[TERMINE] plumes de neige, plumes de givre (denise)

Son regard glacé se pose sur l’horloge murale de son bureau impersonnel et constate que l’heure du rendez-vous approchait. Reposant sa plume sur son support, Rachel rangea patiemment les documents des derniers transferts qui devaient rentrer dans la prison. L’organisation des arrivés et départs passaient entre ses mains ce qui lui permettait non seulement de savoir qui entrait et sortait mais aussi d’avoir un visuel sur les cellules disponibles et la répartition des prisonniers au sein du Fort Invisible. C’était un casse-tête sans nom, mais Rachel y trouvait un plaisir particulier, aimant l’ordre et la rigueur que cela demandait. Aujourd’hui, pourtant, il lui faudrait remettre à plus tard cet exercice car le rendez-vous qu’elle avait concernait le service des courriers de la prison.
Rachel avait été informée quelques semaines plus tôt du départ de l’interlocuteur habituel qu’elle avait au service de communication du Ministère. Une remplaçante avait été nommée, une certaine Denise Loisel. Si ce nom ne lui disait rien du tout, Rachel avait convenu d’un rendez-vous pour discuter de la petite formation que cette fameuse Denise aurait. Le service des courriers de la prison avait de cela particulier qu’il subissait des contrôles rigoureux tant par ce qui rentrait et sortait que par le fait que Rachel avait une communication privilégiée avec le département de la Justice. Certains hiboux étaient plus utiles au vu des conditions météorologiques extérieures au Fort Invisible, tout comme certaines couleurs des robes des hiboux, chouettes, corbeaux ou quel autre oiseau encore dont Rachel ne connaissait pas le nom, avaient leur importance. Il était donc évident que, pour éviter les mauvaises communications, Rachel devait s’assurer que tout était compris et appliqué dans les plus brefs délais. Elle ne se voyait pas reléguer cette tache à Anatole, son préposé aux courriers, parce qu’il avait déjà énormément de travail, mais aussi parce que Rachel préférait savoir qui était l’interlocutrice au sein du Ministère.
Ne s’attendant strictement à rien concernant la personne qu’était Denise mais déjà un tantinet rassurée qu’il ne s’agisse pas encore d’une bourge noble qui se serait perdue au service de communication, Rachel s’assura que tout était en place dans son bureau pour accueillir la nouvelle venue et lorsqu’elle fut satisfaite, elle saisit son manteau et lança son patronus habituel. Tandis qu’elle passa devant le bureau d’Ambre, sa secrétaire, cette dernière lui signala l’arrivée de Denise dans la salle des visiteurs et attendant avec un des gardiens. Acquiesçant, Rachel se mit en route au sein de la prison, sa patte folle la laisse relativement tranquille pour l’heure. Passant couloirs et sécurités, elle fut rapidement interceptée par le chef de la sécurité pour lui demander de faire en sorte que le Serpent puisse passer ailleurs en attendant qu’elle transfère Denise jusqu’à son bureau. Rachel n’avait aucune envie d’effrayer la femme et le Serpent pouvait prendre d’autres chemins pour sa ronde habituelle le temps de quelques minutes. L’institution du Fort Invisible était suffisamment impressionnante et pour le moins glaciale pour ne pas en rajouter une couche.
Arrivant finalement dans la salle des visiteurs, un des gardiens gardant la porte la salua et Rachel pénétra dans la pièce totalement impersonnelle et composée uniquement de sièges plutôt inconfortables. Si Rachel ne s’attendait à rien quant à l’apparence de cette chère Denise, une lueur d’étonnement passa dans le regard froid de la rousse. Denise était très jeune. Probablement une vingtaine d’année. Dans l’ambiance austère et froide de la salle et plus largement de la prison, Rachel éprouva un instant de doutes. Le service de communication du ministère la connaissait suffisamment pour savoir qu’elle était exigeante. Elle avait beau ne pas discriminer sur l’âge, elle se demandait néanmoins si cela n’avait pas été plus pertinent de nommer quelqu’un d’autre à ce poste. Quelqu’un qui ne paraissait pas aussi doux que pouvait le paraître Denise.
« Mademoiselle Loisel, merci d’être venue jusqu’au Fort Invisible et bienvenue à vous. » décréta Rachel d’une voix calme mais l’air impénétrable.
Elle s’approcha pour lui tendre la main afin de la serrer.
« J’espère que vous n’avez pas trop froid et qu’on vous a bien communiqué de vous chauffer convenablement. Si ce n’est pas le cas, je peux demander à un des gardiens de vous prêter un autre manteau. Nous en aurons besoin pour aller jusqu’à mon bureau. »
Dans le coin de l’œil, elle constate que son patronus mante religieuse fait le tour de Denise pour la protéger du froid et des idées sombres. Denise ne pourra pas produire quoi que ce soit étant donné que, comme tous les visiteurs, on lui a pris sa baguette pour l’instant qui lui sera redonnée à la fin de cette visite.

À voir la couche de vêtements que Denise portait et leur état d’usure, Rachel se doutait que la jeune femme devait avoir peu d’argent. Rien d’étonnant à première vue. Elle restait une fonctionnaire de l’état au plus bas de l’échelle qui ne payait pas ses employés autant qu’un service privé pourrait le faire. Cela ramena Rachel vaguement à ses jeunes années en tant qu’oubliator ayant fièrement passé ses concours. Elle était alors loin de s’imaginer qu’elle finirait par être la directrice de la prison de France. Serrant avec une certaine fermeté la main de la jeune fille qui avait préalablement ôté son gant, Rachel s’inquiéta de la voir trop souffrir du froid. Le teint des joues de la jeune brune lui indiqua qu’elle semblait sûrement gênée par l’inspection visuelle sans cérémonie que Rachel venait d’effectuer. Pour Rachel, néanmoins, ce n’était que son comportement habituel, un minimum soucieuse qu’une jeune femme qui n’avait rien à faire à la prison ne claque pas des dents.
La jeune femme parla d’une voix claire et respectueuse et sembla ferme sur le fait qu’elle ne nécessitait pas d’équipement supplémentaire pour se parer contre le froid. Rachel détailla de nouveau la jeune femme sans rien montrer de ce qu’elle pensait de son obstination. Sans doute que Denise voulait paraître professionnelle dans un contexte inconnu où elle était clairement désavantager ce qui était tout à son honneur. Décidant de faire confiance à la jeune femme, elle la prit au mot.

« Bien. Ne perdons pas plus de temps dans ce cas. » commença-t-elle. Sans préciser que Denise pouvait changer d’avis à tout moment, Rachel estima que Denise pourrait très bien le deviner seule. « Je vous invite à rester constamment juste derrière moi jusqu’à ce que nous arrivions à mon bureau. Ne parlez à aucun détenu que vous pourrez rencontrer et ne vous éloignez jamais de moi. Je suppose que le service de sécurité vous a informé que votre baguette vous sera rendue lorsque nous en aurons terminé. Quoi qu’il en soit, vous n’en aurez pas besoin pour cette visite tant que vous restez près de moi ou le gardien qui nous accompagnera. »

Son regard se releva sur le gardien de la pièce qui avait dû accompagner Denise. Lui aussi se mit à jeter son patronus pour soutenir celui de Rachel.
« Bien, allons-y. » décréta la rousse avant d’inviter d’un geste de la main Denise à la suivre.

Lors du transfert de Denise jusqu’à l’aile administrative de la Prison, Rachel ne chercha pas à combler le silence qui devait sûrement être d’autant plus pesant avec les décors austères et sans chaleur de la prison. Passant les sécurités avec aisance, les deux femmes et le gardien arrivèrent jusqu’au bureau. Rachel s’arrêta devant le bureau d’Ambre, sa secrétaire qui avait sûrement dû attendre la visite de Denise.

La femme ronde cinquantenaire aux lunettes rondes ne cacha pas sa surprise en voyant la jeunesse de Denise.

« Mademoiselle Loisel, je vous présente Madame Martins. Madame Martins est ma secrétaire et tout le courrier qui m’est adressé ainsi que ceux plus administratifs sur le bon fonctionnement de la prison, passent par Ambre. Elle est également en lien direct avec M. Anatole Levain que vous aurez l’occasion de voir lors de cette visite. C’est notre préposé aux courriers au sein de la Prison. »

« Mademoiselle Loisel, Denise, enchantée ! »

Rachel laissa Denise répondre à Ambre avant de finalement faire un signe à la jeune femme pour lui indiquer de la suivre jusqu’à la prochaine porte qui se trouvait être son bureau. Laissant passer Denise, Rachel se referma la porte derrière elle. Le bureau impersonnel avec pour seule couleur la brin de lavande ensorcelé était beaucoup plus chaud que le couloir et Rachel défit sa veste qu’elle laissa sur le porte manteau.

« Asseyez-vous. » indiqua Rachel avant de s’asseoir en face de Denise.

Laissant la jeune femme se mettre à son aise et surtout se remettre du début de visite, elle marqua un petit temps de silence avant de finalement reprendre sans détour :

« Puis-je vous demander depuis quand travaillez-vous au service des courriers du Ministère, Mademoiselle ? »

Elle était curieuse du choix qui s’était porté sur Denise, mais son expérience, ou plutôt, son manque d’expérience pourrait lui donner matière à broder et expliquer différemment que si elle avait eu quelqu’un plus expérimenté en face d’elle.

Revoir des couleurs sur les joues de Denise alors qu’elle se laissait bercer par la chaleur, toute relative néanmoins, de la pièce, rassura un peu Rachel. Elle-même n’en avait pas mené large la première fois qu’elle était arrivée au Fort Invisible ayant passé son concours pour devenir gardienne. Aujourd’hui, tout ceci était devenu tellement habituel qu’elle en oubliait parfois qu’elle travaillait dans un cadre particulier. Pour autant, elle trouvait que Denise s’en sortait bien et semblait vouloir faire très bonne impression ce qui n’empêcha pas Rachel de poser la question qui la taraudait.

Elle est vraiment jeune. ne put-elle s’empêcher de penser.

Ses PIES à elle étaient à des années lumières maintenant. L’information que Denise semblait avoir une certaine affinité avec les créatures magiques au vu de ses résultats et de la façon dont elle les mentionnait intéressa la directrice du Fort Invisible. Les autres informations tirèrent un air moins froid et strict qu’elle aurait pu avoir avec quelqu’un d’autre. Définitivement, Denise semblait vouloir qu’on la reconnaisse pour son travail et ses efforts… et c’était quelque chose qui trouvait écho chez Rachel qui était bien souvent à sa place même si on aurait pu penser qu’elle n’avait plus rien à prouver maintenant.

« Je n’en doute pas. » acquiesça Rachel simplement. Elle n’en était pas à sourire mais quelque chose dans son attitude se détendit. Quelque chose chez Denise la touchait également.

Sans s’attarder davantage, la rousse reprit :

« Je ne sais pas exactement ce que l’on vous a dit sur les spécificités de la Prison et de la communication me concernant surtout, mais je vous ai tout résumé sur ce parchemin pour plus de facilité. »

D’un mouvement de baguette magique, le parchemin mentionné se posa devant Denise. Il avait été rédigé de sa main de manière à être parfaitement lisible et surtout pratique à comprendre. Rachel savait qu’il faudrait un peu de temps pour Denise pour prendre la main sur les spécificités décrites, mais rien n’était très compliqué à comprendre une fois les informations intégrées.

« Comme vous avez pu le remarquer, je vous demanderai de privilégier les volatiles avec une très bonne tolérance au froid et le code de couleur des plumes et aussi important. Les gris et les marrons portent des lettres pour l’administration et ne sont d’ailleurs pas spécialement prioritaires dans le traitement pour arriver aux bons services que ce soit de votre côté ou du nôtre. Pour les volatiles à plume blanches, ces derniers sont à donner en priorité aux services que je vous ai listé avec les noms de chacun des intervenants susceptibles d’intervenir. Ils sont de moyennes importance mais doivent malgré tout arriver dans un temps raisonnable aux bons services. Enfin, les noirs me sont directement adressés et aux plus hautes instances du département de Justice Magique. Ces couriers sont d’une extrême importance et doivent arriver au plus vite dans leur service ou à mon bureau. »

Elle marqua une pause pour laisser le temps à Denise d’intégrer les informations.

« Il sera important également de traiter les soins en priorité des hiboux noirs du fait de leur caractère urgent. Ils doivent être utilisables par le Ministère à tout instant. »

Jetant un regard sur la liste explicative, Rachel savait qu'il y avait des races de volatiles particuliers codés aussi dans leur jargon. Rien de bien méchant mais les combinaisons étaient importantes à retenir. Parfois, des directives étaient données pour la sécurité de changer certains codes mais ces changements seraient transmis à Denise si cela se faisait. Pour l’instant, Rachel ne souhaitait pas perturber plus que cela la jeune femme qui avait déjà bien assez à intégrer en peu de temps.

Dévisageant un instant Denise pour savoir si elle était totalement perdue, Rachel se sentit obligée de la rassurer :

« Rien n’est très compliqué mais cela demande de la rigueur et un peu d'apprentissage. Lorsque vous aurez le coup de main, cela ira très vite. Si vous avez des questions, je vous écoute. Sinon, si certaines viennent plus tard, vous pourrez m'adresser un courrier en utilisant un hibou marron. »

Ce n'était effectivement pas urgent mais elle préférait que Denise la contacte directement plutôt que passer par une autre personne.

Il fallait l’avouer : Rachel ne s’attendait absolument pas à avoir une dissertation sur les hiboux qu’il conviendrait d’utiliser et les quelques piques bien senties sur le Ministère qui employait des bureaucrates plutôt que des experts. Si elle avait éprouvé la moindre réserve devant la nomination de Denise pour son service, ces dernières venaient de fondre comme neige au soleil en l’écoutant. Rachel ne comprenait pas tout. Le peu qu’elle avait suivi sur les créatures magiques étaient rentré par une oreille et ressorti par l’autre. Elle n’avait que son chat chez elle, et ça lui suffisait amplement. Mais elle fronça les sourcils, faisant l’effort pour comprendre ce que Denise reprochait en général au système en place. Ainsi, elle la laissa parler jusqu’à ce que Denise se rende compte qu’elle pensait à haute voix.

Les yeux de Rachel fixent longuement la jeune fille assise en face d’elle. Si elle est vexée, agacée, elle n’en montre rien. Non, Rachel était dans ses pensées et après quelques secondes finit par montrer le parchemin qu’elle venait de donner à Denise.

« Je ne sais pas si je pourrais répondre à tous vos besoins, mais je peux faire une demande de réorganisation de ce système en argumentant sur le fait que c’est important pour la sécurité et le bon passage des lettres. »

Peu de personnes arrivaient à impressionner Rachel lorsqu’elle était derrière son bureau, mais il semblerait que les deux personnes qui avaient réussi cet exploit, Alessandro de Medici et Denise Loisel, étaient plus jeune que tous les cadres et expérimentés qu’elle avait rencontré depuis qu’elle était directrice. Autant utiliser leur potentiel car si ils faisaient du bon travail, elle était tout à fait ouverte à les recommander. Denise semblait savoir de quoi elle parlait et Rachel voulait lui donner sa chance.

« Faîtes-moi un rapport détailler de ce que vous penser qu’il serait bien de modifier en utilisant les indications que je vous ai donné et soumettez-le moi dès que possible. »

Marquant une pause, le visage de Rachel se détendit un peu.

« Je peux demander une formation à mon service courrier pour qu’ils prennent en compte les races et appuyer également votre demande pour que ce soit vous qui nous fassiez cette formation. » Ce qui ferait bien aussi dans son administration, elle en était persuadée.

Emballée par l’idée, Rachel adressa un sourire calme à la jeune femme.

« Même si vous semblez savoir ce que vous voulez, Mademoiselle Loisel, auriez-vous des questions auxquelles je peux répondre sur ce travail ? Si ce n’est pas le cas, je peux vous faire le tour du service des courriers ici. »

Rachel sentait que Denise était paniquée intérieurement de s’être laissée emportée ainsi dans son discours. Elle attendit patiemment que la jeune femme se calme et réponde. Visiblement, elle semblait prête à dire oui amen à tout ce qu’elle demanderait. La rousse eut du mal à cacher son envie de sourire derrière son masque de sérieux et professionnalisme. Denise la touchait plus qu’elle ne l’aurait pensé et elle restait persuadée que cette jeune femme irait loin… et se ferait surement quelques jaloux sur son passage. Mais qui ne s’en faisait pas ?

Acquiesçant lorsque Denise lui dit ne pas avoir de questions, Rachel se leva et remit son manteau. D’un regard, elle s’assura que la jeune femme était prête également à ressortir dans le froid. En voyant de nouveau son accoutrement, elle hésita à lui proposer de nouveau mais se retint. A Denise d’apprendre à doser sa fierté et à demander simplement.

Déverrouillant son bureau, Rachel s’assura ensuite que Denise était protégée de son patronus mante religieuse avant d’indiquer à la jeune femme de la suivre. Elles retrouvèrent brièvement Ambre qui salua avec chaleur Denise avant de s’enfoncer dans le Fort Invisible.

Elles ne prirent pas le même chemin qu’à l’aller. Cette fois-ci, Rachel se dit qu’elles ne pourraient pas éviter le Serpent, mais en observant brièvement sa montre, elle sut qu’elles le croiseraient sûrement lorsque Rachel raccompagnerait Denise à la sortie. Pour l’heure, elles arrivèrent jusqu’au service administratif des courriers. Après avoir passé les sécurités, les deux femmes se retrouvèrent dans une immense volière. Les températures étaient ici plus froides que partout ailleurs du fait des ouvertures. La volière remontait très haut. Escalader ici était de la folie pure et simple du fait de la hauteur.

Occupé à trier le courrier et les colis, Anatole Levain était emmitouflé dans son manteau et semblait travailler à un rythme effréné. L’homme arrivait dans la fin de sa quarantaine et était somme toute particulièrement de beauté commune. Lorsqu’il vit qu’il n’était plus tout seul, il salua de la tête la directrice qui lui parla :

« Anatole, je vous présente votre correspondante au Ministère dans le service de communication, Mademoiselle Denise Loisel. Mademoiselle Loiseil, je vous présente M. Levain. »

L’homme ne s’approcha pas mais fit un geste de la main à Denise et la salua. À cet instant, un hibou se posa devant lui et il récupéra le courrier. Rachel, quant à elle, se tourna vers Denise et l’invita alors :

« N’hésitez pas à explorer un peu. »

Son regard tomba sur sa mante religieuse qui continuait son office autour de Denise. La jeune femme ne craignait rien ici et en leur compagnie. Le Serpent avait beau y passer et faire du coup, en sorte que les volatiles se terraient de peur, sa ronde ici n’était pas avant un moment.

Silencieuse, Rachel regarde Anatole faire. L’homme prend régulièrement des pauses. Cet endroit est sans doute l’un des plus pénibles du Fort Invisible à cause du froid. Elle sait qu’il fait un travail formidable avec ses autres employés qui l’aident. Sans doute sont-ils en pause eux aussi. Elle ne cherche pas à troubler le rythme d’Anatole de ce fait et se tourne discrètement vers Denise pour poser un regard sur elle. Malgré tout, elle la surveille. Elle la voit inspecter et ses émotions se lisent sur son visage. Elle ne semble vraiment pas aimer ce qu’elle voit mais cette fois-ci, Rachel ne lui donnera pas autant de compassion si elle refait la même chose que dans son bureau. Elles n’étaient pas seules après tout.

À force de l’observer, Rachel comprit que cette jeune femme lui serait bien utile ici et elle se sentait encline à mieux faire valoir ses précédentes demandes. Il était évident que la jeune femme avait une affection particulière pour les volatiles. Pour Rachel, ce n’était que des oiseaux même s’ils étaient utiles. Elle avait toujours eu du mal à les considérer comme de vrais animaux de compagnie comme cela pouvait être le cas avec sa chatte noire, Ombre.

Ce n’est qu’à la question de Denise que Rachel sortit de son observation pour froncer très légèrement les sourcils. Elle ne répondit pas tout de suite mais leva son regard vers le trou du « plafond ». Puis, elle revint à Denise et lui répondit :

« Considérez simplement qu’un animal magique vient y faire sa ronde de manière régulière. »

Ça n’était pas un secret. Il y avait quantité d’histoire sur le Fort Invisible. Rachel pouvait au moins évoquer le Serpent brièvement. Le reste, Denise n’avait pas à le savoir. Mais le Serpent passant ici, il rentrait en interaction avec les hiboux. C’était sans doute utile que Denise le sache.

« Pourquoi cette question ? »

De son pas sûr, elle fit signe à Denise de la suivre. Elles en avaient terminé ici et Rachel lui ouvrit la porte pour qu’elles aillent dans le couloir avec pour intention de la ramener jusqu’à la salle d’attente où la baguette de Denise lui serait rendue et le rendez-vous se terminerait. À moins que Denise ne souhaitait encore rester un peu.

Sans se presser, ni ralentir le pas, Rachel écoute les déclarations de Denise avec patience. Elle voit bien que la demoiselle hésite encore mais Rachel lui laisse le temps. Les signes d’agitation dont parlait Denise, Rachel savait parfaitement d’où ils venaient. Le Serpent ne se nourrissait pas des hiboux mais cela n’empêchait pas qu’il était un stress réel pour les volatiles. La jeune fille semble particulièrement au fait du bien être des volatiles et Rachel, si elle trouverait cela touchant, a aussi sa vision de bureaucrate. Ils ne peuvent pas se permettre des fantaisies de confort au détriment de la sécurité. Certaines choses pouvaient être arranger mais la sécurité du Fort dans tous les endroits était capitale. Rachel était presque désolée pour ces volatiles mais ils devraient faire avec. Ils l’avaient déjà fait auparavant, cela continuerait ainsi.

En revanche, Rachel s’arrête brusquement quand Denise parla de l’aspect confidentiel des hiboux. Ses yeux devinrent plus petit et son air fermé davantage.

« Comment cela « négligé » ? »

Si elle pouvait être encore plus froide que précédemment, sa voix était à l’image des étendues froides de l’extérieur. Elle se fit violence pour laisser parler Denise jusqu’au bout. Indifférente au sifflement du Serpent qu’elle savait inconsciemment qui se rapprochait sur les étages du dessus et ferait bientôt trembler leur étage, elle fixa Denise et l’écouta très attentivement. Plus cette dernière parlait, plus Rachel sentait son exaspération atteindre des sommets qu’elle n’aurait pas cru.

Comment ça quelqu’un capable de comprendre leur langage ?

Les yeux de Rachel cessent finalement de rétrécir à la fin de la tirade de la jeune femme. Elle décide de laisser de côté l’agacement de ce qu’elle vient de découvrir pour se concentrer sur un certain pragmatisme. Elle n’est pas Directrice pour avoir des décisions trop à cœur.

« Parce que ce n’était pas envisageable en l’état. Externaliser est un risque de brèche de sécurité supplémentaire. » répondit-elle finalement.

Elle voulut reprendre mais le sifflement se fit plus fort. D’un mouvement de baguette magique, la mante religieuse continue des cercles plus rapprochés autour de Denise. Rachel, elle, fixe le plafond qui tremble un instant. Elle a trop l’habitude de l’effet de terreur que procure son passage même deux étages au dessus. Mais elle sait que Denise ne pourra sûrement pas avancer, ni entendre la suite. Elle attend donc que le Serpent passe à l’étage du dessus, les vibrations s’égrainant.

Puis, elle repose son regard sur Denise pour soupeser un peu sa réaction avant de finalement lui faire signe.

« Je vous remercie d’avoir attiré mon attention sur ces détails concernant les hiboux, Mademoiselle Loisel. J’apprécierai que vous me mettiez tout cela par écrit également. Je dois cependant attirer votre attention sur le fait que malheureusement, le Fort n’est pas fait pour être un havre de paix, même pour ces volatiles qui sont la propriété du Ministère. Je ne serai que vous conseiller d’en prendre soin lorsqu’ils seront au Ministère autant que possible. Nous faisons ce qu’il faut pour qu’ils ne perdent pas en efficacité ici. C’est tout ce que je peux vous promettre. »

Et elle ne pourrait rien lui promettre. Par contre, elle comptait sérieusement demander une enquête sur son précédesseur et voir ce qu’il est possible de faire pour que les hiboux ne parlent pas que cela plaise ou non à Denise.

Sentant l’heure tourner, Rachel ne fut pas désireuse qu’elles rencontrent en face à face le Serpent et elles. Elle pressa un peu le pas pour faire parvenir Denise jusqu’à la salle d’attente où elles s’étaient rencontrées quelques minutes auparavant.

« Bien, je ne vais pas vous retenir plus longtemps Mademoiselle Loisel. » Pause. « J’attends vos courriers avec ce dont nous avons discuté. Si vous avez la moindre question, n’hésitez pas à me contacter. »

Elle fit un signe à l’un des gardiens pour lui faire comprendre de raccompagner la demoiselle à l’accueil où elle devra récupérer sa baguette. Néanmoins, avant de partir, Rachel s’arrêta un court instant :

« Peut-être aurons-nous l’occasion de nous croiser de nouveau lorsque je serai en déplacement sur Paris. Rentrez bien Mademoiselle Loisel. »