Truth is a dangerous game - Lorenzo

Il y avait bien des moments où être une Medici était un travail à temps plein pour Marie, beaucoup ne voyaient de leur famille que ce que chacun des membres voulaient bien montrer, d'autres imaginaient que l'opulence rimait avec des liens forts et soudés, une image que chacun d'eux parvenaient à maintenir quand ils savaient tous que derrière les portes closes les peintures de leurs portraits s'effaçaient en écailles d'éclats démesurés. Et dans cette mascarade particulièrement divertissante, Marie avait tiré des cartes une information au fumet révoltant. La vérité était chose fragile, à manipuler avec une précaution particulière, mais les cartes ne mentaient pas, La Tour, Maison de dieu qui ne pouvait que représenter leur famille, des changements indéniables à venir couplée au Huit de coupe signifiant départs et détachements émotionnels, et l'Impératrice qu'elle avait tiré, accompagnée de cette sensation familière de la présence d'Agnes à ses côtés alors même que les cartes étaient tirés dans l'intimité de sa chambre. Ou alors faisait-elle tout pour éviter les autres significations possible, la Tour pouvant aussi être une alliance à venir, l'Impératrice pouvait être aussi symbole de pure féminité, représenter tant la mère que la fille. Non, il était bien plus intéressant d'imaginer des soucis dans le couple de ses parents que l'ignoble idée que la fin de sa liberté n'approche.

Ce jeu avait tourné en boucle dans la tête de Marie, alors que ses yeux avaient parcouru les visages de ses parents souvent impénétrables, si elle était en bretagne, nul doute que quelque sacrifice aurait ouvert la voix à une vision plus claire, plus décisive. Ici, sans Maeve et les druides à ses côtés, elle ne pouvait se fier qu'à son instinct. Au dernier coup de poker d'Agnès lors de la soirée pour le retour de son cousin adoré, linge sale lavé en public n'était pas le genre des Medici, et Marie se demandait si tout ça avait un rapport. Alors elle avait fait ce qu'elle faisait de mieux, s'approchant sans trop de mal des lieutenants préférés du paternel, ceux qui gardaient jalousement des secrets que beaucoup ne pouvaient percer. Mais personne ne connaissait ces hommes là comme Marie, il avait fallu quelques sourires, quelques verres de vin gracieusement offert par l'infante, des tournures de phrases agréable pour dévoiler quelques couches du mystère. Evidemment aucun n'avait osé être entièrement honnête avec elle, mais certains s'accordaient pour dire que le couple Medici battait furieusement de l'aile, rien de nouveau pour celle qui avait grandi dans ce dysfonctionnement particulier, dans lequel elle avait fini par se faire un nid, une couverture la protégeant des affres de l'amour.

Mais elle avait fini par décider de tirer la dernière flèche de son carquois, frappant des coups secs sur la porte du bureau du parrain de la Mafia, la voix grave l'accueillant laissait place à un visage adoucis quand Marie traversait l'ouverture avant de refermer derrière elle. Sur son visage, un air encore enfantin d'une jeune femme que le manteau de l'adolescence semble à peine s'échapper de ses épaules. " Tu travailles beaucoup trop Papa " murmurait-elle en avançant d'un pas léger pour se glisser dans le dos du titan, glissant ses mains fines sur les épaules fortes qu'elle massait légèrement avant de l'enlacer et de poser sur sa tempe un baiser tendre, les yeux dérivant naturellement sur les papiers qui se trouvaient face à lui, digne fille du père, elle ne manquait jamais une occasion de grapiller quelques informations sur ce qui se passait autour d'elle. " Que dirais-tu d'une pause ? Un café avec ta fille préférée " Quand bien même était-elle la seule, s'il y en avait eu d'autres, Marie aurait ravi cette place sans le moindre mal. Légère elle s'éloignait, attrapant un vieux bouquin du coin du bureau en faisant mine de s'y intéresser. " As-tu vu Mama ce matin ? Je devais la rejoindre à la chapelle, mais si mon père a besoin de ma présence réconfortante je suis sûre qu'elle pardonnera mon absence et gardera une place pour mon nom dans ses prières. " Jouant gracieusement avec le feu, c'était le dos tourné à son père qu'elle arborait un léger sourire moqueur face à cette simple idée, se demandant bien quels pêchés sa mère priait de la voir expier.

Marie fut légèrement surprise par l'annonce de son père, une retraite en Italie ? Lorenzo n'était pas vraiment de ceux qui prenaient des vacances, a moins d'être particulièrement épuisé ou d'avoir en tête d'autres projets. Peut-être le vol qui avait eu lieu lors de la soirée le perturbait d'avantage. Marie hésitait encore à offrir son aide sur ce sujet, se demandant quand son père et son frère finiraient par se tourner vers elle d'avantage. Mais à l'entendre, Alessandro était déjà au courant de ce départ et se chargerait de reprendre pendant quelques temps les rennes de l'opération, un premier goût du monde qui serait le sien le jour fatidique où la Mort leur arrachera leur pèree. Elle ne pouvait s'empêcher de penser que face à Lorenzo, Alessandro tirait plus du chiot que du loup, mais elle n'en disait rien, préférant l'ombre au conflit frontale quand il s'agissait de ça, après tout il lui était encore utile de n'être que la jeune fille fragile dont on devait prendre soin. Bien qu'a contrario de Lorenzo, Alessandro savait que sa soeur ne l'était plus depuis longtemps.

Elle opinait, sortant sa baguette elle faisait apparaître une tasse fumante face à son père, un sourire satisfait sur les lèvres alors que l'odeur et la couleur du ristretto étaient plus qu'acceptable, évidemment elle ne l'avait pas fait apparaître de nul part, les elfes des Medici gardaient toujours sous le coude des tasses prête à être invoquées de la sorte. Elle finissait par reposer le livre en écoutant son père parler de messes, se tournant vers lui avec sur les lèvres un sourire de parfaite innocence. L'entendre ainsi lui parler de messe était presque risible, pauvre papa, qui avait encore espoir de sauver l'âme perdue de son infante, quand Marie elle même ne trouvait aucune solace à l'idée d'être sauvée. Après tout elle n'avait aucune envie de cesser de pêcher, mais là encore l'image était importante, et elle se devait de maintenir ce masque de parfaite chrétienne, quand c'était bien les rites païens de Bretagne qui avaient accaparé ses attentions. " Va bene papà... évidemment que j'irai à la messe. Peut-être même qu'Alessandro acceptera de m'y accompagner ? Toi et Nonna en Italie, Mamà je ne sais où...on pourrait faire penser à une de ces familles déchirées " Elle croisait les jambes en s'asseyant se hissant sur le bureau de son père, féline dans ses mouvements, sa voix calme et claire cachait jeux et moqueries pour avoir l'air sincèrement inquiète. " Mais tu n'as pas à craindre pour mon âme papà, des enfants du seigneur je suis des plus pieuses " Juste pas envers le bon dieu et les bonnes pratiques, mais pour les druides et leurs rituels, la piété de l'infante ne faisait aucun doute.

" Tu me prends en revanche pour une enfant bien ingrate si tu penses que je ne peux simplement désirer m'occuper de mon père quand il oublie de s'occuper de lui même. " Elle prenait un air faussement outré. " Est-ce un crime pour une fille de s'inquiéter ? Avec tes nuits passées en provence et tes journées ici, et cette affaire avec Allegra..." Détournant l'attention du sujet principal, l'air inquiet sur son visage n'était en revanche pas inventé il y avait bien une part d'elle qui l'était sincèrement. "Je veux juste m'assurer que tu prends suffisamment soin de toi. A quoi sers une fille sinon à ça ? " Un sourire doux passe sur ses lèvres. " Je suis sûre que Mamà le ferait également si elle était là. Une femme a bien le devoir sacré de seconder son époux non ? Je ne pourrais imaginer ma mère ne pas répondre a ses obligations maritales...Trahir ses voeux..." Puisqu'ils jouaient de religions, elle prenait les mêmes armes. Mais cette fois elle scrutait le visage paternel pour y saisir les moindres changements, le moindre spasme musculaire pouvant guider à la réponse cherchée.