[Terminé] L'éclat du rubis (lorenzo)

Son regard se pose avec un certain émerveillement sur la bague. L’objet lui donnait toujours un petit coup d’adrénaline quand elle l’observait, ce genre d’adrénaline d’excitation presque enfantin. L’antiquité était arrivée depuis peu après de longues négociations avec un collectionneur espagnol. Il fallait dire que la Bague de l’Intrigue Énigmatique était un objet, malgré ses origines italiennes, qui avait beaucoup voyagé. Neith s’en était rendue compte en faisant ses recherches, intéressée par cette antiquité sans doute parce qu’elle avait appartenue à une femme puissante de son temps. Si elle était une experte en archéologie et spécialisée en égyptologie, elle n’avait jamais dédaigné les autres antiquités des autres époques. Quand bien même le monde était-il vaste et qu’elle s’émerveillait encore des anciennes civilisations magiques et en apprenait tous les jours, l’égyptienne avait toujours voulu affûter son esprit de collectionneuse et étoffer ses rayons. Ainsi, enrichir les Antiques Rêveries était toujours un défi. Il lui arrivait souvent de voyager pour racheter sur place des pièces qui l’intéressaient et son père lui ayant ouvert les portes, Neith se retrouvait très régulièrement avec des bijoux d’antiquités qui lui faisait un peu mal au cœur de s’en séparer.
La Bague de l’Intrigue Énigmatique était un de ces objets.
Exposée dans son écrin, la bague était créée à partir d'or finement ciselé et orné d'une pierre précieuse écarlate, un rubis magnifique, que l’éclairage de son exposition rendait encore plus magnifique qu’elle ne l’était déjà. Le design sophistiqué de la bague présentait des motifs délicats de serpents entrelacés. Neith savait que la légende disait que le rubis avait des propriétés magiques permettant probablement divinatoires. Mais le plus fascinant pour Neith était surtout son compartiment secret qui avaient permis à la sorcière détentrice de cette bague d’y cacher des petits mots ou peut-être des potions et poisons en dose suffisamment forte pour tuer ou empoisonner quelqu’un.
Neith se redressa légèrement, son regard quittant le magnifique objet pour poser son regard sur le sablier qui coulait à l’autre bout de la pièce. Elle n’avait pas été surprise de savoir que Lorenzo di Medici était intéressé par la bague. En réalité, il serait menti que de dire qu’elle n’avait pas pensé à lui quand elle l’avait enfin reçu après des semaines de négociations et finalement de rachat. Bien sûr, il y avait bien d’autres gentilhommes capables d’apprécier le bijou, mais elle avait su d’instinct qu’elle devait garder le bijou pour Lorenzo. À force de côtoyer ses clients, Neith commençait à les connaître et savait quels objets pouvaient les intéresser plus que d’autres. Dans le fond, elle avait espéré et ne s’était pas trompée. Lorenzo n’était pas un nouveau collectionneur, loin de là. En réalité, Neith observait son nom depuis qu’elle avait commencé à reprendre les Antiques Rêveries, alors qu’elle apprenait encore de son père. Il avait été un client régulier et Tarek le connaissait bien. Naturellement, la passation s’était faite lorsqu’elle avait pris ses fonctions en tant que directrice et avait traité directement avec lui. Au plus grand désespoir d’Alaric, à l’époque, qui avait toujours eu un sourcil levé lorsqu’elle évoquait le nom maudit des Medici. Lorenzo ou n’importe qui d’autre n’avait jamais fait la différence pour lui bien que Neith lui est toujours fait comprendre qu’elle ne cesserait pas d’entretenir des liens commerciaux avec cette famille. Ils étaient des acheteurs, amateurs d’antiquités et clients et elle ne renoncerait pas parce que les égos de ces messieurs Lestrange et Medici étaient touchés, avec tout l’amour qu’elle portait pour son mari et sa belle-famille.
Les affaires étaient les affaires.
Ainsi, alors qu’elle vit les derniers grains du sablier qui lui démarquait le temps dans la salle insonorisée et un peu en réserve, elle sut qu’elle devait sortir d’ici pour accueillir Lorenzo qui devait à présent être arrivé et conduit dans la pièce principale et vitrine des Antiques Rêveries. Se délestant de ses gants qu’elle rangea, Neith sortit de la salle non sans réactiver d’un mouvement de main et de sa magie sans baguette les sortilèges sophistiqués de protection.
Passant quelques pièces dans l’hôtel particulier réservé au public et au personnel y travaillant, elle vit arriver Shana, sa réceptionniste d’accueil et amie.
« Monsieur le duc de Médici vient d’arriver. Je l’ai placé dans le salon bleu. »
Adressant un sourire à son amie, Neith la remercia. Elles échangèrent sur le chemin sur les quelques détails techniques des Antiques Rêveries avant que Shana ne retourne à son poste. Arrivée devant la porte close où elle savait que le patriarche des Medici attendait, Neith s’assura de se considérer comme présentable face à un des miroirs du couloir. Elle se rendait compte qu’elle y mettait un soin particulier, un soin presque coquet lorsqu’il s’agissait de l’homme sans s’appesantir plus sur ce que cela représentait réellement. En déduisant qu’elle était encore impeccable, Neith se détourna du miroir. Son regard tomba sur la poignée de porte et en se concentrant, elle actionna la poignée magiquement. La porte s’ouvrit toute seule et Neith rentra dans la pièce.
Le salon bleu était un joli salon à la mosaïque en faïence bleue magnifique faite exprès pour les clients particuliers et réguliers de l’établissement. Des coussins aux couleurs bleus et des tapisseries recouvraient le sol. Un sourire charmant et poli éclaircit le visage de Neith lorsque son regard se concentra sur l’homme présent dans la pièce.
« Monsieur le duc, c’est un plaisir de vous revoir. » s’essaie-t-elle dans un italien loin d’être mauvais. Son accent égyptien, en revanche, ressortait. Si Neith était loin de maitriser à la perfection l’italien, elle avait mis un point d’honneur à l’étudier ces dernières années par curiosité intellectuel et parce que Lorenzo était aussi un de ses clients. Neith maitrisait quelques langues étant déjà bilingue arabe-français à cause de son enfance, mais aussi grâce à ses études où elle avait appris l’anglais, l’allemand et l’espagnol ou encore le copte, l’hébreu et le grec ancien qu’elle savait lire. Elle ne se risquait pas de comparer le latin et l’Italie, latin qu’elle maitrisait toujours avec son dictionnaire et l’espagnol lui venait toujours mieux que l’italien du fait sans doute des proximités avec l’arabe. Cependant, elle pouvait établir une conversation de base dans la langue de Lorenzo. Aussi était-elle toujours contente d’affuter ses connaissances linguistiques malgré tout en essayant de ne pas massacrer les langues auxquelles elle s’essayait.
Faisant une légère révérence gracieuse, Neith se redressa et continua de sourire à l’italien.

Elle devait l’admettre : Lorenzo était un homme séduisant, tout comme sa sulfureuse réputation qui n’avait, bien sûr, pas échappé à Neith. Elle savait mieux que personne que le jeu des rumeurs dans leur monde était une composante de leur existence même, sinon la condition de leur essence. Agnès Colonna était une femme trompée. Lorenzo, lui, n’était pas fidèle. Rien de bien nouveau sous le soleil de la noblesse française. Ce genre de mariage était si commun et Neith savait à quel point elle avait eu de la chance. De la chance d’avoir pu choisir Alaric même si l’horloge de l’ultimatum de ses parents avait tourné. Bien sûr, même si à l’époque, elle n’aurait pas trouvé un bon parti, elle était persuadée que ses parents n’auraient jamais fait en sorte qu’elle s’enferme dans un mariage malheureux. D’abord parce qu’ils l’aimaient. Ensuite parce que personne ne faisait faire à Neith Shafiq ce qu’elle ne voulait pas. Mais elle savait qu’elle avait été chanceuse d’avoir des parents compréhensifs. Somme toute, et sans connaître les détails du mariage de Lorenzo avec Agnès, elle savait bien qu’eux n’avaient pas eu le choix. Si elle ne voyait Lorenzo que par le prisme d’un client-directrice des Antiques Rêveries parce que leur relation était transactionnelle, elle pouvait parfaitement profiter du charme de l’homme et de ses bonnes manières.
Parce qu’elle n’était pas aveugle, quand bien même faisait-elle en sorte la plupart du temps d’ignorer. Elle savait qu’elle attirait. Même sous le prisme du deuil, elle n’avait jamais douté de sa beauté. C’était même quelque chose dont elle était parfaitement au courant car elle n’avait jamais aucun scrupule à l’utiliser. Surtout sur les hommes, notamment parce qu’elle était misandre. L’envie de flirter revenait et elle savait qu’elle ne pouvait pas ne pas en profiter. Lorenzo était réceptif, personne n’en souffrait. Et quand bien même Alaric Lestrange aurait-il eut quelque chose à en dire, il n’était plus là.
Il ne serait plus jamais là.
N’était-ce pas bien de savoir que l’on plaisait, quand bien même s’agissait-il pour l’ennemi de son ex-belle-famille ?
Elle sourit d’un sourire peut-être plus grand que pour un autre client, prenant le compliment et remerciant l’homme. Elle ne peut qu’admettre que même si dans son nom il y a eu également accolé le nom Lestrange, elle avait toujours été particulièrement satisfaite de savoir qu’on continuait de l’identifier en tant que Shafiq. Cela avait été son principal combat au début de son mariage avec les Lestrange. Elle adorait ces derniers et se considérait comme les leurs, leur ayant donné son sang par Ruben, mais elle restait une Shafiq de sang.
Ne le quittant pas du regard, elle entend qu’il embraye directement sur le sujet qui l’amène. Elle n’en attend pas moins : ils ont tous les deux un temps qui leur est précieux.
« Effectivement. Suivez-moi. » lui répondit-elle avant de lui désigner la porte vers laquelle elle venait d’arriver.
Elle refit le chemin inverse avec lui, les portes s’ouvrant sur son passage par la magie sans baguette qu’elle mettait à profit, par envie de l’utiliser comme une seconde nature pour elle, également parce qu’elle était parfois économe en mouvement. Tout en le guidant, elle se mit à lui parler :
« La Bague de l’Intrigue Enigmatique a appartenu à Antonia Rossi, maîtresse d’un Orsini de la Renaissance italienne sorcière. Elle était une femme de goût, entretenue par son amant, comme vous le devinez bien et elle portait cette bague qui a beaucoup fait parler d’elle à l’époque. La légende raconte que le rubis qui la surmonte a des propriétés divinatoires, lui ayant permis de survivre à de nombreux complots ou d’être la délicate main d’Orsini quand ce dernier en avait besoin. Il existe un compartiment permettant de cacher des mots ou pourquoi pas des substances. » Et elle ne doutait pas qu’Antonia l’eut utilisé à maintes reprises. Après tout, sa légende était floue et sans doute emprunte de nombreux mensonges d’hommes blessés dans leurs égos comme cela était souvent le cas.
Arrivant devant la porte, Neith s’arrêta devant la porte derrière laquelle l’objet dont elle parlait se trouvait et se concentra sur les filets invisibles d’énergie de magie qu’elle percevait. Habituée à les considérer avec sa magie sans baguette, elle fit un geste et elle entendit un clic qui lui signifia que les protections étaient désactivées. Elle ouvrit cette fois-ci la porte à la main et invita l’homme à rentrer pour se diriger directement vers l’endroit illuminé où la bague se trouvait.
« La bague s’adapte au doigt. Je pense qu’il s’agissait en réalité de la bague d’Orsini donnée à sa maitresse. Elle est encore portable de nos jours, même si, si vous le souhaitez la porter, je vous inviterai tout de même à porter ces gants. » Elle les sortit en même temps qu’elle parlait. Puis, Neith resta à côté et laissa l’occasion à Lorenzo d’observer la bague comme il le souhaitait. « Cela faisait plusieurs semaines que j’étais en négociation avec un collectionneur espagnol. Je trouvais que cette bague aurait pu parfaitement s’agencer à votre collection. » Après tout, elle avait suffisamment négocié avec lui pour savoir où le toucher dans ce domaine.
Souriante, elle l’invita de la main : « Allez-y, je vous en prie. »

Elle ne peut s’empêcher de l’observer alors qu’il s’approche du bijou. Cela n’avait rien à voir avec le fait qu’elle avait peur qu’il dénature l’objet. Bien sûr, elle restait alerte et professionnelle dans ce domaine, mais c’était surtout l’expression de l’homme qui l’intéressait. Ce moment où ses clients se trouvaient devant l’objet tant désiré, les émotions qui passaient sur le visage. Elle apprenait beaucoup d’eux dans ces moments-là. Lorenzo ne faisait pas exception à voir comment son regard s’illuminait. Cela ne lui donnait qu’un air encore plus beau et plus jeune, même si elle trouvait qu’il ne souffrait pas réellement des affres de la vieillesse en apparence ayant apparemment une constitution chanceuse sur ce point. Pourtant, quelque chose s’était illuminé dans son regard en observant la bague et ce n’était pas que parce que Neith était douée pour la mise en scène. Elle ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il pensait réellement en cet instant. L’endroit où il allait l’exposer ? Non, elle l’imaginait malgré tout faire usage de cette bague. En bien ou en mal, elle s’en moquait bien et cela était son secret. Il semblait cependant en proie à une réflexion intense.
Une amante peut-être ? s’entendit-il pensée avec un brin d’amusement.
C’était plausible et possible vu le personnage.
Effectivement, lorsqu’il évoqua le fait qu’il ne portait que des chevalières, elle l’avait également remarqué. Chevalière et alliance. L’une et l’autre signifiaient une appartenance, un engagement. Mais n’était-ce pas le propre des bagues ?
Un sourire se dessine sur ses lèvres à la seconde phrase. Elle connait suffisamment l’individu pour savoir qu’il se mesure. Elle, elle a déjà décidé qu’elle le lui vendrait. Elle n’avait pas d’autres acquéreurs et de toute façon, ne souhaitait pas vraiment le proposer à d’autres. Lorenzo repartirait avec cette dernière selon un prix que Neith comptait bien faire gonfler. C’était d’ailleurs aussi cette partie qu’elle appréciait sans doute dans son travail.
Sortant la paire de gant sans rien dire, elle les tendit à l’italien. Si elle ne fut pas surprise de sa question, Neith l’observa prendre le bijou pour le tester.
« Bien sûr. Un médium est venu expressément et a attesté. Je n’ai cependant pas fait de tests personnellement. » lui adressa-t-elle un sourire en coin.
Elle aurait pu en réalité. En fait, la seule personne à qui elle pensait et qui aurait grandement apprécié le test aurait été son père. Après tout, quand bien même Tarek n’était plus le directeur ici, cette bague pouvait lui être utile. Elle avait déjà suffisamment échangé avec son père sur le sujet pour savoir qu’il avait été emballé par son acquisition, discussions qui s’étaient écoulées longuement jusqu’à pas d’heures. Mais elle avait préféré ne pas la sortir d’ici.
« Quant au compartiment en question, vous permettez que je vous montre ? » dit-elle sans vraiment attendre de réponse.
Doucement, elle vient effleurer l’un des serpents qui ornait la bague et celui-ci se déplaça. Le rubis disparut pour laisser la place à un petit vide. Elle répéta la même opération pour que le rubis revienne. Puis, elle le laissa manœuvrer s’il le souhaitait, reposant un regard calme sur l’homme en face d’elle.

« J’aime à croire qu’il l’aimait oui. Quel homme offrirait à une femme un objet capable de lui prévenir pour la voir venir les complots qui pourraient la tuer ? » souffla-t-elle en posant un regard fasciné sur l’objet qui se trouve sur la main de Lorenzo.
Définitivement un homme amoureux.
Cette avait été chanceuse. Neith aimait croire également qu’elle l’avait aimé. Si elle aimait croire que parfois l’amour s’en allait pour se transformer, il semblerait que les légendes racontent que cette femme l’avait gardée jusqu’au bout. Qu’elle fut volée, récupérée ou rachetée ne changeait rien au mythe et ne le rendait pas moins plus beau. Peut-être parce qu’il y avait un romantisme tout romanesque également dans cette histoire. Que cette femme eut fait cela parce qu’il s’agissait là sa seule façon d’avoir son pouvoir ou parce qu’elle n’avait pas eu le choix, le fait était que cet objet était à présent entre leurs mains. Plus précisément, sur celle de Lorenzo dans cette pièce à ce moment précis.
Elle ne se rend pas réellement compte de la proximité ou si elle en a conscience, elle n’en laisse rien paraitre. Aussi paradoxal que pouvait être son comportement, parfois, elle avait ici l’avantage du terrain et de la sécurité ce qui la rendait confiante. Mais elle sent également sa proximité au moment où elle actionne les serpents. Peut-être s’agit-il d’un test pour elle-même plus que pour lui. Ce n’est qu’un tout petit pas, mais suffisamment pour qu’elle se rende compte de certaines choses sur elle-même.
Si elle décale, elle reprend une position moins rigide qu’auparavant inconsciemment. Totalement tournée vers l’homme, elle note que leurs doigts se frôlent dans leurs mouvements mais elle ne sent rien d’autre que le tissu des gants. Il s’ôte la bague, s’ôte les gants et demande un prix.
Neith sourit mais ne répond pas tout de suite. Elle se contente de replacer la bague précautionneusement à sa place, puis range les gants et enfin fit signe à Lorenzo de la suivre.
Ils repassent par la porte et elle réactionne les sortilèges avant de le faire passer par d’autres portes pour arriver vers un bureau, celui qu’elle a avec ses clients. L’autre plus personnel et qui a sans doute des affaires plus sensibles est à un autre endroit de l’hôtel particulier. Neith ne garde pas tous ses œufs dans le même panier.
Ce bureau est lumineux et d’immenses fenêtres donnent sur une des cours de l’hôtel particulier. Les tons sont chauds et derrière le grand bureau en bois sombre, une sorte de bibliothèques avec livres et bibelots de plusieurs cultures se trouvent. Le bureau est parfaitement rangé, trahissant sans doute la maniaquerie de sa propriétaire, un paquet de lettre parfaitement rangé, et par ordre alphabétique et de dates pour celui ou celle qui s’y pencherait. Le coin des canapés et fauteuils en cuir a également sur une petite table en style arabe une théière et des tasses avec des gâteaux arabes sur un petit plateau. Un meuble dans le coin possède également des alcools.
« 2100* gallions est le prix que je l’ai estimée. » dit-elle enfin. En réalité, elle avait également une marge sur le prix d’achat qu’elle avait bien réussi à négocier.  « Vous aurez bien sûr comme toujours un certificat d’authenticité et les maintenances qui s’appliquent avec. » Ce qui était évidemment le service qu’elle offrait à chaque fois. La bague pouvait être ramenée pour être entretenue spécifiquement. Des experts pouvaient également s’en occuper dans le cas où elle serait endommagée. Sans compter également l’assurance qui allait avec en cas de vol.
Invitant l’homme à s’asseoir, elle finit par demander :
« Souhaitez-vous boire quelque chose ? » Elle lui propose ensuite l’alcool qu’il boit habituellement lorsqu’ils trinquent ensemble quand ils contractent une vente ici même. Neith n’est pas du genre à oublier ce genre de détail de ses clients les plus précieux et Lorenzo en fait partie.
Elle, comme toujours lorsqu’elle travaille, ne prendra pas d’alcool. Le thé est suffisant.
Attendant sa réponse, elle le sert sans magie cette fois-ci, mettant un point d’honneur à le faire à la main. Délicatement, elle se penche pour lui mettre son verre sur la table et se sert ensuite son thé. Enfin, elle s’assit en face de lui et croise les jambes sous sa robe avant de le fixer sans aucune gène, consciente qu’à présent, ils négociaient.

Un whisky sans qu’elle n’en soit surprise. Il fut servi comme il se devait. Finalement, assise en face de lui, Neith est sereine et calme et continue à fixer son visage agréable. Intérieurement, elle est concentrée pour maitriser ses micro-expressions. Elle pense également. Elle pense qu’elle peut comprendre ce qui fascine tant chez Lorenzo et pourquoi tant de dames nobles ou moins nobles se sont retrouvés dans ses filets. Il a la prestance mais aussi ce magnétisme assuré et masculin. Quelque chose aussi de dangereux, il faut bien l’admettre. Le genre d’homme qui prend les cœurs et finit par les écraser volontairement ou involontairement. Mais qu’était-ce le pire ? Que ce soit volontaire en toute connaissance de cause ou involontaire par maladresse et erreur pourtant ô combien assumée. C’est tentant de jouer avec lui, même si Neith savait qu’elle ne perdait pas ses objectifs. Rien ne la faisait perdre le nord après tout.
« La somme d’un amour vieux de centaines d’années. » intervint-elle, un sourire couvrant ses lèvres.
Parce que l’histoire faisait effectivement aussi partie du prix, elle ne le niait pas. Ces moments sont les meilleurs. L’objectif, lui avait dit son père, était de laisser croire à l’autre qu’il s’en sortait avec une bonne affaire tout en retombant sur ses pieds pour faire une marge intéressante. Et elle, elle faisait toujours l’analogie que c’était comme une danse à deux où le cavalier devait s’adapter au rythme de l’autre pour passer un agréable moment. En l’occurrence, elle aimait danser avec Lorenzo et il était le cavalier présentement. Quant à l’argent, Neith n’a aucun souci à en parler, contrairement aux français où elle avait rapidement compris que c’était le cas. Mais ce qui rendait cet échange intéressant était que Lorenzo n’était pas français. Il avait donc un autre rapport à l’argent.
Elle voit la note de sérieux dans son regard, se demande si c’est toujours comme cela lorsqu’il négocie quelque chose. Quand enfin il annonce un prix moindre, elle n’est pas surprise, aurait été déçue du contraire. Il n’a pas tort. Aucun Orsini pour la réclamer mais quelque part, en la vendant à Lorenzo, c’est aux Médicis qu’elle le donne, donc à l’Italie qu’elle la rendait. Il y avait quelque chose d’extrêmement satisfaisant d’être quelque part une robin des bois riche qui redonnait des trésors nationaux aux pays concernés, même si ce n’était pas réellement ce qui la faisait se lever tous les matins et aimer son travail. L’argent, l’argent était déjà une très grande motivation en soit et Neith ne s’en cachait pas. Si elle pouvait faire preuve de morale au passage, c’était tout gagné.
Elle répondit à son sourire en coin à sa dernière phrase, amusée et ne pouvant s’empêcher de penser au double sens. Dans sa tête, pourtant, ses rouages se mettent en marche et elle finit par répondre :
« Deux milles gallions*, vous partez avec ce jour et nous pouvons peut-être négocier pour un autre objet en exclusivité ? »
Elle réfléchit un court instant avant de rajouter.
« A moins qu’autre chose trouverait grâce à vos yeux pour terminer cette offre ? En lien ou non avec ici. »
Pourquoi pas ? Neith était joueuse et la présence de Lorenzo était loin d’être désagréable. Pour une fois et parce qu’elle avait l’habitude de traiter avec lui, elle se sentait en confiance pour amener ce terrain de jeu ailleurs.

Sois prudente, s’entend-t-elle penser, sage décision pour elle-même. Elle le sait, elle rentre sur un terrain miné. Mais l’affaire est proche d’être conclue et elle aime la beauté du jeu, surtout quand il est aussi charmant que Lorenzo de Medici. Neith sait pourtant qu’elle doit faire attention. Elle n’oublie pas ses liens à elle, les liens de Lorenzo qu’elle connait et l’image, toujours l’image. Mais elle se rend compte qu’elle arrive à un moment de sa vie où elle a envie de se laisser séduire. Il est temps. Elle est prête. Cela ne voulait cependant pas dire qu’elle irait yeux fermés ou qu’elle commettrait des erreurs. Elle était trop paranoïaque pour cela et elle était du genre à arrêter si elle voyait que les choses dérapaient. Ses priorités étaient claires dans sa tête. Mais elle pouvait aussi s’amuser un peu et tenter de sortir de cet ennui qui devenait de plus en plus présent dans sa vie.
Et puis, elle peut faire marche arrière quand elle veut. Elle a toujours pu faire marche ailleurs quand elle voulait se laissant toujours un plan de secours quitte à abandonner les autres dans leurs problèmes quand cela ne concernait pas sa famille.
Pousser les autres sous les sabots des abraxans pour ensuite pouvoir traverser la route tranquillement.
Comme elle s’y attendait, il baissa le prix de 50 gallions et fit durer le suspens. Elle admet être curieuse de savoir ce qui se passe dans sa tête à ce moment-là mais reste avec un sourire en coin et ne le presse pas.
Enfin, il prononce les derniers mots. Un dîner. C’était tout à fait dans ses cordes et si on y mettait 50 gallions ils auraient droit à un bon restaurant après tout. Mais effectivement, elle avait toujours été discrète dans certaines de ses relations, surtout affectives et ce n’était pas aujourd’hui qu’elle se montrerait téméraire là-dessus.
Gardant le silence un court instant pour réfléchir, elle approcha son thé à ses lèvres qu’elle but. Il était encore chaud mais elle avait l’habitude de le boire brûlant. Puis, enfin, quand elle s’est décidée, elle reprit sans quitter l’homme du regard :
« Dix neuf mille cinq cent et un dîner ensemble discret et sans personne d’autre autour de nous. » Elle marque une pause. « Et un restaurant qui n’est pas italien, même si j’apprécie beaucoup cette cuisine. Je vous laisse le choix du restaurant. » Elle avait simplement envie de manger autre chose avec un italien. Ils seraient déjà dans un environnement que lui aura choisi, elle peut choisir de spécifier ce qu’elle ne voulait pas manger.
D’ailleurs, elle ne lui laisse pas le choix, ne pose pas de question pour le faire participer à cette partie des négociations. C’était à prendre ou à laisser. Neith reposa sa tasse et lève la main pour la tendre au Medici, attendant qu’il en fasse de même pour sceller leur accord ou non.

Les conditions semblent plaire à l’homme dont les pattes doigts montrant son contentement. Et quand bien même pourrait-il se sentir vexé qu’elle préfère l’emmener sur un autre terrain culinaire que celui qu’il a dans le sang, elle devine que ce n’est pas le cas. Elle, cela l’amuse plus qu’autre chose autant que cela la perturbe. Pas lui, pas directement. Mais c’est surtout la réalisation que cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas eu de dîner avec un homme qui n’était pas son frère, ni son père, ni son ancienne belle-famille ou encore son enfant et que surtout cela soit moins formel que tous les autres dîners qu’elle avait eus dernièrement et qui tournaient soit autour du travail, soit autour de l’Aube. Quelque chose lui disait qu’avec Lorenzo, ils allaient dépasser une frontière qu’ils avaient instaurée, et cela faisait longtemps pour Neith qui ne pouvait s’empêcher de se sentir rouillée…. Et qui décidé de mettre ces états d’esprit à plus tard.
Lorsqu’il évoqua les journaux, Neith eut un sourire. Lorenzo était un homme à scandale. Elle, elle était en apparence irréprochable, tenant beaucoup trop à son image même si elle avait eu ses aventures. Mais le monde est toujours plus dur avec les femmes et si rumeur il y avait, infondée en l’état, le simple dîner pourrait suffire à elle l’écorcher. Elle se doutait en revanche qu’elle pouvait activer les leviers dont elle disposait. Avoir été la femme d’un Lestrange, être la mère de l’un d’entre eux et continuer d’entretenir de bons rapports avec ces derniers la classait dans une sorte d’immunité bienvenue. Pourtant, Neith préférait ne pas utiliser cette carte, par respect pour son ancienne belle famille, par envie de ne pas avoir de dettes également. Ainsi était-il mieux, pour elle et pour lui, de faire en sorte que tout soit le plus discret possible. Certaines affaires doivent se faire dans l’intimité de deux personnes. Parfois, les meilleurs commerces se font entre deux yeux.
Enfin presque, parce qu’elle n’oubliait pas son garde du corps qui était tenu au secret.
« C’est parfait. » répondit-elle avec un sourire simple pour la proposition du restaurant français.
La mention d’Antonio ne la surprend pas. Elle a l’habitude de traiter avec lui après les entrevues avec Lorenzo. Elle savait qu’il était l’avocat de Lorenzo et quelqu’un qui semblait bien travailler, qui la payait en temps et en heure. Elle n’avait pas besoin de savoir plus.
« Antonio peut passer quand il le peut, et en liquidité, cela me convient également. »
Puis, serpentine, Neith se lève et tend la main à Lorenzo, un sourire plus grand aux lèvres, mais pas moins commercial comme lorsqu’elle concluait un deal.
« C’est toujours un plaisir de traiter avec vous, Don Medici.* » Elle prit le soin de serrer sa main d’une poignée ferme. « Je vous raccompagne ? » Ce qu’elle fit comme à l’accoutumée.