[TERMINÉ] Permet moi d'effleurer un rêve inatteignable

Permet moi d'effleurer un rêve inatteignable

✻ Feat @Tatiana du Cirque

08 Septembre 1927 • Faubourg Saint-Honoré

Pour lui, parcourir le jardin d’hiver a toujours été un moment de relaxation. Contempler les prodiges de la nature, être témoin du miracle de la lente croissance des végétaux, de la beauté des formes et des couleurs, s’imprégner de la puissante odeur de sous-bois, de terre et d’humidité tiède, même au cœur des frimas. Peu importe le moment de l’année par ailleurs, car on a l’impression vague d’entrer chaque fois dans un autre monde, une parcelle d’ailleurs transportée à Paris. Ici, en fermant les yeux et en tendant l’oreille, on peut tout oublier de la vie grouillante dans cette métropole du vieux monde, ne penser à rien si ce n’est les rêveries inspirées par le décor verdoyant et coloré. Plus jeune, il vint même pratiquer ici, pour bénéficier de l’acoustique curieuse des lieux.

Mais si pour lui ce lieu inspire tant de tendres souvenirs, Tatiana, en dépit de son enthousiasme, semble plus mitigée. Alors qu’il se penche pour venir observer l’une des tortues endémiques à la serre, la voix délicate de la jeune femme lui fait tourner la tête et abandonner l’étude du réptile au profit de son profile. Psychée débordante de questions, au fur et à mesure qu’elle se livre, Auguste n’en demeure pas moins muet, ne souhaitant pas l'encombrer dans son élan, tout douloureux qu’il puisse s’avérer. Il se redressa, puis vint posément s’asseoir sur le banc à ses côtés, l’observant sans rien dire de plus que précédemment où elle décida de se refermer, le laissant pensif et soucieux. Mais peut-être serait-ce plus juste de lui laisser le temps de se reprendre avant de revenir à ces nombreuses révélations étranges.

Oui, cela lui semble définitivement être une meilleure décision. Qu’elle puisse avoir un peu de temps pour pleinement filtrer ce qui vient de se passer, quoi que cela soit. Une paire de minutes, au moins. Elle n’a cependant pas tort sur un point et c’est le roulis d’émotivité qu’elle lui cause depuis le début. L’accepter lui donne d’ailleurs envie de fumer et s’il se retient, ses doigts n’en fourmillent pas moins. Plus tard, peut-être, dehors et seul, une fois qu’il l’aura faite raccompagnée, ou qu’il l’aura raccompagnée lui-même.

“Je pense que vous l’avez déjà deviné, mais je souhaiterais être votre mécène. Vos prestations me plaisent et vous avez une voix magnifique, sans compter votre capacité à adopter un autre idiome. Je suis curieux de voir ce que vous pourriez faire, si vous n’aviez plus à vous soucier de rien d’autre que de vos compétences et vos représentations.”

Hors, c’est justement cela qu’il ne souhaite pas ébruiter en discutant au sein même du cirque. Ces petites scènes se trouveront bien assez vite trop étriquées pour elle, et entre les fonds qu’il compte employer pour elle, et les opportunités qu’il veut lui offrir, Auguste a conscience que bien des jalousies risquent de s’alimenter, sans même parler de ceux prêts à abuser des facilités dont Tatiana peut profiter. Évidemment, même le plus sot des ouvriers peut être fouineur pour repérer l’odeur de l’argent, sans parler des visites et des présents. Cela se verra… Mais une chose à la fois.

“Si cela vous intéresse, nous pouvons discuter quelque peu des clauses, tenants et aboutissants. Et s’il y a quelqu’un au cirque auprès de qui vous vous sentez à votre aise, en qui vous avez confiance, vous pourrez lui soumettre la chose afin d’avoir un avis extérieur.”

Davantage pour la rassurer, sans aucun doute, que dans une intention purement pragmatique, puisqu’il escompte faire coucher le contrat sur papier par un professionnel. Que ce soit pour Tatiana ou pour lui, cela garantira la sécurité de leur relation ainsi que la justesse des droits et devoirs dévolus aux deux partis, sans même parler, dans son cas, de la tenue des comptes qui demande à être absolument impeccable en tout temps. Et bien entendu, cela lui permettra de punir sévèrement quiconque abuserait des avantages de Tatiana à l’avenir, car il n’est définitivement pas assez naïf pour croire que tout se passera sans accrocs. Mais ce sont certainement des mots qui effraient sans distinction, loi, contrat, juriste… Or il ne désire pas l’intimider elle, pas plus que ce n’est déjà fait.

“Savez-vous comment se déroule un mécénat ? Dans le détails, j’entends. J’imagine bien que le principe vous est connu. Sinon, je peux vous l’expliquer, à vous de me le dire.”

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Permet moi d'effleurer un rêve inatteignable

✻ Feat @Auguste Lestrange

08 Septembre 1927 • Faubourg Saint-Honoré

Elle l’observait sans ciller. Lui et les tortues qu’elle n’avait pas remarqué jusque là. Et ils se ressemblaient, tous deux parés d’une solide carapace. Après tout, jamais le sorcier n’avait réellement baissé sa garde en sa présence, ce que beaucoup d’hommes avaient tendance à faire naturellement tant elle leur paraissait inoffensive et délicate. Mais pas Auguste Lestrange. Il y avait chez lui un quelque chose d’étouffé, une nature muselée avec tellement de soin et d’habitude, qu’elle en paraissait presque… naturelle, aussi absurde cela puisse-t-il paraître. Un mur dressé à la face du monde entier et peut-être même de lui-même, oublié avec le temps. Effacé par l’usage et pourtant toujours là. Inaccessible.

C’était l’image qu’elle percevait de cet homme, dans le silence d’une serre hivernale. Ils ne se côtoyaient que depuis une heure, peut-être deux si elle voulait être généreuse. Mais Tatiana sentait confusément la sensibilité et la générosité d’Auguste sous ses airs réservés et ses expressions impavides. Comme la tortue ; elle l’effleurait du bout des doigts, mais à chaque fois qu’elle pensait trouver une faille ? Il se rétractait. Sans violence. Sans grossièreté. Et c’était peut-être ça qui lui donnait une telle impression de solitude et de souffrance ; tout était drapé d’une telle dignité ! Mais la circassienne n’avait pour elle que ces impressions diffuses et aucun droit de les exprimer. Ils ne se connaissaient pas, après tout.

“- Vous désirez me sortir du Cirque.” Synthétisa-t-elle d’une voix douce. “Pour m’emmener où, monsieur Lestrange ?”

Elle penchait légèrement la tête sur le côté, curieuse et interrogatrice, boucles sombres cascadant de ses fines épaules. Ainsi blottie entre l’accoudoir et le dossier du banc, elle ressemblait à son animagus ; petite, frêle et isolée. Elle n’insista cependant pas et se contenta d’écouter la suite, consciente qu’ils y reviendraient en temps et en heure. L’homme semblait familier avec tout ce process, il ne laisserait rien passer. Elle pouvait lui faire confiance et se contenta dès lors d’aller à son rythme.

Les compliments sur ses prestations n’avaient pas manqué, d’ailleurs, de la faire légèrement rougir. Elle n’en recevait pas beaucoup habituellement.

“- Merci.” Souffla-t-elle.

Des remerciement pour sa prévenance et ses efforts pour la mettre ainsi à l’aise. Ses cils frémirent alors qu’elle refoulait des larmes de soulagement à avoir été approchée par un être aussi bien éduqué et prévenant. Que serait-elle devenue dans le cas contraire ? Elle n’osa y réfléchir de peur de perdre le peu de couleur qui lui était revenu. Lentement, Tatiana sembla plus confortable dans ce cadre confondant de familiarité et pourtant totalement étranger. Au terme des explications d’Auguste, elle en vint à se déplier de sa position jusqu’à s’asseoir convenablement à ses côtés. D’un geste distrait, elle lissa le devant de sa robe avant de répondre :

“- Il y a ma mère adoptive. Je suis certaine qu’elle n’y verra pas d’inconvénients. Elle a toujours su respecter mes choix, même lorsque j’ai demandé à quitter Beaubâtons après mon premier diplôme.”

Ses yeux cherchèrent les siens, craintifs d’y lire de la désapprobation ou encore une certaine forme de déception. Elle n’était certainement pas aussi lettrée que certains le souhaitaient, mais elle avait continué elle-même ses études dans les librairies et les bibliothèques d’Europe, ainsi qu’auprès de sa mère adoptive et des autres adultes du Cirque. Elle enchaîna rapidement, ne désirant pas voir le sujet abordé tout de suite :

“- Je connais les principes dans les grandes lignes. Une de mes plus proches amies est elle-même engagée auprès d’un bienfaiteur et elle m’a expliqué deux-trois choses. Mais puisque vous n’êtes pas son mécène, je présume que vous avez votre propre lot de règles et d’attentes, n’est-ce pas ?”

Elle glissa une mèche derrière son oreille, de nouveau curieuse et attentive. A n’en pas douter, une fois que toute cette soirée sera finie ; elle allait dormir comme une bûche. Cette montagne russe d’émotions était en train de drainer toute son énergie. La promesse d’un bon repas et d’un avenir meilleur, toutefois, l’aidaient grandement à ne pas papillonner de fatigue.

“- Expliquez-moi votre version du mécénat, s’il vous plaît.” Demanda-t-elle avec ferveur.

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✻ Feat @Tatiana du Cirque

08 Septembre 1927 • Faubourg Saint-Honoré

Il nota avec un bref instant d’amusement que si Tatiana est capable d’user de son sourire comme d’une armure, elle semble également retranscrire physiquement une partie de son humeur ou de ses pensées. Il ne compte pas le lui signaler, cependant, ne désirant pas la voir sur ses gardes plus qu’il n’est nécessaire. A la place, il prend bonne note de la mère adoptive que Tatiana mentionne, une femme qu’il devra sans doute rencontrer avant de trancher les liens de la jeune femme avec le cirque, par pur esprit de correction. Tatiana ne la nommerait sans doute pas sa mère adoptive si elle n’en est pas proche et connaître les individus ayant eu une influence sur elle lui sera toujours utile, en tant que mécène. Il opine donc posément, sans émettre de jugement lorsqu’elle énonce les courtes études dont elle a bénéficié.

Elle ne lui laisse guère l’occasion de disserter s’il en eut le désir, quoi qu’il en soit, et sans doute est-ce mieux ainsi. Il l’a sans doute suffisamment vexé pour une soirée, même involontairement. Alors il s’attache avant tout aux explications qu’il peut lui offrir, pour qu’elle ait la meilleure vision possible de ce que représente son offre.

“Le principe du mécénat est théoriquement simple. Le mécène aide financièrement un artiste de son choix afin que celui-ci puisse se consacrer à son art sans avoir à se soucier des impondérables de la vie. En règle générale, est établie dans le contrat si l’artiste se produit de façon exclusive pour son mécène ou non, et si l’artiste peut, ou non, avoir plusieurs sources de revenus par mécénat. Usuellement, il s’agit de dons unilatéraux, sans rien obtenir en retour, mais dans les faits, ce n’est pas toujours le cas.”

Ainsi, tel qu’il l’a énoncé, le principe en est des plus simples.

“Dans notre situation spécifique, je ne vous demanderais pas de vous produire exclusivement pour moi, mais de me laisser décider des lieux et des conditions de vos productions, et je souhaite être votre seul mécène. Je vais vous fournir un appartement, que vous pourrez considérer comme votre au bout d’un certain temps et je compte engager des professeurs afin de vous fournir une formation en étiquette, mais aussi vous donner l’occasion d’améliorer encore vos compétences et de les diversifier. Je prendrai en charge vos besoins, et vous, vous consacrerez à votre nouvelle carrière.”

Et à juste titre, elle se demandera certainement les écueils que peut représenter cette présentation succincte. C’est du moins ce qu’Auguste imagine et il ne peut qu’approuver. D’un regard, il cherche à jauger son état, tant physique qu’émotionnel, tel qu’elle lui a semblé l’afficher.

“Si vous avez des questions, je peux y répondre avec davantage de précisions. Mais c’est en tout cas mon idée de l’accord que je souhaite vous offrir. Est-ce que cela correspond à vos propres expériences sur la question ? A ce que votre amie a pu vous confier de son propre mécénat ?”

Il est curieux, naturellement, ne désirant pas clamer plus que nécessaire qu’il ne mécène personne en règle générale, et que Tatiana est la première auprès de qui il fait une telle offre. Camille en a fait une activité à plein temps ou peu s’en faut, mais lui ? S’il apprécie l’art, il ne s’est jamais vu, auparavant, présider aux réalisations de qui que ce soit. Avec Tatiana, cependant, il ne s’agit pas simplement d’offrir une sécurité et de s’installer pour profiter. Peut-être est-ce pour cela, parce que son potentiel n’est pas encore réalisé, et qu’il faut le travailler. A croire qu’il est vraiment un bourreau d’ouvrage jusque dans ses passe-temps.

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✻ Feat @Auguste Lestrange

08 Septembre 1927 • Faubourg Saint-Honoré

Le sujet pouvait être un peu difficile à appréhender dans toute sa complexe horlogerie juridique, mais heureusement pour Tatiana, ce n'était pas le cas et pour plusieurs raisons. Déjà, ils l'abordaient dans un environnement des plus enchanteurs. La cascade produisait un bruit blanc avec son bruissement liquide discontinué alors que la végétation les entourait d'un parfum de fleurs tropicales et de terre à l'humus riche et prégnant.

L'oiselle devait se faire violence pour ne pas retirer ses souliers et s'installer en tailleur dans son coin du banc ou bien aller tremper les pieds dans l'eau tiède et taquiner autant les carpes que les tortues qui s'y prélassaient. Il était hors de question qu'Auguste perde pour elle le peu d'estime qu'il devait lui porter en s'en allant agir comme une sauvageonne. Mais elle jalousait les animaux qui profitaient H24 d'un tel environnement ! Elle rêvait déjà de pouvoir revenir ici bientôt.

Outre le cadre végétal qui lui permettait d'être dans le bon état d'esprit pour sa leçon sur le mécénat, ce qui l'aidait réellement c'était les explications du sorcier. Elles étaient d'une clarté déconcertante. Tatiana se surprenait à comprendre chaque détail sans avoir à se le faire répéter et surtout... Surtout, elle adorait ce qu'elle entendait ! La sécurité que la relation offrait, les débouchés sociaux comme professionnels, mais aussi la méticulosité d'Auguste ; tous étaient autant de facteurs qui l'enchantaient.

Et la joie transpirait jusque dans sa posture. La jeune femme avait certes les mains sagement rangées dans son giron, avec le dos droit et les épaules balancées vers l'arrière, mais elle posait sur Auguste des yeux bien éveillés et attentifs. L'azure scintillait dans la pénombre de ses longs cils fournis, chargé de curiosité et d'intérêt sincère. Elle se mordillait par instant la lèvre inférieure pour retenir un grand sourire de lui venir naturellement. Elle essayait visiblement d'avoir l'air professionnelle et composée.

Elle prit une profonde inspiration lorsqu'elle fut certaine que son interlocuteur ait terminé de parler. Sa tête bourdonnait un peu et Tatiana voulait être sûr et certaine de ne pas se tromper dans les intentions ou les propos d'Auguste. D'une voix douce, sans quitter son regard du sien, elle commença :

“- Je vais me permettre de résumer de la façon dont je l'ai compris afin que nous soyons certain d'être sur le même plan. D'accord ?” Une légère pause, avant de reprendre en comptant les différents points abordés sur ses doigts : “Vous acceptez que je me produise pour un public autre que vous, mais à la condition que ce soit dans une liste pré-établie d'établissements ou de familles, salons privés, etc. acceptés par vos soins. Je n'aurais pas le droit d'accepter un autre mécène, que ce soit pour une longue durée ou même une seule instance."

Elle bloqua une seconde alors qu'elle allait entamer un autre point de sa liste et l'observa avec de grands yeux ronds. Elle n'en revenait tout simplement pas quand elle réalisa enfin l'énormité du don qu'Auguste s'apprêtait à faire pour s'assurer de l'avoir comme protégée. Tatiana lui attrapa la main des siennes et serra de toutes ses forces, des étoiles pleins les yeux et les joues rosées d'embarras, mais aussi d'excitation.

"- Vous allez réellement me prêter un appartement ?! Pour moi toute seule ? Et qu'est-ce que vous voulez dire quand vous me sortez qu'il sera mien au bout d'un certain temps ?! Je serais propriétaire ?! A PARIS !!!? Gasp..."

Elle pinça les lèvres quand elle réalisa qu'elle venait de hausser le ton, puis se mit à rougir en voyant qu'elle tenait la main d'un homme. Tatiana le relâcha et détourna la tête, pivoine jusqu'à la pointe des oreilles. Elle se râcla délicatement la gorge et repris en tâchant d'ignorer les battements de son coeur :

"- Il faudra que l'on... Hm... D-détermine exactement combien de bézants vaut cet appartement et un montant mensuel b-basé sur... je ne sais pas ; combien de bézants je pourrais usuellement faire lors de mes prestations sous votre protection ou bien un système de points de fidélité sur la base de notre contrat..."

Tatiana joua doucement avec les pompons de son châle russe, encore un peu désorientée par l'idée même d'avoir un endroit pour elle. Avec des murs isolés, un vrai lit, de quoi se chauffer chaque hiver et sûrement une concierge pour filtrer les visiteurs si c'était un immeuble pour jeunes filles. Elle aurait avec un peu de chance une baignoire et de l'eau chaude à la demande... Elle s'ébroua toutefois mentalement, n'ayant pas le temps de se perdre en rêveries avant de continuer d'une voix qui se voulait normale :

"- Poursuivons ! J'aurais donc un emploi du temps digne de Beauxbâtons pour perfectionner mes compétences et en peaufiner de nouvelles, obtenir l'étiquette qui me fait présentement défaut... Mais quand vous dites mes "besoins", serais-je aussi dépendante sur ma nourriture, mes produits de soins et mes vêtements ? Ou allez-vous m'allouer un budget que j'aurais à gérer seule avec la condition que je devrais vous remettre le compte de mes achats à la fin de chaque mois ?"

Revenir à un sujet plus pragmatique l'aida à retrouver son calme et Tatiana s'éventa un peu les joues de ses mains, essayant de faire partir plus vite ses rougeurs. Elle avait toutefois, au creux du ventre, encore des petits papillons.

"- Je suis plutôt frugale, comme femme. Ma vie jusqu'à présent ne m'a pas réellement encouragée à être dépensière, mais même moi je ne peux pas prévoir ce qu'une soudaine hausse de qualité de vie pourrait me pousser à faire comme folies... J'ai peur de soit me faire arnaquer et me ridiculiser, soit trop dépenser dans une fièvre incontrôlable."

Tatiana gloussa un peu dans le creux de sa main, les yeux plissés du sourire qu'elle tentait de dissimuler.

"- Votre approche est si différente de celle de mon amie ! Je crois me souvenir que son mécène ne lui procure qu'une certaine somme pour qu'elle investisse dans ses pamphlets et s'achète des sources d'informations ou des entrées dans quelques événements qui pourraient l'aider... sans trop surveiller autre chose de ses activités ou de ses fréquentations. Mais c'est l'état actuel de leur relation, car je crois qu'ils se connaissent depuis de nombreuses années maintenant."

Elle leva sur Auguste un regard clair et honnête quand elle ajouta :

"- Qui sait ? Peut-être qu'un jour nous aussi nous achèverons ce genre de relation ! Qu'en pensez-vous ?"

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Permet moi d'effleurer un rêve inatteignable

✻ Feat @Tatiana du Cirque

08 Septembre 1927 • Faubourg Saint-Honoré

En toute objectivité, peu de femmes sont usuellement aussi ravies qu’il ait quoi que ce soit à leur annoncer. Aussi, voir le pâle minois de Titania s’éclairer ainsi lui apporte une certaine forme de satisfaction, sainement tempérée par ses constants questionnements personnels. Il ne cherche, après tout, pas un faire-valoir, mais bel et bien à investir dans une carrière prometteuse. Contrairement à quelqu’un comme Camille Delacour, Auguste cherche bel et bien un retour sur investissement, dans ce mécénat. Il n’est simplement ni monétaire, ni purement physique ou passionnel. Nonobstant, elle a enfin de compte un très joli sourire. Il lui servira certainement pour gagner le cœur de son public à l’avenir.

“Bien entendu, n’hésitez pas.”

Est-ce qu’il se montre trop restrictif dans sa manière d’aborder les choses ? Non… Il faut tout de même remettre les choses à leur juste place ! C’est une jeune femme sans la moindre expérience du beau monde ou de la vie comme indépendante, il vaut bien mieux qu’il ait son mot à dire tant qu’elle n’aura pas vécu dans ces cercles pendant plusieurs années et développé les contactes nécessaires à assurer sa sécurité. Et puis, hors de question que Tatiana se comporte comme Léandro. Merlin soit remercié, la jeune femme lui a déjà prouvé avoir bien plus les pieds sur terre que cet olibrius d’italien, avec moins de la moitié de son âge !

Perdu dans ses considérations, Auguste se raidit légèrement lorsqu’elle lui prit la main, clignant des yeux en l’observant avec une prudence curiosité. Fort heureusement, il lui suffit de la voir rayonner pour comprendre qu’il ne s’agit sans doute pas d’autre chose qu’un débordement dû à l’enthousiasme. Beaucoup plus sobre que sa jeune invitée, il opine légèrement du chef, avant de se reprendre et de préciser :

“Je pense qu’il est important de vous donner l’occasion d’acquérir le bien.”

Enfin relâché, mais cette fois plus amusé que méfiant, Auguste haussa un sourcil taquin.

“Nous pourrons voir cela en temps voulu. J’indiquerais l’offre que je vous ai faite dans notre contrat initial et lorsque vous aurez pris en assurance et en célébrité, nous en établirons un séparément spécialement pour les modalités d’acquisition du bien. Pour l’heure je ne sais même pas encore où je vais vous installer.”

Ce n’est pas parce qu’il a les moyens de s’offrir presque n’importe quel bien immobilier sur Paris qu’il lui faut le faire dans la précipitation. Les siens ont toujours montré beaucoup de prudence dans la tenue de leurs affaires, ce n’est pas pour rien. Et bien sûr, il espère inculquer la même prudence à sa future protégée. En outre, effectivement, s’occuper de lui trouver un lieu adéquat sera certainement une entreprise intéressante, s’il ne la délègue pas. Sans doute ne doit-il pas la déléguer, après tout, ne doit-il pas se trouver d’autres occupations que son seul travail ? Il entend encore les grincements de Léonore au sujet de son incapacité à déléguer.

Il fut contraint de se faire violence pour que ses pensées ne dérivent pas de nouveau. Il fatigue, c’est certain. Sa santé n’est pas le moins du monde rétablie. Mais hors de question de couper court après avoir joué des pieds et des mains pour en arriver là ! Fort heureusement, les questions et les points d’intérêts de Tatiana font partie de ceux qui ne représentent pas un défi pour lui. Il se retient pourtant de répondre quand il la voit en rajouter et se rembrunit. Son regard la détaille, cherchant un indice sur ce qu’elle a réellement en tête avec une telle affirmation. Mais il n’a pas réellement ses codes, et ne peut que s’avouer dans une impasse.

Ne souhaitant pas pour autant la vexer d’un silence, il choisit la franchise.

“Peut-être” fit-il tout d’abord, rapidement suivit par la nuance “Mais je ne suis pas certain de savoir ce que vous entendez pas là. Vous voyez l’attitude du mécène de votre amie comme une preuve de confiance ?”

Il en mettrait sa main à couper. Confiance… Voilà bien un mot depuis longtemps souillé à ses yeux, mais jamais autant que depuis quelque temps. Tout le monde lui demande de faire confiance, tout le monde réclame à grand cri. Pas elle, sans doute, elle qui semble vouloir donner du temps au temps sur le sujet, mais Auguste est incapable de réprimer une réaction de bête blessée à cette mention.

“Je ne suis pas certain de voir son attitude comme une marque de confiance, personnellement. Ou bien votre amie se produit-elle sur une scène plus populaire que celle que je vous destine. Je serais un imbécile de vous lâcher la bride immédiatement, là où je souhaite vous introduire.”

Et il n’a même pas à aborder le sujet de la confiance, pour ça ! Seulement celui du bon sens et de la préservation.

“En l’état, vous aurez un budget qui couvrira nourriture, hygiène et vêtements, ainsi que tout ce qu’une jeune artiste et une jeune femme a besoin. Il sera géré par votre tutrice jusqu’à ce que vous ayez acquis suffisamment d’expérience, par la suite vous serez seule juge. Vous aurez également un pécule pour vos envies plus personnelles, le temps de commencer à gagner votre vie avec vos nouveaux auditeurs et spectateurs.”

Il n’est jamais question de l’infantiliser en la faisant surveiller indéfiniment. Si elle se montre trop sotte pour acquérir les moyens de gérer sa propre vie une fois la bride lâchée, il ne pourra réellement l’aider, mais il n’a pas l’intention, pour autant de la prendre pour une incapable à vie.

“Ce serait le plus raisonnable, selon moi. Est-ce que cela pourra vous convenir également ?”

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Permet moi d'effleurer un rêve inatteignable

✻ Feat @Auguste Lestrange

08 Septembre 1927 • Faubourg Saint-Honoré

Il était aussi étrange que stimulant d'être écoutée, respectée dans ses paroles et plus encore répondue avec patience et compréhension. Augeste Lestrange était un véritable paradoxe aux yeux de la jeune sorcière, car il cochait toutes les cases qu'elle associait à un gentilhomme -voire un prince charmant- sans présenter aucun des défauts que l'on attendait de trouver chez un noble. Même si leur première rencontre était partie du mauvais pieds, ou du mauvais chausson en l’occurrence, ils parvenaient maintenant à discuter les yeux dans les yeux. Sans préjugés. Sans ressentis.

L'entendre accepter ses conditions quant à l'appartement lui arracha un léger sourire, tout habillé de timidité. Ses grands yeux bleus se mouillèrent d'une reconnaissance émue, sans qu'elle n'en souffle mots. Avait-il conscience du cadeau qu'il lui faisait ? Certainement pas. Mais pour elle qui n'avait vécu que dans une roulotte et des lieux communautaires ; il lui offrait un véritable paradis. Un lieu sécurisé et intime où elle pourrait se relaxer et s'épanouir en toute confiance. Tatiana détourna les yeux, cachant le surplus d'émotion qui l'envahissait à cette perspective. Par Merlin ! Elle allait y être sensible pour un long moment.

Son attention se porta une fois de plus sur la cascade et elle reste contemplative, offrant au regard aiguisé du sorcier un profil délicat. Ses traits encore jeunes, sa beauté délicate qui n'a pas encore totalement éclot. Ses lèvres sont pourtant légèrement gercées et son grain de peau n'est pas aussi clair qu'il pourrait l'être à cause de ses pauvres conditions de vie. Les mains qu'elle enfouit dans son châle sont abimées, les doigts marqués de légères cales et les ongles gardés courts.

Quand elle sentit enfin l'insistance de son regard et réalisa qu'un silence s'attardait entre eux après ses dernières paroles, l'oiselle revint sur Auguste et leva sur lui un regard interrogateur où l'inquiétude et la peur flânaient constamment à sa lisière céruléenne. Avait-elle dit quelque chose de travers ? Ce ne serait pas la première fois. Et certainement pas la dernière. Heureusement, il décida de la confronter sur ce qui bloquait entre eux et Tatiana releva les sourcils en une expression un peu surprise, mais surtout pleine d'incompréhension passagère.

Quand il eut terminé, elle resta un moment songeuse avec le bout de ses doigts plaqués à ses lèvres. Ses yeux contemplèrent le visage d'Auguste et s'engorgèrent de sa beauté pleine de noblesse, mais ô combien réservée et sévère. Le gentilhomme qui s'était temporairement relâché dans le Cirque faisait maintenant place à un homme d'affaire et elle comprit qu'il était aussi à son tour de se montrer toute aussi honnête et sérieuse. Cela allait contre sa nature, elle qui préférait se cacher et s'ignorer... mais il s'agissait de son avenir et elle ne pouvait pas tout risquer sur la dernière ligne droite.

“- Monsieur Lestrange, je voulais simplement témoigner par ces mots combien vous m'apportiez de l'espoir et combien je me projetai déjà dans un futur aussi lointain qu'il m'est possible de l'envisager." Elle pencha légèrement la tête sur le côté. "J'étais juste admirative que mon amie ait pu conserver le mécénat de son protecteur pendant si longtemps et je nous souhaitais à tous les deux un même succès."

Tatiana vint couvrir ses épaules du châle qui ne cessait de glisser au creux de ses coudes et soupira légèrement. Ses mots étaient dis sans critique ou acidité, juste peut-être une pointe de douce amertume.

"- Ce que mon amie a avec son mécène, je ne peux que présumer qu'il s'agisse d'une relation étendue depuis des années, voire une bonne décade. Et tout ce que je peux envier, c'est qu'ils en sont venus à une telle symbiose dans leur relation, qu'ils sont capables d'être davantage laxistes sur certains aspects de leur contrat, confiant qu'il n'y aura pas d'abus ou de trahison." Elle secoua doucement la tête de droite et de gauche. "Mais j'avoue que mon exemple était mal choisi, car il n'existe pas de telles notions que la "confiance" lorsqu'il est question d'argent. C'est du moins ce que j'ai appris de ma jeune expérience dans le monde du travail. Même quand on est entre amis ou de la même famille, les comptes doivent être tenus et les échéances toujours respectées." Elle fronça un peu les sourcils en disant cela, très sérieuse sur le sujet.

Mais elle fit rapidement un sourire à Auguste. Un sourire qui n'était pas issu d'un de ses nombreux masques, mais bien de sa véritable personnalité. Elle voulait lui montrer au moins ça ; qu'elle était sincère et à nue dans ses émotions. Et elle n'attendait rien en retour. Il n'avait pas besoin lui aussi de défaire sa garde et elle ne voulait certainement pas qu'il joue d'hypocrisie. Elle faisait simplement le premier pas vers lui, là où il lui avait tendu la main en premier.

"- Je disais cela simplement dans l'espoir qu'un jour, que ce soit dans plusieurs mois ou années, j'ai suffisamment grandie et fait mes preuves pour que nous achevions ensemble une relation aussi stable et florissante. Je ne sais pas pour quelles raisons vous avez soudainement décidé de me prendre sous votre aile, car je sais qu'il existe ailleurs des filles aussi jolies, si ce n'est plus, que moi et d'autres bien plus douées ou intelligentes. Et je m'en fiche. Ce que je vois, c'est que vous ouvrez la porte de ma cage et m'offrez d'ouvrir mes ailes au regard du monde entier, monsieur Lestrange."

Elle peina un peu à déglutir avant de reprendre :

"- Vous n'imaginez pas à quel point vous me sauvez... et combien je vous en serais toujours reconnaissante si nous signons ce contrat." Elle expira d'une souffle un peu tremblant et regarda de nouveau la cascade. "J'attends que vous me protégiez, de moi comme des autres. Éduquez-moi, surveillez donc mes dépenses, conseillez mes fréquentations et planifiez mes sorties et prestations. Dites-moi quelle mode suivre et quelle attitude je dois avoir en public ; je ne vous ferais ni défaut, ni honte."

Tatiana gloussa doucement et ajouta théâtralement, dans un anglais irréprochable, jusque dans son accent londonien des grands salons :

"- You, my good sir, are my golden goose (Vous, mon bon monsieur, êtes ma poule aux œufs d'or). Mais je ne saurais ni une idiote, ni une avare, pour désirer plus que ce vous accepterez de m'offrir."

Codage par Libella sur Graphiorum

Permet moi d'effleurer un rêve inatteignable

✻ Feat @Tatiana du Cirque

08 Septembre 1927 • Faubourg Saint-Honoré

Être celui que l’on observe est un changement notable, quoi qu’Auguste ne puisse affirmer avec certitude qu’il s'agisse d’un changement appréciable. Il ne fait pas moins montre de patience, offrant à son invitée tout loisir de réfléchir aux implications de ce qu’il vient d’évoquer. Distraitement, il étudie la luminosité, tentant de deviner l’heure, et l’avancée de la préparation du dîner, puis se perd dans la contemplation alentour, laissant sa mire dériver en même temps que ses pensées. Et lorsqu’elle rompt enfin le silence, attirant son regard vers elle, il lui revient promptement, légèrement penché en avant en l’étudiant pendant qu’elle s’exprime.

Il opina une fois ou deux, pour marquer son attention. Lorsqu’elle eut terminé, que sa voix s’étiola, Auguste prit quelques instants, refusant de se précipiter. Titania a la tête sur les épaules, un trait de caractère qu’il apprécie beaucoup. S’il aime l’art, l’attitude trop fantasque de certaines de ses figures, comme Bellemains ou Borgia, le rebute profondément. Le talent ne signifie pas plus que la noblesse, les caprices et les rodomontades irréalistes. Non, Titania lui plaît décidément, et ne semble pas être de ceux qui tordent leur personnalité pour convenir à ses exigences - puisqu’il n’a rien énoncé de ses préférences de caractère.

“Je crois à la confiance financière.” admet-il enfin, et se relève, avant de lui tendre courtoisement une main afin qu’elle fasse de même. Un petit geste de ses doigts gantés enjoint Tatiana à ne pas refuser, et il la conduit sur l’une des courbes du jardin d’hiver dont le chemin approche de leur table de dîner.

“Et je crois aussi que nous y parviendrons.” Même s’il compte prendre meilleur soin d’elle que l’homme qu’elle lui décrit. “Quand à savoir pourquoi j’ai décidé de vous prendre sous mon aile…” Sa voix s’attarda, sans qu’il n’achève sa phrase, son esprit prenant la mesure de l’interrogation.

Un instant plus tard, il réprime un léger rictus amer et dérisoire, qu’il diffuse d’une inspiration, d’un haussement de sourcil, expression perplexe avant de choisir un juste milieu entre son confort et la vérité. “Vous m’avez plu, inspiré. Et vous avez réussi à me changer les idées. Pendant votre prestation j’ai enfin réussi à ne plus penser à ce qui me préoccupe, hors j’essaie de produire ce miracle depuis déjà presque deux mois.” Lui glissant une œillade amusée, quoique son visage n’en montra rien, alors qu’il poursuit comme si de rien n’était. “Il y a certes beaucoup d’autres filles, aussi jolies, ou aussi intelligentes, mais pour réellement briller, il faut quelque chose de [/i]plus[/i].”

Et à ses yeux, Titania a ce petit plus nécessaire à être plus qu’une figure anonyme sur une petite scène parisienne. Ce qu’il a vu ce soir, il espère bien pouvoir le porter au regard de la France entière. Une occasion pour la reine des fées de répandre sa magie à tous ceux qui peuvent bénéficier de ses rêves.

Leurs pas les mènent finalement à la table du dîner, située au centre du jardin, proche d’une délicate cascade, installée sous les lourdes branches d’un arbre tropical, au sein d’une plateforme aménagée et pavée de mosaïque colorée. Il vint tenir la chaise pour Titania, et dès que la jeune femme se fut assise, les entrées apparurent par magie, de même qu’une bouteille d’un vin blanc fruité qu’Auguste observa un instant en fronçant les sourcils, pondérant s’il s’agit réellement d’une bonne idée que de la faire boire. Elle n’a rien dans l’estomac pour le moment, et avec sa stature délicate, risque d’être frappée violemment par l’alcool, même si elle a déjà pris un vin chaud auparavant.

Son regard avisa les assiettes, tartare de saint-jacque et de corail au lait de coco, graines de bergamote et tuiles de sésame, un choix frais pour la saison, mais qui se marie excessivement bien avec la décoration du jardin d’hiver.

“Désirez-vous un verre ?” propose-t-il en inclinant la bouteille de vin.

Après avoir recueilli sa réponse, il s’installe également, verse l’alcool en fonction, avant de s’intéresser de nouveau à son invitée, dont le châle glissant ne lui a pas échappé. Elle n’a eu de cesse de le remonter sur ses épaules, et il ne peut qu’imaginer l’inconfort de perdre cette chaleur bienvenue.

“Accepterez- vous que je vous offre une épingle pour tenir votre étole ? Cela ne vous attirera aucune mauvaise image ?”

S’il a bel et bien expérimenté la vie de simple ouvrier, marin sans aucun des privilèges de sa naissance, il n’est cependant pas une femme et n’a aucune idée de ce que peut représenter la couvrir de ses largesses tant qu’il ne l’a pas tirée du cirque pour la mettre en sécurité dans le demi-monde auquel il la destine. Pour l’heure, donc, autant s’en tenir à ce qu’elle décidera d’accepter. Auguste porte donc un regard interrogateur vers elle, afin de l’encourager.

Codage par Libella sur Graphiorum

Permet moi d'effleurer un rêve inatteignable

✻ Feat @Auguste Lestrange

08 Septembre 1927 • Faubourg Saint-Honoré

"- Vous m’avez plu, inspiré. Et vous avez réussi à me changer les idées. Pendant votre prestation j’ai enfin réussi à ne plus penser à ce qui me préoccupe, or j’essaie de produire ce miracle depuis déjà presque deux mois. Il y a certes beaucoup d’autres filles, aussi jolies, ou aussi intelligentes, mais pour réellement briller, il faut quelque chose de plus.”

Elle ne s'était pas attendu à cela, lorsqu'elle avait posé sa question. Que ce soit aux aveux qui laissaient entrevoir chez Auguste une souffrance plus profonde qu'il ne voulait le laisser transparaître, qu'à l’œillade amusée qu'il lui glissa l'air de rien. Surprise, l'oiselle se sentit rougir dès que les paroles firent leur petit bout de chemin et qu'elle comprit enfin toute la grandeur du compliment. Elle détourna les yeux, et même un petit peu la tête. Une main porta son châle à ses lèvres pour y cacher le sourire embarrassé qui les ourlait soudainement et elle vint même enfouir le bout de son nez dans la laine bleue. Comme si ça pouvait la sauver de la chaleur qui embrasait si délicieusement ses pommettes.

"- C'est de la triche..." Murmura-t-elle d'une voix presque inaudible.

Il était injuste de lui donner autant d'espoir avec des mots aussi doux. Auguste était bel homme, propre sur lui, excessivement riche et à l'éducation irréprochable, et comme elle ne voyait aucune bague à son doigt, les battements de son petit cœur de jeune fille ne pouvaient s'empêcher d'aller plus vite. "Et si jamais..." Lui murmurait une part déraisonné de son esprit, ce petit lutin romantique qui rêvait du Prince Charmant. Mais la circassienne savait tenir sa position, elle savait qu'elle n'était pas une "dame de qualité". Elle n'oubliait pas qu'Auguste était venue la trouver à deux portes d'une loges d'artiste qui servait parfois de bordel improvisé pour des filles aux mœurs plus légères du Cirque.

Heureusement, elle avait l'habitude de rêver éveillée et savait tout aussi bien -et vite- refermer le clapet de cette petite boîte d’interdits inatteignables. Elle se promit de ne jamais penser à Auguste de cette façon et de garder leur relation purement professionnelle. Peut-être deviendront-ils amis avec le temps, mais rien de plus. Ils venaient de mondes trop différents et elle était certaine de ne jamais pouvoir être à la hauteur d'un tel homme. De ne jamais lui arracher des rires spontanés et des regards à la tendresse dénuée de toute pitié ou d'embarras. Silencieuse, elle observa sa main sur le bras du noble et pensa distraitement qu'elle allait enfin pouvoir se faire pousser les ongles.

Quand ils arrivèrent au centre de la serre, Tatiana eut le plaisir d'y découvrir une table pour deux, comme dans un restaurant. Un petit sourire incrédule lui vint alors qu'elle s'installait avec autant de délicatesse et de grâce dont elle était capable. S'assurant d'avoir les mains propres avant de se risquer à salir la belle nappe blanche, elle sursauta quand des assiettes apparurent de nul part. N'ayant jamais eu d'elfes de maisons à son service, cette magie lui était inconnue et elle resta un moment interdite avant d'observer attentivement la nourriture ; elle n'y reconnaissait absolument rien. C'était blanc avec des pointes d'orange et ça sentait le coquillage avec des notes herbacées. Son regard dévia ensuite sur les couverts. Les NOMBREUX couverts.

"- Pardon ?" Elle releva vivement la tête vers Auguste, observa la bouteille de vin comme un lapin dans les phares d'une automobile, puis secoua doucement la tête en signe de négation. "Non merci. Il a l'air beaucoup trop cher pour mon palais."

Soulagée que l'homme décide enfin de s'installer face à elle au lieu de rester debout à la dominer de toute sa hauteur de lampadaire, l'oiselle se décontracta légèrement et pu revenir au choix des couverts. Les coquillages paraissaient crus et coupés en petit morceaux ; une cuillère serait malvenue ? Ou cette étrange fourchette à toutes petites dents dodues ? Ou bien devait-elle utiliser la tuile grillée comme ustensile pour manger ? Là encore, ses pensées furent interrompues par Auguste et elle le regarda une poignée de secondes en silence avant de finalement sourire et glousser légèrement.

"- Vous êtes très doux, comme homme." Ne put-elle s'empêcher de commenter avec une affection sincère. "Et très délicat dans votre façon d'approcher les besoins d'autrui. Vous l'a-t-on jamais dis ?"

Tatiana caressa son châle -cadeau d'anniversaire de sa mère adoptive, glissa-t-elle pour information- et le retira d'un geste gracieux pour le plier proprement sur le dossier de sa chaise afin qu'il ne l'encombre plus durant le reste de leur repas.

"- Si la broche ou la fibule est d'étain avec quelques pierres non précieuses ou des éclats d'ambre, alors ça devrait passer." Reprit-elle l'air de rien. "Si c'est d'argent, il ne doit rien y avoir de plus, sinon peut-être un peu de détails gravés."

Elle pondéra encore un peu avant de donner une fourchette de prix qui serait acceptable pour ne pas trop attirer l'attention malvenue de ses frères et sœurs du Cirque. Et en parlant de fourchette, Tatiana décida d'attendre de voir quels couverts Auguste allait utiliser avant de prendre les siens. Imiter était un mécanisme de défense tout à fait fiable dans la nature, autant donc l'utiliser aussi dans les salons de la noblesse ! Ce fut sur cette note philosophique que l'oiselle passa un excellent repas. Les plats furent tous plus extravagants les uns que les autres, du moins à ses yeux, mais elle fit de gros efforts pour ne pas se laisser intimider.

Fort heureusement, Auguste était d'une compagnie absolument charmante. Et d'une patience d'ange. Elle profita de l'avoir à sa merci pour lui poser toutes les questions qui lui venaient à l'esprit concernant le mécénat, les leçons qu'elle allait recevoir et qu'est-ce qu'elle pouvait déjà commencer de son côté d'ici à ce qu'ils lui trouvent un appartement. Sûrement elle pouvait s'éduquer seule sur de l'Histoire, des Arts et d'autres sujets communément trouvés à la bibliothèque. Elle y avait une carte ! De son côté, elle répondit de son mieux à ce qu'Auguste pourrait vouloir connaître d'elle, mais se montra plus réservée sur son passé, sa famille et le détail exacte de ses conditions de vie.

A l'aise pour papoter de tout et surtout de rien, le temps passa relativement vite et la soirée fut totalement engloutie avant que Tatiana ne le réalise. Ce ne fut que lorsque la fatigue de sa journée de travail la gagna et qu'elle se surprit à papillonner des yeux malgré le café qu'elle buvait sur le banc, qu'elle réalisa qu'il serait temps pour elle de rentrer.

"- Peut-on faire un dernier grand tour de la serre avant mon départ ?" Demanda-t-elle d'une petite voix et avec de grands yeux de biche.

Elle profita donc de la générosité du Lestrange et quand elle fut escortée jusqu'à l'automobile qui devrait la déposer près du Cirque, elle demanda plutôt à être déposée proche d'un arrêt de tramway pour qu'elle finisse seule le chemin. Portière ouverte pour l'inviter à monter sur la banquette, l'oiselle se tourna une dernière fois vers son hôte et lui fit un petit sourire.

"- Encore merci pour cette invitation et notre futur collaboration, Monsieur Lestrange. Je vous souhaite de passez une excellente soirée et... J'espère que vous trouverez rapidement une solution à ce qui vous préoccupe. Bonne soirée."

La portière claqua quand elle fut installée et elle lui fit un petit signe de la main comme "Au revoir" lorsque l'automobile s'éloigna.

Codage par Libella sur Graphiorum

Permet moi d'effleurer un rêve inatteignable

✻ Feat @Tatiana du Cirque

08 Septembre 1927 • Faubourg Saint-Honoré

Ne s’y attendant pas le moins du monde, le compliment - du moins est-ce ainsi qu’il interprète la remarque qu’on lui destine - lui fait hausser un sourcil. Lui ? Doux ? Délicat ? Enfin, à constater les rustres qui semblent peupler le cirque comme la foire, il veut bien le croire. Mais ce n’est pas un doigté qui fait gage de sa personnalité, uniquement de son éducation rigoureuse quant aux bonnes manières au sein de la haute société. A-t-il besoin pour autant de s’en ouvrir ? Sans doute pas, accepter son jugement actuel ne lui coûte rien et ne l’engage pas pour le futur. En lieu et place, il lui offre un léger signe de la tête et explique simplement :

“Je ne suis pas là pour vous froisser ni vous humilier, ça, c’est uniquement ma maladresse.”

Les recommandations furent notées diligemment, et ils purent débuter leurs entrées. En sentant le regard de Tatiana, Auguste s’amusa intérieurement, et plutôt que de la laisser essayer de reproduire, il lui indiqua quel couvert prendre pour quelle partie du repas. Il lui détailla de même le repas, non pour en faire une leçon, mais simplement pour démystifier ce qu’elle peut alors avoir dans son assiette. En outre, il fit la conversation, voulant apprendre à connaître sa future protégée, et répond aux questions qu’elle lui présente. Il lui parla des sorties à l’opéra et au théâtre, afin qu’elle puisse s’imprégner de l’atmosphère des lieux, rencontres avec les artistes, visites de musées et de spécialistes de la mode.

A aucun moment il ne chercha à creuser trop profondément dans son passé, redirigeant plutôt la conversation vers ce qu’elle veut pour le futur et ses préférences. La soirée avança aisément, bien qu’il garda un œil sur l’heure et lorsqu’ils achevèrent le dessert et les digestifs, que Tatiana sembla vaciller de sommeil, qu’il demanda aux elfes de maison de débarrasser. Ils purent ainsi se relever, Auguste accédant sans hésitation à la requête de la jeune femme, se proposant de lui offrir une des fleurs présentes dans le jardin, si elle le désire, avant de la raccompagner. Dehors, sa voiture attend, prête à partir, et son chauffeur drape les épaules de Tatiana d’une étole supplémentaire, au moins pour le trajet.

Auguste recule alors, pour lui laisser la place de s’installer, surpris lorsqu’elle se tourne vers lui, avant de s’adoucir.

“Bon retour, Mademoiselle. Je vous remercie de votre confiance.”

Il vint lui-même refermer la portière et attendit, ne rentrant qu’une fois la voiture disparue au coin de la rue.

Codage par Libella sur Graphiorum