We're all stories in the end, just make it a good one

17 décembre 1927, 18h30. L'effervescence qui régnait dans le domaine d'Apcher rappelait à s'y méprendre l'animation d'une fourmilière où chacun s'affère à la tâche qui lui incombe dans une valse réglée à la mesure prêt. Arsène, lui, était légèrement nerveux, espérant plus que tout que la soirée se passerait au mieux, jamais encore il n'avait reçu autant de monde en sa demeure. Ou plutôt, jamais encore il n'avait eu à organiser une soirée de cette envergure en terme de mondanité.

Car l'on célébrait en grande pompe les fiançailles du Baron du Gévaudan et de la fille de la Duchesse de Bretagne ce soir. Loin de la traditionnelle chasse auvergnate bourrue et sauvage, il s'agissait de recevoir le gratin de la noblesse, les invitations avaient été envoyées des baronnies alliées jusqu'aux héritiers des ducs. Même les princes et les princesses avaient été conviées, comme il était coutume de le faire bien que le principal intéressé en fut légèrement gêné. Si Maeve, fille d'Isolt Le Noir méritait amplement que la royauté soit présente pour les fiançailles officielles, en petit baron d'auvergne, Arsène s'estimait bien présomptueux d'avoir osé leur envoyer une invitation et n'en ferait grand cas si d'aventure aucun des de Valoys ne répondait à son appel - si ce n'est pour sa future épouse.

Pour l'heure, si les invités commençaient à arriver au compte goutte, le maître des lieux terminait de se préparer, arborant, une fois n'est pas coutume, un simple costume pour l'occasion. Il aurait tout loisir à se parer des tenues qui faisaient la réputation excentrique de la famille d'Apcher le jour de son mariage, mais pour un événement officiel presque plus important que le jour même de la cérémonie, il avait tenu à faire cet effort. Car bien que ne furent invités les membres des familles ennemies, il tenait à faire bonne impression auprès de tous les autres. Une manière pour lui de montrer que derrière l'auvergnat atypique se cachait un homme de son époque bien au courant de tout ce que ce mariage pouvait signifier. Un pied de nez anticipé aux coupures de presse à scandale qui sortiraient à n'en point douter dès le lendemain. Mais Arsène restait Arsène, et s'il tenta de nouer une cravate autour de son cou, il soupira finalement, la jetant sur le lit et déboutonnant le premier bouton de sa chemise. Voilà qui lui ressemblait d'avantage.

Il passa sa main dans ses cheveux, les plaquant en arrière avant de finalement se trouver satisfait de son apparence. Il sorti de la pièce et se dirigea vers la pièce où Maeve terminait de s'apprêter, et entra après avoir toqué à la porte.

« Es-tu prête ? Il va bientôt être temps de faire notre entrée. »

Le tutoiement était devenu bien plus aisé depuis que les deux jeunes gens partageaient leur couche, et plus encore depuis que Maeve lui avait annoncé sa grossesse bien que ses manières ne le forcent encore à vouvoyer sa future épouse en public. Courtois et bien élevé, voilà un cap qu'il espérait bien pouvoir franchir une fois leurs fiançailles officiellement fêtées.

Il s'approcha de la jeune femme, replaçant l'une de ses mèches brunes derrière son oreille. Maeve avait toujours été une très belle femme, mais depuis qu'ils avaient commencé à s'étreindre, il la trouvait de plus en plus belle jour après jour, à mesure que son affection pour elle grandissait. A moins que ce ne soit l'idée que, déjà, elle portait leur premier enfant. Par la Lune, qu'il était heureux que le destin lui soit si favorable. Il posa sa main sur son ventre qui ne laissait encore rien paraître.

« Je sais qu'il est encore tôt... » souffla t-il « Mais je meurs d'envie de partager la nouvelle à la haute société. Interdis le moi, ou cela risque de m'échapper ce soir. »

Ses yeux noirs brillaient d'une lueur de fierté et d'impatience, comme ceux qu'un petit garçon désireux de montrer son nouveau trésor à ses parents.