there is a heat and a flame inside me (lorenzo)

RP Perdu parce que je suis une patate qui édite au lieu de citer (je retape ça very soon sorry)

Alors que le froid lèche ses joues, Neith se dit qu’elle a hâte de retrouver la chaleur du Caire, ses rues bruyantes et sa vie névralgique, les pyramides du Kheops et le calme de l’Oasis de Siwa. Avec les années, elle a appris à aimer Reims et son froid. Elle a aimé aussi aider à la reconstruction, eut une partie de son cœur fissuré lors des bombardements de la Grande Guerre. Mais c’est différent. La France, elle a appris à l’aimer par adoption. L’Égypte, elle a cela dans le sang. Ce genre de choses ne s’explique pas. Et à voir le soleil qui se cache, elle se met à compter les jours.

Jusqu’à ce qu’un autre soleil se matérialise dans la cour des Antiques Rêveries.

Il est un soleil d’été qui chauffe de son amour. Neith n’a jamais eu d’amour d’été. Elle a eu l’amour de sa vie, le premier amour d’adolescent, l’amour d’une mère, d’une sœur,  d’une fille et d’un frère, l’amour d’amitiés interstellaires, l’amour d’une nuit, l’amour multiple, mais d’été, jamais. Est-ce que cela ressemble à lui, Lorenzo de Medici dans son manteau trop chaud, son pull qui dépassait ?

Peut-être., se surprit-elle à penser. Mais elle savait que les amours d’été étaient aussi fugaces qu’ils étaient parfois douloureux lorsque la séparation venait. Que cet amour d’été là avait une part de violence en lui qu’elle avait vu quelques jours auparavant.

Mais même les amours d’été ont leurs défauts. Il fume. Pour Neith, c’est un gros défaut. Mais ici, à cette époque, tout le monde fume. Elle se surprend simplement à penser que même si elle a pu sentir l’odeur de la cigarette quelque part sur lui, elle ne l’a pas vu fumer la dernière fois. Elle voit la cigarette tomber au sol dans un geste et elle ne s’empêche même pas de lever un sourcil. D’un geste de la main et d’un sortilège informulé, elle fait en sorte que la cigarette se consomme à peine, mégot avec.

Pas de ça sur le trottoir de son établissement.

Il a beau sourire comme le soleil, elle lui jette un regard lourd de sens de ne jamais recommencer sous son nez. Comme un défi. Mais elle le laisse entrer en silence. Là, dans le vide des Antiques Rêveries en cette heure matinale, elle n’a nullement besoin de prétendre réellement à jouer au client et à la directrice. C’était après tout une façon de négocier comme une autre.

D’un sourire en coin, presque mutin, elle lui fait monter les escaliers jusqu’à son bureau. Son regard se détache de lui pour se poser sur un Cerbère qui, excité, fait des ronds autour de la table basse à cause de la nourriture. Neith avait passé beaucoup de temps à le dresser et savait qu’il n’y toucherait pas mais s’accorda un coup d’œil pendant que Lorenzo se débarrasse de ses affaires. Cerbère s’approche d’elle joyeusement et Neith le caresse un instant avant de lui indiquer son panier. Sa récompense pour avoir été sage viendra plus tard.

Si elle ne voit pas son regard sur elle, elle revient à lui pour savoir s’il était bien à son aise. Elle se rend compte de sa proximité et apprécie la caresse sur sa joue, ces doigts qui font remonter son regard et elle se retrouve dans la mer Méditerranée. Si elle est surprise, ce n’est pas parce qu’il est tendre, ni qu’il est si honnête. Elle trouve cela aussi charmant qu’amusant. C’est qu’elle est surprise de ne pas savoir que penser de ce que cela lui fait, qu’un autre homme se permette de la toucher ainsi, de l’embrasser ainsi et d’être aussi honnête sur ses ressentis.

Cela ne fait quelques jours, mais elle comprend ce qu’il veut dire car lui aussi lui a manqué. Elle a pensé à lui, elle ne peut pas le nier. Dans tout le capharnaüm de sa vie et de ses vieux fantômes qui ressurgissent, il était bien présent dans ses pensées.

« Toi aussi, tu m’as manqué. » avoue-t-elle.

C’est à l’instant qu’elle la vit, cette cicatrice qui n’était pas là lorsqu’elle l’avait vu. Ses sourcils se froncent. La scène quand qu’ils ne se séparent lui revient et Neith sent de nouveau quelque chose. Ses tripes.

Il lui faut quelques secondes pour comprendre qu’il lui parle de la nourriture et son air pensif disparait pour prendre un air un peu plus amusé.

« Ce n’est pas moi. C’est Kahina, ma cuisinière, qui fait toujours beaucoup pour qu’on ne meurt pas de faim. Elle sait que sans sa cuisine, je mourrais de faim… Ou irait au restaurant. »

Un fin sourire amusé se dessine sur ses lèvres et Neith revient à lui pour le regarder de nouveau, s’arrête de nouveau sur sa cicatrice. Sa main se lèvre et elle vient avec douceur caresser cette dernière. Elle ne dit rien, n’a besoin de rien dire car tout ce geste parle pour elle.

Elle a vu. Elle fait attention à lui. Et elle note.

De ce qu’elle pense réellement, elle n’en montre rien mais se contente de jouer son rôle d’hôte habituel : l’hospitalité chez les Shafiq est importante.

« Assis-toi, je t’en prie. »

Elle s’asseoit elle-même sur le canapé, croise les jambes sous sa robe.

« Comment vas-tu ? »

Bien que sa question soit réellement intéressée, ses yeux cherchent les de théières. Kahina a fait du café et du thé visiblement.

« Thé ou café ? Le thé est à l’égyptienne. Le café à la turque. »

Elle le serre en fonction de ce qu’il souhaite à la main, toujours.

Du café. Neith a un sourire en coin. Nulle doute que Kahina qui lisait les feuilles de thé voudra s’essayer au marc de café qu’il aura bu. Neith ne la laisse en général pas faire sur les invités. Mais elle sait que la pétillante doula finira par savoir avec qui elle était. Elle le sert à la main en café et fait de même avec son thé.

Son regard se porte sur la nourriture. Foul Medames servi avec du pain baladi traditionnel égyptien, ta’meya et tahini, roz bel laban et konafa au miel. Sans pour autant être partie, Neith a l’impression d’être de l’autre côté de la méditerrannée. Elle se décide à prendre le bol de riz au lait, s’imprègne des odeurs de cannelle et de vanille garni de noix et de raisins secs.

Puis, elle relève ses yeux vers lui, une lueur presque enfantine dans le regard alors qu’elle met la cuillière à la bouche.

Elle l’écoute avec attention. Son corps se fait moins droit et plus confortable dans le canapé à ses côtés. Ils ont dépassé le stade de certaines apparences. Neith n’a plus à prétendre certaines choses. Et elle a envie de se laisser aller à ce que lui évoque ce qu’elle mange : les goûts de l’enfance, un peu de légèreté aussi. Elle manque de légèreté depuis son retour d’Italie. Depuis que Cyril Dubois est de retour.

Elle remarque que Lorenzo ne cherche pas à mentir et elle sourit un peu. L’égyptienne est en revanche étonnée qu’il se livre sur les mariages de ses enfants. Cela lui fait penser à Ruben et son ventre se tord. Elle sait que cela arrivera un jour. Elle sait aussi que sur cela, elle pourra difficilement laisser Crépus faire. Mais son fils porte le nom Lestrange, pas Shafiq. Certains choix difficiles ont été faits. Elle met cela de côté, le plus loin possible. Cela arrivera un jour mais pas tout de suite. Elle a le temps d’anticiper.

Quant à savoir si le père de Lorenzo avait joué un beau jeu avec le mariage entre Agnes et Lorenzo, Neith ne pouvait se prononcer. Elle n’était pas suffisamment renseignée sur l’Italie et ses dynamiques de pouvoir. Elle supposait que comme beaucoup de mariages dans certaines sphères, la politique primait au bonheur. Cela avait été son cas aussi. La seule différence était que la politique s’était mélangée au bonheur. Agnes et Lorenzo n’avaient pas eu cette chance. Ou alors de manière trop éphémère. Elle ne les jugeait pas. Elle savait à quel point elle avait été chanceuse et avait elle aussi bien joué son jeu.

« Je suis contente que ton fils aille mieux. commença-t-elle avec calme. Quel apprentissage fait-il ? Je n’ai pas eu l’occasion de lui demander lors de la danse que nous avons échangé à ta fête. »

Elle se rappelait la sensation étrange en compagnie d’Alessandro. Elle ne savait toujours pas quoi penser. Mais, elle ne souhaitait pas de mal à ce jeune homme. Après tout, elle avait un fils, elle aussi, elle savait ce que c’était de s’inquiéter pour un fils.

« Tu finiras par trouver des alliances qui conviendront la plupart. Je doute que dans ce genre de cas on puisse contenter tout le monde… »

Un sourire se dessine sur ses lèvres. Elle savait de quoi elle parlait. Mais lorsque Lorenzo lui retourne la question, son sourire se transforme en rire fortement amusé. Se mettant la main devant la bouche pour être polie, elle termina sa bouchée avant de répondre :

« Oui, beaucoup de choses sur beaucoup de sujets. On va finir par faire un concours du plus occupé avec mon père à ce rythme. »

Il y avait déjà des paris, elle en était persuadée, entre Amonet et Yamanu bien qu’eux deux soient aussi très occupés de leur côté aussi. Neith s’apprête à répondre autre chose quand Lorenzo reprend et ce qu’il note la fait tarir sa bonne humeur.

Avait-elle l’air si fatiguée ? L’était-elle seulement d’ailleurs ?

Oui, indéniablement. Elle avait mal dormi depuis le retour de Cyril Dubois, certains cauchemars la tenant éveillée. Elle sentait parfois le regard de Yamanu inquiet mais silencieux. Il ne réabordera pas le sujet tant qu’elle ne le ferait, elle le savait. Amonet non plus même si elle a déjà tenté. Neith a besoin d’être seule avec tout cela pour l’instant. Alors quand elle ne dort pas, elle travaille ou lit et son emploi du temps et aussi épuisant.

« J’ai du mal à dormir en ce moment et beaucoup de travail avant la série de fêtes de Samhain qui arrivent. »

Elle ne peut pas lui dire toute la vérité mais elle peut lui dire une vérité.

« Et puis, tu sais, même si je ne suis pas présente à la plupart des réunions politiques de mon père, sa campagne s’étend aussi à la maison. J’ai quelques obligations de ce côté-là. »

Si Lorenzo est financeur, il ne sait pas exactement ce que son père et elle-même a prévu. Elle sait simplement qu’elle doit garder le silence sur cela.

Ne perdant pas son sourire, elle fait un geste de la main pour balayer les désagréments et rester sur le même air jovial qu’il a. Elle ne veut pas penser à Dubois. Elle aimerait ne plus jamais le faire tout en sachant que c’est impossible.

« Mais je suis bientôt en vacances et crois-moi, j’ai hâte. »

Elle lui fait un clin d’œil avant de désigner la nourriture.

« Tu veux que je te décrive ce que c’est ? »

C’était étonnant de l’entendre se confier ainsi si ouvertement sur les dynamiques de pouvoir de sa famille. Neith savait que chaque famille avait sa façon de faire, d’agir mais aussi de penser. La famille était un écosystème bien à soi. Un écosystème qui pouvait être aussi bancal que parfait. Elle est leur centre à lui comme à elle et ce n’était pas les dix années qui les séparaient qui semblait changer cela. Certaines choses étaient universelles.

Un médicomage dans une famille d’entrepreneurs.

Elle ne savait pas ce qu’elle imaginait pour Alessandro en réalité. Alors, elle n’en pense pas grand-chose. Elle se dit simplement que ce jeune homme avait probablement autant sur les épaules que son père. Et cela lui fit penser à son propre fils et à tout ce que Ruben pouvait porter sur ses frêles épaules. Tout ce qu’elle y avait mis et tout ce que la vie lui avait mis également. Elle a envie de dire à Lorenzo qu’il fait bien de préparer son fils, qu’il devrait le faire autant qu’il le peut. Certains enfants ont plus de chance que d’autres et c’est l’image de Ruben qui lui revient dans ses bras quand il a fallu lui annoncer. Il était si petit, si innocent. Incapable de prendre la relève. Pas à huit ans.

Neith dérive un peu dans ses pensées mais revient bien vite à Lorenzo qui reprend sur les Colonna, les Medici et les susceptibilités de chacun. Elle lui offre un sourire compatissant qui se passe de mots. Sans doute que des questions du même genre se poseront le jour où ce sera le tour de Ruben. Mais pour elle qu’il soit un fils ou une fille, le voir se marier serait dur dans tous les cas. Elle n’a aucun conseil à lui donner et ne s’amusera pas à cela. Cela ne la regarde pas et elle ne veut en rien interférer avec tout cela.

À la place, il lui a retourné une question alors elle y répond avec autant de sincérité qu’elle le peut tout en cachant la vérité. Tout était une question de demi-vérités et elle savait que c’était sûrement son cas à lui aussi.

« Si tu aimes le salé, tu as du Foul Medames. Ce sont des fèves mijotées avec du cumin, de l’ail, du citron et de l’huile d’olive. Kahina y a rajouté des tomates hâchées et des œufs durs. Tu peux goûter avec ce pain qui est traditionnel. On l’appelle le pain baladi. À côté ce sont des Ta’meya, des falafels aux fèves également et je te conseille de les goûter avec cette sauce qui est du tahini. C’est une sauce au sésame. »

Puis, elle désigne son bol.

« Ceci est du riz au lait parfumé à la vanille et à la cannelle, avec des noix et des raisins secs. C’est de loin mon dessert préféré. Kahina s’assure d’en faire beaucoup pour qu’il y en ait tout le temps. Ça s’appelle du roz bel laban. »

Enfin, son doigt s’attarde sur les pâtisseries.

« Et ça, ce son des konafa au miel. Ceux-ci ont de la crème pâtissière je crois. »

Elle a beau être une catastrophe en cuisine, elle a vu tant de fois Kahina cuisiné qu’elle connait nombre des ingrédients par cœur. Parfois, quand elle était plus jeune, elle lui passait simplement les ingrédients quand elle lui demandait.

À l’évocation de la passiflore, Neith acquiesce.

« Oui. Mais j’évite pour l’instant. Ce n’est rien. Cela passera. »

Elle balaie d’un revers de la main ce désagrément. En réalité, elle sait que ça ne passera pas. Pas tant que Cyril Dubois sera libre de ses mouvements à aller et venir dans les soirées de l’Aube et s’y investir. Mais Neith se sent bloquée. Elle ne peut rien faire pour l’instant et ne veut rien faire. Alors, elle attend que ça passe pour l’instant. S’il reste là où il était, se contentait de serrer des mains pour l’Aube et qu’elle avait toujours la possibilité de juste l’éviter au mieux, au pire de se retrouver toujours avec quelqu’un avec elle … Yamanu et Amonet s’assuraient qu’elle le croise le moins possible en la prévenant. Elle pouvait serrer les dents.

Elle n’était plus à cela prêt.

Dans son déni, elle se disait que l’homme se lasserait de la chercher et demander de ses nouvelles. Elle avait déjà passé le mot à sa secrétaire de ne pas prendre de rendez-vous avec cet homme s’il le demandait et de l’orienter vers un de ses employés, qu’elle était très occupée, ce qui était vrai dans l’absolu.

Il allait finir par redisparaitre. Il lui fallait simplement être patiente.

Son sommeil s’améliorerait. Elle comptait également sur ses vacances pour que cela soit le cas. Elle lui sourit pour le rassurer, parce qu’elle a l’habitude de faire cela auprès des siens. Il continue sur les potions et mentionne les Rosier, sa fille. Elle, elle est trop empêtrée dans les images qu’elle a l’habitude de refouler pour chercher quoi que ce soit chez lui. Elle décide de prendre un peu plus longtemps la cuillière du riz au lait égyptien dans sa bouche. Le goût fait fuir les images. Avec le temps, elle a trouvé ses techniques pour s’ancrer dans la réalité et non plus dans ses souvenirs traumatiques.

« Tiens, goutte. » dit-elle en faisant diversion.

Elle plante sa cuillière dans son bol et une fois le condiment dedans, elle attend qu’il soit prêt. Son regard ne le quitte pas et un fin sourire se dessine sur ses lèvres. Une pensée fugace lui vient, celle qu’elle a très envie de goutter ses lèvres juste après qu’il eut goutté.

C’est toujours un jeu compliqué qu’elle pense maîtriser. En réalité, elle sait que les gens ne veulent voir ce qu’ils veulent voir et elle en joue la plupart du temps. Que la force du déni est puissante. Il a suffi de quelques mensonges pour que ses parents ne se rendent compte de rien et cela aura continué de la même façon si elle n’avait pas été prise au dépourvu quelque chose plus tôt. Maintenant, elle se préparait à toutes les éventualités, toutes les possibilités qu’elle recroise Cyril Dubois puisqu’elle le savait dans un environnement plus ou moins proche. Elle ne se laisserait pas avoir deux fois, le croyait-elle, restant en hypervigilance depuis ces derniers jours. Ce qui l’épuisant sans doute davantage qu’elle voulait l’admettre. Même ici avec lui se rend-t-elle compte. Même devant son air naturel devant les plats qu’il goutte et qu’elle observe avec une satisfaction qui lui fait plaisir. Quand elle raconterait ça à Kahina, sans doute que la cuisinière serait également ravie.

Peut être ne racontera-t-elle ce qu’elle est en train de faire avec son riz, sa cuillière et le jeu qu’il semble jouer.

Elle ne le quitte pas des yeux non plus, amusée. Tout est bon pour chasser les sensations qui lui viennent et celle de la main chaude sur son poignet l’est. Un léger rire s’échappe de ses lèvres à sa question.

« J’ai dit cela, c’est vrai. » répond-t-elle avant de se pencher avec douceur comme déposer un baiser sur ses lèvres.

Elle s’écarte pourtant à la dernière minute pour glisser du côté de son oreille, s’enivre du parfum de l’italien et s’y accroche pour terminer de chasser les images traumatiques avant de lui murmurer :

« Merci de me rappeler à l’ordre. »

Elle se recule mais ne lui laisse pas moins son poignet qu’il tient de toute façon. Son sourire est lumineux sur son visage et elle a un rire silencieux.

« Plus sérieusement, je me suis effectivement préfiguré que tu n’étais pas là pour acheter quoi que ce soit. Mais si tu veux vraiment acheter quelque chose… » Elle prend l’air sérieux qu’il lui connait. « Nous pouvons toujours parler commerce, Monsieur de Medici. »

Elle rit un peu avant de souffler :

« Ceci dit, ce n’est peut être pas une mauvaise idée de parler de nous après ce voyage en Italie, tu ne crois pas ? Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Comment imagines-tu la suite ? Que veux-tu dans cette relation ? »

Elle a tant de questions. Certaines qui sont simplement là pour se positionner dans son niveau d’implication sentimental. D’autres qui sont simplement techniques pour ne pas commettre d’impairs. Certaines très personnelles, comme de comprendre la noirceur qui se cache chez lui et qu’elle a aperçu sans le vouloir. Mais ce genre de questions sont trop tôt à poser et ils ne sont qu’au début de quelque chose après tout. Pourtant, elle sait qu’elle doit tout borner avant que cela ne dérape. Pour plein de raisons. Leurs noms respectifs, le nom qu’elle avait il y a quelques années, leurs alliances et loyautés mutuelles, Agnes aussi. Leurs réputations respectives. Neith sait que parfois l’innocence fait devenir inconscient et elle n’est pas du genre à tout faire sur un coup de tête.

Tout est se marchande.

Les affaires comme l’amour.

Elle voit l’effet qu’elle fait sur lui et cela la fait sourire. Pourtant, elle ne perd pas le nord. Elle n’est pas du genre à tout risquer sur un coup de tête. Elle sait très bien ce qu’elle fait à présent. Elle sait très bien pourquoi elle veut continuer si elle continue avec lui ainsi. C’est une façon de garder le contrôle face à l’ombre qui la suit toujours. Lorsqu’Alaric avait su ce qu’il en était, il lui avait dit qu’il comprenait mieux pourquoi il avait l’impression qu’il y avait toujours cette ombre qui revenait régulièrement sans qu’il ne sache pourquoi. C’était là quelque part dans son regard à des moments fortuits. Neith savait aussi que cette ombre qui n’était plus si ombre était le fondement même de la façon dont elle envisageait beaucoup de chose, surtout avec les hommes. Voilà des jours qu’elle était en hypervigilance et dans cette pièce, en cet instant, elle continuait à l’être. Comment ne pas l’être face à lui finalement ? Après ce qu’elle avait vu. Après ses soupçons qui n’étaient que des idées qu’elle avait pourtant du mal à croire. Et il était un homme marié. Cela rajoutait à la vigilance qu’elle devait avoir.

Qu’elle aborde le sujet ne sembla pas apprécié par l’italien. Déjà elle voit le sourire charmeur et solaire disparaitre. Elle, elle reste à sourire un peu. Croyait-il réellement qu’elle allait se lancer dans tout cela sans une discussion ? Peut-être, se dit-elle qu’il a l’habitude que cela se passe ainsi d’habitude. Mais elle n’est pas comme toutes les autres femmes qu’il a fréquenté, non pas parce qu’elle se considère comme spéciale, unique. Mais bien parce qu’elle est différente. Toutes les femmes le sont. Il n’y a que les hommes sûrs d’eux qui ont du pouvoir sur elles qui pensent qu’elles sont toutes pareilles.

Se saisissant de sa tasse, elle l’écoute donc. Les premiers mots ont le mérite d’être durs mais honnêtes et c’est exactement ce qu’elle veut, de l’honnêteté. Elle ne le prend pas personnellement. Il est sage dans son raisonnement même si tout ceci est un manque de respect envers Agnes. Neith sait qu’elle n’est pas innocente. Elle aurait très bien pu dire non et elle sait qu’elle a sa part de responsabilité. Elle ne le niera pas. Elle n'était pas toujours la sœur-femme qu’elle pensait être d’une certaine façon. Mais elle supposait qu’elle ne pouvait pas être parfaite non plus. Dans un monde contrôlé par les hommes, il était dur de ne pas rentrer dans le jeu pour tenter de s’en sortir.

Elle est tout de même un peu surprise qu’il accepte si facilement le secret. Elle n’avait pas l’impression qu’il était si secret que cela avec ses autres… maîtresses ? Était-ce ce qu’elle allait devenir ? Qu’est-ce que cela lui faisait ressentir ? D’être la femme cachée ? C’était totalement voulu, bien sûr, parce qu’elle n’imaginait pas les choses autrement. Elle trouvait néanmoins ironique qu’elle soit à cette place à présent. Autrefois, elle avait préservé le secret de ses relations multiples pour plein de raison : l’aspect privé de ses amours, protéger une femme de sa famille… sa réputation, évidemment. Mais là, tout était différent. Il y avait bien plus en jeu. Et il le dit très bien : Lestrange.

Que veut-elle ? La vérité. C’était aussi simple que cela. Mais elle savait qu’elle devait s’armer de patience. Et sinon ? Elle boit sa tasse en réfléchissant. Puis, après quelques instants de silence, elle répondit :

« Je n’attends rien non plus. Je sais très bien que cette histoire aura un point final que cela soit toi ou moi qui le mettrons pour plein de raisons. Cela arrivera. Ce n’est pas grave. Je vois cette relation comme une transition pour moi. »

Elle se doute que cela manque de chaleur mais il est aussi question d’elle. Elle ne s’est pas lancée dans leurs ébats sur un coup de tête en Italie. Il le sait, après tout, elle le lui a déjà dit. Mais c’est aussi une façon de lui dire que contrairement à toutes les autres, elle peut partir quand elle le souhaite, qu’elle le peut et qu’elle le veut. Lui aussi d’ailleurs. Elle n’est pas attachée, pas encore et quand bien même le serait-elle, elle sait très bien où son ses loyautés.

« Le secret, nous sommes d’accord là-dessus. Cela ne nous empêchera pas de profiter pour le temps dont nous disposons. Mais je ne veux pas être mêlée aux crises de ton mariage comme ce fut le cas. Je vais être honnête sur ce point : si cela devient trop compliqué, que je sens qu’il y a des risques de retombées sérieuses sur ma famille et mon fils, j’arrêterai tout. »

Il n’y avait rien de personnel. Elle ne faisait que préciser ses priorités. Sa famille. Son fils. Sa famille, dont elle ne disait pas qu’il s’agissait aussi des Lestrange. Son fils, sa vie, et la raison de beaucoup de ses choix. Elle expire doucement avant de poser sa tasse, puis de planter son regard dans celui azur de l’italien.

« Aussi, je ne suis pas exclusive. » Elle marque une pause, cherche ses mots. Elle ne veut pas qu’il croit qu’elle fait exactement comme ce qu’il fait avec Agnes. Ce n’était absolument pas la même chose. « Ce n’est pas que je ne m’implique pas dans mes relations intimes. C’est juste que je suis capable d’en gérer plusieurs en même temps parce que je suis impliquée émotionnellement de la même façon dans chacune, mais que surtout, tout le monde est au courant et d’accord avec cela. Il n’y a pas de tromperies avec mes partenaires… Mon ex-mari et moi-même avions un accord à l’époque si tu veux. » Elle le fixe un peu. « Alors, si tu penses ne pas pouvoir gérer le fait que je passe du temps avec d’autres surtout ceux avec qui je peux m’afficher en public, je pense que nous ferions mieux d’arrêter là. Je ne veux pas provoquer de crise de jalousie, ni te mettre dans un inconfort quelconque et je ne veux pas retourner dans… l’ombre à ce propos. Mais je peux très bien te rassurer si besoin est. »

Certainement pas maintenant qu’elle savait que c’était ce qu’elle voulait, ce qui la rendait heureuse.

Elle sait qu’elle renverse les rôles. Enfin, elle se le préfigure. Mais c’était aussi une question de préservation. Elle savait parfaitement qui elle avait en face d’elle, tout du moins de ce qu’elle en savait et ce qu’il montrait. Et elle préfère être honnête. Elle trouve qu’ils sont rares ceux qui parlent des fins possibles d’histoire, mais ces dernières années lui ont montré que c’était nécessaire. Elle espère, bien sûr, que cela arrivera le plus lointain possible. Mais elle ne se leurre pas : même s’il lui disait le contraire, elle savait qu’elle n'était elle-même qu’une passade. Il était marié après tout. Ils n’avaient aucun avenir. Elle ne resterait pas toujours la femme cachée parce qu’elle avait un peu plus d’estime d’elle-même et qu’elle n’est pas une ingénue à espérer encore et encore. Elle n’avait plus seize ans. Elle ne va pas lui rendre la vie difficile s’il la quitte. Ils sont adultes. Ou alors, se demande-t-elle, est-ce ces dernières années qui l’ont endurcie ?

Parce que dans son monde, il y a eu un point final abrupte à la plus grande relation de sa vie. N’était-ce pas évident qu’elle se préserve en imaginant une fin à toutes les prochaines ?

Une part d’elle s’attend à être tournée en dérision ou qu’il s’énerve. Mais rien. Rien ne vient. Elle n’arrive pas à le lire et cela la trouble. Elle reste perplexe sans le quitter du regard. Encore plus quand elle le voit sourire de nouveau et … elle ne peut pas s’empêcher de penser que cela sonne faux. Mais elle l’écoute attentivement et son air perplexe finit par disparaitre sur ses premières paroles. Elle ne s’attendait pas réellement à ce qu’il est une réponse. Peu, quand elle abordait le sujet, en avait une parce qu’elle savait qu’elle ne rentrait pas du tout dans les schémas classiques.

La suite la laisse pensive et elle mesure ses paroles avant de finalement poser sa tasse à moitié vide :

« Je ne m’attends pas à ce que tu saches dès maintenant. Tu as le droit d’y réfléchir. Tu peux me poser des questions aussi, si tu le souhaites. Je sais que ce n’est pas… conventionnel. »

Si son ton est doux, elle le détaille un peu plus, essaie de voir ce qu’il pense vraiment sans y parvenir.

« Je veux essayer avec toi, oui. J’en ai envie. Et non, tu n’es pas une charge, ce n’est pas ce que je voulais dire. Excuse-moi. »

Elle n’a aucune honte de s’excuser. Elle se demande si elle n’a pas vraiment perdu l’habitude de parler de ce genre de choses. Après tout, elle sort d’un tunnel de trois ans.

« J’essaie simplement d’être honnête et de ne pas te prendre par surprise et que tu te retrouves au pied du mur. C’est contre mon éthique de ne pas communiquer là-dessus. » explique-t-elle avec calme et patience.

Elle marque une pause et regarde un instant ailleurs avant de se passer la main sur la bouche comme si elle réfléchissait. Une certaine hésitation vulnérable naît sur son visage et puis elle soupire.

« Tu es ma première relation depuis le décès de mon époux. » confesse-t-elle. « Je ne dis pas que dès demain, j’aurais d’autres amours que toi. Je n’en sais rien, mais c’est une possibilité. Tout comme toi, je suppose, tu pourras en avoir. »

D’autres amours que toi. Elle l’a dit avec une telle fluidité qu’elle s’en épate elle-même. Est-ce que ça voulait dire qu’elle se laissait l’opportunité avec lui ? Est-ce qu’elle pourrait réellement tomber amoureuse de lui maintenant qu’elle était un peu attachée ?

Il avait raison. Elle ne lui devait rien et c’était ce qu’elle voulait lui faire comprendre. Elle pouvait tout arrêter tout moment, n’avait rien à voir avec toutes les autres avant elle et toutes celles sans doute après. Cela ne l’empêchait pas d’être honnête sur la femme qu’elle était et ce qu’elle voulait. Son veuvage aura au moins eu ce mérite-là : lui faire assumer ce qu’elle désirait réellement à présent sans s’excuser. Pourtant, elle ne sait pas ce qu’il se passe derrière ces yeux bleus. Les expressions sont étranges sur son visage inexpressif et cela la perturbe légèrement, se rendant compte qu’elle a encore du chemin pour apprendre à le connaître. C’est presque trop facile tout cela, lui, l’italien avec sa bonne dose de machisme évidente.

Et puis enfin, le doute qu’elle ressent se concrétise avec ce qu’il dit ensuite. Cette fois-ci, elle se fait pensive. Comment interpréter ses paroles et ce sourire qui lui semble plus réel que ce qu’il a dit auparavant. Neith le fixe un peu, le voit récupérer sa tasse, le laisse faire, ne bouge pas d’un cil et l’écoute attentive. Elle s’interroge à ses paroles. Elle veut bien qu’il le vive mal, mais ne se met-il pas à la place de sa femme ou des autres femmes qu’il y a eu avant elle ? Non, définitivement pas. Mais s’il ne s’en sent pas capable... est-ce une bonne idée de continuer ainsi ?

Elle a ses réserves mais elle peut lui laisser le bénéfice du doute et les laisser essayer.

Est-elle surprise qu’il lui demande ce que lui-même ne faisait pas auparavant ? Non, mais elle admet que d’un point de vue pragmatique c’est équitable. Elle lui demande la discrétion, il en fait de même. Elle sait qu’elle peut composer avec cela. Mais ce qui la chagrine c’est surtout le mot « concubinage ». Lui est officiellement en concubinage, marié même, et elle, elle n’aurait pas le droit de se protéger socialement tant qu’elle est en relation avec lui ?

Pensive, elle se contente de récupérer son bol pour manger un peu son contenu en réfléchissant. Elle ne comptait de toute façon pas s’étaler en relations plurielles aux yeux du monde parce qu’elle savait très bien pour quoi elle passerait encore. Mais ne pas officialiser une relation, même qui n’est pas encore définitive était contraignant. C’était toujours un de ses objectifs après tout malgré son emploi du temps qui ne le permettait pas récemment. Mais elle y réfléchissait sérieusement. Cela ne lui laissait donc qu’une seule solution pour convenir aux termes de Lorenzo : arrêter cette relation dès qu’elle se pencherait réellement sur le sujet d’une nouvelle union.

Ce fut après un instant de silence qu’elle répondit :

« D’accord. »

Simplement. Pas de négociations. Elle verra comment elle se sent en temps voulu. Reposant son bol maintenant vide, elle finit par demander :

« Et Agnes ? Comptes-tu lui dire ? »

Parce qu’il faut bien en parler de ce sujet. Elle ne veut pas créer d’incident comme ce qu’elle a vécu à la soirée d’octobre. Être sujette de rumeurs était une chose, mais être humiliée ainsi en était une autre beaucoup moins acceptable pour elle.

« Nous nous connaissons elle et moi. Le sujet pourrait venir. Et très honnêtement, je n’ai pas envie que ce qui s’est passé en octobre se reproduise. » expliqua-t-elle. Lui devait sûrement se souvenir le silence qui avait précédé cet évènement puisqu’elle avait fait exprès de ne pas le recontacter, agacée.