like a rolling stone (Victoria)

Vic. Arrête de faire le singe. Viens voir ce que j’ai déniché. Un journal moldu ! Lis, lis donc. Nos voisins ne sont plus la famille Le Noir et les autres familles nobles. Il y a eux, maintenant. Eux, les moldus. Victoria De Valoys, oses-tu te moquer de ton ainé ? Je me demande bien s’il vit ces horreurs décrites. Qui ? Eh bien, tu sais, lui …

Je me réveille en sursaut. Mes draps sont baignés de sueurs. Ma respiration est haletante. Mon esprit est déboussolé. J’examine mon environnement avec grand intérêt, comme si je le découvre pour la première fois. Ou suis-je ? Ma chambre. Qui suis-je ? Victoria De Valoys. Qu’est-ce qui se passe ? Je viens de me réveiller, j’ai fait un sacré rêve – ou cauchemar. Et avant, ou étais-je ? Là, réalité et illusion se mêlent et j’ai besoin d’une bonne demi-heure pour faire le tri. La tache est d’autant plus ardue que ma mémoire défaillante me joue tout autant de tour.

- Grand-frère ?

Le silence suffit à me rappeler sa mort. Alors, je me recroqueville comme une enfant blessée et apeurée, ravale rage et larme et tente d’accepter – encore – cette imposante et abominable vide dans ma vie et mon cœur. Le temps ne guérit rien. Il aide simplement à s’habituer à la douleur fantôme, à l’accepter entièrement et à patienter qu’elle cicatrise un peu, qu’elle ne soit plus sanguinolente. Je profite de la pénombre de mes genoux pour inspirer et expirer longuement.

Les différents souvenirs cherchent leurs jumelles ou tentent de renouer avec les vieux copains. Les mots-clés, les odeurs, les images … tout se mêle et s’entremêle dans un beau bordel dès que j’ai l’audace de fermer les yeux, de laisser libre court à ma petite cervelle de reclasser ses papiers et ses dossiers. Les premiers mois suite à mon amnésie avaient été infernaux. Sans les médicomages et les potions puissants, j’aurais perdu la tête assurément. Aujourd’hui, je peux dormir sans trop abuser de ces remèdes et espérer une nuit réparatrice.

Cette fois-ci, c’est loupé.

Je finis par m’extirper de ce lit trop grand et à me préparer pour la journée. Au petit déjeuner, j’ai droit au planning de ma journée. Il semble que je dois aller plus tôt au Ministère, non pas pour le travail, mais pour une affaire administrative. Dans le cadre d’une future visite royale en Asie, j’ai à remettre quelques documents en main propre, à prouver mon identité et à confirmer l’objet de ladite visite. Une paperasse bien inutile, surtout au vu de mon nom et de mon statut. Malheureusement, le Ministère est bien déterminé à casser les pieds et, pour ma part, mon retrait subit de toute affaire royale sur deux ans n’a rien arrangé. Beaucoup de mes laissez-passer et droits ont expiré.

Alors, j’attends aussi patiemment que je le peux. Là, debout, je retente de faire un point sur cette nuit infernale. Des bribes remontent à la surface. Je me rappelle bien cette scène. Elle date bien avant de mon amnésie. Pourquoi, subitement, est-ce qu’il a fait irruption dans mon subconscient ? A quoi ai-je pensé la veille ? L’Asie et la visite à venir, notamment dans les plus gros pays du continent. Je doute fortement d’un lien. Je secoue la tête, sentant une nouvelle migraine.

Et merde ! Je n’ai même pas commencé ma journée de travail, qu’elle vient me marteler l’intérieur du crane. En prévention, je me débarrasse déjà de tout ce qui peut m’agacer ou me donner trop chaud. Veste, chapeau terminent sur un porte manteau. Enfin, je me dirige tout droit vers une possible employée. Un type m’interpelle, me tendant des papiers. J’arque les sourcils, me demandant bien ce qu’il me veut – ou ce qu’il fait. Je ne prends rien, l’observant longuement. Là, je me risque à glisser un coup d’œil aux papiers et reconnais la demande.

Naturellement, un sourire s’étire sur mes lèvres – ce sourire que j’offre en public, ce sourire qui est sincère mais qui n’est pas encore mon plus grand sourire. Je ne sais pas feindre l’extrême joie ou compassion, mais je ne suis pas une armoire à glace ou un vase de mélancolie ou d’indifférence.

- Quelle coïncidence ! Je suis également ici pour la même demande.

Le mystère de la raison pour laquelle je suis destinataire n’est pas pour autant clair.

- Vous êtes legilimens pour l’avoir deviné ?

Ou pas du tout.

- Je comptais me renseigner auprès de l’employée sur le temps d’attente et surtout les démarches. Je voudrais éviter d’être en retard au travail.

J’avance aussitôt. Quelques personnes me reconnaissent. Certains m’offrent un grand sourire, d’autres me remercient. ET puis, il y a ceux qui sont carrément hostiles à la royauté et m’offrent le regard le plus dédaigneux possibles. J’essaie de rendre la gentillesse aux premiers, je réponds par une attitude glaciale aux seconds.