[TERMINÉ] Paris in a nutshell

 

06 Août 1927 • Faubourg Saint-Honoré • @Alekseï Dzerjinski

Qui ne l'aurait fait, en effet. La question s'avère des plus rhétorique. Quoique. Les ouvriers, sans aucun doute. Les indigents. Ceux dont le souci est la survie et qui n'ont que faire de ces seigneurs et ces dames qui chantent le dimanche à la messe. Auguste opine, sans commenter. Edmoundovitch est un bolchévik, lui déclamer de telles affirmations eut été prêché un convaincu, sans même parler de l'hypocrisie consommée que cela représenterait venant de lui. Or, il respecte suffisamment le slave pour refuser d'insulter leur entente ainsi. Il y a des libertés que même un Lestrange ne peut se permettre sans se brûler les ailes.

"Oui, elle se prénomme Inès."

Une jeune femme absolument exquise.

"La famille Delacour est en concurrence pour le titre de la plus riche de France. Ils ont abandonné leur titre ducal lors de la révolution, mais ont su cultiver suffisamment de contacts avec le reste de la noblesse pour que rien, dans leur statut, ne change réellement."

Un coup de maître, vraiment. Réussir à conserver tous les accès de la noblesse, et même de la royauté, mais s'offrir une image de choix chez les Républicains, il n'y avait réellement que les Delacour pour y parvenir et maintenir cette charade sur plusieurs générations. Auguste, pourtant, choisit de ne pas épiloguer, ayant tout loisir de revenir sur ces questions lorsqu'ils feront ensemble des révisions destinées à préparer son invité aux rencontres de la soirée. Et il y a fort à faire sur ce front. Delacour, mais aussi De Wendel et De Fronsac, pour ne citer que les plus éminents. Mais pour l'heure, il semble qu'Edmoundovitch s'ouvre de ses doutes.

Auguste lui dédie un léger mouvement de la tête, indiquant son attention, leurs regards se joignant au travers de la réfraction du grand miroir. Et il pondère, derrière son masque pensif s'il n'est stoïque. Edmoundovitch s'est rapproché, métaphoriquement, d'un pas, et il n'eut su en l'instant lui opposer une muraille de froideur.

"Je doute que l'on se froisse de mes intérêts. Ils sont nombreux."

La réponse est choisie avec soin, mais Auguste se fend d'un discret regard en biais, vers le tailleur. La confesse silencieuse qu'il ne parlera pas ouvertement devant Eyrolles. L'homme a beau être un tailleur de génie, et un homme des plus affables, Auguste ne sait pas où sommeil sa loyauté pas plus que ses intérêts. C'est un homme du peuple, qui hélas doit entendre bien des informations précieuses lorsque l'on ne prête pas attention à lui. Mais si Auguste ne craint pas que l'on juge son choix de compagnons, c'est précisément que personne n'est tout à fait certain de ses appétences politiques et idéologiques. Il a toujours su débattre tant pour la noblesse que pour la république par le passé.

Une affirmation trop hardie eut pu tout faire s'écrouler.

"Et quelle expérience avez-vous fait du Ministère jusqu'à présent ? Le service international m'a toujours paru des plus bigarrés."

Une relance aussi intéressée que stratégique, Auguste cherchant à éviter un silence gênant qui confessera plus aisément que tout le reste sa volonté de privauté. Il cherche à paraître le plus naturel possible, aidé de son maintient aisé. Il offre une expression confiante, courtoisement curieuse, prunelles rivées dans celles du slave. Jouez le jeu veut-il dire sans en avoir la liberté. Il ne lui reste qu'à espérer qu'Edmoundovitch saisisse. Mais il n'eut pas été nommé ambassadeur sans une certaine finesse. Le temps passant, il entretient l'échange, il lui propose de lui faire une brève présentation des personnalités de la soirée.

Lorsque Eyrolles annonce pouvoir relâcher son invité afin de faire les premiers ajustements, Auguste offre à Edmoundovitch de descendre dans le jardin arrière, profiter de l'extérieur. Ce n'est qu'entre les grands rosiers osiriens au parfum entêtant qu'il consent enfin à revenir sur ce qu'il a tut. Le sursit lui a, par ailleurs, permit de soupeser les informations à transmettre, trop conscient de la loyauté réelle de cet homme et des oreilles auxquelles remontent les informations qu'il peut laisser échapper, volontairement ou non.

"Vous évoquiez les blancs, ce me semble."

Mains dans le dos, il observe Edmoundovitch depuis l'ombre fraîche d'un grand tilleul.

"Qu'avez-vous apprit, auprès du Ministère, sur les rescapés venus en France ?"

 

06 Août 1927 • Faubourg Saint-Honoré • @Alekseï Dzerjinski

Jardin à la française, là où Auguste goûte davantage à l’apparente liberté des compositions britanniques. Le souvenir du grand domaine de la branche cousine, visité pendant certains été, lui revient aisément. Crépus aime l’ordre, cependant, et il reste le propriétaire séant. Les roses osiriennes sont sans doute ce qu’Auguste préfère du grand jardin. Son royaume personnel se trouve dans le jardin d’hiver, serre tropicale dont les plus majestueux trésors ont été rapportés de ses périples en Asie pour le plus grand bonheur de sa mère et l'orgueil de son père lorsqu’il offre certains cocktails privés et select. Mais conduire son invité dans la serre eut sans doute signé son arrêt de mort au vu des températures.

L’extérieur, en outre, lui agrée également et Auguste gorge ses sens du parfum doux et sucré, délicat, des fleurs et de la végétation. Il écoute pourtant avec attention, soupesant les informations ainsi obtenues et plus encore la suggestion avancée par le slave. Rencontrer Sergueï ? L’excuse est trop belle, trop évidente. Et c’est impénétrable qu’Auguste tourne sa mire vers Edmoundovitch. Il n’offre aucun commentaire à cette hypothèse des plus délicates, n’ayant aucune certitude quant à la réaction exacte du patriarche en titre de la famille Romanov présenté à l’idée de siéger dans la même pièce qu’un homme soutenant la révolution et les meurtres de sa famille.

“Je vous en prie.”

Lui-même tire de sa poche l’étui à cigarette que son invité lui a déjà vu, glissant le bâtonnet au coin de ses lèvres avant de l’allumer. Il en tire une profonde bouffée de tabac, expirant sans hâte. Pondérant la meilleure tenue à adopter. Edmoundovitch rend sans aucun doute des comptes à la Mère Patrie, il eut été sot de le réfuter. Mais de nombreuses informations sont aisées d’accès, lorsqu'on prend la peine de les chercher et ne rien lui dire ne fera qu’ôter tout contrôle de ses mains. Mieux vaut s’exprimer, si ce n’est tout divulguer bien entendu, et continuer à nouer une relation où la confiance reste envisageable, d’autant que le slave est un homme dont Auguste apprécie la discussion.

“Vous avez raison. C’est en effet la meilleure stratégie à adopter afin d’espérer tomber le manteau d’étranger à l’avenir et c’est leur objectif.”

D’un geste, il invita Edmoundovitch à marcher avec lui. Le vaste jardin arrière permet de nombreux sentiers avec de se perdre dans les espaces aménagés et verdoyants, se coupant du monde pendant quelque temps, à la mesure de leur volonté.

“Je suis très surpris que cela ne soit pas déjà apparu mais Sergueï Romanov souhaite que son fils épouse la princesse héritière du trône, Séléné De Valoys. Il fut promis à sa sœur aînée avant la révolution, mais celle-ci est décédée bien avant les fiançailles.”

Le silence étiole petit à petit ses paroles, l’offrant au silence. Il pondère une fois de plus. Les informations sont une chose mais l’image en est une autre et bien qu’il soit un proche des Romanov, il apprécie sincèrement la découverte de l’ambassadeur. Ironique, sans aucun doute. Mais plus les jours passent et moins Auguste se montre conciliant. Il ne désire pas se laisser enfermer dans sa relation avec les impériaux en exil. A la vérité, ce sont eux qui ont besoin de lui et de sa bonne volonté, pas l’inverse. Une vérité que Nikolaï s’empresse trop aisément d’occulter lorsqu’ils sont ensemble. Il la goûte du bout des lèvres en même temps que la saveur du tabac, avant de s’exprimer.

“En cela il est mon principal rival, en plus d’être mon meilleur ami. Et s’il sort peu, c’est principalement en ma compagnie, ou en celle d’un petit nombre choisi avec soins. Les déplaisirs d’une légilimancie hors de contrôle, voyez-vous.”

Il n’est pas une menace pour qui que ce soit, en sommes. eut-il résumé s’il n’avait valorisé leur entente. En lieu et place, il s’offre une nouvelle bouffée de tabac, décoche un regard vers Edmoundovitch, où brille la curiosité.

 

06 Août 1927 • Faubourg Saint-Honoré • @Alekseï Dzerjinski

Auguste ne se fend, pour tout commentaire, que d'un battement de cils et d'une longue bouffée de tabac. Les moyens employés par Sergueï pour dissimuler la malédiction qui ravage les siens le dépasse, mais il n'en va pas de même des De Valoys. Le patriarche russe enjoint Nikolaï à marier au sein de la royauté française en toute connaissance de cause, prêt à voir naître des infants dont le sang sera vicié de tous côtés. Lui ? Il plaint de tels poupons. Rien ne vaut de naître uniquement pour souffrir tout au long de l'existence. L'idée même est révoltante, tout ça pour le pouvoir que représente cette union. Un pouvoir fantoche que Nikolaï n'aura pas les épaules pour cultiver. Il n'y a véritablement rien à en dire, en fin de compte.

"Il m'est connu. J'ai été témoin de la malédiction à de nombreuses reprises."

Affirmation en étendard de paix. Si ce n'est une nouvelle pour personne, au moins font-ils gages de leur honnêteté l'un envers l'autre. Edmoundovitch ne lui semble nullement un homme capable d'accepter la traite continue sans un retour honnête et Auguste est prêt, dans une certaine mesure, à le lui offrir. Le slave ne jouera certainement plus jamais aux échanges avec lui, d'ailleurs. Si auguste veut en apprendre davantage sur ses contacts français, il doit pouvoir offrir également. Il y a fort à parier que ces contacts ne sont pas étrangers dans le choix que le nouveau régime russe a fait pour son ambassadeur. Alors il choisit de répondre sans atermoyer.

"Sa Majesté accepte que la princesse choisisse à son gré, selon des critères cependant bien établis. Que Nikolaï fasse acte de présence ou non, il n'a guère d'arguments en sa faveur. Séléné est mon amie depuis l'adolescence, et j'apporte un sang neuf, propre et le poids de notre empire financier avec moi."

Qui peut donc rivaliser avec lui aujourd'hui ? Charles Delacour est un aurore qui se met en danger tous les jours. Armand est déjà uni et la mère de Séléné est une Le Noir, empêchant les Ducs de Bretagne de fournir un consort avantageux pour elle. Les Fronsac ont beaucoup trop de filles. Les Wendel, il n'en parlerait même pas. Il ne reste que la question du titre filial mais dès qu'il aura échangé avec Adelstan à ce sujet, la question se réglera d'elle-même. Il est objectivement peu menacé dans son rôle de prétendant. Un fin sourire vient crocheter brièvement l'entournure de ses lèvres, court sifflement qui échoue de son nez en un ersatz de rire avorté.

"Je peux toujours échouer lamentablement, évidemment. Mais c'est peu probable. Et plus les choses évoluent, plus je pense que ce n'est pas une perspective si indésirable. Tout dépend comment le rôle est abordé, sans le moindre doute. Nikolaï, lui, apprécierait porter une couronne, puisqu'il n'aura jamais celle que vos camarades ont abattus. Moi... "

Il hésita. Mais ce n'est pas le premier verbe révolutionnaire dont il a gratifié Edmoundovitch.

"Moi j'espère travailler pour éduquer les esprits et la société à voir la couronne abdiquer. Même si cela doit me prendre toute une vie. Je pense que les Valoys sont enfermés dans leur cage depuis trop longtemps. Il est temps que les mœurs commencent à évoluer."

 

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"Sans aucun doute."

Leur échange cristallise certainement toute la nuance humaine qui prolifère entre les idéologies si nettement encadrées. Lui est fils de la noblesse, en passe d'épouser la princesse héritière, la plus haute reconnaissance que l'on puisse obtenir au sein de cet univers fermé. Edmoundovitch est un bolchévik, révolutionnaire victorieux aux mains carmines, royauté brisée, rejetée, jetée au bas de son piédestal doré pour ne jamais se relever. Tous deux sont aux antipodes l'un de l'autre. Et pourtant, Auguste ne pense pas un instant sa vie menacée.

Au contraire et ce en dépit du frisson instinctif que le slave fait naître chez lui, cette réaction viscéralement animale qu'Auguste a toujours attribué aux fils de la lune. Il reste persuadé qu'Edmoundovitch en est un. Sur l'instant, c'est cependant, et avant tout, un homme qui a expérimenté une violente révolution, qui a vu le peuple tout entier se soulever pour abattre ses dirigeants. Son expérience est précieuse, un témoignage poignant de ce que la violence, même au service d'une cause sensée, peut engendrer et causer.

"En effet. Chez nous aussi, beaucoup de têtes ont roulés."

Oeillade en coin. Pondérée.

"J'aimerais éviter que cela se reproduise."

D'autant qu'il compte des êtres chers des deux côtés de la barrière, et aucune envie de les voir trépasser. La Monarchie française n'a plus de sens. Elle séquestre et dilapide de précieuses personnalités, l'imagination, la créativité et les moyens de nombreux individus de grands talents. Et pourquoi ? Elle n'apporte rien si ce n'est entretenir les délirantes ambitions de certains et l'occasion pour d'autres de conserver la chaîne à leur cou, persuadés qu'elle est préférable à une toute nouvelle liberté. Un drame.

Nouvelle ébauche de sourire. Un brin joueur. Un brin cynique.

"Les Delacour ont bien tiré leur épingle du jeu mais en effet, ils sont loin d'écraser le plateau. Je doute faire tomber le jeu d'échec, voyez-vous. J'ai dans l'idée que les hommes ne savent pas s'en passer. Si la couronne est caduque, ils trouveront un autre terrain pour s'affronter, sans doute le Ministère. On troquera alors les Majestés contre des titres officiels mais l'essence du jeu ne changera pas. Uniquement les dénominations et les outils. Quoique, peut-être ces outils ne connaîtront nulle évolution, après tout."

L'échange l'oppresse soudain. Non par une quelconque faute d'Edmoundovitch. Le sujet seul est responsable. Sa délicatesse. Sa complexité.

"Hm. Je suis amer, je crois. J'espère que vous saurez m'en excuser. Ce soir, vous comprendrez mieux ce que j'évoque. Je peux vous en parler pendant des jours, mais rien ne vaut l'expérience de première main ne pensez-vous pas ?"

S'attarder sur l'hypothèse qu'on put lui reprocher ses décisions lui est inconfortable pour l'heure bien qu'Auguste soit parfaitement conscience qu'il ne pourra y échapper. Les expressions trahies, déçues, de sa famille, d'Arsène, voguent devant ses yeux grands ouverts comme de douloureux mirages. Au moins n'aura-t-il aucun scrupule lorsqu'il s'agit de décevoir Nikolaï. Un homme dont il commence à peine à cerner toute la monstruosité. Il ne l'évoque pas. Préfère recentrer toute son attention sur Edmoundovitch. Sur sa cigarette.

"Je suis curieux du retour que vous pourriez me faire sur les personnalités que vous allez rencontrer. Si je ne vous ai évidemment pas perdu dans la très certaine débauche d'or, d'argent, de joyaux et de magie de la soirée. J'apprécierais les découvrir sous un nouveau jour. C'est toujours excessivement instructif. Si vous acceptez de bien vouloir céder à mon caprice et si vous ne m'en voulez pas trop, bien sûr."

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06 Août 1927 • Faubourg Saint-Honoré • @Alekseï Dzerjinski

Un fragment de l'enfant naïf qu'il fut un jour eut préféré se voir réfuté, mais il opina sobrement, lorsqu'Edmoundovitch vint l'approuver. Malheureusement, c'est bien le mot, en effet. Auguste tire une longue bouffée de tabac, laisse la substance adoucir son humeur. Le slave réagit mieux qu'il ne l'eut cru, un intéressant prospect pour la suite, tout d'ironie pétrie. Un roi consort soutenu dans ses démarches par des représentants bolchéviks, ont aura tout vu. Mais si l'accord fonctionne, alors pourquoi se privé. Il n'y a pas que des fous dangereux avides de sang royal chez les communistes. Certains sont aussi des idéalistes ayant à cœur le bien du peuple.

"Bonne idée..." glisse-t-il entre les mots du slave.

Changer de sujet ne leur fera sans doute pas de mal et Auguste en profite pour bifurquer vers un nouvel angle du jardin à la française, proche d'une fontaine sculptée et sa fraîcheur. Le trait d'esprit involontaire cultive un peu plus sa caustique bonne humeur.

"Excepté être nobles ? Ils possèdent un portefeuille composé d'usines de transformations. Acier et verre, majoritairement. Des ateliers d'orfèvrerie également. Le nord de la France est très industrieux. On peut le comparer à la Ruhr, en plus humble et localisé."

Il tourne la tête de côté, curieux de son expressivité.

"Ce sont des amis de la république, ils travaillent en étroite collaboration avec le Ministère, s'investissent énormément dans la préservation du secret. Au moins autant que dans la modernisation des industries françaises. Des individus ingénieux, pour la plupart."

Ayant tout son temps, après tout, Auguste s'ouvrit d'un exposé concis sur l'histoire et l'implication de la famille De Wendel, non sans glisser leur statut de clients de ses armements. Il parle jusqu'à l'extinction de sa cigarette, conservant le reste dans une capsule de sa blague à tabac. L'activité est certes collégiale, mais elle est nécessaire afin de préparer Edmoundovitch au mieux de ses capacités. Il s'attacha donc à offrir un portrait qu'il espère studieux des personnes de Blanche et Aureus de Wendel, et de leur statut respectif. Lorsqu'il cesse enfin, tous deux se trouvent de l'autre côté du jardin d'hiver, auprès d'une table où les elfes leur ont servit des boissons rafraîchissantes.

"Qu'ai-je laissé en suspens ? Ah oui, les duels. Ils sont en effet interdits. L'entrée change d'une nuit sur l'autre. Les membres sont prévenus en avance. J'ai néanmoins pu dénicher la localisation que l'entrée aura ce soir, lorsque nous en aurons fini avec les mondanités. Il s'agira d'un abattoir aux Halls."

Nul secret entre eux à ce sujet. Edmoundovitch doit être son partenaire de duel après tout. Auguste n’a aucune raison de lui cacher. Si tout se passe comme il l’entend, à la fin de cette nuit, il seront membres à part entière qui plus est.

"Quant à la société à laquelle je souhaite vous présenter, c'est au Louvre qu'elle se trouvera ce soir."

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Il opina. Bien que chaque membre de leur société puisse faire don de ses largesses, la fibre artistique des Delacour est proverbiale et il eut été bien dommage de ne pas en profiter. Lâcher la bride à Camille est toujours un pari divertissant et Auguste, en dépit de son expérience comme simple matelot autours du monde, ne peut s'empêcher de trouver sa rivalité avec Crépus des plus désopilantes. La soirée le laisse d'ailleurs dans l'expectative des idées grandioses qu'Août et la saison basse auront su faire germer dans l'esprit sensible du directeur du Louvre. Surtout en tenant comptes de leurs invités pour l'occasion.

Mais c'est davantage vers la suite de la soirée, un fois l'or et l'apparat laissés derrière eux, que se tourne la conversation. L'ouverture honnête, du moins le paraît-il, d'Edmondovitch surprend Auguste bien qu'il se garda bien de le montrer, n'ayant lui-même pas un seul instant envisager l'usage de sorts interdits. Non que cela semble absurde, c'est même tout l'inverse. Une évidence qu'il ne partagea pas jusqu'à présent. Il n'en dit rien, bien entendu, mais n'hésite cependant pas à commenter l'essence de la sollicitation soumise, accompagnée d'un léger froncement de sourcils.

"Je n'ai jamais pratiqué de sorts illégaux, quels qu'ils soient. Nous serons donc à égalité en cet aspect. Nous sommes donc des partenaires tout indiqués."

Est-ce toujours la norme d'ailleurs en Russie que d'interdire la magie noire ? Après tout, il entend tant de rumeurs. Elles sont souvent sans fondement, cependant. Et en ce qui concerne leur intérêt commun pour la soirée, elles n'ont pas lieu d'être. De toute façon, personne n'a jamais eu besoin de magie noire pour faire souffrir son prochain. Pour un cœur gorgé de douleur ou de cruauté, n'importe quel sort, ou peu s'en faut, devient aisément une source d'agression. La question lui est déjà venue, par le passé, à savoir si c'était le but du sort en lui-même ou la facilité, la netteté de la mort qui font du Kedavra un sort interdit.

Edmoundovitch ne lui est pas assez proche pour qu'il s'ouvre de ces pensées, cependant. Pas encore, peut-être. Les dommages à son image sont encore plausibles.

"Elles ont été dissoutes avant ma naissance. Mais j'ai été membre de plusieurs institutions réglementées, lorsque je possédais encore la licence des tireurs de baguettes."

Une réponse double pour une question double pleine de bon sens. Il inspire profondément dans le parfum de la végétation alentours, puis pêche sa montre dans la poche de son veston pour s'enquérir de l'heure. Fort heureusement, l'après-midi est à peine entamée.

"Mais revenons temporairement à ma liste, si vous le voulez bien. Il me semble avoir compris que Monsieur Delacour aura également un invité à présenter à nos rangs ce soir. Vous ne serez pas le seul, quoiqu'on ne puisse guère faire plus opposé à vous. Monsieur Yamanu Shafiq.'

Il lui faut avouer que l'ironie de la coïncidence n'est pas perdue pour lui. Et c'est d'autan plus merveilleusement absurde qu'ils ne se sont pas le moins du monde concerté. Mais si Auguste n'a pas envoyé de missive supplémentaire à Camille, il ne doute pas que les deux hommes se montrent parfaitement bien éduqué pour l'occasion. Dommage que la soirée ne comporte pas de débat. Ou peut-être est-ce au contraire un bienfait. Il y a une bonne raison pour laquelle les membres de la société ne discutent pas de politique au sein de leurs soirées. C'est un bien vilain mot pour ceux qui ne cherchent que le profit et non l'idéal.

Et puis, cela évite d'insulter l'intelligence de qui que ce soit.

"Venez. Retournons voir Monsieur Eyrolles. Je pense qu'il aura eut le temps d'effectuer vos retouches."

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Monsieur Tarek Shafiq. Auguste est toujours quelque peu déconcerté, même après tant d'années, lorsqu'il contemple l'image publique de sa belle famille. Le nom de Tarek galope sur toutes les lèvres. C'est Tarek qui dirige l'Aube Sorcière. Qui souhaite se présenter pour l'élection du nouveau Ministre de la Magie. Et pourtant, la famille Shafiq est matriarcale. Ce sont les femmes qui dirigent. On en vient à l'oublier si aisément. Stratégie familiale ou simple influence de la société française profondément patriarcale, il ne sait pas, mais c'est un statut proprement fascinant.

"Son fils, pour être exact. Directeur du bureau de la culture française."

Une autre curiosité, sans nul doute, quoi qu'il estimât réellement les capacités de Yamanu. La France a parfois une curieuse façon d'appréhender ses adoptés. La question se posera sans aucun doute pour Tarek également, surtout s'il vient à remporter le siège de Ministre, quoique Auguste en doute beaucoup. L'Aube Sorcière est encore très jeune, quel parti politique pourrait donc remporter une telle victoire dès ses premières élections ? Les coups d'éclats existent toujours évidemment, mais il en doute tout de même. Crepus peut faire autant de bruit qu'il le désir, la majorité silencieuse n'est pas de leur côté.

Cela, il le garda pour lui, ouvrant la marche pour retourner jusqu'à la salle prêtée à Eyrolles. Ils pénètrent l'immense bâtiment par un autre salon, Auguste naviguant sans réellement nécessiter une quelconque confirmation du trajet à adopter.

"On nous attend pour dix-neuf heure trente. Vous aurez le temps de repasser, je gage."

Il s'apprête à contourner l'escalier du hall quand un elfe de maison apparaît à ses côtés pour lui remettre une missive avant de s'esquiver promptement. Auguste jette un œil à l'expéditeur avant de reprendre leur marche. Ce n'est qu'une fois Edmoundovitch aux bons soins du tailleur qu'il va chercher un ouvre-lettre, décachetant la missive afin de pouvoir la lire, confortablement installé dans le grand canapé, tasse de café fumant sur la table d'appoint en bois sculpté et plateau de verre ciselé. Son regard bleu glisse sur les lignes, lecture vive, sans qu'il n'offre d'expression.

Ce n'est qu'une fois arrivé au bout du billet qu'il le plie soigneusement et le dépose sur la table basse, près de sa tasse, de même que l'enveloppe.

"Il semble qu'une de mes informations précédentes n'eut pas été exacte. Ce n'est pas au Louvre que nous noçons ce soir. C'est à Versailles."

Si Auguste n'offre aucune expressivité, son ton, lui confesse sa circonspection pour qui sait le lire. Il pondère l'information le temps qu'Eyrolles fasse l'essayage pour le slave, semblant parfaitement imperméable en dépit du remarquable travail effectué par Eyrolles sur le tuxedo d'un bleu profond conçu pour la silhouette massive d'Edmondovitch. Le tailleur lui fit enfiler l'intégralité de la mise, depuis les chaussures jusqu'à la montre et aux boutons de manchettes et de veston. Eyrolles attira cependant son attention, lorsque la préparation fut complète, et Auguste se releva pour venir inspecter son ouvrage.

Le tailleur resta parfaitement silencieux tout du long, semblant tout à son aise auprès du manque d'effusion d'Auguste, dont l'inspection dura une minute entière avant qu'il n'opine finalement.

"Excellent. Pouvez-vous nous laisser un instant ?"

Il attendit que le petit homme quitte la pièce avec ses assistants, puis se détourna, alla ouvrir l'un des tiroirs du meuble et en tira une lettre rangée dans un pli de papier argenté qu'il déposa sur la table d'appoint.

"Votre invitation, en votre qualité de compagnon. Souhaitez-vous que nous retrouvions ici, ou sur place ?"

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