L'art est de cacher l'art | PV Auguste [TW : maltraitance animale]

21 Septembre 1927 • Jardin des Tuileries • @Agnes de Medici

Sans la présence de Séléné, l'invitation au brunch royal perd indubitablement de son intérêt. Ces largesses oisives et consuméristes n'ont jamais été son fort, moins encore la conversation interminable et d'une platitude déplorable. Mais voilà, Auguste est toujours sommé de se reposer et de ménager sa santé, et Septembre faisant, portée par la dernière ligne droite de la saison mondaine, il n'a guère d'options quant à ses activités, plus encore lorsque sa charmante cousine s'enthousiasme de l'y accompagner. Ainsi cède-t-il, ployant face à ses radieux sourires et ses rires d'un amusement bon enfant à le voir aussi souverainement résigné, tel le condamné face à l'échafaud. Si ce n'est pour rien d'autre, au moins le fait-il pour elle. Et bien entendu, pour son statut de prétendant auprès de la princesse héritière. Un engagement stratégique sous des airs d'épicurisme décadent.

Leur entrée fut néanmoins délayée par l'impromptue nouvelle de l'arrivée d'une de ses cargaisons en provenance de Hong-Kong, qui nécessitât qu'Auguste, nonobstant son état de santé, n'effectue quelques vérifications et comparaisons entre les bons de commandes et la liste de charge finale, transmise le matin même à la capitainerie d'Anvers. Ils rejoignirent donc le jardin des Tuileries non pour le repas mais pour les distractions, s'arrêtant sur le chemin des diverses tables afin de saluer et d'échanger quelques bons mots avec leurs nombreuses connaissances et ce jusqu'à parvenir jusqu'à la table royale, où ils eurent dû siéger. Par une regrettable coïncidence, ce fut également au moment précis de leur entrée que s'échangea sur le sort des boursouffles et Lucilla - nommée en l'honneur de la codirigeante de l'empereur romain Marc Aurèle - dissimula derrière son éventail incarnat un sourire torve.

Auguste sentit son regard sans le voir, mais profita du départ de la jeune Lafayette pour faire connaître leur présence. Les joueurs abandonnèrent temporairement leur partie de croquet sorcier pour venir les saluer, tout d'exclamations ravies et de chaleur, laissant à l'héritier des Lestrange et sa cousine tout loisir de plonger dans le bain social avec l'aisance naturelle et la grâce ayant fait la renommée des leurs sur plusieurs générations. Chacun roué à la discipline, les salutations furent toutes des plus personnalisées, quoique gardant leur fraîcheur pour ne rien gâter de la belle humeur de cette journée et lorsqu'elles se tarirent au bout de quelques minutes de plaisanteries, de rires et de commentaires sur les précédents bals de la haute mondanité, il fut naturellement question de reprendre le croquet, puisque les prochaines courses ne se présenteraient que plus tard.

"Vous joignez-vous à nous Monsieur Lestrange ?"

La question fut accueillie d'un sourire reconnaissant mais légèrement timide, pour soigner son image de jeune homme de bonne éducation, et Auguste sembla hésiter un bref instant avant d'offrir :

"Je vous remercie, c'eut été avec plaisir mais je goûte fort peu à ce jeu. Je préfère mes boursouffles paisibles et laissés à leurs occupations.
- Oh vous avez décidément si bon cœur ! Son altesse est si chanceuse de jouir de votre affection... Mais n'allez-vous pas vous ennuyer ?"

Amusé, il se décala légèrement, pour jauger de la chaise libre proche de la femme blonde s'étant exprimé sur la valeur du jeu de croquet, et son regard s'égara un instant sur le visage de celle-ci, bien plus reconnaissable de face. Puis il revint à la duchesse.

"Votre sollicitude me touche. Mais je ne saurais exiger de vous que vous ne conveniez qu'à mes goûts.
- Ce serait pourtant avec plaisir, votre compagnie est si rare ces derniers temps.
- J'insiste. Mais je pense que notre douce Lucilla sera ravie de vous rejoindre, et nous pourront changer de jeu une fois votre partie achevée."

Sa cousine, flamboyante dans sa robe à la couleur de fleur d'été, eut un sourire étincelant en s'avançant, baguette en main, tandis qu'Auguste s'écarte de la piste de jeu pour rejoindre le siège libre flanquant Agnès de Medici. Un employé vint lui proposer divers rafraîchissement, qu'il remercia avant de lui commander un simple thé glacé, parfait pour cette chaleur très inhabituelle en cette fin du mois de Septembre. Ces platitudes achevées, il se plonge brièvement dans le silence et l'observation. Madame de Medici est seule, semble-t-il, ou bien son saltimbanque d'époux s'est-il trouvé une employée à culbuter dans les fougères du parc, ce qui revient sans doute au même si l'on observe la scène avec pragmaticité. En voilà bien un qui n'a rien comprit à l'usage de son image, surtout dans un lieu tel que celui-ci où son épouse est l'une des seules populeuses.

Pourtant, le faire observer en guise d'introduction serait aussi déplacé que cruel.

"Le divertissement le plus agréable est celui qui plaît à son insu." cite-t-il, d'une voix tranquille, le regard rivé sur le jeu de croquet. William Shakespeare. Le grand. "Le spectacle en vaut-il la peine aujourd'hui ?"

21 Septembre 1927 • Jardin des Tuileries • @Agnes de Medici

Son expression est certes d'une distance courtoise mais elle ne prend pas moins quelques discrètes confessions de sa belle humeur, qu'elle soit suscitée par une hypothétique reconnaissance de la citation ou simplement par l'évocation de sa vision on ne peut plus amère - à son sens - de la situation. Une vision sans aucun doute allègrement cultivée par les outrages de son époux, du moins est-ce là son avis. Si bien des personnalités ici présentes s'adonnent au pessimisme ou au cynisme - du moins à leur interprétation du courant philosophique, parfois bien oisif - il n'a jamais eut la malveillance de jauger l'essence du caractère d'autrui avant d'en apprendre davantage. Peut-être n'est-ce après tout qu'un trait d'esprit et non l'affection choisie pour draper une aigreur que le beau monde lui reprochera lorsqu'elle en est la victime bien davantage que la perpétratrice, grand juge pourtant bien ingrat et indiscret.

"Hm."

Le voilà qui pondère, observant le jeu de croquet. Lucilla, papillon flamboyant au milieu de ces femmes à la peau pâle et aux robes pastelles, se meut comme si le terrain est un royaume déjà conquis. Une parfaite Lestrange s'il en est. Lorsque viendra l'année de son début officiel, elle sera sans aucun doute un astre impossible à éclipser, solaire là où il est davantage lunaire, comme tous les fils de Crépus. En fin de compte, peut-être a-t-elle eut raison d'insister. Quant au passage du temps, il est pour l'heure des plus raisonnables, sommes toute. Son œillade glissa de nouveau vers Madame de Medici.

"Je crains de ne comprendre que trop aisément l'image mais je me ferais l'avocat de la défense. Ne dit-on pas que seuls les individus ennuyeux s'ennuient ?"

Il inspira doucement, sans se tourner pleinement vers elle, puis ajouta :

"Peut-être certaines personnes ont tout intérêt à vous faire croire que vous êtes de ceux-ci alors qu'en vérité... Il suffit peut-être de poser la bonne question."

Il n'ose cependant affirmer être la solution et cependant, que Madame de Medici s'intéresse au reste du monde lui semble un très bon indicatif qu'elle eut mieux fait de se déplacer deux tables plus loin auprès d'individus convenant mieux à l'humeur de son intellect en cette journée. Et s'il n'est pas une réponse à ses envies, eh bien... Qu'elle tremble, car voilà qu'elle s'apprête à lancer un homme passionné sur un sujet pour lequel il ne tarira guère, même si sa vie en dépendait soudainement. Alors qu'on lui apporte sa boisson, sage pour l'heure, Auguste remercie l'employé d'un mouvement de la tête avant d'interroger :

"Les voyages sont un vaste sujet, avez-vous une préférence ? Afrique ? Asie ? Aventure ? Mésaventure ? Je pense pouvoir répondre à n'importe quel vocable. Peut-être aurais-je une mention honorifique a attribuer à la spectaculaire épopée d'un groupe de dignes membres de la société des explorateurs qui a commissionné l'un de mes bâtiments en vue du transport d'une cargaison de serpents de jade, des reptiles asiatiques extrêmement venimeux, et magiques cela va sans dire, que le professeur herpétologue André Villiers souhaite étudier depuis des années et dont la caisse, après un voyage tumultueux, a été temporairement égarée et ouverte par accident dans un entrepôt du port du Havre."