[TERMINÉ] prison de glace (alessandro)

En cette partie de l’année, les températures étaient si basses que même dans son bureau, Rachel se retrouvait à devoir apposer quelques sortilèges supplémentaires à son bureau pour que la chaleur se diffuse correctement. Ce n’était pas que le Fort Invisible partait à la vau-l’eau, mais les conditions extérieures avaient toujours eu une forte pression sur l’édifice imprenable dont elle était la directrice depuis quelques années déjà. Ces conditions extrêmes et ce qu’elle ressentait également dans son bureau mais aussi ailleurs, était ce qui l’avait conduite à faire quelques inspections spécifiques depuis quelques temps déjà.
Elle ne pouvait pas dire que le système pénitentiaire moldu était bien meilleur sur beaucoup d’aspect même-si elle n’en avait jamais fait l’expérience à proprement parler. Mais elle constatait de l’intérieur et à une position où elle savait qu’elle pouvait faire quelque chose, que c’était également loin d’être le cas pour le système pénitentiaire sorcier. En tant que née-moldue, beaucoup de choses du monde magique en général l’avait beaucoup choquée. La première de ces surprises pour le moins désagréable était bien les elfes de maison qui la mettaient toujours particulièrement mal à l’aise. La deuxième était bien les conditions dans lesquels les prisonniers étaient détenus ici.
Pas réellement hermétique à discuter avec certains détenus encore sains d’esprits, elle avait rapidement établi une liste des priorités qui lui semblaient importantes et d’éléments qu’elle souhaitait mettre approfondir et qui n’étaient pas de son domaine. La médicomagie, la psychomagie, les éléments vitaux de bien-être en étaient un exemple. Rachel avait beau avoir une excellente formation sur les premiers secours, tant de l’époque où elle était oubliator que gardienne au Fort Invisible, elle n’était pas médicomage. Trop consciente de ses limites, elle savait qu’elle avait besoin d’aide. Alors, passer par une annonce pour un travail bénévole avait été la première étape. Si pour l’instant, elle ne pouvait rémunérer qui que ce soit à hauteur du travail, elle pouvait au moins y mettre en avant le caractère philanthropique de cette mission et sans doute, peut-être également avant-gardiste.
Elle devait admettre qu’elle ne s’était nullement attendue à ce qu’un De Medici réponde. Lorsqu’elle avait vu le nom, elle avait d’abord cru à une blague de très mauvais goût ce qui, malgré tout l’humour dont elle disposait, ne l’avait fait absolument pas rire. Mais ce fut après s’être renseignée légèrement, suffisamment pour décider du caractère sérieux de cette réponse, qu’elle avait finalement décidé d’accorder sa chance à Alessandro. Qu’il était finalement amusant de savoir que le fils semblait vouloir travailler avec elle là où les parents avaient été cause de tant de malheur et d’harcèlement dans sa jeunesse.
Le karma. pensa-t-elle, non sans une pointe de mesquinerie et satisfaction toute revancharde.
Ne restait plus qu’à juger si Alessandro ferait l’affaire pour ce qu’elle avait prévu. Dans tous les cas, elle comptait bien le mettre à l’essai sur les prochains jours et semaines à venir. Ici, la moindre erreur pouvait être regrettable et elle comptait bien l’avertir de ce qu’il risquait malgré tout.
Ainsi, s’appliquait-elle néanmoins à rendre son bureau un tant soi peu chaud. Rachel n’avait que très peu de goût pour la décoration qui s’arrêtait pour ainsi dire à une sobriété qui frisait le minimum syndical. La seule source de couleur, outre le bois des meubles qui n’étaient pas les siens, était le brun de lavande éternel qu’elle avait laissé là et qui embaumait la pièce de sa senteur. Aucune photo personnelle également n’était mise en évidence, tant pour sa sécurité à elle que pour celle de ses proches.
Alors qu’elle était en train de terminer d’attiser le feu dans la cheminée, la rousse vit arriver une lueur argentée dans la pièce. Le patronus d’un.e des gardien.nes envoyé lui délivra le message que son invité était arrivé au poste de contrôle. D’un mouvement de main, se rappelant ce pique-nique familial avant qu’elle ne soit déclarée comme sorcière où son père était encore vivant, Rachel lança à son tour son patronus qui se forma. La mante religieuse orchidée sortit immédiatement de la pièce pour délivrer dans un jargon pénitencier qu’elle était en route.
Les sécurités de son bureau activées, Rachel se mit en route de son pas boiteux. De nombreuses sécurités passées, puis un ou deux portoloins plus loin, la rouquine arriva finalement au poste de contrôle où on la reconnut immédiatement. Ce fut finalement la fameuse salle d’attente des visiteurs qu’elle se rendit. Son regard clair tomba sur le faciès du jeune homme. Définitivement, il était bien un Medici. Elle espérait que celui-ci n’était pas aussi idiot que son paternel même s’il y avait de fortes chances que le gène mâle soit déjà un problème de base et le fasse partir avec de nombreux points de retards. Professionnelle, néanmoins, Rachel s’approcha pour tendre la main au jeune homme.
« Monsieur, bonjour. Bienvenue au Fort Invisible. »
Son ton est clair et détaché. Rachel ne sourit pas non plus. Ici, elle est censée être la directrice et par conséquence se devait de marquer des distances et de la froideur dans un milieu parfois compliqué. Cela allait également de paire avec les visiteurs qu’elle était sujette à rencontrer.
« J’espère que vous avez fait bon voyage jusqu’ici. » Même si elle se fichait bien de la réponse en réalité, il fallait faire preuve d’un peu de civisme. « Je vous invite à ne pas retirer votre manteau, pas avant que nous soyons arrivés à mon bureau. » commença-t-elle de but en blanc. « Veuillez rester derrière-moi à tout instant. Ne parlez pas avec les détenus que vous pourrez rencontrer. Ne vous éloignez pas de moi également. Comme mon collègue a dû vous le dire, votre baguette vous sera rendue à la sortie de notre entretien. » D’un mouvement de la sienne, elle fait venir son patronus qui est toujours formé vers Alessandro et la mante religieuse se mit à tournoyer autour du jeune homme. « Avez-vous des questions ? Est-ce que tout vous semble clair ? »

Son regard clair descend sur son patronus qui encercle Alessandro. Il sera utile pour leur voyage jusqu’au bureau. Plus tard, si Alessandro faisait l’affaire, il devrait en produire un dans le cas où il devrait naviguer dans la forteresse qu’était le Fort Invisible. Rachel s’assurerait de lui donner une formation à ce sujet s’il ne savait pas en produire un. S’il n’y arrivait toujours pas, elle pourrait éventuellement missionner un.e gardien.ne qui serait constamment avec lui. Si le personnel et Rachel en tant que directrice ne se faisaient pas remarquer par le serpent de glace qui allait et venait partout, il n’en serait pas de même pour Alessandro sans la protection d’un patronus. Le caractère trop bénévol d’Alessandro était trop volatile malgré les précautions contractuelles qu’elle prendrait pour les besoins administratifs de toute le monde.
Le monde carcéral était définitivement un monde de papiers.
La poigne d’Alessandro est franche. Ses réponses sont courtes et concises. Quelque part, cela plait à Rachel. Ils n’ont effectivement pas de temps à perdre ni l’un ni l’autre. Au moins, peut-elle dire selon ses souvenirs qu’Alessandro n’a pas hérité de la parlotte incessante de son père. Ça aussi, c’est un bon point, mais cela ne rentrera pas dans son jugement sur la personne qualifiée qu’est Alessandro.
Acquiesçant, Rachel répondit, toujours sans sourire :
« Allons-y. »
Elle ne le fait pas passer par le chemin qu’elle a emprunté. Rachel connait parfaitement la cartographie des lieux. C’est son travail évidemment, mais c’est aussi grâce à son travail de gardienne pendant de longues années qu’elle connait tous les chemins qui peuvent mener à son bureau ou non. Patte folle qui suit le rythme, elle navigue avec Alessandro dans le labyrinth qu’est le Fort Invisible. Parfois, son regard se tourne vers le plafond lorsqu’elle entend un sifflement qui fait pratiquement vibrer les murs mais ne semble pas être particulièrement perturbée par cela. Ce serpent, elle ne le craint pas mais elle se doute que pour ceux qui n’ont pas l’habitude ce sifflement peut être terrifiant.
Silencieusement, ils finirent par atteindre le bureau au tournant d’un couloir, plusieurs portes en amont ayant été descellées, puis scellées de nouveau. Après quelques secondes à arrêter les sortilèges d'intrusion elle ouvrit la porte et invita Alessandro à rentrer avant elle. Une fois à l’intérieur, elle actionna de nouveau les sortilèges.
« Asseyez-vous, je vous en prie. » l’invita-t-elle courtoise.
Elle fit elle-même le tour de son bureau pour s’asseoir derrière le sien avant de finalement regarder un instant Alessandro. D’un mouvement de baguette, elle fait disparaitre son patronus. Ici, ils sont à l’abri et le patronus est inutile. C’est finalement après un court laps de temps qu’elle commence :
« Je vous remercie tout d’abord d’avoir répondu à l’annonce qui a été passée. Votre candidature ayant retenu mon attention, vous faîtes partie des candidats que j’envisage pour le poste. »
En réalité, Rachel n’avait pas tant eu de réponses. Mais elle était tout à fait disposée à patienter encore si Alessandro ne se révélait pas convainquant.
« Je voulais tout d'abord savoir quelles étaient vos motivations pour ce poste ? L’idée de travailler dans le milieu carcéral ne vous dérange-t-il pas ? »
Parce qu’elle ne pouvait que se questionner sur l’envie d’un Medici de vouloir sortir de son faste et ses paillettes pour travailler ici.

Peu encline à rassurer Alessandro – ils étaient après tout dans une prison, pas un hôtel auquel il aurait l’habitude – Rachel ne peut que mesurer l’effet que ce petit tour faisait. Il y avait bien sûr quelque chose d’infiniment mesquin dans ce qu’elle ressentait. Mais il y avait aussi une sorte de réflexion qui lui donnait un peu plus raison dans sa volonté d’améliorer certaines choses ici maintenant qu’elle était bien établie et qu’elle avait fait ses preuves en tant que directrice. Ce qui rendait ce rendez-vous d’autant plus important pour elle. Ses attentes restaient hautes, d’autant plus que malgré lui, le nom d’Alessandro ne jouait pas en sa faveur. Si les sorciers et sorcières de sang-purs faisaient preuve d’une discrimination crasse envers ce qui n’était pas pur, ni bien né comme elle, elle n’avait aucun scrupule à être également discriminante. Ce n’était pour elle que justice.
Elle le voit observer le décor impersonnel et sommaire de son bureau à l’exception du brin de lavande immortel qui embaumait la pièce de sa senteur et rappelait le sud. Lequel, cela était laissé à la discrétion d’Alessandro de le deviner s’il en avait envie.
Écoutant ses réponses avec attention, Rachel essaie de soupeser les réactions du jeune homme. Elle le sent mesuré et à réfléchir attentivement à ses réponses. Si elle aurait pu sourire à la précision sur le côté statique du Fort Invisible, elle remarque qu’il avait parfaitement compris ce qu’elle attendait et sa réponse est appréciée bien qu'elle n'en exprime rien. Sa question la fait acquiescer.
« Quand ils arrivent ici, oui. » Et elle pouvait dire qu’il y avait de tout ici. Du grand bonnet malfrats aux petits délinquants, en passant par quelques nobliaux qui s’étaient sentis pousser des ailes. Hommes, femmes, jeunes et moins jeunes, quoiqu’ici tout fut relatif étant donné que la vie y était rude et que tant les éléments que le désespoir creusaient les traits. Elle avait vu nombre de prisonniers ayant des peines plus ou moins longues, ressortir d’ici complètement changés et faisant bien plus vieux qu’ils ne l’étaient réellement. « Mais lorsqu’ils ressortent, cet endroit les a aussi modelés en quelque sorte. »
Rachel posa son regard sur son dossier. Elle y avait là toutes les informations qu’il avait rempli, ainsi que les références.
« Je ne vais pas tant vous poser de questions sur votre carrière de médicomage. Les références sont suffisantes. » Elle se demande cependant si tout est vrai. Non pas qu’elle soit persuadée qu’il y est des faux, mais de savoir s’il était vraiment compétent ou parce que son nom lui avait donné quelques passe-droits. Sans doute que oui. Mais elle le verrait bien assez vite de toute façon. « Il est possible que vous ayez accès à quelques documents confidentiels et donc accès à des informations confidentielles sur certains détenus pour comprendre leurs besoins spécifiques. Pensez-vous avoir le recul nécessaire pour parfois faire face à des histoires difficiles et traumatisantes ? »
Elle ne pense pas réellement au pourquoi ces prisionniers étaient incarcérés ici. C’était surtout aux conditions physiques et mentales dans lesquels certains se trouvaient actuellement. L’infirmerie était compétente, mais Alessandro n’était pas à l’abri que certains prisonniers parfois menacent de passer à l’acte ou passe à l’acte. C’était, malheureusement, parfois arrivé même si des dispositifs étaient mis pour arrêter cela avant qu’il ne soit trop tard. Sans parler de ceux qui mourraient simplement à cause de leur mal être et à cause des conditions dans le Fort Invisible, sans qu’il n’y est de mauvais traitements visibles.
« Également, savez-vous produire un patronus ? Il sera nécessaire de l’avoir avec vous en évoluant par ici. Sans lui, vous risquez votre vie au même titre que les prisonniers, même si, vous serez toujours accompagné d’un gardien ou d’une gardienne. » Elle ne précise pas s’il est disqualifiant de ne pas savoir produire un patronus.
« Avez-vous des questions plus précises sur le travail qui vous sera demandé d’après l’annonce qui a été passée ? » L’annonce était très générique en réalité et possédait un certain jargon de l’administration publique qui n’était pas à la portée de tous. Néanmoins, elle était disposée à éclaircir ses doutes pour se faire une meilleure idée de la personne qu’il était également.Loom of Fate | 2023

Avoir un mental solide ici était important. Rachel en savait quelque chose. Ce n’était pas que les histoires qu’elle lisait dans les dossiers et celles qu’elle entendait. C’était aussi de simplement voir une misère humaine qu’il n’y avait nulle part ailleurs. Voir dépérir des gens, même des inconnus, n’était pas chose aisée. Rachel s’y était faite avec le temps et le professionnalisme. Pour un jeune homme comme Alessandro, ce serait dur mais formateur. La réponse précise et sans détour qu’il lui offre la fait se questionner sur le courage du Médici. Bien sûr, lorsqu’elle était plus jeune, elle aussi se sentait capable de tout. Cela ne voulait pas dire qu’elle l’avait été comme sa jambe le lui rappelait tous les jours. Mais il semble censé à demander pour l’accord. Rachel opine.
« Oui, tout à fait. Tout ce qui se passe ici reste entre des murs. Tous les dossiers, toutes les informations que vous lirez ou entendrez ne sont pas divulgables. Il y a un protocole précis qui sera effectué si j’accepte votre candidature. »
Nullement besoin de le détailler ici et maintenant puisqu’il n’était que candidat. Rachel connait la curiosité que ce lieu peut créer, mais elle sait pondérer ses informations également.
Le laissant réfléchir pour le patronus, elle ne s’attend pas réellement à ce qu’il sache en faire un. Après tout, il s’agissait d’un sortilège complexe et précis. Il n’y avait pas tant de personnes qui y parvenaient. Certains n’y arrivaient plus également, pour d’autre cela revenait. Rachel devait admettre qu’elle se sentait fière de savoir en faire un parce qu’elle avait rapidement compris que c’était par ses pouvoirs magiques et la qualité de ses sortilèges qu’elle pouvait prouver qu’elle était une bonne sorcière. Une sorcière née moldue qui savait s’intégrer. Elle n’avait jamais réellement perdu ce côté bonne élève, presque zélée en réalité, saupoudré surtout d’un manque de confiance en elle criant sur sa légitimité à être une sorcière dans un monde qui lui rappelait constamment qu’elle n’y avait pas sa place.
Alors, lorsqu’il dit qu’il ne savait pas en faire, elle ne put s’empêcher de ressentir un contentement puéril et mesquin. Qu’un fils de famille de sang-pur, riche comme Crésus, ne sache pas faire un patronus alors qu’elle, pauvre fille de parents ouvriers qui avait commencé de rien y parvenait avait de quoi faire du bien à son égo.
« Non. C’est toujours mieux. Dans votre cas, vous serez toujours accompagné d’un gardien ou d’une gardienne et il y aura un protocole spécial. »
En réalité, pour le serpent de glace, Rachel ne ferait pas en sorte qu’il laisse tranquille Alessandro parce qu’il n’était pas un employé permanent ici. Il y avait donc une nuance importante. C’était aussi une façon de le mettre à l’épreuve. Il aurait de toute façon tôt fait de rencontrer le serpent de glace. Avec un garde à ses côtés et le patronus, il ne craindrait rien, mais mieux valait qu’il croie que sa chance de survie ne dépendait pas de lui.
Écoutant ses questions, elle réfléchit une seconde sur ce qu’elle pouvait déjà lui divulguer. Certaines choses étaient hors de la portée d’un médicomage bénévole et de toute façon, ne le concernerait pas. Néanmoins, Rachel s’enfonça dans son siège et répondit avec patience et froideur :
« J’aimerais que vous fassiez un état des lieux des conditions de santé ici au Fort Invisible des prisonniers. Mon objectif est de récolter suffisamment de données pour faire une proposition plus haut dans la hiérarchie en fonction des données que vous avez récoltées. Pour se faire, je pensais que vous pouviez vous concentrer sur trois types de détenus ici. La première catégorie sera des détenus arrivés ici il y a peu et ayant un ordre de détention plutôt court. La deuxième catégorie sera pour les détenus ayant des détentions plus longues. Et la troisième sera pour ceux qui sortent dans les semaines à venir. Vous n’aurez pas accès aux personnes les plus dangereuses, mais si j’ai un accord de mon côté et que vous faites bien le travail, nous pourrons éventuellement revoir la possibilité. »
Elle ne l’excluait pas du tout, mais il lui faut d’abord des résultats sur détenus plus simples, moins dangereux. Il lui fallait des données sur les moins dangereux, ceux à court termes et ceux à moyen termes avant d’envisager une quelconque amélioration pour les détenus de très longue durée. Elle devait tout faire par étape.
« Il vous faudra les interroger sur les aspects de santé physique mais aussi de santé mental, des besoins spécifiques dont ils auraient besoin pour certains, de faire un état des lieux des cellules. Sur l’aspect de santé mental, je n’ai pas besoin de quelque chose de très poussé car je me doute que ce n’est pas votre spécialité en tant que tel, mais quelques notes et conclusions basiques seront suffisantes. » Et elle pourrait se baser là-dessus pour faire appel à un psychomage. « L’infirmerie en tant que tel sera votre principal lieu d’action avec l’infirmier qui s’y trouve. Mais vous serez amené également à bouger au sein de l’établissement pour certains détenus. » Ce qui expliquait la présence du patronus pour cette partie mais aussi pour le chemin de l’extérieur jusqu’à l’infirmerie.
« Enfin, pour la durée du temps, je pense que vous pourrez passer sur une fenêtre d’un à deux mois par catégorie. Selon comment vous avancez cela peut être plus ou moins rapide donc entre trois et six mois. Bien évidemment, nous aurons des points toutes les semaines. »
Et comme Rachel ne prenait jamais ses vacances sauf pour Noël, elle comptait bien surveiller tout cela de près.
« C’est à peu près tout ce que je peux vous dire pour l’instant. » conclut-elle en faisant le tour dans sa tête de ce qu’elle avait à dire.

L’idée n’était pas que ses employés meurent sous contrat magique, ce qui aurait été contre-productif. Néanmoins, dans le protocole et des règlementations en place, Rachel pouvait se réserver le droit de faire passer des interrogatoires au hasard et sous véritasérum selon une procédure bien établie par le gouvernement si elle le jugeait nécessaire. C’était déjà arrivé, aléatoirement ou de manière ciblée quand elle en avait besoin. Le cas d’Alessandro était malgré tout un peu particulier du fait qu’il serait sous contrat avec une fin déterminée. Mais elle se disait que, d’autant plus qu’il n’était ici que provisoirement, il n’y échapperait pas tôt ou tard. Si elle ne disait rien à ce propos pour l’instant, il aurait l’occasion de refuser s’il réussissait cet entretien…
Ce qui à sa grande surprise était en bonne voie.
Le calme d’Alessandro, la précision de ses réponses lui plait. C’était si éloigné de ce dont elle se souvenait de Lorenzo, beau parleur et beau charlatan également. Aussi d’Agnes, dont la langue de vipère se perdait souvent en paraboles. Lui, Alessandro, ne semblait pas gêné par les silences et les silences ici, il y en avait beaucoup. Rachel n’était pas de nature bavarde, ni à vouloir plaire aux autres ce qui avait sans doute été le pourquoi, elle avait tant apprécié faire carrière ici. Les gens ne mentaient pas, ne prétendaient pas. Ils n’avaient pas le choix que de subir et faire avec. Et elle avait remarqué qu’on apprenait tellement des autres dans ce genre de moment qui comptaient parmi les plus bas de l’existence humaine.
Ainsi, elle sent que chez Alessandro, même s’il s’adapte à elle, rien n’est forcé. Il semble aussi comme… dans son élément. La manière dont il opine lui montrer qu’il intègre les informations. Il y en a beaucoup. Lorsque le silence retombe, Rachel ne cherche pas à le combler. Son expression reste impassible. Elle attend un peu de savoir s’il a des questions. Et elle n’est pas déçue lorsqu’il rouvre la bouche. Elle laissa passer un sourire froid et acquiesça tout en répondant :
« Oui, les personnes condamnées à la peine de mort sont bien sous ma direction également. Ce n’est pas une option pour l’instant. La priorité va aux vivants. »
Ou ce qu’il en reste. Elle ne peut pas, pour l’instant, s’attarder sur les futurs condamnés à mort. Les enjeux se situaient bien au-delà de la prison et plutôt du côté royal puisque ces demandes de peine de mort même avec jugement devaient être approuvés par le roi de Valoys. Rachel savait qu’elle s’engageait dans un terrain compliqué si elle menait aussi cette étude sur les condamnés à mort. Peu importait d’ailleurs sa relation, très positive avec le bourreau de la prison qui n’était que l’exécuteur et donc, un pion.
Rachel ne s’étend pourtant pas sur tout cela. Peut-être que si cela intéressait vraiment Alessandro, ils pourraient en discuter plus tard. Elle estimait pourtant que ce n’était pas le sujet, même si elle appréciait l’initiative et la question très juste. A la place, elle l’écoute reformuler et elle constate qu’il a effectivement bien tout compris ce qu’elle venait de lui dire.
« Oui, c’est cela. » acquiesça-t-elle. « Vous avez très bien compris. »
Même s’il était médicomage, elle avait des gens qualifiés ici pour les besoins des détenus. Ce serait également le mettre en danger lui et les détenus que de le laisser pratiquer. Elle avait simplement besoin d’un avis de professionnel. Evidemment, les analyses passeraient aussi auprès de son personnel médical présent ici mais ce serait des réunions qu’elle aurait directement avec eux et non Alessandro. Et comme elle maitrisait le jargon ici autant que juridique sur la question pénitentiaire, rien ne serait validé sans elle.
La dernière question ne la surprend pas. Rachel n’est pas connue ici pour son laxisme, loin de là et elle répond aussitôt :
« J’ai une tolérance zéro pour les erreurs ici. » Il en allait de sa réputation et étant directrice depuis de nombreuses années maintenant, c’était aussi son inflexibilité qui lui avait permis de garder son poste et d’en arriver là où elle en était. Et il y avait aussi des questions de sécurité aussi. « Le règlement intérieur est scrupuleusement respecté sans exception. Les fouilles sont régulières, justifiées et toujours expliquées. Quand bien même, le Fort Invisible est fait pour que les détenus fassent leur condamnation, je mets un point d’honneur à toujours expliquer les décisions. Qu’ils les comprennent ou pas ne m’importent pas. Je ne suis pas là pour négocier, ni vous, ni aucun des gardiens ici. Tout manquement aux règles ici est sanctionné sans préavis. » Les règles étaient les règles et Rachel n’était pas du genre à se laisser corrompre. Inflexible, elle ne laissait rien passer. Elle savait également tout ce qui se passait dans sa prison. « Il en va de la sécurité de tout le monde. » Elle marque une pause. « L’ordre et la discipline sont essentiels pour tout le monde. » Son regard ne l’a pas quitté un seul instant alors qu’elle débite avec un calme froid et un air sévère tout ce qu’elle dit. « Si je dois vous donner un conseil ici, se décida-t-elle. C’est de marquer une ligne distincte entre vous et eux. Vous serez là pour les écouter, certes, recueillir des données également et avec un objectif d’amélioration de leur quotidien. Mais vous n’êtes en aucun cas leur ami et il faut que vous soyez clair. » Sans quoi, ce serait-elle qui s’en mêlerait de manière beaucoup moins agréable pour tout le monde.

Si Rachel savait que les détenus étaient des personnes comme tout le monde, aussi attachants qu’imbuvables, c’était justement parce qu’ils étaient comme tout le monde que les règles s’appliquaient de la même façon. Le titre, la bonne ou mauvaise naissance ne s’appliquaient pas ici. Rachel faisait en sorte que ce soit clair pour les détenus autant que le personnel. Tout le monde avait pris le pli depuis un moment maintenant et elle attendait la meme chose du personnel extérieur. Alessandro n’y échapperait pas. Medeci ou pas, né avec une cuiller en or dans la bouche ou non. Mais le jeune homme semblait en très bonne voie de ce qu’elle en tirait actuellement.
Rachel le voit noter sur son carnet sans en penser grand-chose et lit rapidement lorsqu’il lui montre. Elle acquiesce sans rien dire. Alessandro avait parfaitement compris les précédents aspects qu’elle avait évoqué. Lorsqu’il lui fait comprendre qu’il suivra ses conseils, Rachel ne s’en formalise pas. Ici et maintenant, elle a conscience qu’elle a une relation hiérarchique importante et qu’il peut bien lui dire n’importe quoi. Mais, dans la façon dont il le dit, elle se dit qu’il avait bien pris le conseil et elle ne se faisait pas de doute qu’il l’appliquerait.
Encore un bon point., pensa-t-elle, non sans un certain agacement.
Allait-elle réellement accepter un Medici pour ce projet ? Il était convainquant et en l’état elle n’avait rien à lui reprocher de ce qu’il lui laissait paraitre. Et comme s’il avait lu dans ses pensées, Alessandro embraya sur sa famille et son nom. Rachel haussa un sourcil. L’image des Medici ? Pour Rachel, c’était la même chose que pour tous les autres nobliaux ou anciens nobliaux riches. Tous des têtes à claques qui n’avaient rien accompli de leur vie que de se naître au bon endroit, dans la bonne famille. Medici, De Fronsac, Saint-Cyr, D’Adhémar, Delacour, d’Apcher, de Wendel. Ils étaient tous pareils dans le fond. Qu’ils fassent de bonnes actions en organisant des bals de charités et des soupes populaires n’y changeaient rien. Elle se doute que si le nom Medici était associé à quelque chose d’aussi prolifique pour la société sorcière, ce serait les Medici qui récolteraient les lauriers. Elle, elle n'était personne. Si cela ne la dérangeait pas, Rachel ne faisait pas cela par générosité. Elle faisait cela parce qu’elle savait que, tout comme les bien-nés, son nom apparaitrait quelque part pour ceux qui savent chercher. Elle n’était pas mieux que ceux qu’elle méprisait et elle le savait. Dans le fond, elle n’a jamais cessé de vouloir les imiter.
Mais les implications politiques et sociétales des Medici lui importent peu. Aussi tout ce que pourrait lui dire Alessandro ne changerait rien à ce qu’elle pense. Mais elle était intéressée par ce qu’il avait à dire à ce sujet et de comment il allait défendre l’indéfendable.
« Je vous écoute. » répondit-elle patiemment.

Si elle s’attendait à ce que l’enfant de la haute bourgeoisie qu’il était défende deux ou trois intérêts des Medicis (elle n’en aurait été aucunement surprise, ni déçue, simplement blasée), elle est un peu agréablement surprise de la verve du jeune homme assis en face d’elle. S’il pouvait lui servir n’importe quel mensonge, Rachel déduisit que le jeune homme ne lui mentait pas. Elle eut une pensée un peu sarcastique, rêvant d’être une petite souris pour voir la tête d’Agnes Medici le jour où elle saurait que son fils travaillait avec elle. Pensée qui lui donnerait définitivement le sourire pour les jours où elle passait une mauvaise journée.
Néanmoins, elle ne put noter qu’Alessandro le veuille ou non, à partir du moment où son nom serait sur le dossier ou qu’il change d’avis pour informer ses parents au détour d’un repas dominical ou qui que ce soit d’autre serait au courant, le nom Medici aurait plus de prestige que celui Fabre. Il fallait dire qu’elle n’était personne et que contrairement à eux elle n’avait pas un pédigré sur trente générations. Le plus loin qu’elle avait réussi à remonter à l’époque où elle se cherchait quelques ascendances nobles pour avoir quelque chose à répondre à ses harceleurs était ses arrières-arrières-grands-parents du côté de son père qui n’avaient toujours été que des obscurs artisans se débattant pour vivre en tant que Tiers Etat. Rien de quoi rougir. Mais elle ne doutait pas que les Medicis sauraient utiliser les aventures de leur fils dans le système pénitencier et social à leurs avantages. Elle était même prête à prendre les paris avec elle-même. Qu’Alessandro lui dise le contraire sans mentir était presque naïf, même si quelque chose lui disait que ce jeune homme était loin de l’être. Mais il était jeune, il était vrai.
« Si vous travaillez ici, votre nom sera mentionné à mes supérieurs et associé aux résultats. C’est la moindre des choses, peu importe votre jeunesse ou votre nom. » commenta-t-elle avec calme et sincérité.
Rachel n’allait pas s’attribuer la totalité des mérites seules. Elle n’était pas ces voleurs de nobles qui faisaient cela depuis des siècles. Si Alessandro faisait du bon travail, elle ne voyait pas pourquoi il ne pourrait pas récolter également les lauriers. Ce qu’en faisaient les Medici lui en était bien égal tant que cela ne venait pas interférer avec le travail du jeune homme et le sien.
Réfléchissant à la dernière question posée, Rachel fit un état rapide de ce qu’elle pouvait poser comme question et décida qu’elle avait suffisamment d’éléments pour faire son choix.
« Non, nous avons fait le tour de mon côté. De votre côté à moins que vous ayez d’autres questions, je pense que nous pouvons arrêter l’entretien ici. » Son regard clair se posa sur l’heure de l’horloge silencieuse dans la pièce. « Pour la suite du processus, j’ai encore quelques entretiens à faire passer. Vous aurez néanmoins une réponse d’ici peu. Je reste disponible par hibou si vous avez la moindre question sur le poste et ce dont nous avons discuté. »
Puis, elle indiqua le manteau d’Alessandro.
« Si c’est bon pour vous, je vous invite à vous couvrir. Je vous raccompagne jusqu’à la salle d’attente pour que votre baguette vous soit rendue. »