On ne peut admirer en même temps la lune et la neige
Tatiana LuscombeCLOTHO | THIS IS OUR WORLD NOW !
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Occupation : Chanteuse (sous mécènat d'Auguste Lestrange)
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Succès
(#) On ne peut admirer en même temps la lune et la neige
missive rédigée par Tatiana Luscombe le
☆ ・゚20 Décembre 1927・゚☆
Le Parc aux Pégases était un lieu qui semblait tout droit sorti d'un conte de fée. A perte de vue, de vastes pelouses s'agrémentaient d'îlots de végétations, de fleurs et de fontaines. A distance confortable de marche, poussaient de petits bosquets d'arbres venus des quatre coins du globe et qui dissimulaient, comme de précieux écrins ; kiosques ou tables d'échecs, bancs et sculptures. Le long des chemins en gravier blanc, les visiteurs pouvaient profiter en toutes saisons de roulottes qui proposaient tantôt des glaces et sorbets, du thé glacé et des sodas gloussants, tantôt des marrons grillés, vins épicés et cacao avec un bâton de cannelle à la place d'une paille à boire.
Des créatures magiques y batifolaient librement, émergeant par instant de leurs sanctuaires inaccessibles aux badauds, car protégés de mirages et d'illusions pour les tenir à bonne distance. Et les plus nombreuses de ces créatures étaient les Pégases. Ils volaient en troupeaux dans les cieux pour atterrir dans l'herbes en grandes galopades et bruissements d'ailes. A moitié sauvages, ils ne s'effarouchaient pas des sorciers avec qui ils partageaient leurs pâturages, mais se laissaient rarement approcher. A toutes ces créatures se mêlaient des animaux classiques, offrant au paysage travaillé par l'homme une nature foisonnante et sans cesse renouvelée.
En cette froide et sèche journée d'hiver, le Parc était entièrement couvert d'une épaisse couche de neige. Les employés s'étaient escrimés depuis l'aube à dégager les grands axes pour que les visiteurs puissent marcher sans se mouiller les souliers. Le gravier blanc était donc piqué d'une fine couche de gel scintillant. Les arbres s'ébrouaient paresseusement en se réveillant sous les premiers rayons timides du soleil, faisant pleuvoir une poudreuse immaculée que le vent s'empressait de soulever en tourbillons éphémères. Quelques oiseaux chantaient et déjà l'on entendait au loin des cris et rires d'enfants qui entamaient une bataille de boules de neige.
Tatiana était à ce titre absolument rayonnante. Ils approchaient de la natalité chrétienne et pour l'occasion, beaucoup de français -sorciers comme moldus- sortaient des décorations spéciales et organisaient des marchés de Noël. Il y en avait notamment un, bien que de petite taille, sur la plus grande place du Parc. Une douzaine de petits chalets et de caravanes y ouvraient boutiques pour offrir nourriture, boisson et bibelots artisanaux dans un style très Alsacien. Et si l'oiselle n'était pas baptisée, ou alors elle ne s'en souvenait pas, elle adorait l'ambiance de cette saison et plus encore le merveilleux des décorations qui ornaient les sapins et les allées dans certains coins de Paris.
S'il n'en tenait qu'à elle, Tatiana serait déjà en route pour ce marché au centre du Parc or elle attendait quelqu'un. Le lieu de rendez-vous était à l'une des entrées du Parc, à 9h00, pour faciliter la rencontre surtout que la personne que la jeune fille devait rencontrer n'était pas du coin. Elle attendait donc bien au chaud dans son long manteau de feutre crème à la coupe parfaitement ajustée et au large col de fourrure fauve. Elle portait des gants en daim blancs et de petites bottines à l'intérieur doublé d'une laine toute douce. Ses cheveux étaient tressés en une couronne sur son front et piqués de petits baies rouges et de fleurs blanches.
Quand son regard, familier des foules, accrocha la silhouette de la personne qu'elle devait rencontrer, Tatiana leva aussitôt une main au dessus de sa tête et secoua doucement le bras pour se faire voir. C'est qu'elle n'était pas bien grande et qu'il n'était plus de son statut d'aller se percher sur un lampadaire ou un blanc pour palier à sa petite taille. Alors elle se hissa sur la pointe des pieds et laissa sa jolie voix de rossignol percer le brouhaha ambiant :
"- Arsène ! Par ici !"
Elle dû se faire violence pour ne pas sautiller sur place dans l'espoir d'être plus visible encore. Déjà car elle n'était plus enfant et surtout parce qu'elle ne voulait pas renverser son précieux chargement, logé au creux de son autre bras. Quand elle fut certaine que l'homme l'eut repéré et qu'il était en approche, l'oiselle laissa retomber sa main et s'éloigna de l'entrée principale pour s'arrêter à une dizaine de mètre plus loin, dans le Parc et son calme tout relatif. Ici, le flot des badauds était moins important et ils auraient plus de facilité à converser. Cela lui permettait aussi d'observer le sorcier alors qu'il approchait.
Il était exactement comme dans ses souvenirs : intimidant et absolument séduisant. Elle remercia le ciel qu'il fasse aussi froid, car elle sentit ses joues rosir à l'instant même où les yeux sombres du Baron d'Apcher se posaient sur elle. La jeune fille se contenta de sourire, placardant un masque de joie paisible un peu plus contenu qu'elle ne le saurait en présence d'Auguste. Malgré les recommandations de ce dernier, elle éprouvait pour l'instant du mal à se conduire avec le Baron comme elle le ferait de son mécène. "Rien qu'un peu de temps passé ensemble ne pourra résoudre", essaya-t-elle de se convaincre.
Le bail était simple : elle ne devait pas l'appeler et le traiter comme un noble, mais comme un gentilhomme et un ami. Visiblement, le Baron avait besoin de changer d'air et de... fréquentations ? Tatiana n'avait pas voulu creuser davantage lorsqu'elle en avait discuté avec Auguste la semaine passée, mais visiblement la vie au Gévaudan n'était pas de tout repos ! Elle avait donc proposé que le Baron vienne sur Paris, une idée en l'air comme elle en faisait tant pour dérider son mécène, et sans jamais s'attendre à ce qu'on la prenne réellement au sérieux. Sauf cette fois-ci. Heureusement, l'affaire l'arrangeait !
"- Bienvenue sur Paris. J'espère que vous avez passé un bon voyage." Gazouilla-t-elle quand ils furent suffisamment proche pour qu'elle n'ai pas à élever la voix. "Tenez, le froid ici est beaucoup plus sec et mordant que chez vous. C'est du vin chaud, ça devrait vous garder au chaud le temps que la marche dans le parc ne s'en charge."
Elle lui tendit une petite tasse de fer blanc enchantée pour garder son contenu au chaud. Le vin rouge, aux nombreux épices, fleurait aussi la petite lichette de rhum ambré. Tatiana trempa les lèvres dans sa propre tasse, buvant une gorgée qui lui piqueta le nez et fit agréablement chauffer son estomac. Elle le regarda de nouveau, cherchant à déchiffrer son humeur. Après tout, ils allaient passer la majeur partie de la journée ensemble, l'oiselle ayant déjà prévu tout un programme.
"- Venez avant que je ne perde la sensation au bout de mes orteils."
Elle eut un léger rire et glissa le bras sous le sien, le plus naturellement du monde, puis le guida vers l'un des chemins déneigés. Ils allaient commencer par faire le grand tour, sans se presser, avant de passer par les sentiers secondaires et rejoindre le Marché de Noël pour le temps de midi où elle espérait pouvoir leur trouver de quoi manger sur place. La suite dépendrait de la météo, mais elle voulait lui faire visiter l'écurie qu'Auguste avait réservé pour eux. Il y avait là-bas deux surprises qu'elle désirait lui montrer avant qu'ils ne se quittent.
"- Ce ne sera jamais aussi beau que vos forêts, mais je vous promets qu'il y a des choses à voir qui en valent le détour. Et puis, on a de la chance, le temps est prévu pour rester clair aujourd'hui ! Nous n'avons rien d'urgent à gérer, aucune réservation à heure fixe alors on peut vraiment prendre notre temps."
Elle parlait d'une voix douce et mélodieuse, comme s'ils se connaissaient depuis des années et qu'ils se retrouvaient à l'instant. Dans leur proximité, Tatiana portait un délicat parfum aux notes de vanille, d'ambre, de bois de cèdre et d'une touche de musc rafraîchit par de l'écorce d'orange et d'un peu de jasmin. Pour le loup cependant, il y avait en dessous quelque chose de plus doux et de moelleux. L'odeur d'une proie à la fourrure piquée de neige fraîchement tombée, d'épines de sapin et du soleil chauffant les pierres sur une berge cristallisée.
the sound of our hearts
(@Awona)