[Clotho | Luka Romanov] Dark Urges

Chronologie

Fils issu d'une romance magique entre Sergeï Romanov et Indra Redzepova, reine du peuple romani. Luka ne connaîtra jamais ni son père ni les vastes salles des palais de la Russie impériale, destiné à sa mère dès les premiers instants, son père un instrument pour sa naissance, séduit par Indra. Seul descendant mâle de la reine, qui a déjà plusieurs filles, Luka est accueillit au sein du clan et confié aux femmes-sages dont s'entoure Indra tandis que le clan séjourne à Brasov, en Roumanie. C'est néanmoins une sage-femme du coven hôte qui semble trouver réellement grâce auprès du nourrisson : Soryn Apollodora. Celle-ci, à la demande d'Indra, rejoindra le coven de la Reine afin de continuer à veiller sur Luka.

La cour des ronces parcourt l'Europe à un rythme qu'elle seule connaît, passant parfois plusieurs mois en un même lieu, usuellement une grande ville, et parfois ne cessant ses errances plus de quelques heures. Luka, à peine bambin, passe le plus clair de son temps sous la surveillance attentive de Soryn quand il n'est pas auprès de sa mère et de ses sœurs. Il baigne avant tout dans la culture du clan, leurs mythes, leur magie, leur langue, et apprend lentement tout ce qui compose ce microcosme de vie. Il n'a alors pas le loisir de s'aventurer hors des cercles de roulottes et de chariots, sauf lors des haltes en pleine nature dont il ne manque pas de profiter. Les rencontres entre clans sont les instants les plus fascinants.

C'est au cours d'une de ces rencontres que Luka manifeste la magie dans son sang pour la première fois. L'une de ses sœurs aînées se pare de ses bijoux et de sa dentelle, orne sa chevelure de bijoux carillonnant, et drape ses épaules dorées par le soleil dans un châle coloré, sourire aux lèvres. Elle est belle, forte, parfaite à ses yeux d'enfant aisément intimidé. Ce soir, elle prend un compagnon de cet autre coven, avec la bénédiction de Mère. Luka ne comprend pas encore que chez eux, c'est l'homme qui quitte son clan, et pas l'inverse. Il est persuadé qu'il va perdre sa sœur et c'est cette peur innocente qui invoque la magie. Sa sœur se réveille de sa sieste les cheveux noués dans les montants de son lit comme des nœuds de fées.
Mère est d'abord furieuse puis elle est fière. Mais il n'échappe pas pour autant à sa punition.

Reconnu sorcier, il débute son initiation à la voie des landes après quelques semaines, étudiant auprès des doyennes de leur coven. N'ayant pas encore de baguette à sacrifier, il s'agit alors avant tout d'apprendre ce qu'est la magie, l'histoire et les traditions des clans de sorcières des landes, ainsi que l'aide à la préparation de certains rituels. Dès l'instant où la magie s'est éveillée en lui, son sang est également utilisé comme ingrédient dans les créations les plus obscures de sa mère et des doyennes, tirant sa force de l'ascendance impériale des Romanov, pour laquelle Indra a accepté ce contrat en premier lieu. Jusque là une source de sécurité, Soryn devient également son professeur à ses heures perdues.

Si la première étape pour être accepté comme apprenti sorcière des landes est de sacrifier sa baguette à la magie sauvage de la nature, berceau premier des ronces, il est bien plus complexe de freiner un jeune garçon avide d'apprendre et dont l'impatience est bien mal tempérée quand il est en permanence entouré de pratiquants. Combien de fois ses sœurs ont rit en le voyant désespérément essayer de les imiter ? Soryn, pour le tempérer, essaye de dénicher des ouvrages sur la magie des autres, ceux que le clan appelle les Domptés, les sorciers qui usent de baguettes et des mots latin pour leurs enchantements. Elle l'encourage à s'instruire de leurs pratiques, au moins pour ne pas être surpris lorsqu'il y sera confronté.

Si même sa mère y voit-là une solution des plus sages, le stratagème ne fonctionne que partiellement. Dès que le clan rejoint une ville ou un village, Luka se joint aux autres enfants pour parcourir les rues, lorsqu'il n'a pas de corvées. Leurs aventures dans les rues inconnues se soldent presque toujours par de menus larcins, et parfois par des chapardages plus sérieux, lorsqu'un sorcier local a le malheur de pécher par excès de confiance et qu'il rentre les poches pleines de bibelots alchimiques et ésotériques. Mère se déplace en personne pour qu'ils aillent présenter leurs excuses après l'avoir sévèrement corrigé. Il ne gardera pas moins la main baladeuse à l'avenir, et apprendra simplement à se faire discret.

L'aube des changements survient plus vite qu'il ne l'eut imaginé, dans son innocence enfantine. Mais pour lui, ils ne sont pas annoncés par une lettre de l'académie la plus proche, avec sa liste d'emplettes et son règlement. Non, en lieu et place, leur augure prend la forme de longues marches avec Soryn et d'autres aînées dans les forêts qu'ils traversent, de soirées passées le nez dans de gros ouvrages aux couvertures lissées par le temps et d'innombrables sorties au théâtre et dans de nombreux spectacles de rue, dès que l'occasion se présente. Même ses sœurs se font moins secrètes, l'invitant davantage à les rejoindre, pour leurs rituels, ce qu'il accepte avec enthousiasme.

Lors de leur séjour suivant aux portes de Paris, sa sœur aînée l'emmène avec elle dans une boutique biscornue, aux murs noyés sous de fines étagères où s'entreposent des centaines de boites longues et rectangulaires. Pendant quelques heures, avant la cérémonie, Luka se prend à jouer avec la baguette, qui n'est pour lui qu'un bout de bois que l'on a défiguré, il la tourne et la retourne, curieux. Il ne l'a brise pas moins lorsqu'on le lui demande, pour l'offrir à la lande et lui avec, scellant son entrée officielle dans le coven, celle qu'il a attendu pendant des années. Des semaines après le rite d'initiation, Luka se prend encore à passer la main sur les échardes de bois profondément enfoncées sous sa peau.

Soryn rit, lorsque Luka évoque tout haut sa confusion. Depuis quelques mois, leur clan croise la route de beaucoup d'autres processions, d'autres clans, d'autres groupes. Bien plus qu'ils n'en ont croisés durant ses dix premières années. Soryn rit et l'encourage simplement à se montrer sociable, à faire des rencontres. Il y a davantage de garçons, dans ces autres clans, et la compagnie permet à Luka de nouer quelques amitiés, avec l'aisance de la jeunesse et du soutien partagé. Parfois, les clans voyagent de pairs et Luka part des jours entiers avec les autres battre la campagne, chevaucher et collecter des totems et des ingrédients rares.

Il y a également beaucoup de femmes. Beaucoup plus de femmes. Le regard de certaines d'entre elles suffit à le faire rougir, lorsqu'il s'en aperçoit. La plupart l'intimide. Elles sont, après tout, des vecteurs de puissance et d'autorité. Mais elles sont aussi extrêmement belles, bien sûr. Les soirées passées autours du feu, en campagne, sont rythmées par les danses, les chants, la magie ouvertement maniée. En ville, ils se font plus discrets mais hantent les bals de barrière et les soirées dans les arrière-cours. Ils portent alors un discret rappel de leurs clans respectifs, juste pour ne pas se perdre. C'est dans l'un de ces bals qu'il rencontre Florin, avec laquelle il danse jusqu'à en oublier le nord du sud.

Plus tardivement, quand la musique diminue et que l'alcool s'assèche, Florin le guide jusqu'au petit appartement qu'elle occupe temporairement, où ils partagent une bouteille, perchés sur le toit. Elle se fait son premier baiser, sucré comme le caramel et aussi entêtant que le parfum du jasmin qui émane de ses cheveux sombres. Elle se fait ses premières découvertes, le guidant de ses quelques années supplémentaires d'expérience acquise, ses mots aussi divins que l'ambroisie. Le lendemain, il n'hésite pas un instant à l'inviter auprès des siens et est doublement soulagé lorsque sa mère approuve. Elle approuva d'autant plus, quelques mois plus tard, lorsque le ventre de Florin s'arrondit.

Luka ne regrette pas son lot. Non pas seulement parce qu'il ne connait de la vie des autres que ce qu'il peut en voir sur leur chemin, ou en expérimenter à l'occasion, mais aussi parce qu'il ne ressent aucune frustration, aucune envie de 'plus' ou de 'différent'. Son entraînement occupe la majorité de ses journées, qu'il prenne la forme de leçons formelles, ou de mises à l'épreuve. Les secrets des landes se méritent, surtout pour un homme. Lorsqu'il ne pratique pas, cependant, il consacre la majorité de son temps à ses sœurs ou à aider le reste du clan. Il sait coudre, cuisiner, réparer ou même tresser les cheveux de ses aînées lorsqu'elles ne peuvent pas le faire seules. Tout ce dont un homme a besoin pour tenir la demeure, en soit.

De plus en plus souvent, néanmoins, Luka cherche à repousser les limites de ses connaissances, curiosité qui l'étrille en dépit de son contentement. En ville, il offre ses services dans les boutiques magiques, troquant le salaire contre quelques cours, que ce soit auprès de potionistes, d'enchanteurs ou de résurrectionnistes, avide d'en voir davantage, de nourrir sa créativité. C'est aussi l'heure des premiers mauvais choix, lorsqu'il se mêle parfois à quelques bandes de vauriens dont les petits délits escaladent sans aucune préméditation vers une malveillance plus assumée. Découverte des drogues, magiques comme moldues, et de la valeur que certaines créatures peuvent avoir sur les marchés illégaux.

Au service de sa mère, à la fois comme sorcier, mais aussi comme homme, père de nombreux enfants à présent, Luka se prend à chercher plus avidement la compagnie d'autres membres de son sexe, pour nuancer l'impérieuse poigne féminine qui régente sa vie. Non comme une forme de rébellion, mais comme un réflexe naturel. C'est ainsi que, pour la première fois, l'amitié prend une autre tournure, les rencontres se faisant, filées des souvenirs de leurs innombrables escapades, de leurs défis et de leurs péripéties, ils en viennent à échanger leurs sangs, fraternité de cœur plutôt que d'ascendance, fidélité à jamais gagnée l'un envers l'autre. Ils ne se quitteront pas, quand bien même mère et soeurs désapprouvent. (futur PL)

Luka n'est pas convié à l'entrevue, lorsque l'homme est introduit auprès de Mère. Il ne lui est pas expressément interdit d'entrer, bien entendu, cela fait des années que Mère n'a plus l'usage d'une interdiction, Luka sait lorsque l'on veut de lui et lorsqu'il est plus sage de s'abstenir. Et il est aujourd'hui plus sage de s'abstenir. Il attend dehors, dans une matinée pâle, grise et humide, en pleine campagne, aux alentours de Novgorod. Ici le printemps ressemble à la misère, quand l'hiver est meurtrier. Juché sur une caisse, il attend, incapable de feindre le désintérêt lorsque l'air même est inconfortable des paroles échangées hors de son écoute.

Quelque chose ne va pas. Il ne l'apprendra pas tout de suite. Après que l'homme s'en soit allé, que la Reine eut convoqué les femmes et que des faucons, des corbeaux et autres oiseaux de proie se soient envolés à tire-d'aile dans toutes les directions. Les jours se font semaines. Un grand rassemblement s'organise mais la Reine désire qu'il reste loin de l'affaire. Florin est également écartée, sans une explication. Aucun d'eux ne comprend, si ce n'est que l'affaire est grave. Et Soryn, lorsqu'elle revient, l'enlace sans un mot, étroitement, le visage de pierre. Ce n'est que ce soir-là que la Reine le convoque enfin, s'assoit avec lui devant le braséro. Mère, en vérité, pas la Reine.
Même aujourd'hui, même des années plus tard, il ne sait dire ce qu'il a ressentit, lorsqu'elle lui dévoila la vérité. Lorsqu'elle lui narra la malédiction.

Le clan quitte la Russie, non sans être le refuge de quelques déserteurs sentant l'orage bien avant qu'il ne gronde, et qui ont négocié la protection de la Reine. Sur la route de Constantinople, néanmoins, Luka n'en a cure. C'est la malédiction qui prend ses aises, s'arrogeant le trône de ses pensées. La malédiction, qui s'ancre dans ses veines et chaque battement de son cœur, y plantant les racines de ses ronces pernicieuses dont le tronc s'enroule à-même son destin, en une étreinte de tombeau. Parfois, il a l'impression de la sentir, physiquement, intensément, le grattement des épines à-même ses os et sa chair, serrant quelque part, profondément, à l'intérieur. L'idée lui donne envie de s'ouvrir à mains nues.

La première fois qu'il se blesse et constate le sang noir comme de l'encre, il s'est frotté à s'en arracher la peau, voulant à tout prix faire disparaître le sombre ichor, uniquement pour le voir perler sur sa chair à vif. Le dégoût qu'il a ressentit n'eut jamais son pareil, nausée impossible à contenir, son être tout entier rejetant ce qu'il est. La première fois qu'il constata que son aîné, fille de Florin, présente semblable symptôme, il s'isole pour pleurer, puis se plonge dans les ouvrages, consulte chaque ancienne, de chaque clan dont ils croisent la route. Et chaque réponse négative, chaque ouvrage défait de toute réponse augmente un peu plus l'aversion qu'il nourrit pour cette malédiction.

Et à chaque revers, les songes se font plus intenses. Plus intrusifs. Telles les parasites des ronces de la malédiction, elles en viennent à pulluler où que son regard se pose, pulsions vénéneuses qui promettent un soulagement trompeur. A son corps défendant, il se confie, se prostre devant Mère dont les yeux profonds confessent plus que ce que ses augustes lèvres ne souhaitent offrir. Le dégoût, encore, puissant. Dégoût envers lui-même sous ce regard. Pourtant, elle veut l'aider. Elles veulent toutes l'aider. Il s'abomine et les abominent plus encore, ces songes. Accepter l'aide des femmes est une évidence, et il s'abomine plus encore d'espérer naïvement, de s'accrocher à elles ainsi.

Rien n'y fait. Le dégoût s'accroche à sa langue comme une bile âcre toujours sur le point de triompher, comme des restes de fièvre qui ne peuvent se dissiper. Constantinople n'arrange pas les choses, lorsqu'ils parviennent enfin à destination. Il avance le cœur au bord des lèvres, évitant même de regarder son aînée tant sa présence l'insupporte. Après tout, il se tolère à peine, et si lui est maudit, que dire d'elle ? Il en vient même à penser qu'elle eut mieux fait de ne pas être née. Et les songes s'en emparent comme ils s'emparent de son monde. Dans un effort qui lui coûte plus qu'il n'eut cru, Luka demande à Florin d'empêcher l'enfant de venir le voir, pour sa sécurité.

Mais quand est-ce qu'un enfant n'a jamais cherché à contourner l'autorité ? Et quand est-ce qu'un homme au bord du gouffre cesse de peiner ? Il s'éveille comme d'un sommeil sans rêve, aussi brutalement pourtant que si on l'avait secoué, perd ses repères, s'il en eut même. Le monde tourne, un gout ferreux a remplacé la bile amère et son corps semble aussi léger qu'une plume. Et puis, enfin, l'image s'imprime dans son esprit. Florin et deux de ses sœurs le retienne, Soryn couvrant de son corps celui, frêle et tremblant de sa fille en larmes. Le hachoir dans sa main, lourd comme le péché et la douleur, presque salvatrice, des ronces qui percent son bras, sang noir gouttant abondamment sur le sol, imbibant le tapis tressé.

Il eut voulu hurler. Il croit avoir hurlé. Mais c'est un rire dément qui éclate à ses oreilles, salvateur comme la première pluie de l'été. Un rire dont l'écho le hante encore lorsqu'il est amené devant Mère. Non, devant la Reine. Serment sur le point d'être rompu, son bras peut en attester, encore déchiré de ronces. Pour son propre bien, elle le chasse, si elle ne l'arrache pas au clan. Il ne peut rester. Trop dangereux, pour eux comme pour lui. Les mots ont une sonorité singulière, ou bien est-ce le tintement de son propre rire qui menace à tout instant de cascader ? Depuis l'incident, il se sent bien, mieux qu'il ne l'a été pendant des mois. Fort. Conscient. Soulagé. Il se plie au jugement de la Reine, pourtant, sans rechigner.

Il affirmera toujours avoir d'abord reprit sa recherche d'un remède, voyageur sombre et taciturne, se gardant pour lui-même et travaillant pour une bouchée de pain, tout juste de quoi survivre, tentant de son mieux de contenir ce qui rampe dans ses pensées. Il visite l'Europe et le Moyen-Orient, ne rejetant aucune piste mais se montrant prudent, parcimonieux des informations données, bien plus avide d'apprendre qu'il n'est de se soumettre au traitement par des mains inconnues. Mais ça, c'était au début. Avant qu'il ne craque. Une première fois, à Prague, puis une seconde, à Dublin et une troisième, à El Jadida. Il en perdit vite le compte après ça, et il cessa de prétendre.

Petit à petit, il en vint à comprendre que les extrêmes ne paient pas. Qu'une religieuse retenue ne fera qu'aggraver l'instant de la chute. Ou peut-être était-ce simplement la fatigue, l'apathie de son mal-être qu'il ne supportait plus du tout. Pourquoi souffrir pour son prochain quand celui-ci ne vous est d'aucune utilité ? D'aucune aide ? Alors il cessa. Et il se découvrit un talent pour l'opportunisme autant qu'une appétence pour le risque. Il comprit bien plus encore, lorsqu'il s'embarqua dans les trafics clandestins, tirant partie des besoins insatisfaits d'un monde qui tente de repousser des limites inextricables. Il s'y complait, car quelle raison eut-il de ne pas le faire quand chaque instant de soulagement vaut pour lui plus que l'or du tsar ? (Liens possibles)

Après un an à fuir sa propre ombre au travers de tout le vieux monde, Luka échoue de nouveau à Paris, ou plutôt, il s'y établit temporairement, profitant alors de l'hospitalité de sa sœur Mirela. Il reste pourtant réticent à l'idée de la côtoyer quotidiennement, conscient de ce qui eut pu advenir s'il perd le contrôle. En lieu et place, c'est la cour des miracles qui le voit rôder, refuge pour ceux qui fuient la légalité. C'est d'ailleurs un environnement qui lui réussi, à lui et à ses nouveaux talents. Il se taille lentement une place confortable dans les rangs des voleurs et des criminels qui peuplent la face cachée de Paris. S'il lui arrive de traiter avec les gros noms de la France noire, il refuse catégoriquement de s'associer à qui que ce soit.

Dernière épreuve réussie, dernière trempe de l'acier de ses convictions, Luka devenu maître sorcière, secret bien gardé qu'il ne partage qu'avec Mirela qui a contribué à lui permettre de retrouver une tutrice après son exil. Il ne met pas longtemps à user de ce nouveau statut pour asseoir davantage sa position au sein de la cour des miracles, coup de pouce manquant pour se faire accepter de certains groupes lui fermant encore la porte. Ses services lui valent quelques faveurs particulièrement opportunes bien que ses ambitions se portent aux dehors des murs de la ville basse. Il n'en dit rien, cependant, garde ses plans par devers lui. Ses songes sont terriblement utiles lorsqu'il doit performer une malédiction.

Tout est une affaire d'opportunité et d'imagination. Un homme servit par ces deux qualités et suffisamment déterminé n'aura guère qu'à chercher le vecteur de sa réussite plutôt que d'attendre une chance hypothétique. Et pour Luka, se contenter de la confortable place gagnée à la cour ne lui convient pas le moins du monde. Pourquoi s'en contenter ? Son regard se porte vers l'Europe toute entière, ces pays qu'il a traversé à plus d'une reprise et son attention, elle s'attarde sur les chemins de fer et plus particulièrement sur l'orient-express. Il se fit donc subrepticement embaucher à bord, comme employé, apprenant les usages du train, la composition de son personnel, les habitudes de bord, les mesures de sécurité et les procédures à suivre.

Et puis, d'autres vinrent le rejoindre, usant des accès privilégiés de l'orient-express afin de convoyer des marchandises illégalement au travers des frontières, depuis Constantinople jusqu'en Grande-Bretagne. Outre les profits accumulés, ce moyen de transport rapide et sécurisé permet à Luka de s'approprier plus que son content d'ouvrages et d'objets appartenant à des pans plus douteux de la magie, qui le fascine toujours un peu plus à mesure que les songes se font plus puissants. Les opérations se multiplient, sur le passage du train, de même que les alliances et les rencontres, parfois plus hautes en couleurs que lui-même ne le voudrait.(Liens possibles)

Prince de la cour des miracles, hissé au plus haut de cet univers invisible des bonnes gens, voilà ce qu'il est, après des années d'alliances et de lente prise de pouvoir, un groupuscule à la fois, accumulant les faveurs et les affaires. L'orient-express en destrier de sa réussite, son intime connaissance de l'usage des lignes de train et des convoyages de longues distantes par la terre donne à la cour son indépendance d'individus comme la famille Savelli. Bien sûr, il doit aussi sa réussite à la présence de sa sœur, Mirela, mais Luka n'a jamais vu cela comme une insulte, tout au contraire. Il lui est reconnaissant. Pour la première fois, il retrouve un semblant de statut, et le sentiment n'est pas désagréable. Cela lui aura tout de même manqué.

C'est ensemble qu'ils dirigent, à trois, Mirela, lui et le troisième membre de la trinité. A eux trois, ils assurent la pérennité de la cour. Mais Luka ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, pas alors que la réussite est là, pas alors que les opportunités se multiplient. Depuis la France, c'est une entente avec des groupuscules de nombreux pays qu'il travaille à mettre en place. Il voit plus gros. Toujours plus gros. Alors il recrute, forme un groupe sous ses ordres directs, pas les rats de voies ferrées dont il a l'habitude. Il va même jusqu'à débaucher un employé des Antiques Rêveries, Galahad, sans aucun égard pour ses employeurs. Les connaissances et les dons qu'ils possèdent seront bien plus utiles pour eux que pour le vieux Tarek.

La guerre n'est pas toujours un drame, pas pour tout le monde. Luka et les siens, eux, s'en mettent plein les poches. Ils se sont appropriés l'un des trains de l'orient-express pour leur propre usage, enchantant les wagons afin qu'ils passent inaperçu tandis qu'ils traversent les lignes de front, les armées en marche et les villes et villages dépeuplés. Convoyage de denrées devenues rares mais aussi pillages, et bien entendue, trafique de cadavres fraîchement récoltés pour venir grossier les rangs de leur sécurité, ou bien pour être revendus aux potionistes, nécromanciens et autres amateurs que la moralité n'étouffe pas. La cour est toujours leur point d'ancrage, lorsque le train passe par Paris, mais leur emprise s'étend chaque fois que la menace des autorités décroit.

Le petit groupe qui entoure Luka est alors composé d'indéfectibles, tous des hommes, une famille recomposée faite de bric et de broc, soudée par un serment de sang. Le dernier à les rejoindre est Galahad, que Luka fait son frère après qu'il lui ait sauvé la vie à Viennes. Ou bien était-ce l'inverse ? Personne ne doute de la loyauté des autres. Il y a quelques femmes, bien entendue, mais elles ne sont pas jurées et la fratrie les gardes éloignées des secrets les plus primordiaux de leurs opérations. Luka n'est plus aussi à l'aise avec les femmes qu'il le fut un jour. Parfois, la Reine fait encore appel à lui, mais les sommations sont plus sporadiques et plus sinistres, plus lointaines également. Il ne peut se présenter devant elle. Il est d'autant plus proche de ses frères. (Liens possibles)

Elle n'est pas prévue dans ses plans, lorsqu'elle débarque, et il en est tout d'abord méfiant. C'est une femme, après tout, une créature puissante à bien des égards, et surtout, une créature qui lui plaît comme aucune autre femme n'a pu lui plaire pendant des années. A son corps défendant, il se laisse prendre au jeu, lorsqu'elle cherche à gagner sa confiance. Il l'a lui accorde moins vite que sa passion, cependant, et ce en dépit des réserves émises par le reste du groupe. Pourtant, il craint de la blesser. Ses songes s'emplissent des formes de sa féminité et du goût de son sang. Rose et lui, pourtant, ont une dynamique impossible à nier, depuis les combats menés ensemble jusqu'aux disputes sur l'adoption d'un chat. La disparition de Galahad fait finalement basculer ses convictions à son sujet. Il admet l'aimer.

La nuit de Kupala, il se jette à l'eau et manque se noyer en pêchant la couronne de fleur que Rose y a jeté, symbole de ses sentiments. Une demande en mariage dans les règles, cérémonie officialisée le soir même et c'est le regard hanté que Luka lui révèle sa véritable identité, son ascendance et sa malédiction. Mais Rose l'accepte, accomplit le rituel, liant leurs sangs, leurs vies. Il n'y a aucun songe, pendant toute la durée de la nuit, depuis leurs vœux jusqu'à la passion consommée au sein de la forêt. Il sait que les autres sont surpris, peut-être même inquiets, mais il est sûr de lui. Paumes mutuellement entaillées, il a enfin pleinement confiance en elle, comme un second souffle qu'il n'a pas attendu, un havre loin de sa malédiction et de ce qu'il est devenu. Rose est la seule femme qui saura ses secrets, les rouages de l'organisation, agissant à ses côtés.

Ils sont loin de la France lorsque les attentats font éclore leurs fleurs de feu et de sang, mais il ne faut qu'un mois de plus pour qu'ils fassent naître les leurs. Luka n'a rien vu venir, peut-être par excès de confiance, peut-être parce qu'il est aveuglé par son amour pour Rose, peut-être est-ce tout autre chose. Il y réfléchira souvent, les premiers temps, derrière les barreaux. Mais au moment fatidique, c'est la rage et le sentiment de trahison qui priment, la faim sanglante. Beaucoup de ses hommes sont incapables de se battre lorsque le train est pris d'assaut par les forces des ministères, sans qu'il l'explique si ce n'est, encore, par la trahison, mais sa famille, elle, ne se laissera pas arrêtée sans combattre.

L'affrontement est sanglant, mortel des deux côtés. Parce qu'il ne supporterait pas de voir les siens derrière les barreaux, il décide finalement de servir d'appât, usant des fétiches les plus puissants qu'il a accumulé depuis plusieurs années, pendant que ce qui reste des siens passe entre les mailles du filet. Lorsqu'il est contraint de se rendre, le bois des wagons est imbibé, fluides corporels si intimement mêlés qu'ils en deviennent impossibles à identifier, sang, urine, et tout ce que le corps peut décharger au moment de l'ultime souffle. Plusieurs des aurors glissent dans les flaques saumâtres en essayant de l'approcher pour le mettre aux fers, tombent dans des bruits humides alors qu'une odeur rance et âcre emplit les poumons.

Personne ne pourra oublier ce jour-là, ni d'un côté, ni de l'autre.

Extradé vers la France au prix de longues négotiations, Luka est finalement enfermé au Fort Invisible, dans la section de haute sécurité, surveillé nuit et jour, comme l'une de ces bombes moldues dont on ne sait jamais si elle est désarmée. C'est une femme, que l'on nomme pour s'assurer qu'il reste bel et bien inoffensif, un petit bout d'humaine qui veut faire croire qu'elle est taillée dans la roche et la glace. Mais dans la folie qui menace de le submerger, enfermé entre quatre murs sans plus rien pour amoindrir la malédiction de sa lignée, Luka ne manque pas le regard qu'elle a, Rachel, chaque fois qu'elle le regarde, chaque fois qu'elle voit une nouvelle esquisse de Rose apparaître par terre, le dessin en seul échappatoire à ses démons. Mais quelle blague éternelle, les femmes sont toujours sa plaie, semble-t-il.

Dix ans. Dix années qui ne sont rien en comparaison des vies qu'il a fauché et ruiné, mais même dix années à Fort Invisible n'ont pas réussi à lui arracher la moindre culpabilité. La compulsion est trop forte, trop présente, et il refuse d'en parler, refuse toute forme d'aide et de main tendue. De la part de ses geôliers, ça ne vaut rien à ses yeux. Parfois, il y a un instant de lucidité. Parfois, seulement. Et alors, ce sont les regrets qui le noient. Pour les siens, jamais pour ses victimes. Dix ans, qu'il ne sait compter. Le temps n'a aucune importance, au Fort, pas alors qu'on le laisse seul avec les monstres de ses songes.

Et puis un beau jour, la porte s'ouvre. Et il est dehors. Transféré dans un établissement privé à Paris, sans réelle explication. On lui fait passer des tests, on lui rend visage humain. Au cœur le plus noir de la nuit, une figure dissimulée derrière un masque blanc pousse même une forme tremblante et ligotée dans sa cellule, referme la porte, et depuis la sécurité de la porte blindée, ouvre ses chaînes. Plus tard, il en apprend davantage. On veut l'utiliser. Liberté conditionnelle est un refrain qui devient familier. Des aurors visitent, puis des individus dont il ne connaît rien, et qui semblent ne pas le craindre comme ses anciens geôliers. Et puis on le transfert une fois de plus, on lui annonce que le moment ne tardera pas.

Dix ans. Il n'a aucune idée de ce qu'il va trouver.

Bits & Pieces

Dark Urges • La malédiction des Romanov prend chez lui la forme d'une compulsion à provoquer souffrance, mort et chaos. Plus il la réprime, et plus son esprit est noyé sous les fantasmes violents et malsains, aussi a-t-il cessé, ou peu s'en faut, de lutter. Il préfère embrasser sa part immorale, se faire roi dans l'illégalité et dans la crainte, plutôt que de chercher à ignorer la compulsion au risque de provoquer un drame qu'il regrettera, comme le meurtre de l'un de ses proches. Pour occuper ses pensées comme ses mains, il n'a eu de cesse de faire l'expérience de nouvelles compétences, tout au long de sa liberté, comme la couture, la cuisine ou le dessin, mais le repos est toujours de courte durée. En prison, défait de la grande majorité de ses distractions, il a sombré peu à peu dans la folie, jusqu'au jour où l'Ordre du Temple l'a sorti de Fort Invisible.

The Carmin Wolf • Au cours de ses années comme prince de la cour des miracles et comme pirate de l'orient-express, Luka n'a pas été approché que par Rose. Avant elle, il y a eu Olga, fringante et pleine de vie, désirant se joindre à la troupe. Luka accepta qu'elle fasse ses preuves mais s'est toujours méfié et la suite lui donna raison. Olga s'avéra être une louve appartenant à la Meute Rouge, chiens de guerre à la solde des détracteurs de la famille impériale et d'un homme en particulier : le Coeur. Lorsqu'elle essaya de s'en prendre à lui, en profitant de la pleine lune, elle se retrouva néanmoins dans un chausse-trappe de son propre cru et Luka la tua, renvoyant son cœur savamment ornementé à celui qui voulait faire d'elle son arme, un poème accompagnant le présent, de même qu'un avertissement.

Rose • S'il dira d'elle qu'elle fut sans conteste son grand amour, Luka sait aussi qu'il ne sait finalement rien d'elle, ou presque. Elle a réussi à le duper, à le manipuler et à l'aveugler jusqu'au dernier moment et il s'en veut énormément d'avoir été suffisamment naïf pour tomber dans le panneau. Il ne sait rien d'elle, son véritable nom, qui elle est, mais elle l'obsède. Sa compulsion, ou du moins une partie de celle-ci, est restée accrochée à elle, qui fut un jour son havre et son moment de grâce et qui, aujourd'hui, appel le pire en lui. Il ne sait pas s'il veut la retrouver ni ce qu'il fera si cela doit arriver. Il n'est pas non plus conscient qu'elle lui a donné un fils, abandonné à l'orphelinat dès sa naissance, mais qui porte en lui, comme tout scion de la maison Romanov, le sang noir et vicié des maudits.

United we stand • Exilé loin de son clan, Luka s'est progressivement reconstruit une famille, uniquement composée d'hommes cette fois, en raison de sa relation complexe à l'image féminine. Tous ont effectué avec lui, et avec les autres, le même rituel d'échange du sang, se liant à la fois par l'affection, par la magie, et par le sang. Certains sont morts, lors de l'affrontement qui a mené à la capture de Luka, d'autres sont tombés avec lui, et d'autres encore sont en liberté. Ceux-là, Luka va chercher à les retrouver. C'est même la première pensée qui lui est venue quand on lui a offert la liberté conditionnelle à un prix dont il ne connaît pas encore la teneur exacte. Il retrouvera sa famille et avec eux, leur force passée.

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<b>Dmitriy Chebotarev</b> <em>|</em> @"Luka Romanov"

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@"Luka Romanov" (H · 40 ans)

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<b>13.09.1887</b>  @"Luka Romanov" - Tutorat privé

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<b>Sorcière des Landes</b> @"Luka Romanov"

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@"Luka Romanov" - Marié à @"Eugénie Delacour" (officieusement) | Célibataire

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@"Luka Romanov" - 23 ans & Perte d'identité / Identité déformée / Perte de souvenirs