[TERMINÉ] forgive me father - elric

 

10 Octobre 1927 • Notre-Dame-de-Paris • @Lorenzo de Medici

S’il n’est plus prêtre exorciste depuis des années maintenant, Elric entretient néanmoins toujours un lien avec le diocèse de Paris, en sa qualité de prêtre et de confesseur pour certaines familles et individus qu’il accompagne depuis son ordination vaticane. A ce titre, il eut sans aucun doute préféré affirmer que ses soins ne vont qu’à de bons individus, tout à fait dignes de son soutien indéfectible. C’eut été mentir, néanmoins. Certains de ses agneaux sont des loups, sous leur pelisse, hommes et femmes de maux, de perversions et de péchés. Elric, dans le silence imposé par le devoir de secret du confesseur, eut affirmé préférer une office plus calme et plus apaisée, ne côtoyer que des âmes à la souillure de surface. C’eut été mentir également. Ce sont les âmes les plus damnées qui ont le plus besoin d’aide, quand bien-même Elric reprouve-t-il profondément le commerce d’indulgences.

Au nombre de ses ouailles, Lorenzo de Medici figure certainement parmi les pires. L’homme est une épave morale qui s’accroche pourtant désespérément à des notions qu’il ne mire que de très loin, à l’aune de l’horizon. Elric ne pourra jamais dire qu’il apprécie devoir officier pour lui, abyssalement mal à l’aise chaque fois qu’il est demandé. En revanche, il sait que c’est exactement le genre d’homme qui a justement besoin de l’aide, de la grâce et de l’amour de dieu, qu’il oublie bien trop souvent. Et peut-être… Eh bien, peut-être qu’aider d’autres individus à retrouver un fragment de grâce lui permettra lui aussi de pleinement retrouver le chemin du Très Haut. Il a donc pris office ce matin d’Octobre, à la fois réticent et décidé. Il s’agit de sa première confession depuis la tragédie qui a frappé sa famille en Juillet, et Elric ne peut s’empêcher d’avoir l’impression de faire le grand saut sans sortilège.

Il a pris place dans la cellule du confessionnal réservée au prêtre, s’installe sans prétention. Il est seul, au début, en avance de quelques menues minutes. Cette première prière, elle est pour lui, invoquant la force et l’altruisme de Jésus-Christ pour aider l’âme qui vient demander ses soins, s’imprégner de la sagesse et de la grandeur de Dieu, qui imprègne les pierres millénaires. Il rouvre les yeux, cependant, en entendant la porte du confessionnal s’ouvrir, de l’autre côté de la cloison, puis se refermer. Se redressant, Elric se signe, régule sa respiration, et offre quelques instants à son ouaille pour s’installer et se relaxer. Ici, ils sont hors du monde et sous le regard de Dieu, un instant particulier, précieux, qui absout l’âme de ses attaches terrestres pour le temps de son examen de conscience. Puis, une fois le silence drapant de nouveau l'habitacle, Elric prend enfin la parole.

“Bonjour, mon fils. Je vous écoute.”

 

10 Octobre 1927 • Notre-Dame-de-Paris • @Lorenzo de Medici

La confession est un rituel strict et codifié, pour lequel le fidèle n’a aucunement besoin d’apprendre. Le prêtre le connaît parfaitement, guide avec bienveillance et fermeté, afin que le pécheur n’ait à se soucier que du salut de son âme, un devoir déjà bien assez vaste. Elric entonne, Monsieur de Medici lui répond. L’entame est usuelle, la luxure a toujours accompagné ce pécheur-ci. En revanche, la suite lui arrache un bref froncement de sourcils. Des idées ? Elric chasse de son esprit toute hypothèse, afin de ne pas commettre de biais.

“Vous avez affirmé avoir rompu les vœux sacrés qui vous unissent à Madame votre épouse. Avez-vous été tenté par cette femme, ou bien avez-vous été l’instigateur de cette faute ?”

Pécher et rompre ses vœux est une chose, mais lui-même peine à imaginer ce que cela peut entraîner dans l’esprit de celui commettant la faute. Depuis longtemps, Elric a appris que les démons sont plus souvent des projections de l’esprit que de réelles entités malveillantes, mais l’hypothèse ne peut être écartée tant qu’il n’en saura pas plus sur ces fameuses idées que Monsieur de Medici semble redouter. Il décide donc de poursuivre sur cette voie, afin d’être certain de la priorité à donner à cet échange.

“Votre démarche est juste, mon fils. C’est à Dieu qu’il faut demander la sagesse, car il la prodigue toujours sans reproches ou jugements. Parler sans honte, déposez le fardeau de ces idées aux pieds de notre Seigneur.”

Une pause. Une écoute. Cette phase est à ses yeux la plus délicate. Il s’agit d’interroger le pécheur pour approfondir et trouver les meilleures paroles pour réconforter et éduquer tout à la fois, afin de mener vers une juste pénitence. Usuellement, c’est en cet instant que la voix de Dieu eut énoncé, en son esprit, les lettres de la sagesse, au travers de son don, des mots échangés, tel un cheval de Troie, la légilimencie eut permis une symbiose plus pointue. Hélas, il doute que Monsieur de Medici lui laissa le champs libre, le réduisant à l’attente toute humaine.

 

10 Octobre 1927 • Notre-Dame-de-Paris • @Lorenzo de Medici

Lorenzo de Medici en serpent d’Eden dont les mots sont une porte ouverte, un appel pour l’esprit d’Elric à examiner les tourments noirs de son âme. Un appel auquel il répond, legilimencie se nichant sous son crâne bien fait, le goût du péché sur sa langue. Lorenzo tente de se convaincre, de rationaliser ses actes, et la silhouette d’une femme s’ébauche pour lui, un nom, ‘Ma’. Elric ne la connaît pas, si ce n’est ce que Lorenzo peut en imaginer sur le moment, la condamnant. Hélas, impossible de creuser vers elle. L’esprit de Lorenzo est changeant, et plus encore lorsqu’il s’adresse directement à lui, venant le prendre par surprise.

Il veut répudier sa femme, purement et simplement. Mais si Elric voit en cette idée une absurdité sur le moment, le silence qu’il instaure alors entre eux lui permet pourtant d’y réfléchir plus posément. Pendant quelques brefs instants, Elric perçoit encore l’esprit lié au sien par la confession, y voit l’égoïsme mais aussi un réel trouble. Peut-être l’idée n’est-elle pas faite que de démérites. C’est une dangereuse ligne de pensées, et Elric pèse la demande avec d’autant plus de sérieux qu’il sait être influencé par les esprits qui s’unissent au sien. Est-ce réellement son avis, ou bien est-ce celui, désespéré d'échappatoire, de Lorenzo ?

“Mon fils.” débute-il. “Je rappelle à vous le verset des Proverbes, 6:32-34 ‘Mais celui qui commet un adultère avec une femme est dépourvu de sens, celui qui veut se perdre agit de la sorte’. La main tendue à une brebis égarée, si elle est tendue dans la faute, n’est pas plus bénéfique que de ne pas tendre la main du tout. Votre chemin est pavé de nombreuses épreuves sous le regard de Dieu, qui est témoin de tout, et sait tout. Vous devez faire face à vos fautes pleinement, afin de pouvoir vous endurcir et apprendre d’elles, et vous devez faire confiance à Dieu, qui dans son amour infini, saura peser justement votre âme et vous accompagner si vous vous remettez à lui dans les instants de vos tentations. Si vous le cherchez lui plutôt que ces femmes, alors vous serez mieux soutenu dans votre discipline.”

Un bref instant, il le laissa absorber ses paroles, retrouvant son esprit du sien.

“Néanmoins.” De nouveau, il ponctua d’un blanc, avant de poursuivre. “Néanmoins j’entends votre souffrance à l’égard de l’ordre de votre union. La morale de Notre Père, et l’enseignement de ses apôtres, est très claire. ‘Mais moi, je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour cause d'infidélité, l'expose à devenir adultère, et que celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère’. La séparation de vos vœux n’est pas une affaire légère et elle doit être abordée avec beaucoup de prudence et de bienveillance. Vous devez avoir des preuves formelles, qui ne laissent absolument aucune place au doute, car si elles peuvent être interprétées, vous seriez coupable d’un très sévère mensonge et d’une tentative de dénaturer les vœux que vous avez offerts à Madame votre épouse sous le regard de Dieu.”

Sourcils froncés, il soupèse chaque mot prononcé, s’offrant un rythme plus lent mais qu’il espère défait de toute condamnation.

“De plus, vous devrez, si le Saint Père confirme la légitimité de votre demande, vous assurer que Madame dispose d’une situation confortable, que ce soit au regard de ses difficultés à l’éligibilité à un nouveau mariage consacré, ou au regard de votre relation avec sa famille. Par ailleurs, il serait bon que vous décidiez si vous désirez vous unir à une autre femme, qui remplira mieux son rôle, ou si vous désirez rester célibataire. C’est l’immoralité sexuelle qui est condamnée par Dieu, l’excès entraîne la mort psychique, mais les relations charnelles ne sont pas hors du pardon divin. Si votre discipline est suffisante pour mener votre famille dans la droiture, que vous vous plaisiez à une relation charnelle consentie et honorable ne vous sera pas proscrit.”

Dire qu’il est mal à l’aise est un euphémisme, mais rien de tout ceci est un mensonge et en effet, en dépit des canons de l’église, Elric pense sincèrement que Madame de Medici serait certainement plus heureuse en étant divorcée.

 

10 Octobre 1927 • Notre-Dame-de-Paris • @Lorenzo de Medici

Pas de nouvelle épouse, voilà qui n'arrange pas les affaires du Medici. L'opinion eut été plus courtoise s'il lui eut été donné de quoi comparer Agnès de Medici, pour qui Elric éprouve en l'instant énormément de compassion. Ses lèvres brûlent d'assener que divorcer d'elle l'assujettira forcément à l'opprobre dont Lorenzo affirme vouloir la prévenir mais Elric n'en fait rien. En tout cas, pas sans être certain de l'énoncer de la meilleure façon pour le rôle qu'il possède dans le confessionnal. Son ouaille poursuivant, la conversation a le mérite de lui offrir un sursit, mais également des éléments supplémentaires en la psyché du Medici qu'il brave en dépit de son bon sens et de son confort, prenant grand soin de ne surtout jamais trahir sa présence.

Il inspire profondément, pesant les faits dont il a conscience, ceux, aussi, dont il peut ne pas avoir conscience, puis offre de façon aussi tranquille qu'il peut le paraître en un tel instant :

"Oui, je crois que ce peut être une solution tout à fait adéquate. Bien qu'aucun péché ne soit fondamentalement acceptable, il est évident qu'un meurtre n'est pas préférable à un divorce. Surtout si Madame votre épouse est coupable d'infidélité."

Surtout si leur fils est prêt à commettre un parricide, l'un des plus terrible péchés de tous au regard de Dieu, comme de la société dans laquelle ils vivent. Elric ne peut s'en ouvrir auprès du Medici, Lorenzo est peut-être un homme vivant dans la luxure, l'orgueil et l'envie, il n'est pas pour autant un imbécile. Il ne sera pas dupe de la Voix de Dieu, et alors, il risque de devenir dangereux pour lui. N'étant pas dans les plans de l'Ordre d'abattre cet homme, Elric se tint coi, préférant trouver un autre moyen d'aborder la question, une fois de plus. Evidemment, l'opprobre est le dernier des problèmes lorsqu'il est question d'un meurtre commandité. Désamorcer la situation sauvera également la dame d'une erreur envers elle-même.

"C'est une très lourde considération que celle du meurtre, Mon fils."

Sans blague. Mais il faut bien l'énoncer, aussi ironique cela soit-il en s'adressant au parrain De Médici.

"En particulier au sein d'une même famille. Cela va contre tous les vœux qui vous lient, vous et Madame votre épouse. Avez-vous des preuves de cette préméditation ? Si c'est le cas, et si votre union est à l'origine de cette préméditation, faire annuler vos vœux sera une formalité. Mais ce ne sont plus des questions qui trouvent leurs places dans un confessionnal. Nous sommes ici aujourd'hui pour le bien de votre âme et votre moralité. Je vous encourage à me faire parvenir votre demande en me sollicitant comme conseiller plutôt que comme confesseur, et je me chargerais de faire sceller ce que vous m'apporterez par le cardinal avant de le transmettre au pontife. Néanmoins, je vous encourage à faire preuve de clarté et de transparence dans votre demande, comme précédemment énoncée."

 

10 Octobre 1927 • Notre-Dame-de-Paris • @Lorenzo de Medici

Tout du long de sa vie, Elric fut abreuvé tant d'absolus que de nuances. L'absolus de la foi chrétienne, et la nuance de l'Ordre et du devoir de Chevalier. Sa propre expérience lui forgea une interprétation personnelle de ces enseignements, appliqués à la réalité dont il fut le témoin, parfois avec brio et parfois dramatiquement. Aussi, face à Lorenzo de Medici, il n'est pas plus dupe que face à Giacomo. Lorenzo n'est pas parfaitement sincère, parce que cela lui demanderait une discipline et une auto-critique qu'il n'est pas capable d'appliquer, mais si l'homme est sanglant et menteur, il est aussi familier et ses péchés sont communs. Or, Elric est depuis longtemps un adepte de l'adage : mieux vaut un démon connu qu'un ange qu'on ne connaît pas. S'il est possible que Madame de Medici ne soit pas adultère, la menace d'un meurtre en revanche semble véridique, quels qu'en soient les détails et Elric ne voit pas en quoi un changement de direction de ces activités illégales serait profitable à l'Ordre.
Que Lorenzo pense qu'il n'est qu'un prêtre comme les autres ne signifie après tout pas le moins du monde qu'il doive réellement l'être.

"Malheureusement, les confessionnaux se trouvent sous le sceau du secret. Rien de ce qui m'est confié ne peut être utilisé tel quel, sinon je n'aurais pas à vous enjoindre ainsi."

Les mots de Giacomo, moqueurs, lui reviennent encore. J'imagine que sans cela, les volontaires ne se bousculeraient pas à l'entrée du confessionnal. Si Lorenzo avait le moindre doute sur le sceau à ses lèvres, ferait-il même l'effort de venir le voir et se confier ? Elric en doute. En cela, au moins, le jeune corse a raison. Les choses étant ce qu'elles sont, Elric ne doute pas que Lorenzo lui fournisse ce qu'il demande, que les preuves soient réelles ou fabriquées. Il sait aussi que son bon mot pèsera dans la balance de l'acceptation pontifical, parce qu'il est un chevalier, un vétéran exorciste et surtout, parce qu'il est un D'Adhémar, destiné à reprendre la gestion des archives pontificales l'heure venue. De cela, il ne dira rien, préférant ne rien offrir de sa personne. Que Giacomo et lui se voient à visages découverts, qu'il propose à Lorenzo de revenir le voir comme conseillé le frôle, c'est bien suffisant. Pondérant la situation, Elric opine, au moins pour lui-même.

"Mon écoute vous est toujours acquise, mon Fils, la maison de Dieu vous ouvre toujours ses portes, que vous cherchiez l'absolution, ou un soutien. Maintenant, priez avec moi; pour votre salut."