Rejuvenating Retreat | ft. Neith

Elle avait pris sa journée pour une des rares fois où elle en prenait une. Le concept de vacances était une notion inconnue à Neith qui, le peu où elle en avait pris tournaient autour de son fils, Ruben alors en bas âge. C’était en réalité que Neith ne savait jamais trop quoi faire de son temps libre hormis danser, ce qui était une activité qu’elle pourrait faire toute la journée. Mais sinon, il lui semblait que se perfectionner dans les langues qu’elle chérissait tant, se plonger dans les livres d’histoire et d’archéomagie, réfléchir aux conséquences de choix politiques ou des stratégies maintenant inévitables, continuer en somme à élargir son bagage intellectuel et culturel, était toujours une façon de travailler. Elle savait bien sûr qu’elle était loin de s’ennuyer, seule, mais sa notion de plaisir avait toujours été intimement liée à ses connaissances, sa famille, ou simplement sa carrière professionnel. Même adolescente finalement, si elle avait eu quelques nuits effrénées à boire et danser surtout l’été en Égypte au Caire près des pyramides de Kheops dans un de ses bar jazzy underground, la notion de ne rien faire même pour ses jours de congés était toute relative.
Se disant ce matin-là avant d’aller voir Kamila à qui elle avait promis une visite, qu’elle dormirait plus longtemps que d’habitude, Neith avait réalisé que son horloge de sommeil était réglée comme une horloge. Réveillée comme si elle allait au travail, elle avait longuement fixé le plafond de sa chambre essayant d’ignorer le vide abyssal de la présence manquante à ses côtés. Au pied de son lit, Cerbère, son braque allemand au poil court et à la robe gris souris, lui se faisait une de ses grasses matinées qu’elle lui enviait décidément.
Soupirant, elle avait fini par se préparer non sans regarder l’heure passer. Si elle avait aimé prendre le petit déjeuner avec une partie de sa famille, chacun ayant des emplois du temps bien à eux et souvent chargés, Neith n’avait cessé de jeter des regards à la place vide de Ruben. Beauxbâtons l’accueillait depuis maintenant un an et si Neith le voyait une fois par mois durant un des weekend, ce dernier avait souhaité passer le plus de temps possible à Beauxbâtons. Malgré le pincement au cœur qu’elle avait ressenti, Neith avait laissé faire son fils qui avait décidément sa vie de bonhomme à prendre en main. Comment le lui refuser, elle avait été après tout pareille à son âge.
Lorsqu’elle s’était enfin mise en route jusqu’à la demeure des Amaru, elle n’avait pu s’empêcher de sourire un peu. Il serait faux de dire que Kamila ne lui manquait pas à certains degrés. Si leur relation malgré leurs hauts et leurs bas quand elles avaient été ensemble s’était terminée avec la déchirure de l’inévitable fatalité d’un destin qu’elles connaissaient toutes les deux, c’était toujours avec une certaine légèreté qu’on ne lui connaissait guère que quand elle avait été un jour amoureuse de la dite personne, que Neith envisageait ses moments avec son ex. Kamila était en réalité bien plus que cela pour elle. Une de ses plus chères amies dont la complicité, l’affection et sans doute un amour qui n’avait plus rien de romantique mais qui se rapprochait d’une tendresse toute particulière, ne s’était jamais taries. Le fait de la savoir mariée, et relativement heureuse même si Kamila adorait se plaindre d'Ekkeko et que Neith connaissait suffisamment ce dernier pour savoir qu’il était loin d’être facile (c’était un euphémisme) (mais il fallait bien l’avouer : Neith était bien contente de ne pas être sa femme et plaignait un peu Kamila), était tout ce que Neith souhaitait à la russe. Avec toute sa compersion. Somme toute, elle était contente de la voir aujourd’hui, peu importait que ce soit pour une heure ou deux, le plus longtemps possible en fait car Neith ne savait toujours pas quoi faire de son temps libre, un de ses grands drames depuis que Ruben était à Beauxbâtons.
S’annonçant comme à son habitude, l’égyptienne se demanda si Gabrielle était là… et également Ekkeko même si au vu de l’heure et du jour, il devait sûrement travailler. Neith n’avait jamais compris comment Kamila faisait pour ne pas mourir d’ennui. Pour elle, ça avait été une torture d’être inactive pendant sa grossesse et si Alaric ne lui avait pas fait un odieux chantage concernant des parties d’échecs, sans doute Neith aurait travaillé jusqu’au jour de son accouchement.
Observant d’un sourire un peu tendre Kamila se relever difficilement avec son ventre de six mois, Neith se souvint de sa propre grossesse. Cela avait été particulièrement pénible en cette période de l’année, surtout l’été. Elle savait que sur la fin, elle n’en pouvait plus, ne voulant plus qu’expulser ce bébé. Et sans doute avait-elle rendu toute les domestiques d’Alaric fou en se prenant une frénésie de tout ranger, ce qu’elle avait découvert plus tard comme étant particulièrement normal hormonalement au vu de l’arrivée imminente du bébé. Le sixième mois pourtant avait été sans doute l’un des plus doux et encore relativement confortable, mais elle n’enviait pas les deux prochains mois à venir pour Kamila.
« Kamila. » lui dit-elle bonjour en mettant ses lunettes de soleil sur sa tête. Elle se penche pour faire la bise à la française à la russe, sourit à sa douce odeur.
Elle s’apprêtait à suivre le majordome mais jette un regard interrogatif à Kamila qui sembla avoir une idée derrière la tête.
« Une surprise ? » répondit-elle, fortement amusée. « Mais mon trente-sixème anniversaire est dans deux mois. Tu es un peu en avance. » la taquina-t-elle.
Mais elle ne chercha pas à faire renoncer son amie. En fait, elle connaissait très bien Kamila pour savoir que ce n’était jamais une très bonne idée, et elle connaissait très bien le fait d’être enceinte de six mois aurait rendu cette idée encore plus suicidaire. Docilement, elle suit donc Kamila non sans jeter un regard compatissant au majordome qui n’en menait pas large avec Qullana. Elle trouvait que Kamila s’était fortement bien accomodée de son nouveau mode de vie avec les serpents. C’était une bonne chose au vu de la passion de son mari et du passé familial lourd des Amaru. Elle adressa un au revoir malicieux de la main au serpent comme si elle était un être douée de conscience totale (ce que le serpent corail était) avant de prendre le bras de Kamila et de s’en retourner de là où elle venait.
« Tu auras largement le temps de promener Gabrielle quand tu pourras. » la consola-t-elle.
Neith savait bien que toutes les grossesses étaient différentes, mais pour la sienne, elle avait toujours été active, au grand désespoir de son ex-belle-mère qui, si elle l’adorait, était le produit même de l’éducation à la française… bien loin de celle des Shafiq. Elle n’enviait pas l’immobilité de Kamila, mais celle-co semblait particulièrement rayonnante et Neith considéra que si elle était heureuse comme cela, alors, elle également.
Amusée par l’enthousiasme de son amie, Neith se fit cependant, comme toujours, plus mesurée. Elle rentra dans la calèche non sans aider Kamila au passage.
La conversation badine et légère fait plaisir à Neith qui en a souvent des trop sérieuses dernièrement. Cela ne lui déplait pas, bien sûr, mais avec Kamila, c’est toujours rafraichissant. Éventuellement, Neith finit par reconnaitre le paysage et savoir déjà où elles se rendaient avant qu’elles n’arrivent. Un léger rire s’échappe de ses lèvres quand Kamila ne lui ménagea plus la surprise. Sifflant appréciatrice, Neith ne put s’empêcher d’adresser un sourire éclatant à la blonde.
« Ça me semble être un très bon programme. » Elle se penche pour déposer un baiser en tout bien tout honneur sur la joue de la russe. « Merci. » conclut-elle humblement, sachant parfaitement reconnaître que c’était une façon pour Kamila de se soucier d’elle.
Et franchement, Neith n’allait pas cracher sur les eaux thermales.
Il ne leur fallut pas très longtemps pour se retrouver dans les bains thermaux. Ayant profité de commande une bouteille de champagne et un cocktail sans alcool pour Kamila, Neith était en train de reposer sa tête contre le rebord du bain.
« Bon alors, comment tu vas, toi ? » Elle sourit. « Tu ne souffres pas trop de la chaleur avec le bébé ? »

Si Neith rit à la phrase sur les hommes aigris, elle ne répliqua pas que dans leur société, beaucoup d’hommes aigris avaient dû décréter beaucoup de choses et que c’était bel et bien cela le problème. Et c’était donc bien un homme aigri qui avait en charge la grossesse de Kamila, comme si c’était lui qui vivait la grossesse. Neith trouvait toujours particulièrement fascinant de voir à quel point nombre d’hommes s’appropriait des choses qu’ils ne vivraient jamais. La maternité en faisait définitivement partie. Bien sûr, elle compatissait grandement avec Kamila puisqu’elle avait été à sa place et qu’elle avait eu son contingent d’hommes aigris à ce propos. Les Lestrange étant quelque peu champion dans cette catégorie quand ils s’y mettaient. Entendre qu’elle avait interdiction de se promener plus de vingt minutes fit se pincer les lèvres à Neith. Mais elle pouvait comprendre l’inquiétude vis-à-vis de la malédiction de Kamila.
« Si tu t’en sens capable, Kamila, sortir, marcher, cela ne fera pas de mal au bébé. » dit-elle néanmoins, un peu agacée pour son amie.
Mais elle voulait bien croire qu’Ekkeko était un specimen particulier qui voulait protéger la chair de sa chair surtout si elle était dotée d’un phallus. Neith eut un sourire désolé pour Kamila.
« Ca ou un petit poison juste pour le rendre indisponible. » Parce que parfois, c’était bien mérité et mieux que personne, Neith comprenait la situation de Kamila.
Jouant un peu avec l’eau, coupe de champagne à la main, Neith profite de la sensation. Elle rit avec Kamila à l’entendre. Tout devient insupportable, surtout sur la fin d’une grossesse. Neith avait détesté être enceinte même si elle avait eu des moments de félicité. Fort heureusement, Ruben était né en avril ce qui l’avait particulièrement sauvé pour les chaleurs estivales, bien qu’elle eut fait un voyage en Egypte où il faisait tout aussi chaud.
« Je peux éventuellement voir avec ma mère si tu le souhaites pour te donner des activités. Elle m’avait beaucoup aidé quand les Lestrange pathologisaient beaucoup ma grossesse. » Et elle sait que Rawyia appréciait beaucoup Kamila pour l’avoir déjà rencontrée. Sa mère ne rechignait jamais à donner des conseils aux femmes, avec ce soucis de sororité évident dont Neith avait hérité.
A l’invitation de Kamila, plutôt son ordre en réalité mais Neith ne chipotait pas trop, l’égyptienne sourit. Elle s’y était de toute façon attendue et il n’était pas rare qu’elle dîne chez les Amaru une fois de temps en temps, tant à cause de son père et du fait qu’Ekkeko soit un proche de l’ordre, que de Kamila et leur relation à toutes les deux. Riant un peu en imaginant Ekkeko sourire, elle répondit néanmoins : « Rien que assister à ce spectacle, je te dis oui pour ce soir. » Elle rit et boit avant de poser sa flûte sur le rebord.
Aux questions de Kamila, Neith sourit.
« Toujours aussi bien, oui. Je prépare une exposition basée sur les bijoux qu’on a pu récupérer. Je suis en grande négociation avec des collectionneurs actuellement. » Et c’était passionnant de connaitre ces gens aussi passionnés qu’elle. Mais elle ne comptait pas assommer Kamila avec tout cela. « Ca prend beaucoup de temps et oui, je reste à Reims pour l’instant même si j’ai une conférence bientôt à Paris. J’ai hâte. » Elle ne peut s’empêcher d’avoir des étoiles dans les yeux à l’idée de donner cette conférence. Si Neith n’allait plus aussi souvent qu’avant sur le terrain, elle prenait plaisir à dispenser son savoir. « Oh et il y a de fortes chances que je fasse un passage sur site début de l’année prochaine. Tu n’imagines pas à quel point j’ai hâte de remettre les mains dans le sable et la terre pour trouver des antiquités. » Parce que même si elle avait pris la décision de se concentrer sur la direction des Antiques Rêveries, Neith aimait aussi jouer son rôle d’archéomage de temps en temps. « Sinon, rien de nouveau. Ruben va revenir cet été et il va diviser son temps entre chez nous et chez les Lestrange. »
Et voilà à peu près les deux sujets principaux de son existance. Son fils et son travail. Elle ne mettait que peu de place pour le reste, hormis la danse qu’elle ne pratiquait que seule.
« Au fait, tu viens à la soirée caritative d’Antoinette ? Elle m’a fait une robe. Je te jure, ça fait très longtemps que je ne me suis pas sentie aussi désirable. » Elle se marre. En fait, elle n’avait jamais eu de problème avec son apparence, mais pour la première fois depuis longtemps, elle avait remarqué d’un nouvel œil qu’elle pouvait se sentir sexy grâce à la passion et au savoir faire de sa meilleure amie. Sans doute une nouvelle étape de passée dans son deuil.