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On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent | ft Elric

Léopold de ValoysLACHESIS | SECRET IS THE ONLY WAY.
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(#) On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent | ft Elric

missive rédigée par Léopold de Valoys le
  • On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent



    L’aube est pâle, en ce onze novembre de l’an de grâce mille neuf cent vingt-sept. C’est, comme tous les anniversaires d’armistice, un jour de gueule de bois pour Léopold. Sur la brume qui serine le paysage de son burin, il voit se dessiner les ombres inquiétantes de spectres aux gueules cassées, aux membres désarticulés, brisés, manquants. Les vapeurs des matines font vrombir les cloches de la chapelle sans parvenir à tout à fait dissiper le mal de sa mémoire. Il effleure du doigt les visages qui lui reviennent, caressant l’ondoiement de l’air. Vestiges, mirages, illusions. Sa chère et tendre le scrute. Il a passé une mauvaise nuit. La mauvaise nuit annuelle. Il la rassure d’une accolade tendre. Lui communique sans mots, par la simple pression des mains combien l’ombre de la Grande Guerre s’éloigne quand revient la tendresse familiale.

    Et comme chaque année, il fait payer toutes les églises du duché pour commémorer les morts. Et comme chaque année, il occupera sa journée au souvenir plutôt qu’à la célébration d’une paix illusoire. « Le mécontentement monte en Allemagne », lui disait encore sa douce la veille, engoncée dans la liasse des journaux du mois qu’elle fit importer. Un écho aux craintes qui embrasent perpétuellement monsieur le Duc : et si la Grande Guerre était le terreau fertile d’un nouveau conflit tout comme la guerre de 1870 l’avait été ? L’homme n’a pas connu le précédant conflit, mais on lui en a certainement assez rabattu les oreilles pendant ses leçons d’histoire.

    Rien ne devait dérailler de ses usuels engagements en cette morne journée. D’ailleurs, lorsqu’il se rend au premier repas avec ses enfants et quelques gens de sa cour après la prière matinale, il voit bien que la solennité du moment est partagée par tous. Chacun sait assez les pensées du Duc en ce jour de la mémoire. Sans doute est-ce pour cela que l’irruption d’un courrier urgent désarçonne toute la maisonnée. Qui donc oserait déranger le Duc un jour de deuil ? La missive est lue, enflammée et la centre dissipée d’un coup de baguette. Que diable veut donc Elric ? Ils sont assez proches pour qu’il connaisse toute l’importance du onze novembre pour Léopold, non ? Depuis combien de temps se côtoient-ils déjà ? Cela se compte en décennies !

    « Ma tendre, une affaire urgente, je vais devoir m’éclipser » Incompréhension autour de la table. L’air inquiet de ses proches. « Cela ne devrait prendre que quelques instants. Rien d’alarmant. » Rien d’alarmant, mon cul oui. Il ne se convainc pas lui-même en éructant la chose à ses proches. Et d’ailleurs, il est tout à fait certain que son manque de conviction est perceptible malgré son calme apparent. Si ce n’est pas absolument une question de vie ou de mort, Elric en entendra certainement parler assez pour lui rebattre les oreilles. Très peu d’événements ont la primauté dans l’esprit de Léopold, sur la Grande Guerre et ses conséquences.

    Le voilà donc, une heure plus tard à peine, près du Canal Saint Martin, engoncé dans les sous-sols de l’Ordre. Les vieilles pierres du Temple brillent d’une inquiétante lueur. C’est sans doute le Duc qui projette là ses propres pensées sur l’inerte rocaille. Que lui veut-on ? Que s’est-il passé en cette nuitée pour justifier d’être ainsi importuné ? L’alarme le dispute à l’ennui et sa posture s’en trouve toute rigidifiée. Les épaules tendues, le dos droit, le menton haut et l’apparat sobre, il rejoint un Elric visiblement harassé par une trop longue nuit. Faisant fi des convenance, la voix grave du Duc emplit l’air entre eux. Il connaît assez son ami, après tout, pour deviner d’un coup d’œil que ce n’est pas une mince affaire qu’ils ont sur les bras et qu’il est bien tristement probable que son planning de la journée s’en trouve affecté.

    « Que s’est-il passé ? Je dois être aux commémorations de la Grande Guerre aujourd’hui, faisons vite. »

    Bien que doux, le ton est mâtiné d’acier. La date est constamment là, tourbillonnante dans l’esprit du duc. Les souvenirs à vif. Les ombres menacent à tout moment de venir s’imposer à lui, de lugubres flashs. Il a laissé, chez lui, épouse et enfants. Les doutes lui dévorent les entrailles. Sera-t-il revenu à temps ? Il y a, dans l’air sombre d’Elric, quelque chose qui lui souffle qu’il va détester cette journée, après tout.
    728 mots
    Elric d'AdhémarLACHESIS | SECRET IS THE ONLY WAY.
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    (#) Re: On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent | ft Elric

    missive rédigée par Elric d'Adhémar le
  • On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent  @Léopold de Valoys 11 Novembre 1927 • Le Temple • TW aucun



    Il n’y a que le souffle de la bise, le chant esseulé d’un oiseau et la lumière. Pâle et froide et éclatante, qui, telle une conquérante, revendique chaque once de la pièce qu’Elric lui a offert en pâture, fenêtres si grandes ouvertes qu’il eut tout aussi bien pu dévisser les charnières des battants. Omniprésence qui estompe les couleurs comme les silhouettes. Comme si le monde entier eut soudain pu se constituer de cette seule clarté dans laquelle il repose, installé sur la méridienne accolée à la fenêtre, immobile. Un monde constitué de lumière, pense-t-il, avec un détachement apathique. Mais l’idée a pourtant le goût de la jouvence, de la grâce, d’un rayon de miel goûté pour la première fois, des lèvres de Camille sur les siennes à Rome, dans l’ombre des frondaisons du jardin des orangers.

    La porte s’ouvre, brisant l’instant, arrachant son regard au ciel colombin, à la fascination de l’éclat pur, net de la lumière. Dans un froncement de sourcils, Elric reporte son attention sur la silhouette alitère de Léopold, tâchant de gommer l’évident accablement de ses traits, yeux rougis sans qu’il soit confessé si ce sont de larmes ou d’épuisement. Quelque chose s’effondre pourtant, dès les premiers mots, et ce sont les siens, rogues et hargneux, qui lui font écho avant qu’il ne puisse les maîtriser.

    Parce que je ne suis pas censé y figurer moi peut-être Léopold ? Je fais partie de la délégation de Verdun je te rappelle.”

    L’évocation même de la Mère des Batailles suffit à le dégriser immédiatement, quoi que fut le poison qui l’eut fait cingler son vieil ami avec tant d’âpreté. Elric se raidit immédiatement, inspirant profondément et fermant des yeux douloureux. Il eut été de bon ton que cette entrevue fut la dernière de la journée et qu’il s’en tint aux fonctions officielles avant de rentrer chez lui mais... Le temple lui semble un lieu plus adéquat pour l’accueillir, aujourd’hui, en dépit du bon sens.

    Je te prie de m’excuser,” souffle-t-il après une poignée de secondes, “La fatigue me fait m’oublier.

    Son regard se porte une nouvelle fois sur Léopold, s’ancre sur sa mise, sur son expression, sur le jeu de la lumière à-même ses traits royaux. Lui aussi semble délavé par la clarté. Comme si tout cela n’était qu’une scène illustrée dans quelque ouvrage oublié. Plût au ciel que ce ne fut rien d’autre, qu’ils ne soient que quelques obscurs personnages romanesques dans une fresque ébauchée pour le divertissement d’autrui. Elric ne se souvient que trop vivement du dernier conflit d’importance qu’il a mené aux côtés de ses frères jurés, la révolution d’Octobre dix-neuf-cent dix-sept. Le chant du cygne de la Russie blanche. Il eut préféré n’en connaître aucun autre, sans pouvoir jamais se dérober à son devoir. Le destin de la baguette de cyprès.  

    Alors Elric chasse le poids qui menace pourtant de le ployer, chasse tout à la fois le souvenir de la nuit et de ses frères et celui de la chaleur de la main de Camille dans la sienne, capable de faire naître la beauté même dans les matériaux les plus grossiers, l’infinie expressivité de ce regard dans lequel Dieu semble avoir déversé la pureté des émotions humaines. Il chasse tout ce qui n’est pas l’instant présent et les questions qui occupent le Sénéchal qu’il se doit d’être, envers et contre tout.

    Assieds-toi je te prie,” vient l’ordre aux allures plus courtoise que le semblant de bienvenue qu’il lui a infligé, “il me faut ton regard sur un dilemme bien précis.”

    Le silence reprit ses droits, brièvement. Mais Elric sait qu’il ne peut s’offrir à lui, pas après avoir fait mander le Grand Magister.

    Je suis... Je suis réellement navré de mon indélicatesse.”

    Il tendit la main, nouant les doigts, à contre-coeur, sur le pommeau de sa canne, et s’appuya de tout son poids sur elle pour parvenir à se relever, non sans une légère grimace. Sa voix, cependant, n’en laissa rien paraître.  

    Nos services de renseignements nous ont avertis voilà plusieurs jours qu’une opération spéciale allait être menée par l’Aube Sorcière. Les informations étaient chiches mais nous ne pouvions pas laisser faire sans chercher à en savoir plus, et à intervenir si besoin. L’enquête nous a mené à un homme qui a été détenu ici. Un sorcier chargé de protéger d’antiques artefacts perdus par la mémoire populaire. En raison du caractère pressant de la menace potentielle, Hadrien a ordonné de le faire parler par tous les moyens, ce que nos chevaliers ont fait. Nous avons pu, ainsi, découvrir l’emplacement de l’objet que l’Aube Sorcière souhaitait acquérir.

    Cette fois, le silence se prolongea, tandis qu’Elric s’avance jusqu’à l’un des fauteuils de la pièce, s’installant précautioneusement aux côtés de Léopold, sans jamais détourner le regard.

    L’intérêt de ta présence ici, et de te voir révéler ces informations, concerne le gardien et son ordre. Comme tu dois d’ors et déjà t’en douter, au vu des ordres de notre Grand Maître, nos méthodes n’ont pas été des plus diplomatiques et auront très certainement laissées une souillure durable sur notre image.


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    (#) Re: On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent | ft Elric

    missive rédigée par Léopold de Valoys le
  • On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent



    L’air crépite, tout dépenaillé d’électricité. Est-ce le jour ? Sont-ce les mémoires à vif, lacérées des éclats d’obus et de cris échoant dans le néant ? Sont-ce les flashs des bombes et des balles, embrasées dans la pénombre qui dansent et illumine le Temple de leur vestiges ?

    “Parce que je ne suis pas censé y figurer moi peut-être Léopold ? Je fais partie de la délégation de Verdun je te rappelle. Je te prie de m’excuser. La fatigue me fait m’oublier.” La douche est glacée, et ne reste de l’averse qu’une douleur et des spectres partagés. Chacun pourrait voir les traits de Monsieur le Duc s’effacer pour que ne restent que ceux d’un Léopold peiné de ses propres mots. Il le sait pourtant. Mais la mémoire est si roublarde, si traîtresse, si douloureuse qu’il n’est que trop aisé de s’adonner à un jeu de masques en un jour si funeste. Et d’un œil, Léopold regarde, regarde vraiment celui qui semble être aussi écorché vif que lui.

    « Je te présente mes excuses, de même. Moi aussi, je me suis oublié, et tu n’as pas mérité mon agacement. » Reconnaît-il de bonne grâce. Excuses trop peu souvent éructée à autrui, il est vrai. Il faut dire qu’un Duc, lui a-t-on appris, ne s’excuse jamais et laisse toujours à l’autre le soin des courbettes. Mais comment ne pas gracier d’une entorse aux traditions celui qu’il tient cher dans son cœur et dont il ne connaît que trop bien les souffrances en ce jour maudit pour partager sa croix ?

    “Assieds-toi je te prie, il me faut ton regard sur un dilemme bien précis. Je suis... Je suis réellement navré de mon indélicatesse.” L’hésitation semble trembloter dans la voix du Sénéchal. C’est assez pour que Léopold ravale toute interruption qu’il eût pu vouloir faire et lui accorde son entière attention. Dans sa hâte et son indélicatesse à voir mourir ce jour honni, il a laissé de côté les signes d’anxiété peints sur le visage de son Sénéchal et, après toutes ces années, ami. Il les voit, désormais, ces cernes qui se creusent, ces traits qui se tirent et le blanc cireux, crayeux qui farde son vis. Il laisse donc se déliter toute remarque, toute objection pour n’être plus qu’oreilles attentives.

    “Nos services de renseignements nous ont avertis voilà plusieurs jours qu’une opération spéciale allait être menée par l’Aube Sorcière. Les informations étaient chiches mais nous ne pouvions pas laisser faire sans chercher à en savoir plus, et à intervenir si besoin. L’enquête nous a mené à un homme qui a été détenu ici. Un sorcier chargé de protéger d’antiques artefacts perdus par la mémoire populaire. En raison du caractère pressant de la menace potentielle, Hadrien a ordonné de le faire parler par tous les moyens, ce que nos chevaliers ont fait. Nous avons pu, ainsi, découvrir l’emplacement de l’objet que l’Aube Sorcière souhaitait acquérir. L’intérêt de ta présence ici, et de te voir révéler ces informations, concerne le gardien et son ordre. Comme tu dois d’ors et déjà t’en douter, au vu des ordres de notre Grand Maître, nos méthodes n’ont pas été des plus diplomatiques et auront très certainement laissées une souillure durable sur notre image.”

    Les informations fusent, fuitent, pètent dans le cerveau. Malgré la chronologie déroulée de voix de maître par Elric, qui donne, somme toute, un tableau des plus complets, Léopold n’y voit goutte et ne sait comment attraper la chose par l’esprit. Tous les fils sont fuyants, entremêlés, et il n’y a, pour répondre à son ami, qu’un silence consterné tandis que le Duc le dispute au Frère du Roi et au simple homme pour tenter d’attraper un début de réponse. A la guerre comme à la guerre qu’ils disaient parfois, à l’état-major, en regardant le vertige des rapports chiffrés. Dix tombés ? Une bagatelle. Cent ? Une épine. Mille, un contretemps. Les chairs mutilées se sont faites charniers aseptisés sur le papier. Une fracture se fait dans l’esprit du soldat. Lui qui a toujours milité pour réarmer l’Ordre du Temple se voit vacillant, suspendu sur le fil d’une bien vieille morale toute chrétienne. Celui qui se rêvait chevalier se voit là confronté à des méthodes de vile gredin. Une part de lui rationalise : il faut bien combattre à armes égales avec ces allumés de l’Aube Sorcière, une autre s’alarme ; A combattre le feu par le feu, n’y a-t-il le risque de devenir soi-même le monstre que l’on affronte, un injuste pyromane qui n’a de désir que de voir le monde flamber ?
    « C’est une voie dangereuse dans laquelle l’Ordre semble s’engager » Il y a un peu de prudence, une pudeur, une retenue dans la voix du Duc. Dans son œil brille l’empathie qu’il a pour son ami, placé en une impossible situation. Que peut donc bien faire le Sénéchal sinon, comme l’invite Machiavel, prendre les décisions difficiles en temps de crise et prier pour qu’il en sorte quelque bien ? « Je crains en effet que le gardien et les siens ne soient pas des plus coopératifs après ce petit… enlèvement ? » La question est en suspens, néanmoins la réponse flotte déjà tout prêt. Le Duc opine, presque pour lui-même.

    « Que veux-tu que je fasse ? Je crains qu’il ne sera difficile de raisonner avec un homme qui a été enlevé, torturé ? » Non, qu’il ne réponde pas à cela, la question était de pure forme « et qui, de toute évidence, doit bien nous envisager comme une menace. Le plus sage serait sans doute d’effacer la rencontre de sa mémoire ; mais il faut encore pour cela que nous soyons assuré que personne ne sache que nous l’avons. Il serait aussi possible de le convaincre par quelque artifice que ce sont nos ennemis qui l’ont enlevé, mais cela aurait requis de se grimer dès le début, et de ne jamais laisser entrapercevoir le moindre indice de nos identités ni de l’existence de l’Ordre » Et cela, il est difficile de le savoir avec certitude. « Il existe bien des méthodes plus définitives, mais c’est là un terrain où je rechigne à m’aventurer, n’en déplaisent les temps de guerre. Les vies restent précieuses, surtout celles qui n’appartiennent pas à nos ennemis. » Pas encore. Qui sait si ce petit kidnapping des familles n’aurait pas précipité l’Ordre dans une nouvelle tourmente. « Avant de nous décider : que sait exactement cet homme et son ordre de nous et de la situation ? »
    1086 mots
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    (#) Re: On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent | ft Elric

    missive rédigée par Elric d'Adhémar le
  • On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent  @Léopold de Valoys 11 Novembre 1927 • Le Temple • TW aucun


    L’expression de la consternation toute en dignité qui semble sourdre de Léopold trouve un accueil stoïque, s’il est las, chez Elric dont la vision de l’Ordre est depuis longtemps dirigée par une éducation fervente et zélote. Il eut incontestablement pu user de termes moins élogieux, se prend-t-il pourtant à penser avec détachement. L’affirmation reste pourtant lettre morte, le Sénéchal se refusant à commenter. Ce n’est pas là son rôle et il laisse la considération morale aux sceptiques que Monsieur le Duc dirige de main de maître. Face à lui, Elric ne gaspille nullement son souffle à arguer, car qui eut prétendu à sa fausseté ? Pas plus qu’il ne cherche à se défendre, quand bien même eut-il lui-même préféré une voie plus diplomatique pour résoudre cette épineuse question que le Grand Maître leur a soumise avec cet interrogatoire.  

    Aucun individu doté d’un soupçon de jugeote n’en doutera,” offre-t-il en lieu et place de débat, “d’autant qu’une fois le poison tiré, j’ai fait circonvenir son apprenti pour nous assurer qu’aucune traitrise impromptue ne vienne nous troubler. Il est encore ici, au sein du Temple.

    Léopold s’interroge à raison, Elric ne peut l’en fauter, et il s’offre quelques instants d’un silence exsangue, porté par la blancheur de la clarté qui les enveloppe tous deux. Qu’il eut été reposant de s’y fondre, disparaître dans la lumière comme l’ombre acculée, être absorbé dans un tout unique et ne plus rien penser. En lieu et place, il expire profondément, souffle calculé emportant avec lui une part de cette langueur qui menace de le noyer. Dans l’espace délavé de l’office, il compte les secondes, emportées par les trilles et le bruissement du vent vers la Seine scintillante comme un drapé ornementé. Parvenu à vingt, Elric force son esprit à se recentrer sur les questions qu’il a lui-même porté à l’attention de celui qu’il a l’honneur de nommer son ami.  

    Non, il n’a pas été torturé,” vient la réponse, d’une impitoyable tranquillité, refusant à Léopold les bienfaits de la naïveté, “du moins, pas physiquement, mais deux de nos chevaliers lui ont bien fait comprendre que la vie de son apprenti ne tient qu’à sa coopération.

    Il n’affirmera jamais avoir préféré une autre approche. Il ne dénoncera pas Alekseï, son frère juré, pas plus que les autres. Les ordres d’Hadrien de Fronsac furent bien assez clairs, ‘par tous les moyens’ a-t-il dit et en cela les chevaliers ont respecté les directives à la lettre.  

    En revanche, il est clair qu’il connaissait l’existence de l’Ordre avant d’être enlevé et séquestré,” Elric ne cherchera pas à minimiser les exactions commises, pas même pour l’amour de sa dignité ou de quelque grandiose illusion de pureté morale, “la situation lui a été exposée, au cours de notre rencontre, par mes propres soins, ainsi que l’urgence qui guidait notre approche. Il n’y a pas été perméable, le mal était déjà fait dès l’instant où nous l’avons arraché à sa demeure.

    Personne n’eut pu le blâmer, vraiment. Et moi moins que tout autre, vient la pensée, aussi détachée que les pierres semblent se confondre sous l’assaut céleste. Dès l’instant où le gardien fut ôté à son quotidien pour être enfermé dans une cellule du Temple, les négociations ont été biaisées. Est-ce que la menace que représente Shafiq vaut une telle mesure ? Elric en doute mais il ne peut se permettre de donner corps et voix à ses pensées. Face à Léopold, il ressent un intense sentiment d’impuissance, voix cadenassée, liberté aux ailes coupées par son devoir envers l’Ordre, cette place de Sénéchal qui lui a tout ôté. Jamais il n’oubliera le regard de Camille au moment du sortilège d’Oubli, de sa propre main, lui qui l’aime par-dessus tout.  

    Nous ne sommes pas certains qu’ils soient les seuls, et d’ailleurs, la raison me pousse à croire que ce n’est pas le cas. Deux hommes seulement, pour une tâche aussi immense que de garder d’antiques artefacts à la dangerosité inimaginable ? Les Danaïdes eurent meilleur sort.

    Mais il sait esquiver le cœur de la question, la teneur que Léopold sollicite de lui. Il rechigne car il sait l’entreprise délicate, peut-être même inutile, mais comme tout chemin de croix, il sait aussi qu’il est sans doute nécessaire de le fouler avec l’humilité qu’il demande.

    Ce que j’attends de toi est aussi simple que complexe,” et Elric cherche son regard, s’immisce désormais dans ses pensées à la faveur des mots échangés et de la proximité de leur amitié, molosse qu’il retient de justesse, dont il tord le cou avec passion, “penses-tu qu’il nous soit possible de rattraper notre relation avec cet ordre, quel qu’il soit ? Je m’adresse tant au chevalier qu’au diplomate que tu es, penses-tu que nous puissions encore nous assurer une entente avec ces individus ? Nos vœux ne sont pas si différents des leurs. Nous protégeons le Secret et eux protèges des artefacts qui peuvent le détruire aisément. Si véritablement Shafiq et l’Aube Sorcière souhaitent imposer la levée du Secret même en cas de défaite aux élections, de tels alliés ne seront pas de trop.”


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    (#) Re: On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent | ft Elric

    missive rédigée par Léopold de Valoys le
  • On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent



    Les voilà tous deux installés, dans le secret de cet office où sont rares les bonnes nouvelles et par trop usuelles les mauvaises. Le Duc – que d’aucuns considérerait ici plutôt en sa qualité de magister magnus ordo templis (et en latin, s’il vous plaît, n’oublions pas toute notre bonne culture) – pressent donc sans la moindre surprise un conte des plus noirs. Le moins que l’on puisse dire, tandis que son ami déroule le fil des événements de la nuit passée, c’est que ses petits camarades de l’Ordre ont été bien occupés. C’est avec un certain tact qui n’est pas tout à fait dépenaillé d’ironie que le fait remarquer Léopold. Elric ne semble pas totalement hermétique à l’aspect incongru de la chose : il est bien rare que Monsieur le Frère du Roi se hasarde dans pareilles tonalités, et la réponse tout à fait attendue de son ami lui fait hocher la tête : « Aucun individu doté d’un soupçon de jugeote n’en doutera, d’autant qu’une fois le poison tiré, j’ai fait circonvenir son apprenti pour nous assurer qu’aucune traîtrise impromptue ne vienne nous troubler. Il est encore ici, au sein du Temple. » Bien, que songe notre bon duc, la raison n’a pas totalement déserté l’esprit de son ami. C’en serait catastrophique pour l’Ordre, et Léopold n’a que trop vu, dans son entourage immédiat, les ravages de l’instabilité mentale. Dieu merci, ses enfants semblent assez épargnés jusqu’à présent.

    « Non, il n’a pas été torturé, du moins, pas physiquement, mais deux de nos chevaliers lui ont bien fait comprendre que la vie de son apprenti ne tient qu’à sa coopération. » A cela, le Grand Magister lève un sourcil. Il est presque soulagé d’apprendre que les menaces ont seules été en jeu. Voilà qui simplifie les choses. Cacher des cadavres est une sordide affaire à laquelle le Frère du Roi tient fort peu à offrir son aide. Nous ne sommes pas une mafia, que Diable ! S’il n’avait doute que toute ironie serait malvenue, Léopold se serait certainement fendu d’un « Merci mon Dieu pour les petites grâces du quotidien ! » parfaitement sarcastique. Est-ce le jour et l’heure ou toute la situation qui fait essaimer ses plus mauvais côtés ? Il n’en est certain mais il se fera certainement fort d’en parler à son confesseur ! « En revanche, il est clair qu’il connaissait l’existence de l’Ordre avant d’être enlevé et séquestré, la situation lui a été exposée, au cours de notre rencontre, par mes propres soins, ainsi que l’urgence qui guidait notre approche. Il n’y a pas été perméable, le mal était déjà fait dès l’instant où nous l’avons arraché à sa demeure. » La chose plonge Léopold dans une perplexité certaine. Le voilà qui s’est pris le menton entre les phalanges, le bout de l’ongle valsant sur la courbe de sa mâchoire. L’Ordre est censé être secret pour une raison. Il ne se souvient que trop des heures à mentir à sa famille qui n’en est pas lorsqu’il fallait trouver prétexte à réunion. Il est inquiétant que leur existence soit, semble-t-il, si peu dissimulée. Il s’en ouvre. « Voilà qui est bien alarmant… Que l’Ordre du Temple soit une légende médiévale oubliée de tous dans les mémoire et lue comme un détail de l’histoire des temps jadis, voilà qui est confortable. Qu’il soit connu que nous agissons toujours l’est bien moins. Une société secrète n’a de pouvoir que dans les ombres, et nous le savons tous. Chacun se souvient assez, je crois, des déboires que connurent nos collègues maçons. » Et il n’osera pas même parler de la maçonnerie irrégulière que l’on qualifie de secte sur une base régulière, non sans raison, s’il doit être tout à fait juge de la chose. « Nous ne sommes pas certains qu’ils soient les seuls, et d’ailleurs, la raison me pousse à croire que ce n’est pas le cas. Deux hommes seulement, pour une tâche aussi immense que de garder d’antiques artefacts à la dangerosité inimaginable ? Les Danaïdes eurent meilleur sort. » Encore plus alarmant. Léopold ne renchérit pas et laisse sa seule mine sombre parler pour son sentiment sur la question.

    « Ce que j’attends de toi est aussi simple que complexe, » Aie. Notre bon vieux Léopold, quelque peu rompu aux affaires de la cour et des palabres diplomatiques sent bien le coup fourré venir. Oh, il devine déjà….  « penses-tu qu’il nous soit possible de rattraper notre relation avec cet ordre, quel qu’il soit ? Je m’adresse tant au chevalier qu’au diplomate que tu es, penses-tu que nous puissions encore nous assurer une entente avec ces individus ? Nos vœux ne sont pas si différents des leurs. Nous protégeons le Secret et eux protèges des artefacts qui peuvent le détruire aisément. Si véritablement Shafiq et l’Aube Sorcière souhaitent imposer la levée du Secret même en cas de défaite aux élections, de tels alliés ne seront pas de trop. » Et c’est un bingo ! Léopold se pince l’arrête du nez dans un geste d’évident agacement. Il souffle paisiblement, exhale sa frustration. Comment diable Hadrien de Fronsac – car il n’a que peu de doutes quant à l’origine de l’ordre – a-t-il pu ordonner ce genre de choses ? A la guerre comme a la guerre, était-ce cela ? Non, attendez « on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs »… Avec tout son respect pour les De Fronsac, il est indéniable que Zuhra est la plus fréquentable du lot. Tandis qu’il s’efforce de demeurer impassible, il bouillonne de l’intérieur, notre brave homme. Comme dirait l’autre « il sent s’échauffer l’esprit belliqueux de ses ancêtres. » Appelez le doux rêveur si vous voulez, mais de son point de vue, la diplomatie doit arriver avant la violence. Pas après, comme un pansement apposé sur un membre amputé. Elric n’est certainement pas un imbécile au sang chaud, il se doute donc trop aisément que ce n’est pas lui qui a commis directement les exactions. Il reste bien une petite liste de noms qui lui flotte en tête, des plus excités du bocal aux moins intelligents des membres de l’Ordre, mais il ne se hasardera pas à en sélectionner un.

    « Très sincèrement, non. » La réponse claque d’une voix douce, porteuse de toute l’amertume de Léopold. Il laisse sous silence l’idée qu’il aurait peut-être fallu le consulter avant de se comporter comme de vulgaires malandrins, mais Elric pourra probablement deviner là tout le fil de sa pensée. Il le connaît assez pour cela. « L’homme qui a été enlevé et vu son apprenti menacé ne sera probablement pas très disposé à nous écouter, même pour un bien commun, et même face à l’Aube Sorcière. Nous serions probablement chanceux qu’ils ne décident pas d’utiliser l’un de leurs artefacts contre nous, s’ils ont l’esprit un peu martial. Notre meilleure chance est d’envoyer une délégation de confiance auprès des maîtres de l’homme que vous avez capturé, s’il en a et de faire amende honorable. Si c’est lui le dirigeant de son Ordre, crois moi, ce que vous avez fait là est un casus belli. » Il est songeur, le Duc. « J’aimerais croire qu’agiter l’Aube Sorcière comme épouvantail et souligner là que nos buts convergent serait suffisant, mais cela va dépendre certainement de la mentalité de cet Ordre. S’ils sont capables de raison, peut-être accepteront-ils une trêve, mais la chose est incertaine. Que sais-tu exactement sur eux ? Si nous pouvons jauger leurs us et coutumes, nous pourront savoir quels leviers utiliser pour au moins les convaincre d’une entende cordiale. Un cadeau diplomatique, une alliance, des moyens, un serment... » L’inviolabilité de la suggestion reste en suspens.

    Il songe, pourtant, Léopold, il songe. Mais il a besoin de bien plus d’informations sur le sujet. Il a besoin de tout savoir. Du nom de cet ordre à la couleur des sous-vêtements de leur maître. Car l’information est cruciale dans toute mission diplomatique. « Tu m’as dit qu’ils avaient pour charge de préserver d’anciens artefacts. Sais-tu au moins comment s’appelle cet Ordre dont vous avez pêché deux membres ? Où opère-t-il ? Sait-on quelles sont leurs croyances ? Leur foi ? Quelle population abritent-ils ? Quelle magie emploient-ils ? » La réputation des de Valoys étant suffisamment entachée, Léopold ne se hasardera pas à mentionner la magie noire qu’il abhorre et qu’il souhaiterait voir abandonnée dans sa lignée. « Je n’ose te demander la nature de l’artefact qu’ils conservaient, mais faisons-le tout de même. Cela nous donnera une idée de la puissance de cet Ordre. » Indéniablement, malgré son agacement bien légitime – mais vraiment, à quoi pensait cet abruti de De Fronsac ? N’a-t-il pas lu au moins Machiavel ? A-t-il donc si peu de ressources diplomatiques qu’il se sente l’essor d’un vulgaire général de la Grande Guerre trop avide de se repaître des cadavres de ses troupes ? Léopold ne le connaît certainement pas assez pour aller lui dire tout le bien qu’il pense de laisser carte blanche à des francs tireurs…
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    (#) Re: On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent | ft Elric

    missive rédigée par Elric d'Adhémar le
  • On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent  @Léopold de Valoys 11 Novembre 1927 • Le Temple • TW aucun


    Elric opine sans mot dire, la pensée s’égarant un instant sur les Sainclair et leur fantastique œuvre maçonnique, mais l’intellect bien vite rappelé aux délicates questions qui les occupent en l’instant. Les digressions ne sont guère à l’ordre du jour et c’est donc dans un silence stoïque qu’il offre à Léopold tout le temps dont le Duc a besoin pour ruminer les informations qu’il vient de recevoir. Et lorsque tombe la sentence, elle est reçue sans expression aucune, quoiqu’il laisse échapper un léger soupir. Monsieur de Valoys est un expert en son domaine, et Elric n’est pas assez orgueilleux pour contester cette maîtrise, ou la justesse de ses analyses.

    Alors Elric le laisse s’exprimer, s’interroger, tisser de cet écheveau qu’est son riche intellect jusqu’à entendre dans le ton de sa voix, qui a si longuement bercé les heures arrachées à leurs emplois du temps mutuels pour quelque profonde conversation, la nuance caractéristique indiquant qu’il a parachevé sa harangue. Alors seulement s’offre-t-il l’occasion d’un verre, la surface chauffée par les rayons hivernaux, le contenu d’une fraîcheur saisie par magie, gorgées salvatrices trop vite remplacées par l’aloès de leur échange.

    Tout ce que nous savons de cet artefact, c’est qu’il a le pouvoir d’anéantir le Secret magique. Nous ne possédons rien d’autre pour l’heure, que ce soit à son sujet, ou celui de ses protecteurs.”

    Si la consternation sera certainement tout à fait légitime, elle n’est qu’une distante préoccupation au devant de l’énigme que représente à son sens la situation. Et elle ne peut attendre car jusqu’à cet instant, l’Ordre tout entier n’a fait que réagir, un pas en retard. Ils ont à présent l’opportunité de reprendre l’ascendant et ils ne doivent pas laisser l’occasion leur échapper, l’erreur leur sera bien trop coûteuse, de cela Elric ne doute pas un instant. Sans doute est-ce également pour cela qu’il a sacrifié son propre bien-être.

    Notre meilleure piste, pour l’heure, ce sont ces deux hommes, aussi délicate soit la besogne. Accepteras-tu, à tout le moins, de les rencontrer ? Peut-être au moment de remettre l’apprenti à son maître ?

    Il eut pu ordonner, en son autorité de Sénéchal mais à quoi bon ? C’est Léopold dont la parole est d’or. Léopold qui a si souvent réussi là où l’opinion rendit un autre verdict, trop pessimiste. A quoi bon lui ordonner cette pantomime, si le cœur n’y est pas ? Quoique cela apportera alors d’autres questions, beaucoup plus inconfortables. Une donnée, néanmoins, s’insinue en ses pensées, le fait reprendre, quelque peu abruptement.

    Non, je te prie de m’excuser, il y a bien une information que nous possédons,” et Elric relève la tête, croisant le regard de Léopold, “le Gardien, le maître, il possède une formation très avancée pour résister aux techniques classiques d’interrogation, qu’il s’agisse du véritasérum ou de la légilimencie. Je n’ai réussi à lui arracher que des bribes éparses rapidement étouffées par son esprit et uniquement parce que je l’ai pris par surprise.”

    Une bien pauvre information, mais qui recèle néanmoins un lambeau d’intérêt, celui des mesures que l’Ordre a prises afin de protéger leur serment et leurs artefacts. Peut-être est-ce également un témoignage de méthodes plus efficaces que les leurs afin de s’assurer l’impassibilité de leurs recrues. Trop souvent à son goût sont-elles, au sein de l’Ordre, d’une nature à faire douter Elric ces derniers temps. Trop peu d’indices pour Léopold, sans nul doute, mais au moins est-il alors certain de son exhaustivité sur la question. Ainsi, Elric s’offre un instant de silence renouvelé, avant d’observer de nouveau l’expressivité de Léopold.

    Il y a un dernier détail, qui t’aura sans doute été d’une parfaite évidence mais que je préfère clarifier, par souci d’honnêteté. Je n’agis pas avec l’assentiment de mes pairs. C’est une initiative personnelle. Je suis néanmoins disposé à t’offrir toute la latitude que mon rang peut t’accorder, avec cette restriction.”


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    (#) Re: On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent | ft Elric

    missive rédigée par Léopold de Valoys le
  • On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent



    S’il est une chose qui fait chanter le sang d’un De Valoys – outre le pouvoir, la magie noire et toutes ces autres inepties – c’est bien l’existence d’un bon mystère doublé de la nécessité de pourparlers. Il faut dire que Monsieur le Duc, bien qu’il soit connu pour être un irrémédiable ourson en peluche d’une marque qu’il ne commentera pas pour ne pas faire de réclame indue à une marque de bouffeurs de homards – crustacés révoltants s’il en est –, fut aussi en son temps un homme d’armes et de stratégies. Il a donc le goût du risque, notre bon vieux Léopold, et s’il n’avait été coiffé de la charge ducale, sans doute eût-il fait un excellent inspecteur de police. Le menton est pris entre les phalanges qui tapotent sur le coin du vis. Tête inclinée, le voilà pensif à mesure qu’Elric – que Dieu sait être pourtant un homme intelligent et pragmatique – tout le hasard de cette mission. « Tout ce que nous savons de cet artefact, c’est qu’il a le pouvoir d’anéantir le Secret magique. Nous ne possédons rien d’autre pour l’heure, que ce soit à son sujet, ou celui de ses protecteurs. » S’il n’est pas inhabituel pour les De Fronsac de faire de la rétention d’information auprès des sous-fiffres qu’ils sont, cela semble toutefois parfaitement hasardeux dans cette situation. Les sourcils du Duc sautillent sur le front d’incompréhension. Il s’interrompt avant de glisser dans la conversation une remarque sarcastique. Il voit bien que son ami est tiraillé entre les désirs d’une hiérarchie avide de secrets et sa propre lassitude, sans doute, d’avoir du accomplir une si – pardonnez les– stupide mission.

    « Notre meilleure piste, pour l’heure, ce sont ces deux hommes, aussi délicate soit la besogne. Accepteras-tu, à tout le moins, de les rencontrer ? Peut-être au moment de remettre l’apprenti à son maître ? » Voilà qui est évident, mais Léopold opine du chef tout de même. Bien sur qu’il tentera d’arrondir les angles, ne serait-ce que pour le bien de l’Ordre. Il n’a jamais été des plus fins négociateurs du monde sorcier lorsqu’il est question de traiter avec des ennemis, mais il sait au moins – et Hadrien De Fronsac, damné soit-il, devrait l’apprendre – ne pas se faire d’ennemis supplémentaires. « Non, je te prie de m’excuser, il y a bien une information que nous possédons, le Gardien, le maître, il possède une formation très avancée pour résister aux techniques classiques d’interrogation, qu’il s’agisse du véritasérum ou de la légilimencie. Je n’ai réussi à lui arracher que des bribes éparses rapidement étouffées par son esprit et uniquement parce que je l’ai pris par surprise. » A nouveau il opine du chef et ne cherche pas à insérer mot, car il voit bien, à l’air sombre d’Elric, qu’il y a encore quelque chose qui pèse sur l’âme du Sénéchal. Celui-ci avance avec prudence, comme prématurément vieilli par son aveu. « Il y a un dernier détail, qui t’aura sans doute été d’une parfaite évidence mais que je préfère clarifier, par souci d’honnêteté. Je n’agis pas avec l’assentiment de mes pairs. C’est une initiative personnelle. Je suis néanmoins disposé à t’offrir toute la latitude que mon rang peut t’accorder, avec cette restriction. »

    Le Duc a dodeliné la tête en signe d’assentiment. Il faut dire que Léopold se l’est figuré lui-même que la hiérarchie n’avait pas été des plus avenantes quand il est question de diplomatie sur cette mission spécifiquement. Après tout, il aurait bien été convoqué, si on avait voulu de ses services, ce qui le rend soupçonneux : pourquoi refuser la voie diplomatique et passer directement aux menaces ? Pourquoi attaquer avec si peu d’informations, ou du moins n’en transmettre qu’avec ce stricte rationnement que même la Guerre ne vit pas ? Plutôt que de décourager le Duc, cela le pousse à vouloir mettre le nez dans ce mystère. Après tout, Léopold ne rechigne jamais à un peu d’exploration des merveilles du monde magique. N’a-t-il pas lui-même appris seul la magie sans baguette ? N-a-t-il pas essayé, avec peu de succès, de faire de même pour l’occlumancie ? Non, vraiment, cet ordre mystérieux détenant des artefacts dont on nous dit qu’il sont un grand danger, mais dont les spécifications sont demeurées secrètes est décidément bien intrigant. « Bien sûr que je vais les rencontrer, c’est bien pour cela que tu me fis venir et que tu braves nos paires, n’est-ce pas ? » La gravité de la situation est allégée d’un imperceptible sourire à l’encoignure des lèvres. « Et tu sais que je ne résiste pas à un bon mystère, bien que je sois sans voix du peu d’information que nous ayons reçues avant de passer à l’attaque. Un tel degré de secret est étonnant, même pour Hadrien. » Le prénom est lâché, plus par habitude que par manque de respect. Il faut dire qu’avec le temps, certains De Fronsac sont devenus des membres de la famille par tout sauf le sang. « Il eût sans doute été de bon goût de s’intéresser à l’organisation avant de leur fondre dessus comme des rapaces, mais enfin, ce qui est fait... » ne peut être défait est laissé en suspens.

    Léopold se fait songeur tandis qu’un cours d’action est laissé à sa réflexion. « L’apprenti a-t-il aussi été passé au véritaserum ? A-t-il été interrogé ? Peut-être serait-il plus courtois que son maître… Dans tous les cas, je souhaite rencontrer les deux séparément, puis accompagner leur réunion, si cela te va. » Il opine, comme pour lui-même, songeant là que c’est sans doute l’un des meilleurs cours d’action. « Par ailleurs, avant que tu ne m’envoies là, il me faut te confesser que je ne suis pas un occlumens, malgré tous mes essais pour m’y former. Si le maître est aussi adroit de sa magie que tu le dis, il y a un risque qu’il puisse extraire de mon esprit ou de l’esprit de ceux qu’il a croisés jusqu’à présent, quelque information supplémentaire sur notre Ordre, ce qui serait bien dommage. » L’aveu le rend étrangement vulnérable. C’est qu’en dehors de sa Douce, personne ne sait, tout comme personne ne sait qu’il ne lui faut qu’un geste du poignet pour attaquer ou se défendre et que l’absence de baguette n’est pas incapacitante pour les enchantements simples.
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    (#) Re: On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent | ft Elric

    missive rédigée par Elric d'Adhémar le
  • On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent  @Léopold de Valoys 11 Novembre 1927 • Le Temple • TW aucun


    Tu restes libre de refuser,” vient la réponse, offerte d’une voix détachée et le regard d’Elric reste posé sur Léopold, “je te consulte, je n’ordonne pas.

    Il eut pu, certainement, mais l’Ordre a eu bien assez recourt à la contrainte ces derniers jours. Nonobstant l’appétence de Léopold pour les mystères et les solutions diplomatiques, il n’en reste pas moins qu’au regard des ordres reçus d’Hadrien, Elric n’a pas la moindre idée de la façon dont le Grand Maître, ou même le premier Sénéchal, réagira aux libertés qu’il souhaite prendre. L’activité soutenue de l’Aube Sorcière, comme ses nouvelles ambitions, d’une dangerosité croissante, ne leur permettent pas de quelconques brouilles internes.

    Dans la fausse incertitude des mots de Léopold, laissés en suspens, Elric se permet donc de commenter.

    Nous n’avions que quelques heures devant nous pour espérer rattraper l’Aube Sorcière. L’intelligence a fait ce qu’elle a pu. Même l’Ordre a ses limites.”

    Là encore, les propos sont dépourvus de passion. La densité des évènements s’enchainant depuis moins de vingt-quatre heures est alarmante et elle tend à leurrer l’esprit dont l’épuisement peut se laisser convaincre que tout a eu lieu sur quelques jours, ou une semaine, alors qu’il n’en est rien. Moins de vingt-quatre heure depuis l’alerte initiale. Ils ont enquêté sur le Gardien et l’Aube Sorcière, ont interrogé le maître, résolut l’énigme, quadrillé l’île de la Cité, se sont infiltré parmi les noceurs de Samhain, inspecté la cathédrale Notre-Dame-de-Paris... Et tu as retrouvé Camille. Ne l’oublie pas.

    Elric craint brièvement d’être terrassé par la lassitude, se laisse porter par les questions de Léopold.

    Non, il n’a pas subi le veritaserum. Si on exclut son rapt et la menace sur sa vie, je l’ai fait traiter comme un invité honorifique. Nous pourrions même descendre immédiatement si c’est nécessaire.

    Nuancer son opinion des Templiers sera certainement plus aisée que de gravir le Golgotha que doit indubitablement être l’image qu’a d’eux son aîné. Et à ce titre, l’aveux de son ami Léopold lui arrache enfin le spectre d’un sourire, qui échauffe l’azur de son regard d’une pointe douloureusement compatissante.

    Je sais,” souffle-t-il, la pudeur souhaitant l’affirmation aussi délicate et indolore que possible, provenant d’un légilimens tel que lui.

    Trop souvent a-t-il vu les détenteurs de cette information l’observe avec méfiance et ravaler une expression d’inconfort, même parmi ses proches. Même l’individu doté de la meilleure volonté du monde nourrira toujours un lambeau de doute, instinctif et inconscient. Une réaction primale à voir le sanctuaire de son esprit être ainsi menacé. Elric ne doute pas que Léopold lui-même, son ami, ne soit simplement suffisamment adepte du paraître pour masquer plus habilement cette réticence. Et maintenant qu’il contemple cette possibilité, Elric ne peut que se traiter d’idiot, d’avoir ainsi répondu.

    Son regard tremble et chasse, évitant alors délibérément les traits du Duc, décidé à conserver son ignorance et ses doutes ingénues. Il ne veut pas de la question que ses mots invitent. Il ne veut pas avoir à s’entendre demander s’il s’est déjà introduit dans la psyché de Léopold. Elle ne s’est jamais posée jusque-là entre eux, et par là, leur relation y gagne quelque once d’une curieuse innocence. Le havre que représente la question de sécurité liée à l’entrevue est accueillie avec un soulagement qu’il dissimule de son mieux.

    Je pense que c’est un risque que nous pouvons courir. Les légilimens qui ne nécessitent pas de lancer le sort éponyme ne sont pas légions et s’il l’est, rien de ce que tu pourras lui révéler n’aura pas déjà été livré à son maître contre notre volonté.”

    L’entournure de sa bouche tremble d’une ébauche d’ironie. L’œillade de biais qu’il lui offre est patinée de ce qui se veut être une innocence taquinerie, quelle que soit la manière dont elle réellement perçue.

    L’usage est complexe, peut-être ne percevra-t-il que ton outrage quant au traitement infligé à son tuteur. Cela ne te rendra que plus appréciable.

    Le silence pend entre eux comme une lourde draperie, pour quelques éphémères instants, aussi inconfortable aux sens d’Elric que la lueur rosissante de l’aube lui est agréable. Il s’imprègne d’elle comme il eut bu la rosée en plein désert. Elle l’apaise, enduisant son âme d’une touche de rêverie innocente, au moins pour les quelques battements de cœur qu’il ne dilapide pas à se soucier de leurs présentes difficultés. Dans la clarté, ses cils frémissent et ses mires se détournent une fois de plus, comme les flèches d’une girouette. Elles tombent sur un éclat de soleil éclaboussant les pierres nues, au-delà de la fibre du tapis.

    Je peux t’apprendre, si tu le désire.

    L’offre est innocente, un rameau d’olivier aux incertaines pensées qu’Elric prête à Léopold. Il n’a jamais enseigné l’occlumencie à personne, jusqu’à présent.


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    (#) Re: On ne raisonne pas avec les assassins, qu’ils disent | ft Elric

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