No more humdrum

Voilà plusieurs semaines que la neige était revenue en Gévaudan. Dehors, son blanc manteau recouvrait le sol et les flocons virevoltaient dans l'air chargé d'humidité et dont le froid perçait les habits les plus chauds appelait à rester calfeutré entre les pierres de sa demeure. Mais quelle beauté, un spectacle bien de chez eux dans la campagne reculée auvergnate, loin des villes et de leurs degrés supplémentaires qui les empêchaient parfois de voir le sol se recouvrir de neige sur plusieurs centimètres à cette date de l'année.

Enfant de l'hiver, Arsène regardait par la fenêtre la poudreuse tomber du ciel en gros flocons alors que crépitait dans l'âtre de son bureau un feu salvateur qui emplissait la pièce d'une douce chaleur. Par la Lune, que le Baron aimait l'hiver, qu'il aimait cette ambiance reposante de se sentir au chaud tout en contemplant la neige recouvrir son domaine, et voir jouer les enfants d'Apcher jusqu'à en avoir les joues rougies par l'air glacial de ce début décembre qui était tombé bien en dessous de zéro. Faisant une pause dans son travail, il se réjouissait de pouvoir profiter de cette neige avant de devoir retourner au Havre ou à Paris où le climat était bien différent de son Auvergne natale. Si le Baron du Gévaudan appréciait que ses affaires marchent aussi bien, il devait bien admettre qu'il ne se sentait jamais aussi bien que sur ses terres où il était bien heureux de pouvoir délocaliser son travail administratif.

Voilà des semaines qu'il n'avait plus arrêté. Entre les embauches, les premiers bateaux à faire voile et les ajustements à faire en conséquence, les journées étaient bien remplies... Sans compter ses affaires personnelles qui se bousculaient également en cette fin d'année. Depuis combien de temps n'avait-il pas pris de temps pour lui ? Bien qu'il ne rechignait jamais à affronter ses obligations, il devait bien admettre avoir besoin d'une pause. Mais avait-il seulement le droit de s'accorder du temps ? L'organisation de ses fiançailles n'allait pas se faire toute seule, même s'il était aidé dans cette tâche, il voulait faire les choses bien. Son honneur d'homme en dépendait, lui qui tenait absolument à démontrer à la Duchesse de Bretagne qu'elle avait fait le bon choix en l'acceptant comme gendre.. Et puis Maeve le valait bien, elle aussi. Lui offrir le meilleur était devenu sa priorité, elle qui avait accepté de quitter ses terres natales pour venir se terrer en Auvergne, loin des forêts mystiques de la Bretagne et de ses cercles celtes qui étaient pourtant si chers à son coeur. Pourtant, au milieu de toutes ces obligations oui, il avait besoin d'une pause. S'échapper, prendre du temps pour lui.

*ding*

Ce son caractéristique le fit immédiatement tourner la tête, et son visage s'illumina d'un sourire qu'il ne parvint pas à réprimer lorsqu'il vit sur sa pendule enchantée que son amant avait utilisé le réseau de cheminée qui reliait leurs deux demeures. Auguste avait-il lu dans son esprit ? Bien qu'il ignorait encore la raison de sa visite, Arsène se senti immédiatement soulagé à l'idée de passer du temps avec lui, quel qu'il soit. Il repris place sur son fauteuil, attendant qu'il soit annoncé avec impatience. S'il avait ensorcelé cette pendule pour qu'elle lui annonce lorsque certains de ses proches ou de ses collaborateurs étaient présents sur le domaine, il ne s'était pas imaginé qu'il serait si difficile de feindre l'ignorance lorsque l'objet de son désir le plus profond pointait sur la demeure du Baron. Qu'elle torture de ne pas se précipiter, mais il ne devait pas éveiller le moindre soupçon, aussi se contenta t-il de demeurer derrière son bureau, le pied battant la mesure alors qu'il entendait au loin les pas du domestique.

« Entrez ! » dit il bien rapidement avant même qu'il n'ai eu le temps de frapper à la porte. Mais on le savait au sein du domaine, le Baron du Gévaudan était pourvu d'un instinct proprement déconcertant... Et d'une ouïe très fine.

« Maître d'Apcher, Monsieur Lestrange en visite.
- Faites le monter, merci Léon. »

La porte se referma sur le domestique, et Arsène passa une main dans ses cheveux, s'assurant qu'il fut présentable pour son invité. Il avala également le fond de son verre de rhum qu'il avait entamé plus tôt. L'attente était un doux supplice, reconnaissant les pas d'Auguste qui s'approchaient à mesure que les secondes s'égrainaient et que son coeur s'emballait alors que, déjà, il pouvait renifler sa si délicieuse odeur alors même que la porte close les séparait. Plus que cette lourde porte en bois qui s'ouvrit sur Léon accompagnant Auguste, et Arsène du se faire violence pour ne pas trahir la teneur des émotions qui fussent les siennes alors que son amant entrait dans son bureau.

“Monseigneur.”
« Monsieur Lestrange, quel plaisir de vous accueillir. »

Arsène réprima un sourire à cette appellation publique, pressé que la porte se referme, les laissant seuls. Lorsque ce fut le cas, il accueilli l'embrassade d'Auguste avec un soulagement certain, le serrant à son tour contre lui, inspirant à plein poumon son odeur qui lui avait tant manqué et qui ne manqua pas, en un instant à peine, d'attiser le feu de son ardeur. Il en était habitué, mais la sensation était grisante à chaque fois. Pourtant, son amant se recula bien rapidement. Trop rapidement.

“Comment vas-tu ?”

Ne répondant pas immédiatement, Arsène sorti sa baguette et verrouilla la porte d'un sortilège informulé avant d'effacer la distance qui s'était remise entre les deux hommes, venant perdre sa main puissante sur la nuque d'Auguste tout en pivotant pour le coincer contre son bureau, pressant leurs corps l'un contre l'autre. Il s'empara de ses lèvres avec l'avidité caractéristique qu'il réservait à leurs étreintes, le dévorant avec passion durant quelques instants avant de le laisser reprendre son souffle. Son regard noir perçant vint se planter dans celui d'Auguste, cherchant à happer la moindre pensée que sa fougue avait pu éveiller en lui, car le loup aimait plus que tout le voir perdre ses moyens devant lui.

« Bien mieux maintenant. » souffla t-il contre ses lèvres, se faisant violence pour ne pas se laisser aller à moins de pudeur. Car si la porte était verrouillée, elle n'était pas insonorisée, aussi tenta t-il de réprimer ses pulsions.

« Que me vaut le plaisir de ta visite ? »