[Atropos | Emile Teyssier] tissus de mensonges

Nom

Son nom, Emile s’en distancierait aisément, très peu friand d’un héritage familial collant aux moindres de ses coups de ciseaux. La famille Teyssier, tisserands de génération en génération, est une institution occitane - du Sud entier, dirait le patriarche. D’antan connue comme reine de l’art des modes des deux mondes, s’acoquinant des meilleures techniques d’un système comme de l’autre. Cela, c’était avant l’Affaire Alphonse. Peut-être, alors, Emile aurait aimé se vanter de son histoire, vieille de deux centenaires.
Quiconque traverse le pont Vieux, et bascule sur la Ville-Haute sorcière de Carcassonne, verra en pièce maîtresse des lices durement rénovées l’Atelier Teyssier. La Cité, lieu majoritairement sorcier dès le XVIIe, alors qu’elle perd de sa puissance du côté moldu déserté par l’armée, se voit peuplée de tisserands et d’ouvriers. Germain, enfant abandonné aux portes de la paroisse de Saint-Nazaire, se fait la main tisseuse auprès des échoppes des lices de la Ville-Haute. Le nom de Teyssier lui est donné. C’est au détour d’un marché qu’il s’amourache de la deuxième fille Bataille, Margueritte - une sorcière. S’ouvre à lui une nouvelle Cité, celle des sorciers aisés qui, derrière les façades appauvries des moldus, cachent des rues magiques richissimes. Il émerveille les demoiselles et les beaux de Carcassonne par ses tissus, aux motifs et coupes moldus résolument modernes, qu’il introduit à la mode sorcière. Son épouse crée des vêtements toujours plus précieux, protégés de runes soigneusement choisies. La fin du XVIII siècle verra l’enseigne installer sa boutique principale à Toulouse, les Teyssier devenir les costumiers de la noblesse occitane sorcière. L’atelier de création de la Maison Teyssier reste pourtant au coeur de la Cité ; la famille participant d’ailleurs, dès 1830, aux divers projets de rénovation et s’attirant alors les grâces de la population. Des dons réguliers, pour faire pardonner cette ascension d’une famille venue de rien. Ainsi, les petits bourgeois devinrent grands - telle est l’histoire familiale contée par sa nourrice. Elle tait volontiers les messes basses, raillant le frein créatif tombé sur l’atelier depuis l’Affaire Alphonse, qui se susurrent aux réceptions auxquelles tente d'échapper son aîné. Il lui aura fallu fuir à Paris, rejoindre une ville trop grande pour que les noms bourgeois de province n’y aient de poids. Il n’y a que là, alors qu’il traîne ses costumes et ciseaux de maison en maison depuis vingt ans, qu’Emile sait faire du Emile, et non du Teyssier.

Prénom

Emile, le nom de son arrière-grand-père. Celui qui, face à la menace Alphonse, avait su sauver les meubles de la Maison Teyssier. L'homme, aussi, dont la haine contre les moldus était aussi ancrée que l'amour des tissus, dont les pensées assassines envers le sang impur s'était propagé, distillé, dans le cerveau enfantin du grand-père, et du père après lui. Sa mère aurait aimé lui donner le nom de Gustave, grande amatrice des illustrations de Doré ; il avait d'ailleurs inspiré un motif à la Maison, un des ses carrés favoris. Son opinion, toutefois, valait peu de poids au sein de la famille Teyssier.

Naissance

Premier cri, le 22 mai 1885. La portée de ses cordes vocales, à peine sortie du bassin maternel, aurait dû alerter sur le personnage qui attendait la famille Teyssier. Emile sera un inspiré, comme aimait le dire sa mère. Un imbécile, résumait généralement son père. Les mots pouvaient être plus forts, mais cela n'arrivera que plus tard, bien plus tard. À sa naissance, Emile n'est qu'un petit bébé sorti trop tôt, dont la fragilité inquiète et agace à la fois. Il faudra, après tout, qu'il ait les bras assez solides pour gérer l'atelier et la boutique auprès du fils aîné. Ce sera, finalement, une énième déconvenue pour le patriarche.

Parents

Le Père
Louis Teyssier, sang-mêlé, directeur de la Maison Teyssier, fils unique de la famille. Spécialiste des runes, il avait un désintérêt profond pour la création et a rapidement délégué les missions de l'Atelier à ses fils. Son plaisir, il le prend à créer des associations de runes surélevant toujours la qualité et le pouvoir d'un vêtement. Les premiers assemblages de la Maison, permettant de rendre imperméable ou anti-tâches un costume, paraissaient risibles face à ses ambitions de vêtements. L'arrivée de la Grande Guerre fut pour lui, et un bureau caché à l'Atelier, le moyen d'expérimenter avec des vêtements armés, défensifs. Des runes projectiles, explosives, scellées dans les manches des vêtements - rachetés à prix d'or par certains soldats sorciers, volontaires auprès des moldus de la Grande Guerre. Emile, mis au courant de ce projet paternal par une missive de son frère, y voit tout ce qu'il méprise en son Père. Agressivité, rancoeur, vénalité : tant de descriptifs qu'il espère ne pas lui voir associé. Il sait, pourtant, que la main dure de son père, que les mots vifs, ont laissé une trace sur sa psyché ; il sait, que les actions insidieuses du patriarche, sa soeur si jeune faite disparue, ont eu des conséquences. Emile, voyez, n'aura jamais été assez docile, assez suiveur. Il n'hochera pas la tête, quand le père crachera sur les moldus, ni ne se présentera aux réceptions des nobles occitans avec le sourire poli des gens désespérés d'y rester. En Emile, c'est Alphonse, l'honni, qui semble miroiter. S'il avait fait tirer ses cartes à sa naissance, Louis en reste persuadé : son fils ne serait que le présage d'une faillite familiale.

La Mère
Joséphine Castel, sang-mêlée, assistante principale de la Maison Teyssier. D'aucun dirait que Joséphine, ou Josie comme elle tendait à se faire appeler à l'atelier, était une femme de forte influence, dont les couleurs d'été et les motifs d'hiver faisaient la mode occitane. Devant ses miroirs magiques et sous ses rubans ensorcelés venaient se pavaner les plus beaux de la région. Dernière de la famille Castel, grands bourgeois et spécialistes des enchantements, elle avait toujours baigné dans un certain comfort et prenait plaisir à s'entourer du beau monde. Loin d'être créative, elle avait toutefois su charmer le fils Teyssier par son coup de baguette assuré, promettant de gérer l'enseigne d'une main maîtresse. Avec Josie, les sortilèges filent droit, et les ciseaux ne font pas un cran de travers. Ils s'étaient vite entendus : la fille Castel continuerait à embourgeoiser les Teyssier, et lui s'occuperait d'ambitions bien plus sérieuses. Si Josie savait briller en société, si ses mots étaient d'or pour les dames qu'elle conseillait, sa parole n'avait toutefois que peu d'importance pour son époux, vite lassé de sa mondanité. Il la préférait silencieuse, et n'aimait pas qu'elle partage ses idées de création à table. Peut-être craignait-il qu'elle inonde l'esprit de ses fils de naïveté, voulant une boutique plus riche que créative. Émile avait toujours été déboussolé de voir combien sa mère, à la personnalité si assurée quand elle virevoltait de robe en costume, s'effaçait totalement une fois la porte de leur maison franchie. Elle s'effaçait tant, qu'Emile n'était pas même certain de pouvoir redessiner la personne qu'elle était, quand Josie retirait sa cape de patronne et endossait celle de mère. Elle n'avait, il est vrai, que très peu d'affection pour ses enfants, préférant rapidement les délaisser à leur nourrice - il ne fut que trop facile pour elle d'oublier Sophie, quand vint l'heure de la faire disparaître. Arrivée si tard, elle n'était que moins souhaitée. Le désintérêt dans son regard réveille encore parfois Émile, le corps fiévreux de cauchemars. Ces prunelles vides n'avaient jamais été portées sur lui, puisqu'il avait la bienséance d'être doué de ses ciseaux, de manier les enchantements avec précision, et était doté d'une créativité vivace qui la faisait même s'attarder sur ses croquis. S'il l'intéressait peu hors de l'atelier, Emile lui paraissait autrement prometteur ; elle n'en fut que plus sévère. S'ils n'avaient su réparer la magie de l'une, peut-être sauraient-ils polir celle de l'autre.

La Fratrie
André Teyssier, né en 1883, fils aîné, un homme sans incidence sur le parcours d'Emile, qui n'éprouve à son égard aucun sentiment particulier. Mensonge, encore - il faudra s'y habituer, avec Emile. Il est plus facile, seulement, de faire croire à l'indifférence. Elle s'est construite au fil des années, aime-t-il raconter, alors qu'ils étaient pourtant meilleurs alliés à Beauxbâtons. De deux ans son aîné, André, rentré travailler à l'Atelier avant lui, semblait s'être effacé. Il menait, au sein de l'enseigne, une logique loin de celle imaginée lors de ces nuits entre frères, passées à reconstruire la Grande Histoire de leur Maison et à se promettre un renouveau, digne d'antan. Une Maison, faite de techniques nouvelles, de modernité, tournée vers le peuple, et loin des caprices de la Haute. C'est cette dissension familiale qu'Emile aura plus facilement partagé pour expliquer son arrivée sur les terres de la capitale, à la recherche d'un atelier où poser ses croquis et ses runes.

C'est Sophie, en réalité, qui créera la rupture. Sophie Teyssier, née dix ans après Emile, à la surprise générale, rapidement devenue immondice familiale. Sophie, voyez, avait le vilain défaut d'être sans-magie. Serait-elle née quelques générations plus tôt, la jeune fille se serait contentée d'être assistante de l'atelier, bonne poire sans trop d'histoire. L'Affaire Alphonse, seulement, avait rapidement fait basculer les opinions familiales. Il n'était plus possible de risquer leur place en société, si durement gagnée, à cause d'un sang trop boueux. Une cracmolle, dans leur rang, allait faire ressortir des mémoires les troubles du début du siècle ; il fallait, vite, la casser, la briser, pour qu'elle soit réparée. Pour que son sang se révèle, magique, comme tout digne Teyssier. Vite, avant que la noblesse ne se détourne, avant que l'or ne s'épuise, avant qu'on ne coupe les jambes à leur récente bourgeoisie. Dans son orgueil de grand-frère, Emile s’était trop tôt promis de la protéger. Du haut de ses trois pommes et demi de plus qu’elle, il lui paraissait évident, alors, qu'il serait son chevalier éternel, grand défenseur des sourires qu'elle lui adressait. Il fallait être rusé, discret, pour lui dire deux mots doux quand il rentrait aider à l'Atelier, certains week-ends du mois. Le Père, figé dans sa haine, avait la baguette punitive facile. De Sophie, naît l'aigreur d'Emile pour la noblesse et la haute-société, cette bourgeoisie où son statut le coince aussi, fautifs à ses yeux des maux de sa jeune soeur. À ses onze ans, toujours sans nouvelle de Beauxbâtons, on l'avait fait disparaître - c'était le terme, chez les bourgeois de chez eux, pour ces filles vendues aux meilleurs preneurs. André, l'aîné, avait simplement détourné les yeux, le soir où Père avait annoncé qu'elle ne serait plus des leurs. Emile, lui, avait claqué la porte. Sophie, il la cherche encore.

Nature du sang

Bourgeois coincés entre la petite et la haute société, le seul écueil social que les Teyssier ne sauront passer sera celui du sang : maudits semblent-ils à toujours s’acoquiner de moldus ou autres sang-mêlés. Il est même curieux que leur arbre ne soit pas plus parsemé de cracmols - telle que la petite dernière, Sophie, une abomination dont on tait volontiers le nom. Cette abjection des sans-magie, aussi récente qu’inattendue, prend ses origines trois générations plus tôt, alors que le grand-grand-oncle d’Emile précipite la famille Teyssier au bord de la ruine. Alphonse, comprenez-vous, veut s’associer aux manufactures moldues, créer une usine mixte, mêler les savoirs pour le plus grand bien des deux sociétés. L’industrialisation magique, moqueront certains. Les langues s’étouffent, la noblesse s’agite. On susurre le nom d’une femme, une moldue de Toulouse, qui pourrait être derrière cette idée saugrenue. À combien d'autres "associés" aura-t-il laissé entendre que la magie guide leurs tissus ? Il faut se défendre des anglais, plaide-t-il, où le prix et la main d'œuvre viennent appauvrir la production française. Alphonse ne pourra défendre l’idée longtemps, condamné à mort en 1808 sur demande du Baron de Carcassonne. Son court procès le statuant vite coupable de la mise en péril du secret magique, s'associer à leurs vêtements fait alors mauvaise figure. L'entreprise familiale voit rouge. Voilà de quoi cesser nette toute envie de s’associer aux moldus ; la Maison fait une rupture radicale avec son histoire, et les tissus et techniques des Autres ne sont plus au goût du jour. Emile, encore, s’en étouffe. Aux oreilles les plus intimes, il le confie volontiers : dans cette suprématie du sang, il n'y voit qu'une idiotie sans pareille. Ces mots sont peu prononcés, Emile ayant rapidement appris de ses erreurs de jeunesse. Son regard trop gentil, pour sa jeune soeur, bien vite corrigé à coups de baguette venimeuses. À la Capitale, couturier pour les plus grandes lignées comme pour les costumes des clubs les plus puristes, il tait ses pensées, hoche la tête ça et là pour se mettre du côté de la bourse du jour.

Situation matrimoniale

Son premier amour avait été Louis, un gamin de son âge, fils de l'herboriste d'en face. Ils se sont emballés contre la porte de l'Atelier, derrière les remparts magiques de la Cité, dans la serre des jardins du potionniste. Il ne lui avait pas brisé le coeur, car Emile l'avait cassé en premier, dès son arrivée à Beaux-bâtons. Il s'était amouraché de Charlotte, à peine leurs regards s'étaient croisés. Elle n'avait pas longtemps duré, remplacée par Louise, puis Albert, puis Georges, et Lucien, et Ovide, et Zélie, et, et, et. C'est un romantique, un coeur d'artichaut, aime-t-il dire - cela fait rire les demoiselles, quand il fait défiler les robes à essayer. Amoureux du flirt, des baisers, des regards qui se languissent, préfère-t-il susurrer à ces messieurs. Pourtant, à quarante ans passés, son coeur sonne toujours aussi creux. Peut-être ne sait-il pas aimer. L'exemple familial, il est vrai, n'avait pas réellement su convaincre l'enfant. L'adulte, lui, préfère alors donner coeur au métier.

Occupation

Couturier des gentilshommes et demoiselles, mais aussi créateur de costumes pour l'Opéra comme toute autre scène culturelle, des plus honnêtes au moins régulières, Emile trimballe sa malle à runes et coutures dans tout Paris. Voilà 21 ans qu'il y a mis les pieds, formé depuis ses premiers gestes au sein de l'Atelier familial. Coudre, repriser, bâtir, coulisser, couper, cranter, dégarnir, froncer, Emile sait faire. La spécialité maison - les runes scellées dans les vêtements - fait ravage à la Capitale. Ici, la légèreté, la souplesse, un peu de décolleté renforcé pour madame, peut-être une protection contre les coups de vent, monsieur ? Dans un compartiment caché de sa mallette, toutefois, se cache un assortiment de runes plus mesquin, doux requin, à qui sait demander. De quoi surveiller, espionner, empoisonner, rendu invisible dans un vêtement. Pensez à l'oreille d'Emile, qui traîne dans les recoins de chaque salon aisé, prête à faire remonter toute information d'importance à qui de droit. C'est pour la Cause, aime-t-il se rassurer. C'est en cela qu'il se distingue du Père. Pour la Cause, la déchéance des plus Hauts. Pour sa cause - Sophie.

Scolarité

Où votre personnage a-t-il effectué sa scolarité ?
Beauxbatôns, Faction de l'Aurore, 1896-1903
Si manier le ciseau lui était venu avec une évidence folle, l'art de la baguette magique se fit plus capricieux. Emile a sept ans, quand une crise de colère, trop fréquente chez l'enfant, fait exploser la caisse à chutes de tissus. Les morceaux et lamelles s'étaient enflammés aussitôt, sous l'oeil atterré de Maman. Il s'étonne encore parfois d'avoir eu la liberté de l'appeler ainsi, quand ses actions étaient plutôt celles d'une Patronne. Agacée de voir son atelier mise à risque, elle l'avait pris par le cou et balancé dans la cour. L'interdiction tombe : l'atelier sera terrain privé, tant qu'il ne sera pas meilleur sorcier. Très vite, Emile avait dû apprendre à maîtriser ses humeurs. C'était peut-être un des seuls caprices que son père lui aura autorisé : un précepteur, commun avec André, pour consolider quelques bases. Il ne manquerait plus que ses fils soient des incapables, laissant la Maison sans héritier. Maman avait vu d'un mauvais oeil cette dépense supplémentaire, persuadée qu'arrivé à Beauxbâtons, le gamin trouverait droit chemin. L'Atelier ne pouvait-il pas se passer des enfants, jusqu'à ce qu'ils soient en âge d'être utiles ? Comme de coutume, avec Josie, ces mots restaient marmonnés en boutique, mais ne franchissaient jamais le palier de la maison. La dépense s'était arrêtée à la première rentrée d'André, deux ans avant qu'Emile n'y mette les pieds. Les sauts d'humeur se faisaient moins nombreux, sans un grand frère prêt à vous faire démarrer.
Le 1er Juillet 1896, un an après l'arrivée de Sophie, jusque là une enfant tout aussi acceptable que ses aînés, marque ses débuts à Beauxbâtons. Emile n'a qu'un souvenir confus de ses années scolaires — c'était il y a plus de vingt ans, comprenez, et un certain choc familial était entre temps venu bousculer sa mémoire. Pressez le temps, et vous voilà en milieu de parcours, Emile alors jeune adolescent aux doigts piqués par les aiguilles, qui malgré ses joue ronde portait des cernes trop profondes sous les yeux. Vêtu de bleu clair, élève de la faction de l'Aurore, Emile s'était vite appliqué à ajuster son uniforme, au grand damn de ses professeurs. Il avait fini par se lasser des réprimandes, et se contentait alors d'accorder multiples accessoires et finitions à sa broche de pierre gris argenté. Sa coquetterie attirait les regards, parfois intéressés, souvent curieux de s'offrir aussi quelques pièces personnalisées. Le père n'avait jamais explicitement approuvé l'idée, mais Maman ne disait rien quand des chutes disparaissait de l'Atelier, aussi Emile s'était amusé à développer sa malle à runes et couture. La même qui, encore aujourd'hui, se voit traînée dans tout Paris. Un week-end par mois, puis deux dès sa troisième année, l'enfant avait dû faire des allers-retours à la boutique, pour aider à faire tourner la machine. Il ne s'en plaignait pas, profitant des occasions pour faire le plein dans sa malle. Ses seuls pics de jalousie firent leur apparition en 3ème et 4ème années, quand des compagnons d'année profitaient des richesses familiales pour se cultiver hors France. Ceux qui firent quelques pas dans des écoles dont il connaissait une certaine affection pour l'art des runes auront, peut-être, par mégarde, tendance à se voir refuser quelques demandes de création. Petit, le Teyssier.
De sa scolarité, jamais Emile ne s'était démarqué. Il n'était pas cancre — la baguette trop facilement colérique de son père coupait rapidement les envies de se laisser aller — mais on ne pouvait le dire tête de classe. C'était un bel entre-deux, un passe-partout, ni remarquable ni remarqué. Si cela lui allait volontiers, Maman avait tendance à en soupirer. Ses frères, après tout, grands briseurs de sort, lui avaient fait espérer une progéniture un tant soit peu plus futée. Emile appréciait l'art de la métamorphose et des sortilèges, curieux de ses applications sur son métier, se lassait facilement des potions et de la botanique ; il pointait ici du doigt son premier amour, fils de l'herboriste, qui occupait trop ses pensées quand il se retrouvait face à une plante. Il avait, bien sûr, opté pour l'étude des Runes et l'Arithmancie en cursus secondaire, aidé en ces matières par les heures passées à les potasser et les appliquer à l'Atelier. Peut-être là avait-il su se détacher de sa promotion, son enseignant toujours curieux des associations créatives que l'adolescent se laissait à tenter. Sa dernière année, Emile s'autorise l'Art Divinatoire, toujours trop attiré par cette magie au potentiel d'interprétations multiples. La rigidité de celle qu'il avait été autorisé à apprécier détonnait avec la divination, où il prenait un plaisir coupable à écouter ses camarades dotés d'un don réel. Ses propres analyses tenaient de la fabrication pure. Seulement plus tard regretta-t-il de ne pas s'être formé au Duel magique, le sang pulsant d'une violence envers son patriarche que seul un règlement de compte dans l'art des baguettes aurait su calmer.

Composition baguette

Sa première baguette ne l'avait pas choisi. Elle lui avait été attribuée d'office, le lendemain de sa crise de colère révélatrice de sa magie. Comprenez, il ne fallait pas prendre le risque de faire sauter l'Atelier. Son précepteur, rapidement mis dans la boucle, s'était étouffé. La baguette, retirée des doigts étrangement gauches de l'enfant, avait été replacée dans le bureau paternel. La liste de Beauxbatôns enfin reçue, deux ans plus tard, une après-midi s'était organisée. Direction Toulouse : on y trouvera bien un revendeur de Cosme Acajor. Une première baguette en bois de pin s'était doucement réchauffée, mais c'est finalement une longue tige, plutôt rigide, de 27 centimètres, en bois de charme et au coeur d'épine de monstre du Fleuve Blanc qui obtient ses faveurs. Il mettra quelques temps à la manipuler parfaitement, la baguette alors trop passionnée pour un tempérament d'enfant.

Patronus

Emile préfère penser qu'il n'a pas de souvenirs suffisamment lumineux pour créer un Patronus que de s'imaginer qu'il en est incapable. Toujours est-il qu'aucune forme n'était identifiable, quand il se devait d'essayer, à Beauxbatôns, ce sortilège. Peut-être une fois sa magie mûrie par l'âge aurait-il appris à le maîtriser, seulement toute magie aussi blanche lui est impossible depuis la disparition de Sophie.

Epouvantard

Sophie, s'il devait s'y confronter. Sophie, s'il n'arrivait à la retrouver. Sophie, enfant, sûrement, avec ses yeux innocents, son sourire trop tendre pour une gamine déjà tant cassée. Emile n'avoue cette peur que lorsque la nuit est trop bleue, quand son sang est si plein d'alcool que ses mots balbutient sur ses lèvres. Sophie, qu'il n'a pas su sauver, Sophie, corps brisé. Sophie, adulte, peut-être : ce qu'elle est devenue. Fille de joie, courtisane, aura-t-elle plutôt fini au cimetière, corps souillé par ceux qui l'ont acheté, si jeune ? Parfois, Emile s'imagine son regard, rongé par la haine, le supplice. Il ne sait quelle forme réelle sa soeur prendrait, à quelle misère il serait confronté : la seule chose dont il est certain, est que ce serait Sophie qui se dresserait devant lui. Terrible, d'avoir si peur de la seule personne qui le maintient si vivant.

Amortentia

L'odeur de la fleur de coton : l'effluve de tissus propre, le soleil imbibant les vêtements, le floral de la serre du père de Louis, la douceur des linges de Sophie, la nostalgie d'une enfance qu'il s'éprend à romancer, maintenant adulte, alors qu'elle était bien trop sérieuse, bien trop crasseuse ; celle du miel de fleurs : à tourner autour du pot, trop souvent, mêlant mille mensonges à une vérité, prenant la meilleure opinion, la meilleure décision, pour que viennent s'accoler à lui les plus douces rencontres et opportunités, finalement peu différent du sang familial, à grappiller ça et là le pollen le plus délicieux qu'on lui tendra, Emile est miel et cherche miel à la fois ; et enfin celle du thym, plante dont il aimerait pouvoir gober le courage, plus sauvage qu'il n'osera jamais l'être, toute aussi fastidieuse que lui à cueillir et apprécier, il faudra le traiter, le distiller, enlever toutes les couches d'apparences pour accéder à sa véritable essence.

Particularité Magique

Sa seule particularité est sa mallette de runes et coutures, et ses vêtements toujours à la pointe de la mode. Ils ne peuvent que l'être, puisque la mode, c'est lui. Certains curieux sauront déceler une aptitude réelle aux runes de tout niveaux. Point de sang de vélane ou lycanthropie par ici, toutefois, le seul risque de se faire saigner est d'une pointe d'aiguille. Rassurez-vous, Emile maîtrise ses sortilèges.