[RP TERMINÉ] Farewell, father - les obsèques du Baron d'Apcher (libre)

Les plus forts survivent, les plus faibles meurent. C'est ainsi que les choses se déroulent dans la sombrement célèbre famille Baronne du Gévaudan. Bien avant l'arrière grand père, bien avant la Bête, bien avant la déchéance. Chez les d'Apcher, l'histoire familiale est pavée de décès. La vie est ainsi faites, direz vous. Mais la mort que l'on évite, que l'on fuit, fatalité accueillie comme un profonde injustice chez le commun des êtres humains, on la considère comme une alliée venue emporter les éléments les plus faibles, chez les d'Apcher. Ceux qui n'avaient pas ce qu'il faut pour survivre. Nombre d'enfants ont péri, nombre d'adultes aussi. Les hommes, principalement, car pour faire perdurer la lignée, les femmes se doivent de renoncer à la particularité familiale. Si cette décision est vécue comme une trahison lorsqu'il s'agit des hommes, elle est célébrée lorsque prise par une femme. Réjouissons nous, de nouveaux enfants viendront agrandir l'arbre généalogique des seigneurs du Gévaudan.

Et lorsque la mort touche ceux qui se sont battus pour la famille, ceux qui refusaient de courber l'échine, de ployer le genoux devant ceux qui les avaient trahis. Ceux qui se sont rebellés, insoumis au tempérament de feu, l'on célèbre. Gloire à ces héros d'Apcher, ils ne seront jamais oubliés, gloire à leur mémoire, gloire à leur ambition. Et puis il y a les impies. Traitres à leur nom, ignominie honteuse, tare dans la généalogie. Ceux là ne sont pas pleurés, ils sont simplement dévorés, réduit à néant, tout bonnement effacés de l'histoire. La mort, ils la connaissent. Elle fait partie de leur quotidien, ils s'en sont accommodés.

Assis au chevet du Baron, le visage fermé et le regard vide, Arsène, pourtant habitué à la vue d'un corps sans vie, se fait soucieux. Car s'il a déjà été témoin des effets du sureau sur les loups, effet dévastateur qui emporterait le plus fort de la meute en quelques jours à peine, il n'avait encore jamais été témoin d'une pareille agonie. Une horreur sans nom, abominable spectacle qui hantera les cauchemars de l'aîné pendant de nombreuses semaines. Agonie rapide mais d'une cruauté inégalée, inégalable. Le Baron n'est plus. Lui, le loup noir du Gévaudan, l'être respecté et craint par ses pairs. Lui qui a élevé ses fils dans la noble tradition familiale, lui qui, fier de son fils ainé, lui laissait tout passer, l'entrainait à devenir l'homme dur et impitoyable qu'il est désormais. Outre les querelles au sujet de sa situation maritale, jamais aucune ombre ne vint entacher la précieuse relation entre le père et le fils.

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Le Baron est mort. Troublantes circonstances que l'on taira dans les articles de journaux, demande clairement établie par Arsène devant le désespoir de sa mère. Il est absolument hors de question que l'on spécule sur les circonstances de la mort du Baron. Ou gare à la colère de son successeur. Depuis deux jours maintenant, cet événement fait les choux gras du cri de la gargouille, événement national s'il en est. Car les obsèques auront lieux aujourd'hui, le 17 mars 1927, deux jours après que le père d'Apcher ait poussé son dernier soupir. Les invitations ont été envoyées au quatre coin de la France, tradition de la haute société, lorsqu'un Baron meurt, il est coutume de laisser aux autres familles noble le loisir de présenter ses hommages et de participer à l'enterrement du défunt. Hypocrite usage à gerber, même si parmi les invités se dessineront les alliés. Et les opportunistes cherchant à se mettre le successeur dans la poche.

Point de scandale, par pitié, la bienséance française est avancée, et dans le respect nous nous regroupons autour de l'autel du loup, lit mortuaire fait de roc dressé dans le vaste domaine d'Apcher. Dans son linceul, Cléanthis est enveloppé. Et selon la tradition familiale, un loup a été sacrifié. Fourrure de geai, à l'image de celui que la meute a perdu, placée respectueusement sur le corps sans vie du Baron. L'on ne laissera pas visible le visage déformé par le poison, inutile de rendre ce moment plus pénible que nécessaire.

*toc toc*
« Oui, entrez »

Perdu dans ses pensées, le futur Baron a fini de s'apprêter.

« Pardonnez mon intrusion, Maître d'Apcher, mais je viens vous signifier que des invités sont arrivés
- Je vous remercie, Lilas, annoncez que je descends immédiatement.
- Bien, Maître d'Apcher. »

La domestique referme la lourde porte derrière elle tandis qu'Arsène ajuste une dernière fois son lourd manteau noir. Fixant son reflet dans le miroir de ses appartements, il inspire longuement avant de prendre la direction du hall du château où l'attendent déjà plusieurs convives.

« Monsieur Arsène d'Apcher »
Annonce la domestique alors que l'homme descends les escaliers de pierre.

Tourbillon acre, amer d'une existence tourmentée depuis des siècles. L'héritage d'une noirceur abyssale dont on ne peut se défaire, et de mépris teinté. Les visages se multiplient face à l'héritier, mais bien peu que l'on pourrait considérer comme réellement familier. Obligation de noblesse, prétendues amitiés, courtoisie forcée, finalement que peu de véritables alliés. Des cheveux blonds d'une ancienne belle soeur, à l'accent russe d'un fils Romanov, du frère se faisant oublier à la douce louve acculée. C'est pourtant la silhouette d'un homme oublié qui lui fit face en premier.

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Et tel un ras de marée, les souvenirs d'une enfance comblée. Les jeux de deux cousins qui s'aimaient, gamins turbulents et aventureux qui rêvaient en grand. Main dans la main, par le sang liés et par le coeur accrochés. Un second frère dans une fratrie déchirée. Le murs épais de la demeure moyenâgeuse du domaine se souviennent encore de l'écho de leurs rires et de leur insouciance. « Quand je serai grand, c'est moi qui serai le chef de la famille, et pi toi tu seras chef avec moi d'accord ? » avait-il imposé alors même qu'il n'avais que sept ans, et son cousin cinq. Il ne s'imaginait pas un seul instant se voir éloigné du membre de sa famille qu'il aimait le plus. Cruelle tragédie, destin pernicieux. Ses dents enfantines scellèrent l'existence de Guilhem alors même qu'ils n'étaient encore que deux gamins turbulents. Le né loup condamna sa personne préférée à ne jamais pouvoir faire partie de la meute. Pire encore, il le condamna à se voir renié par un Ménandre d'Apcher aux dents plus longues et acérées que ses crocs de canidé. Cela n'avait été qu'un accident, mais c'est à l'âge de sept ans qu'il compris que toute action inconsidérée apporte son lot de conséquence indélébile. Ils furent séparés par les années. Complicité cédant lentement la place au pesant silence de lettres laissées sans réponses. Et puis ce fut oublié, l'existence d'un né loup d'Apcher ne permettant point de s'attarder sur les fantomes du passé.

☽☽☽ ･ﾟ✧･ﾟ ☾☾☾Ce flot d'émotions contradictoires qui s'emparaient de son être ne lui laissa pas le temps de choisir le visage qu'il souhaitait montrer à ce cousin revenu de loin, et déjà ce dernier imposant son passage parmi les convives pour finir sa course entre les bras du loup blanc.

« Mon frère… Mon âme saigne avec la tienne. »

Envolées, les pensées néfastes d'un Arsène ferme et obstiné. De son entourage, seules trois personnes pouvaient ainsi le faire plier, et son coeur aussi profondément toucher. Sa belle Roksana, à qui il ne pouvait rien refuser - bien qu'ayant déjà essayé, le non moins précieux à son coeur Auguste qui avait su l'apprivoiser, et puis lui, le loup raté d'Apcher, Guilhem l'écorché. Ses bras enserrèrent son cousin.

« Guilhem... » chuchota t-il « Par la lune, où étais-tu passé ?! »

Étreinte de courte durée, si l'héritier était au bord de se laisser aller à ses émotions, il était strictement hors de question de le faire en public, il se devait de garder fière allure devant tous les représentants de la noblesse française qui avaient fait le déplacement. Il le gratifia d'un regard lourd d'émotions et lui glissa à l'oreille :

« Ne t'envole pas quand tout le monde sera parti. Nous avons bien des choses à nous dire lorsque nous serons en privé »

Ces mots glissés, il pose affectueusement sa main forte sur la joue de son cousin avant de se présenter aux autres invités. Hôte de la journée, il devait porter l'uniforme du Baron d'Apcher, et non celui d'Arsène pleurant la mort de son père. C'est héritier de toute autre sorte qui vient lui présenter ses hommages. Lié aux Romanov par l'amour depuis une dizaine d'années, la belle Roksana eut plus d'une fois l'occasion de lui parler de la tragédie qui eut touché la famille tsarine de Russie. Ainsi, sans cet événement, sa belle n'aurait jamais croisé la bête, et cet homme qui serrait fermement sa main serait toujours l'héritier légitime au trône de Russie. S'ils n'avaient encore jamais été présenté, évidemment, Arsène en avait déjà entendu parler.

« Dans ce moment difficile où nul mot ne peut  apaiser la douleurrrrr de la perrrrte d’un êtrrrre si cherrrrr, mes pensées  vous accompagne et je fais de votrrrrre peine la mienne, pour vous aider à la porrrter
- spassibo vam bolchoïé*, Nikolaï répondit il avait un accent français à couper au couteau C'est un plaisir de vous accueillir sur nos terres, bien que j'eusse préféré que cela soit en des circonstances plus joyeuses... »

Formules de politesse et sourire forcé, sans s'imaginer un seul instant que le Romanov soit un legilimens inné. Pensées troubles qui le feront peut être passer pour un être hypocrite et torturé, l'homme au sang noir aura peut être la générosité de placer tout cela sur le compte du décès brutal et soudain du patriarche d'Apcher. Adossé nonchalamment à un mur faisant son possible pour se fondre dans la masse, c'est sur Arran que les yeux d'Arsène se posent soudainement, et soudain, une colère grondante se fait ressentir. Il gratifie son interlocuteur Russe d'un signe de tête et d'un rapide « Je vous prie de m'excuser » puis s'avance vers son jeune frère.

Arran. Le loup dissident, celui qui a survécu à la morsure mais qui ne se senti jamais réellement à sa place au milieu de ses deux frère nés loups. Un complexe d'infériorité qui en fit l'un des loups les plus rebelles de la meute, et un frangin difficilement supportable. Courber l'échine devant son Alpha, il ne le faisait pour ainsi dire jamais et cela avait le don d'agacer le loup blanc. Heureusement pour le loupiot, la meute n'avait jamais pris cette insoumission pour une contestation de l'autorité d'Arsène. Ce gamin insolent, il espérait bien le remettre dans le droit chemin car il était hors de question que la meute se mette à douter de son Alpha. Lui empoignant le col, Arsène redressa Arran.

« Tiens toi bien, insolent. C'est notre père que l'on enterre aujourd'hui, trêve d'enfantillage et comporte toi comme un homme, par la lune. Pense un peu à ce que Mère pourrait penser si elle te voit ainsi considérer son deuil comme une corvée. Je t'interdis de lui faire de la peine, tu es prévenu. »


* merci beaucoup à vous