la lecture est la nourriture de l'esprit (augustin)

「01. 11.1927」Le calme fait du bien en ce début d’après-midi. Il a l’impression parfois d’être bien loin de tout ce qui se déroule sur Paris alors qu’il en est, qu’il est au cœur de la capitale dans une des rues du Faubourg Saint Honoré. Cette folie des grandeurs de leur espèce est inscrite jusque dans ce lieu qu’il aime pourtant. Il pourrait s’y perdre et ne pas trouver en cela un problème quand il flâne entre les allées, ces colonnes grandiloquentes d’un autre temps. Les voilà si insignifiants dans cet univers beaucoup plus grand que celui d’être juste présent, maintenant dans la Librairie Athena. Il ne devrait pas penser ainsi, se sentir bien futile dans un univers qui doit bien se moquer de lui, de cette façon qu’il a de trop se triturer l’esprit. C’est une bénédiction d’être alors libraire, de ne pas avoir d’autre choix que de laisser cette porte ouverte à cet esprit pour croiser ceux d’autres bien plus affutés que le sien.

Il a parfois l’impression que ce lieu l’empêche de s’exprimer à voix haute tant il est l’imposture dans ces étages quand il se dirige livre en main. Il connait pourtant chaque recoin (c’est faux) de ce lieu qu’il aime arpenter. C’est un fait. Une vie toute entière ne serait pas suffisante pour se dire connaisseur de ces quelques milliers de livres que cache cette boutique si petite vue de l’extérieur. Il aime cette idée quand il referme ce recueil de poèmes qu’il ne lit pas pour la première fois. ‘Assez vu. La vision s’est rencontrée à tous les airs. Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours. Assez connu. Les arrêts de la vie. – Ô Rumeurs et Visions ! Départ dans l’affection et le bruit neufs !’  Il pourrait les réciter mais peut-être aussi n’est-il jamais vraiment d’humeur pour ces futilités. Et pourtant, ce n’est pas la première fois qu’il lit, qu’il parcourt ces poèmes de Rimbaud qu’il laisse bien souvent sur cette table ou il note les entrées et sorties, où il établit les comptes de ce lieu qui n’est que couverture. Mais une couverture dont il prend grand soin. Le livre est au creux de ses paumes quand il avance, se contente de jouer les physionomistes pour ne jamais être pris de court quand il s'agit de sa la librairie. Ces mots de Rimbaud font échos à ses nombreux voyages, serait-il temps de partir à nouveau, de revenir ? Il n’en est jamais certain quand il s’agit de cette question insinueuse. Mais il sait que la réponse serait indéniablement oui malgré le malaise parfois ressenti dans la capitale. Il sait qu'il serait bien incapable d'abandonner les Nostredame.

Une voix le tire de ses pensées quand il s’avance, paradoxalement à moitié conscient de ce qu’il se passe autour de lui tout en l’étant. Il a vu la Shafiq entrer, n’a pas douté un moment de sa destination en furetant dans cette librairie même s’il est certain de la même façon que chacun peut vous surprendre même en ayant des prédispositions, préférences nettes comme lorsqu’il s’agit de l’Egypte antique pour celle qu’il reconnait alors qu’il ne lui a presque jamais adressé la parole. « Bonjour. » Il la salue de cette même façon qu’elle a eue de le saluer, il n’y a pas de raison. « Il n’y a aucun problème, vous ne me dérangez nullement. » Il n’ira jamais dire le contraire dans cette librairie quand bien même l’intrusion est parfois dérangeante. Il n’en aurait pas choisi ce métier et rarement sont les désagréments causés par une rencontre entouré de livres récents comme anciens. « S’agit-il d'un livre devant se trouver dans la section dans laquelle nous nous trouvons ? » Il y en a certains qui ne sont pas encore arrivés, cela prend du temps entre les maisons d’éditions, l’auteur et l’arrivée ici. En voulant parfois être si différents d'eux, les voilà curieusement similaires à leurs homologues moldus.

S’il est vrai qu’il recherche des nouveautés quand le mot magie est différente que celle qu’il ne possède pas, il admet qu’il n’est pas fin connaisseur de l’Egypte dans son ensemble, qu’il est curieux des travaux de la femme qui s’adresse à la mauvaise personne, peut-être bien, celle qui devrait tout connaitre des livres de la librairie Athena mais qui n’en connait qu’une faible partie. « Dites-moi donc quel est le sujet du livre qui vous intéresse aujourd’hui ? » Il demande la précision, ce n’est qu’ainsi qu’il pourra lui dire s’il est encore dans la réserve ou s’ils font partie de ces raretés qui aiment se faire désirer.