ligne d'horizon alors que sa bien aimée se hissait dans la voûte céleste. Immense et ronde, elle faisait pâlir les étoiles et nimba le paysage tout entier d'une lueur irréelle d'argent et de gris.

La fraîcheur se fit plus mordante et seulement à cet instant Tatiana réalisa combien elle était isolée de tout. A perte de vue, il n'y avait que des champs. Les rares halos de lumière venaient d'endroit encore éloignés. Serrant les pans de son cache-cœur sur sa poitrine, elle croisa ensuite les bras sur son estomac dans l'espoir de conserver sa chaleur. Si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, le Parc aux Pégases devait se trouver juste après cette colline. Là-bas, elle trouverait une vie nocturne trépidante et chargée de magie. Avec un peu de chance, elle y trouverait aussi de quoi manger et se loger pour la nuit, si ce n'était carrément un transport pour s'en retourner au Cirque.

"- ... Qui est là ?" Souffla soudainement la sorcière en s'immobilisant.

Elle avait entendu un craquement, suivi d'un froissement de végétation. Juste sur sa droite. Et juste en dehors de son champs de vision. Forcément, c'était aussi là où la caresse lunaire ne parvenait pas à traverser le dense feuillage d'un sous-bois. Ce dernier bordait le chemin de terre battue qu'elle suivait depuis plusieurs minutes. Il agissait comme un bouclier d'émeraude sombre, cachant quoi que ce fut qui la suivit. Tatiana hésita sur la réaction à avoir. S'il s'agissait d'un moldu, elle ne pouvait pas simplement sortir sa baguette et l'agiter pour créer de la lumière. Mais s'il s'agissait d'un animal sauvage, il lui faudrait bien l'effrayer d'une façon ou d'une autre !

Un autre bruit la fit tressaillir et elle sentit les poils sur ses bras se hérisser. Ce fut au tour de ses cheveux, sur sa nuque et bientôt elle cru sentir un poids lui tomber soudainement dans l'estomac. Une peur instinctive se noua au creux de ses tripes, pompant toute la chaleur de son corps. Sa gorge se fit sèche quand elle se retourna brusquement après avoir cru discerner une silhouette dans les fourrés. Quelque chose lui tournait autour. Et ce quelque chose était définitivement dangereux.

Le cœur de Tatiana battait déjà bien vite lorsqu'elle agrippa la poignée de sa baguette. Il se mit à battre encore plus vite lorsque, après un "Lumos" chevrotant, elle vit le terrible faciès d'un loup à seulement quelques pas d'elle. Lorsque ses babines se retroussèrent, la sorcière pu jurer qu'il souriait cruellement.

"- Par tous les dieux... Non !" Fut-elle capable de murmurer avant qu'elle ne se détourne pour prendre la fuite.

Une tentative vaine, elle en avait parfaitement conscience. Du moins, la partie de son cerveau encore capable de raisonner. Mais celle qui était aux commandes de son corps n'était plus qu'une gelée de peur viscérale. Elle entendit un hurlement et ses yeux accrochèrent la lune. Elle était pleine. *Bien sûr qu'elle est pleine ! Ce serait beaucoup trop facile sinon !* Pensa Tatiana alors qu'elle entendait le loup se mettre enfin à sa poursuite. Le monstre lui avait probablement laissé une petite avance pour que la chasse soit... distrayante.

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✻ Feat @Arran d'Apcher

C'était exactement ce qu'elle craignait : il ne s'agissait pas d'un loup normal. Jamais un animal ne viendrait volontairement attaquer l'Homme si proche de ses constructions ! Soit le loup était enragé, soit il s'agissait... d'un lycanthrope. La question était ; pourquoi ne s'était-il pas enchaîné !? Pourquoi errait-il à proximité d'un parc rempli de sorciers ?! Cherchait-il à reproduire les incidents du Gévaudan ou bien ne désirait-il qu'une mort rapide sous le feu nourris de dizaines de baguettes magiques ? Tatiana n'avait malheureusement pas le temps de s'arrêter pour y réfléchir.

La créature était sur ses talons, elle pouvait l'entendre. Le souffle sur ses talons, les grognements à l'ombre des arbres, les griffes dans le gravier de la route. Le monstre, à sa façon perverse et démente -causée par la pleine lune- était parfaitement sentiente. La chasse qu'elle lui lançait était dosée autant dans l'horreur que la précision de moindres ses actions. Elle voulait la rabattre dans les champs où, cachée par les plantations, pourrait l’éviscérer en tout quiétude. Tatiana le savait aussi... et la peur manquait à tout instant de la dominer.

Heureusement pour elle, la jeune sorcière était familière d'une telle terreur. Elle la vivait pratiquement tous les jours. La peur de faire savoir la couleur de son sang. Celle de finir encagée dans le Cirque, ailes définitivement coupées et rêves de liberté tronqués. La peur de se faire ravir son honneur par quelques ivrognes, celle de se faire arrêter pour ses origines inconnues... celle d'oublier qui elle était ainsi que tout ce qui lui était cher à son cœur. Alors elle la connaissait, cette peur et elle avait appris à la museler.

Une idée lui vint aussitôt qu'elle pensa ce mot : museler. Quelle meilleure façon de se débarrasser d'un monstre aux dents longues que de lui refuser l'embrasse d'une morsure ?! Tatiana referma étroitement les doigts sur sa baguette, bien heureuse de ne pas l'avoir lâché plus tôt. Elle allait pour faire volte-face et confronter le lycanthrope, lorsqu'une fourrure effleura sa cuisse et qu'elle 'sentit' un souffle sur son mollet. Avec un hoquet de terreur, elle plongea sur le côté et échappa de justesse à une blessure qui l'aurait certainement estropiée.

Dans son esquive affolée, la sorcière perdit l'équilibre et tomba au sol. Elle roula dans l'herbe alors qu'elle finissait au fond du fossé séparant la route des champs cultivés tout autour. Un instant désorientée, elle finit par distinguer en contre-jour de la lune pleine la silhouette menaçante du prédateur. Elle vit le reflet jaune de ses yeux et l'éclat de ses crocs. Son cœur fit un bond dans sa poitrine et elle pointa sa baguette vers le monstre. Elle attendit qu'il ouvre la gueule et ne s'apprête à bondir et alors...

"- Cannamella mollis !" Cria-t-elle d'une voix enrouée par la terreur.

Immédiatement, la gueule béante du lycanthrope s'encombra d'une multitude de... caramels mous. Il y en avait de toutes les formes et de toutes les tailles. Habituellement, Tatiana usait de ce sortilège pour récompenser les enfants qui visitaient le Cirque et participaient à des activités ludiques. Il s'agissait d'un sort qu'elle avait inventé, comme bon nombre de ses autres illusions. Elle espérait que la créature maudite se retrouve avec les dents collées dans le sucre et que cela lui laisserait suffisamment de temps pour changer de forme !

N'attendant pas de savoir si l'effet désiré était bien à l’œuvre, la jeune fille bondit de nouveau sur ses pieds et s'enfonça dans les fourrés. A quatre pattes pour ne pas être vu depuis la route, elle rampa sous plusieurs feuillages épineux et branchages hirsutes. Le sous-bois qui faisait la jonction entre deux champs était sa seule issue de secours. Ses genoux s'écorchèrent sur la terre caillouteuse, ses mains se souillèrent de terre humide et d'herbes écrasées. Plusieurs reprises, ses vêtements s'accrochèrent à des branches et à chaque fois qu'elle tira dessus pour se dégager, l'agonie des coutures se fit entendre.

Et à mesure qu'elle avançait, sa taille réduisait. En quelques secondes à peine, ce ne fut plus une jeune fille qui se trouvait dans les fourrés, mais un lièvre blanc. Fourre douce et immaculée, oreilles droites à la pointe piquée de noir, son petit museau remua frénétiquement à la recherche du musc prédateur. Ses yeux noirs et ronds comme des billes d'obsidienne percèrent l'obscurité avec plus d'aisance que ceux d'un humain. Leste, le lièvre n'attendit pas d'être découvert pour prendre la fuite !!! Il savait que son odeur serait rapidement ramassée par le lycanthrope, mais il comptait sur sa vitesse pour pouvoir rejoindre un lieu plus propice à se cacher.

Bondissant hors du sous-bois, le lièvre arctique s'élança dans un champ pour foncer droit vers le parc des Pégases. Dans la nuit, il ressemblait à une petite étoile filante.

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✻ Feat @Arran d'Apcher

Qui aurait cru qu'une telle ruse fonctionnerait ?! Certainement pas elle, bien qu'elle fut la première à s'en servir dans l'élan de sa panique. Quelque part dans les méandres primitifs du petit lièvre, Tatiana eut un rire nerveux. Peut-être que cette farce et la brûlure du sucre viendraient à détourner l'attention du prédateur ? Peut-être qu'il irait voir ailleurs, à la recherche d'une proie plus facile à croquer... L'animal le souhaitait ardemment. L'humaine, un peu moins ; car cela voudrait dire qu'une autre victime serait désignée. Une proie qui n'aurait pas les mêmes chances qu'elle. Tatiana ne voulait pas avoir le sang d'innocents sur les mains, même indirectement.

Alors lorsqu'elle entendit l'aboiement féroce et qu'elle sentit les vibrations du sol à mesure que les pas de courses la rejoignaient dans le champ de navets, une par d'elle-même soupira de soulagement. Ce soir -et si elle survivait- il n'y aurait pas de morts... ou d'infectés. Et en parlant de ça !!! L'instinct du lièvre lui hurla de sauter maintenant et sans réfléchir, la circassienne fit un bond acrobatique sur sa gauche. Ce fut un virage à 90° qui lui contorsionna le corps tout entier et la sortie de la trajectoire du lycanthrope juste au moment où la gueule hérissée de crocs se refermait là où son pompon aurait dû se trouver quelques fractions de secondes plus tôt.

Le lièvre retomba dans l'herbe, sur ses quatre pattes et sans heurts après s'être tortillé dans les airs. Sans même prendre la peine de recentrer ses pensées, la petite étoile filante relança la course à toute allure. Contre un loup normal, elle n'aurait eu aucun mal à le distancer ou à le désorienter et à l'épuiser à force de pirouettes et de zigzags, mais il s'agissait d'une créature magique infatigable qui lui donnait la chasse ! Et c'était elle, petite pile électrique en temps normal, qui commençait à sentir ses muscles chauffer et tirer. Le monstre la retrouvait toujours et il la rattrapait à chaque fois ; le champ de navets n'était plus qu'un terrain en ruine avec les pauvres tubercules écrasés ou bousculés et les fanes totalement déchirées, voire arrachées par endroit.

Mais d'avoir couru dans tous les sens, Tatiana avait pu capter une odeur : celle d'un renard. Et qui disait renard, disait terrier ! Il s'agissait d'un prédateur pour sa forme actuelle, mais entre les deux maux elle préférait encore choisir celui qui ne risquait pas de l'avaler d'une seule bouchée. Alors elle bifurqua encore d'un bond agile, envoyant le lycanthrope rouler dans le fossé parce qu'elle l'y avait leurré en courant spécifiquement à la bordure du champs. De ces précieuses secondes achetées, Tatiana couru à en perdre haleine dans un autre bosquet d'arbres. Elle sentit les feuillages des buissons et les ronces des mûriers fouetter son pelage, mais elle s'acharna à poursuivre par le chemin le plus court.

Et enfin, elle vit l'ouverture dans les racines nouées d'un grand chêne. Elle plongea à l'intérieur sans une seconde hésitation et ne s'arrêta qu'au plus profond du nid aux relents musqués de renard. Il y avait une autre sortie, derrière le tronc, mais aucune de ces voies n'étaient suffisamment grandes pour permettre au monstre de s'y faufiler. Bien sûr, il pourrait toujours creuser, mais au moins avait-elle quelques minutes de répits. Le corps endolori, le petit lièvre se roula en boule dans la terre meuble et ferma à moitié les yeux.

Son cœur battait la chamade et ses muscles tremblaient encore de l'effort. Quelle était la suite de son plan ? Si le loup se laissait d'attendre, pourrait-elle le laisser partir à la recherche d'une autre proie ? Non, elle l'avait déjà refusé tout à l'heure ! Sortirait-elle pour le provoquer ? Elle pourrait. Un jeu de cache-cache mortel. Et puis quoi ? Que feront-ils le lendemain matin ?! Elle toute désorientée d'être restée si longtemps un animal et lui certainement nu comme au premier jour ! Ils auraient l'air malins, tiens.

Le renard, quant à lui, il n'était pas là... mais pour combien de temps ?

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✻ Feat @Arran d'Apcher

Les actions du monstre devenaient frénétiques, bien plus enragées si c'était seulement possible. Que ce soit d'une ouverture ou de l'autre, les crocs scintillaient avec voracité, claquant comme des pièges mortels, menaçant et terrifiant le lièvre blotti dans la fange et la poussière. Son pelage jadis immaculé n'était plus qu'un tableau fauve aux éclaboussures noires d'une terre molle, puante, sous les pattes tremblantes. Les yeux fixaient anxieusement les ouvertures dès que la gueule béante et baveuse se rétractait, incapable de se reposer. Incapable de se détourner alors que sonnaient les aboiements féroces.

Les longues oreilles rabattues sur la nuque et le dos tressaillaient à chaque coup de griffes au dessus du terrier. Pour chaque pierre délogée, pour chaque racine scarifiée, les sons se propageaient dans le sol et lui fracassaient les tympans d'un glas toujours plus proche. D'une promesse de mort douloureuse. Le souffle fétide du prédateur remplissait les couloirs sinueux et pourtant le terrier tenait bon. Le chêne qui l'y abritait était solide et ses accroches profondes. Au bout de ce qui sembla être une éternité pour Tatiana, le silence retomba autour d'elle. Tel un linceul sinistre, présage d'une augure néfaste encore à venir.

Elle aurait pu tenter une sortie, s'essayer à une percée pour reprendre de la distance entre elle et le monstre... mais ses muscles se sont engourdis avec l'immobilité forcée. Elle savait qu'au dehors, le loup devait faire les cents pas pour ne pas laisser l'adrénaline redescendre. Elle savait qu'elle n'avait aucune chance si elle pointait le bout du museau hors de sa forteresse végétale. Ce n'était pas un problème ; le temps jouait en sa faveur. D'ici quelques heures, la lune se rétracterait et avec elle son influence sur le monstre.

Pour autant, Tatiana ne savait pas ce qu'elle devait craindre le plus ; une bête affichée comme telle ou une autre dissimulée sous les traits d'un humain. Elle sera seule demain avec un inconnu. Un inconnu dénudé, pour être précis. Le petit lièvre remue le museau, contrarié à cette pensée. A l'horreur de la nuit, cèdera une aube des plus embarrassantes. Comment dire qu'elle n'avait pas hâte malgré la promesse d'une libération prochaine. Peut-être partirait-elle sous sa forme de lièvre, sans un regard pour son agresseur...

Non. Si cette nuit elle a pu se protéger, une autre victime pourrait succomber sous les crocs affamés de ce monstre. Elle n'a aucune certitude qu'il s'agissait d'un regrettable accident ou d'une première transformation ! Il peut s'agir d'une action menée par un dérangé mental. Elle n'est peut-être pas sa première victime et ne sera pas sa dernière. Un instant, la jeune fille regrette d'avoir une morale aussi bien faite. Cela ne lui facilite définitivement pas la vie.

Le temps se mit à passer, donc. Plusieurs fois elle entendit le lycanthrope approcher et venir renifler dans un trou, puis dans l'autre afin de s'assurer qu'elle soit toujours piégée. Elle le sentait rôder dans les buissons proches, à l'affut de la moindre de ses tentatives de fuite... mais elle n'était pas dupe et elle fit preuve de patience. Lorsque l'aube se leva et que chantèrent les premiers oiseaux diurnes, la jeune circassienne osa enfin relever son petit corps courbatu et se diriger vers une des sorties.

Elle releva ses oreilles pour guetter des sons, des indices, n'importe quoi pouvant lui désigner l'emplacement de son prédateur... si prédateur il y avait encore, cela dit. N'entendant que le bruissement dans les arbres et le pépiement des oiseaux, elle osa totalement sortir de sa cachette et retrouver forme humaine. Revenir sur deux pieds après une nuit complète sous forme animale causa chez la jeune femme une légère perte d'équilibre. D'une main, elle s'appuya au large tronc d'arbre et observa autour d'elle la dévastation laissée par le lycanthrope.

Son regard s'attarda finalement sur une silhouette encore recroquevillée au sol, à la peau rose, dans les herbes couchées et les buissons brisés, déracinés, par ce qui fut quelques temps plus tôt une silhouette bien plus massive. Il s'agissait bien d'un homme et il paraissait jeune, peut-être dans sa tranche d'âge, jaugea Tatiana sans oser s'approcher plus que cela. Ayant perdu son châle, elle ne pu que croiser les bras autour de sa poitrine pour se protéger et se réchauffer. Sans la fourrure, la bise matinale était piquante et la fatigue, physique comme nerveuse, n'aidait probablement pas.

"- Debout..." Finit-elle par souffler. "Levez-vous ! Vous me devez des explications... monsieur le nudiste."

Elle chercha du regard, fébrile, un moyen de l'atteindre autrement qu'avec ses mains. Hors de question de toucher ainsi le corps d'un inconnu ! Un bâton de noisetier trouva grâce à ses yeux et elle s'en servit pour venir tapoter sa hanche et son épaule, à distance respectable. Dans son autre main, Tatiana conservait sa baguette, prête à se défendre au moindre signe d'agression volontaire. Son cœur battait de nouveau la chamade alors qu'elle continuait de le tapoter, avec plus de force à mesure que le temps passait.

"- Debout, je vous dis !!! Debout avant que je n'appelle la police magique !"

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13 Septembre 1927 • Aube suivant la pleine lune

Le réveil de l'inconnu la trouble, le rouge aux joues de découvrir l'anatomie d'un homme comme au jour de sa naissance. Malgré elle, son regard s'égara vers la ceinture -ou l'absence de cette dernière- avant de remonter rapidement, trop peut-être, vers le visage de son agresseur. Son bâton improvisé lui fut presque immédiatement arraché et cette force, résidu de la pleine lune tout juste passée, lui arracha un petit cri. L'exclamation de la peur et de la surprise, un hoquet qui fit trembler tout son corps courbaturé et encore tremblant.

Pour autant, ce ne fut pas de la honte ou de la docilité qui vint l'envahir aux menaces et paroles de l'inconnu, mais bel et bien une flambée de rage. Un sentiment qui chassa la catatonie du choc et balaya toute fatigue dans ses muscles. Tatiana attrapa sa baguette et la pointa sur l'homme pour jeter d'un mot sec le sortilège d'Incarcerem qui lui noua les poignets, genoux et chevilles de solides cordes métamorphosées depuis les branches cassées et gisantes tout autour d'eux.

"- La seule question que la police se posera, lorsque j'en aurais terminé de mon témoignage, c'est si elle doit vous accorder un procès ou non avant de vous guillotinez, monsieur !!!" S'écria-t-elle, les nerfs à vifs et les larmes aux yeux. "Alors pour l'amour de tout ce qui vous est cher, ne me menacez plus jamais, vous m'entendez !?"

Son cœur battait la chamade. Ses paumes étaient moites et son chemisier lui collait au dos sous une sueur glacée. Elle savait que sa mise était pitoyable, souillée de boue et le corps tout entier marbré de bleus et d'égratignures. Fort heureusement, son sang noir et coagulé pouvait passer pour celui d'une humaine normale, camouflage de misère pour sa malédiction. Ses boucles tombaient en vrac sur ses épaules crispées, pièges pour feuilles mortes et brindilles confondues.

Malheureusement pour Arran, l'oiselle qui lui faisait face n'était pas sans ressources. Le monde n'avait jamais été tendre avec elle, même au sein du Cirque. Rien ne lui avait jamais été offert gratuitement. Petite, elle avait dû gratter le sol crasseux et gelé pour ramasser les quelques piécettes jetées aux artistes dans les rues de l'Union. Elle avait dû recoudre elle-même ses jupons et gagner littéralement son pain. Elle avait dû mordre et se battre avec les ongles contre les autres gamins du Cirque pour avoir les miettes sucrées du stand à biscuits à la fin de chaque tournée.

Cette nuit, elle avait manqué mourir. Pourtant, à l'aube de cette nouvelle journée, elle respirait un air piquant et pur. Et par Merlin qu'elle aimait cette sensation ! Alors elle n'allait pas laisser un homme désarmé lui manquer de respect plus qu'il ne l'avait déjà fait en l'agressant. Elle s'approcha donc et lui donna un coup de pied dans l'épaule pour le faire tomber en arrière, soumis et vulnérable à cause des liens magiques qui le retenaient.

"- Répondez à mes questions... que je sache quoi faire de vous !" Elle renifla, refusant de pleurer devant cet homme. Cet inconnu. Elle prit une profonde inspiration avant de poursuivre : "De ce que vous dites... Non. C'est impossible, m-mais vous semblez vous rappeler de la nuit passée. Comment ?! Je... Je croyais que les lycanthropes perdaient leur humanité. Que..." Elle s'arrêta, livide. "Si vous vous rappelez, c'est que vous étiez encore conscient en me rencontrant. C'est ça ?! Dites-moi que je me trompe..."

Elle ne voulait croire qu'il ait fais tout cela sciemment. Qu'il ait volontairement brisé l'un des plus grands tabous de leur société pour... pour quoi d'ailleurs ? Quelles raisons pouvaient pousser quelqu'un à mettre volontairement en danger la vie d'autrui !? Tatiana ne parvenait pas à se l'imaginer et elle recula d'un pas, sans baisser sa baguette. Sans détourner les yeux de cet homme.

"- Votre nom. Donnez-moi votre nom..."

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